Je viens vous parler d'un des mangas préférés. En deux tomes, édité chez Glénat. Le tome 2 sort le mois prochain.
Il s'agit d'Abara de Tsumotu Nihei, déjà bien connu pour Blame et Noise entre autres. Il débarque avec Abara dans son style le plus pur mêlant violence insoutenable et SF avant-gardiste. Usant de son coup de crayon impressionnant, le mangaka signe une nouvelle oeuvre courte pour laquelle chaque case est une réussite graphique et encore une fois avec un scénario énigmatique...
Les Shirogauna sont des créatures mutantes métamorphosées qui sèment la terreur dans une ville futuriste. Venant du bas de leur colonne vertébrale, une carapace indestructible ou presque d'ossements se dresse autour d'eux. L'origine ? On ne sait pas. Un homme et une femme vont essayer de trouver.
La noirceur du manga est frappante, et ce par les graphismes parfois difficiles à comprendre tout comme le scénario. Sans donner d'explications aux faits, Tsutomu Nihei ouvre son manga à la monstruosité de tout poil, chaque personnage possède son côté malsain à des degrés divers. Post-apocalyptique ou apocalyptique tout court ? Encore une fois les réponses manquent car tout est suggéré, excepté la violence latente dont le mangaka nous fait profiter à travers son intrigue. L'intrigue peut paraître relativement simple (un règlement de compte entre monstre avec les bons et les méchants) ou extrêmement compliqué (une lutte pour l'émancipation des êtres vers la liberté, un peu à la Matrix). La relativité des propos offert par Nihei réside dans le pouvoir de suggestion dont il sait manifestement faire preuve, même si la ressemblance avec Wolverine SNIKT !! saute aux yeux.
Et tout ça dans un joyeux bain de sang. Les scènes de combat s'accumulent avec une exhibition perfide de la violence. Presque gratuite... si le scénario ne maniait pas avec autant de subtilité le sens de ce terme, tombant tout de même parfois dans l'excès. Selon le point de vue duquel on veut bien se placer, la violence se justifie ou pas. En tout cas, Abara ne fait pas dans la dentelle et ce monde digne d'un roman d'anticipation gagne en profondeur à chaque page concédée. L'aspect monstrueux des combattants n'apparaît dès lors que comme un reflet musclé des humains les contrôlant et l'organisation chargée de défendre la cause humaine souffre de l'a priori du mystère malveillant. Plusieurs lectures peuvent être données à Abara et c'est bien ce qui fait tout son charme.
Nihei n'a rien perdu de sa superbe. Le graphisme est conséquent, dense. Chaque case est un régal avec un trait travaillé et mettant en avant tous les côtés forts de l'auteur. Design et remplissage sont de premier ordre, permettant d'avoir une fureur sombre omniprésente tout au long de la lecture. Le côté malsain est permanent et ressort à travers un découpage développant à souhait l'importance de la noirceur au regard de l'auteur. Les multiples traits de construction imprègnent d'autant plus cet univers de son côté horrifique que Nihei en rajoute une couche par des demi-pages flamboyantes de grandeur. Certes les dessins peuvent, comme pour moi, sembler compliqués ou plutôt incompréhensibles lors des combats mais cela vous oblige de ce fait à se pencher un peu plus dessus et donc de trouver le sens que vous voulez. A la première lecture, j'avoue n'y avoir rien compris et une deuxième m'a été obligée pour faire les liens.
Si l'on y regarde un peu plus loin, on trouvera une dénonciation de notre société. Dès la première page, on nous dit que les Gosabyo (les immeubles énormes) sont là depuis tellement longtemps qu'on pense qu'ils font partie du paysage. De ce fait, le mangaka peind le futur comme si le surplus d'immeuble sera naturel, sans personne pour s'en soucier. Et dans ce monde, la violence est gratuite, les maladies toujours présentes (15 jours pour une consultation). L'auteur nous montre même une grand-mère voyant un homme se transformer en Shirogauna et partir en s'excusant de le déranger. Bref, une véritable critique de la société actuelle, de ses moeurs et ses constructions inutiles et immenses.
Ceci est une critique d'un internaute mais je pense à vrai dire les mêmes chose que lui. Les seules choses avec lesquelles je n'était pas d'accord ont été changées.
J'espère vous avoir convaincu de lire ce manga.
Et voici la couverture du premier tome :
Dès la première page, on nous donne une double page en couleur (à côté, une planche de l'intérieur du livre) :