IntroductionC’est un manhua (bande dessinée chinoise) que j’ai découvert récemment et dont je suis rapidement tombé amoureux. La publication a débuté chez Urban China en septembre dernier et c’est plutôt une sortie ambitieuse : La série se composera de dix-neuf tomes de 400 pages, au format A4, à 20 euros ! Il s’agit de tome-double car l’édition originale compte 38 tomes ! Le grand format quant à lui permet de mettre en avant les magnifiques dessins de l’œuvre.
Il s’agit de l’adaptation d’un des plus célèbres romans chinois de wuxia. Publié entre 1957 et 1959, le roman d’origine écrit par
Jin Yong, suivi de deux séquelles, a connu à sa sortie un immense succès qui ne s’est jamais démenti, donnant lieu à de très nombreux films et adaptations TV (la dernière date de 2017). L’histoire et ses personnages ont durablement marqué la culture populaire chinoise, devenant des références incontournables du wuxia, le pendant chinois des récits de cape et d’épée.
Pour les néophytes, le film
Tigre et Dragon d’
Ang Lee constitue un parfait exemple de wuxia : une histoire se déroulant en chine ancienne, mettant en scène des « chevaliers » experts en arts martiaux, bons ou mauvais, prenant souvent part à des événements historiques célèbres.
Jin Yong est parfois comparé à Alexandre Dumas du fait de ses romans extrêmement populaires, mêlant faits historiques et personnages imaginaires, qui se sont confondus au fil du temps avec la réalité historique des événements qu’ils utilisent.
ArgumentLe XIIe siècle. La Chine se trouve coupée en deux : au sud règne la dynastie des Song, vue comme légitime dans le récit, tandis que la dynastie des Jin gouverne le nord et se présente comme un pouvoir corrompu et oppressant. Enfin au nord de la Chine vivent les peuples Mongols, soumis à cette époque aux Jin.
L’histoire débute chez les Song, avec deux amis frères jurés, c’est-à-dire frères de cœur, un statut qui lie deux individus après un rituel consacré. Leurs épouses respectives enceintes, ils vivent paisiblement jusqu’à un soir où un maître taoïste passe sur leurs terres, poursuivis par des assassins Jin.
Ils décident de lui offrir l’hospitalité mais ce geste entraîne leur perte : accusés de trahison par un officier véreux à la solde des Jin, les deux hommes meurent tandis que leurs femmes survivent en empruntant deux chemins différents : l’une chez les Jin, l’autre chez les Mongols.
Guo Jing, élevé chez les Mongols, devient le héros de l’œuvre : c’est lui que le récit suit depuis son enfance, tandis que Yang Kang qui grandit chez les Jin prend le rôle d’antagoniste principal. C’est là la seconde tragédie fondatrice de l’œuvre : les fils des deux meilleurs amis ne seront pas frères jurés comme leurs pères, mais ennemis jurés.
PersonnagesLes quatre « héros »
- Guo Jing
Il s’agit du héros principal du récit. Après la mort de son père, sa mère se retrouve par une suite d’événements en Mongolie, rejoignant une tribu sous le commandement du futur Genghis Khan. Elle y accouche de Guo Jing qui y vit toute son enfance comme n’importe quel jeune mongol avant que ne lui soit révélé ses origines.
C’est un garçon sérieux, honnête, généreux et un peu benêt. Il n’est pas spécialement doué pour les arts martiaux mais il est courageux. Il lui faut travailler dix fois plus que les autres pour maîtriser des techniques mais sa persévérance paie toujours.

- Huang Rong
Une jeune fille d’une très grande intelligence et beauté, dotée d’un talent inné pour les arts martiaux : elle est capable de reproduire presque n’importe quelle technique simplement en l’observant.
Généralement elle se déguise en garçon pour passer inaperçu et elle aime se moquer des autres. Elle est d’une nature insolente et plutôt douée pour manipuler les gens. Lorsque sa route croise celle de Guo Jing elle voit en notre jeune héros une proie facile à arnaquer avant de finalement se trouver désarmée face à son bon cœur et de devenir son alliée, puis à la fin de l’œuvre son épouse.

- Yang Kang
Il s’agit de l’antagoniste principal du récit, construit en miroir de Guo Jing. Après la mort de son père, sa mère est recueillie par un prince Jin (le camp des méchants de l’œuvre) et l'épouse. Ignorant tous de ses origines comme Guo Jing, Yang Kang grandit cependant plutôt mal : arrogant, menteur et tricheur, il n’est pas totalement maléfique mais ses mauvais penchants et sa soif de pouvoir le poussent à l’égoïsme et l’amènent à toujours faire les mauvais choix.
Comme tous les personnages de la série c’est un expert en arts martiaux.

