Mon sang a le goût du fer.
Synopsis
Makoto Tsukimoto et Yutaka Hoshino sont amis d'enfance et de raquette même si tout les oppose sur tous les plans. Makoto est surnommé Smile et se distingue par son caractère froid et antipathique, ne souriant jamais d'où son surnom ironique. Sur le terrain de jeu, il s'attache à jouer son rôle de défenseur à la perfection même s'il ne possède pas la volonté de vaincre, le tennis de table n'étant qu'un simple jeu pour passer le temps. Le seul véritable ami de Smile est Yukata, surnommé Péko. Jovial et meilleur pongiste attaquant du lycée, l'arrogant gamin défie tout le monde à coup de provocation et de vannes incessantes, séchant même les entraînements tellement il est sûr de son talent qui le réserve à l'élite du sport. L'un est le Ying, l'autre le Yang. Mais si tout les sépare, tout peut les rapprocher comme ce fameux tournoi inter-lycées. Et si Péko arrive plein de confiance, c'est bien Smile qui fera sensation. Un chamboulement à tout jamais dans leur amitié et dans leur motivation personnelle...
Histoire banale ?
Nan.
Bienvenue à tous et à toutes dans le merveilleux monde de Péko et de Smile, rempli de joie, de victoire et de gaieté, mais aussi de désespoir, de défaite et de persévérance. Je vous vois à dire ‘’Encore un manga de sport ?’’, devant votre ordinateur. Encore un, certes, mais de loin le meilleur de tous. Renoncez à Eyeshield 21, à Captain Tsubasa et à Prince du Tennis (je ne citerai pas Slam Dunk et I’ll, car non-lus à l’heure où j’écris), vous tombez ici sur un tout autre niveau. De plus, à l’image de I’ll ou de Real, on ne parle absolument pas des matchs ici (ou alors, un tant soi peu, évidemment), mais bien des personnages, des évolutions, des mentalités, et de bien d’autres encore. Ne vous attendez pas à des gamins délirants, à des tactiques folles et à des rebondissements inexplicables (je ne dis pas qu’il n’y en a pas dedans, bien au contraire, mais ils sont totalement justifiés), la réalité ici prime. Un personnage qui ne s’entraîne pas perd. Un personnage qui persévère s’améliore doucement. Et personne ne vit le sport de la même façon.
Et puis, chose tout aussi importante, l’évolution est là. On regarde, on voit que les choses bougent, que les choses changent. Dur à décrire que ce que l’on ressent à la lecture (me croiriez-vous si je vous disais que j’ai les larmes aux yeux en repensant au bonheur que j’ai ressenti à lire ces livres ?).
Rajoutez à ça, que nullement vous ne serez autant pris par une histoire à l’image si simple. Les cinq tomes qui composent la série se lisent rapidement, trop rapidement, si bien qu’on est à la fois triste lorsqu’on l’a fini, et heureux d’une si belle conclusion.
Histoire au premier abord simple (deux amis sportifs, un dominant, un dominé), qui se révélera plus qu’excellente. Ping-pong est à classer dans les mangas qu’on ne rencontre pas dix fois, qui vous happent tout entier, sans résistance possible. On vit dans le monde de Péko et de Smile, le temps de quelques pages, avec plaisir et sans aucune contrainte.
Personnages attachants
Bah oui, ils sont eux-aussi exceptionnels.
Makoto Tsukimoto
Surnommé sympathiquement Smile, ou encore Golgo (en référence à Golgo 13), Tsukimoto est un pongiste défenseur faisant partie du lycée Katasé, peu reconnu dans l’ensemble, si ce n’est pour deux joueurs. On le compare souvent à un robot de par le fait qu’il ne montre jamais ses sentiments. C’est un élève studieux, intelligent (preuve : il joue toujours avec un cube à facettes de différentes couleurs, le truc impossible à faire dont je me rappelle plus le nom).
Côté ping-pong, Smile s’efforce de tout renvoyer (et il y arrive), il cherche l’erreur de l’adversaire, mais ne veut pas gagner. Pour lui, le sport n’est qu’un divertissement, c’est débile de donner sa vie pour cela (voir les joueurs de Kaïo). Il n’a absolument aucune combativité, et se laisse toujours mener, notamment par Péko. L’entraîneur du club va vouloir le faire progresser, en voyant en lui le talent, le vrai. Et Tsukimoto va dépasser Péko, ce qui entraînera un grand chamboulement entre les deux (voir le portrait de Péko pour plus de précision).
Yutaka Hoshino
Mon préféré. Il est surnommé Péco, ou Poco (voir les clins d’œil et les références, un peu plus bas) et est un pongiste attaquant du lycée Katasé. Il est extrêmement sur de lui, il sèche d’ailleurs les cours, et lance des paris avec les autres joueurs pour pouvoir prouver qu’il est le plus fort (‘’Hyaaa Ha ! Tu m’as défié trois siècles trop tôt !!’’). On pourrait le détester pour ce comportement, mais au contraire, on l’adore. Il est naïf, charismatique (‘’Mais si je te bats à ce match, tu colleras ‘’Monsieur’’ devant… Tu m’appelleras ‘’Monsieur Poco’’ ‘’), fort, plein de malice. Son rêve est d’être joueur professionnel de Ping-pong, d’être le numéro 1. Il maîtrise très mal le revers, mais a une vitesse exceptionnelle qui lui permet d’attaquer sans répits.