- Mu Nianci
Orpheline recueillie par un vagabond, elle est une experte en arts martiaux et aura le malheur de tomber amoureuse de Yang Kang après l’avoir affronté lors d’un combat de rue.
Mu Nianci est une personne droite et honnête et sa relation avec Yang Kang, qui a également des sentiments pour elle, n’aura de cesse de la tourmenter et de l’amener à le protéger en dépit du fait qu’il soit dans le camp ennemi. C’est un personnage tragique.
Elle se liera d’amitié avec Huang Rong.
Les Sept Preux de Jiangnan
Un groupe de sept chevaliers qui joue le rôle de maîtres de Guo Jing suite à un pari. Ils s’occuperont de la formation de base de notre héros lors de son enfance en Mongolie. Ils sont de forces « moyennes ».
Empire Mongol


- Temujin et deux de ses enfants
Chef de tribu mongol qui recueille la mère de Guo Jing, Temujin est le futur Genghis Khan, nom sous lequel il unifiera toutes les tribus mongoles.
C’est un homme droit et juste qui traitera Guo Jing comme son propre fils suite à divers événements et lui promettra même sa fille en mariage ! Guo Jing est également frère juré avec Tolui, son quatrième fils.
Secte de la Parfaite Complétude
C’est une secte taoïste très célèbre ayant réellement existé. Ses membres apparaissant dans l’œuvre ont généralement existé mais leur version a été réimaginée par l’auteur.
Leur maître est l’un des Cinq Grands Maîtres et ses apprentis sont nommés les Sept Immortels. L’un d’eux, Qiu Chuji, sera le maître de Yang Kang mais il ne pourra pas empêcher son disciple de suivre la voie du mal.
Les Cinq Grands Maîtres
Ils sont considérés comme les plus puissants maîtres en Arts Martiaux de Chine. Leurs titre sonts : L’Hérétique de l’Est, Le Mendiant du Nord, Le Venin de l’Ouest, l’Empereur du Sud et l'Esprit Surnaturel du Milieu.
Île des Fleurs de Pêche
Ecole se situant sur une île que les élèves ne peuvent pas quitter, elle est dirigée par l’un des Cinq Grands Maîtres.
Un duo de célèbres assassins à la sinistre réputation est issu de cette école : Les Deux Maléfiques du Vent Noir.
Les Quatre Démons du Fleuve Jaune
Un groupe d'experts en arts martiaux qui vendent leurs services au plus offrant. Ils font office de premiers adversaires de Guo Jing.
Autres

A ces groupes s’ajoutent la noblesse, les généraux et les magistraux des Jin, des Song, d’autres sectes et des personnages spéciaux.
Mon avisRécit initiatique de type wuxia, le début propose un long prologue, d’abord sur les pères des deux personnages principaux, puis sur les futurs maîtres des deux garçons. Il faudra donc un peu de patience avant d’arriver à Guo Jing, élevé chez les Mongols. Et là aussi nous aurons droit à un arc narratif un peu long sur son enfance.
La première partie se lit bien, la seconde sur l’enfance de Guo Jing commence à devenir sympa mais c’est lorsque Guo Jing arrive en Chine et rencontre Huang Rong que l’aventure débute réellement ! C'est un récit dans la plus grande tradition du genre, avec ses intrigues politiques, de vengeance et d’arts martiaux, sa galerie de personnages qui s’agrandit sans cesse, sans oublier les tragédies et les secrets familiaux, les règles stricts régissant la relation maître et disciple, ainsi que les mariages arrangés entre famille, alors que le cœur des intéressés va à d’autres…Bref tout se trouve réuni et extrêmement bien conçu dans cette grande fresque.
L'histoire se trouve évidemment parsemé de très nombreux combats hors du commun et d’apprentissages en tout genre, à grand renfort de noms de technique à rallonge et de confréries diverses et variées. Si vous êtes allergiques au Kung Fu vous risquerez donc de rapidement saturer, mais si vous êtes amateurs le plaisir sera immense tant l’ensemble apparaît comme un modèle du genre. D’ailleurs certains groupes de chevaliers de l’œuvre sont devenus des classiques repris comme modèles dans plusieurs œuvres modernes.
Et du côté du graphisme
Li Zhiqing fait des merveilles : en effet que serait un récit d’arts martiaux sans un dessin à la hauteur ? Le trait de Li Zhiqing est vigoureux et clair, ses découpages puissants et fluides, constituant un argument supplémentaire au caractère essentiel du titre.
Bref une série wuxia incontournable qui j'espère sera soutenu en France !