Il gagne toujours contre Smile, qu’il connaît depuis tout petit. Néanmoins, lorsqu’il se fera éliminer dès le troisième tour du championnat inter-lycées, ce sera un grand choc, suivant en plus une défaite sans marquer un seul point. Il se rendra alors compte qu’il n’y arrivera pas, que ça ne sert à rien, qu’il ne sera jamais le numéro 1. Il se mettra à fumer, à manger trop de sucreries (son péché mignon) et ne jouera plus au Ping-pong mais aux jeux vidéos. Seule une vieille femme qui tient un établissement de ce sport le remettra sur la voie, en l’entraînant durement.
Ryûichi Kazama
Le champion. L’homme à dépasser, c’est lui. Elève du lycée Kaïo, surnommé Dragon, meilleur joueur régional, voire même national, c’est le pongiste ‘’parfait’’. Sur de lui (‘’Est-ce qu’il y a une chance que Mister Tsukimoto te batte ?’’ ‘’Aucune !’’), déterminé, une gamme de coups extrêmement variés, principalement tournés sur le placement et l’axe de la balle.
C’est l’homme le plus fort du manga (au début ^^), et c’est lui dont on a peur. Il fait parti des personnages qui croient que la vérité se trouve dans la victoire (voyez Sechs dans un autre genre), et ainsi il ne perd jamais. Il se fout totalement de son équipe et ne songe qu’à lui, ceux qui l’accompagnent ne sont que des bons à rien à ses yeux. Charismatique, fort, un champion qu’on adore pour tout ce qu’il est.
Manabu Sakuma
Surnommé affectivement Démon par ses camarades (Akuma veut dire démon en japonais, voyez D.Gray-man ^^), Sakuma est un pongiste attaquant du lycée Kaïo, connu pour avoir les meilleurs joueurs de la région, et dont le leader est champion japonais. Il est imbu de lui-même, se vante et veut battre tout le monde. Il perdait il y a longtemps contre Péco, mais l’a dépassé en s’entraînant dur. Malheureusement pour lui, l’entraînement ne donne pas tout, il n’a pas le talent, et se rendra vite compte des limites de son jeu. Il se retirera du ‘’circuit’’ à cause d’une défaite contre Smile. Il attaque et est agressif, mais n’a rien de particulier dans son jeu.
C’est un personnage du type borné, qui ne veut que gagner, qui ne supporte pas la défaite, et qui ne croit qu’à l’entraînement. Je l’aime bien pour ses réactions, bien typiques du gars dingue de ping-pong.
Wenga Kon
Wenga est un joueur chinois. Il a été simplement ‘’viré’’ de l’équipe nationale de son équipe, il vient maintenant au Japon pour refaire carrière dans un autre pays. Son jeu use principalement d’effets dans la balle pour gêner l’adversaire. Le lycée dans lequel il s’est inscrit (sorry, ai plus le nom en tête) ne lui plait guère, il n’est ici que pour jouer, et les joueurs l’entourant ne servent à rien et ne méritent pas de s’entraîner avec lui. Il battra à plate couture Péco sans le laisser marquer un seul point, ce qui rendra ce dernier désespéré.
C’est l’exemple type du personnage se battant pour lui, parce qu’il doit le faire, pour se venger. On ne le voit finalement pas beaucoup par la suite, mais il tient une place importante dans le scénario et mérite d’être présenté. Très sympathique à mon goût.
Les autres
Vous avez donc représentés ici, le sportif qui joue par divertissement et sans combativité, celui voulant devenir le meilleur mondial, le joueur croyant trouver la vérité dans la victoire, celui dingue qui ne croît qu’à l’effort, et celui qui se bat pour lui. ‘’C’est ça Ping-pong ?’’. Oh non, il y en a bien d’autres, et pas des moins bons.
L’auteur a ici dressé un spectacle étourdissant entre ces personnages. Les principaux sont excellents, les seconds rôles ne le sont pas moins. Entre l’entraîneur de Tsukimoto (‘’ Apprend la tragédie de Butterfly-Joe’’) le poussant à bout, entre la ‘’mémé’’ de Péco qui le remettra sur les rails, entre les lycéens de Kaïo et le capitaine de Katasé, il y a du beau monde à voir, tous originaux et intéressants, avec une classe ou du charisme. Surement un des panoramas de personnages les plus réussis.
Quand tu es en danger, appelle-moi... Répète trois fois dans ton cœur "Le héros arrive, le héros arrive, le héros arrive"... Et alors j'arrive. J'arrive de la planète Ping-Pong.
Onirisme implacable
Et oui, encore un manga onirique !
Le manga en lui-même n’est pas forcément rêveur. La réalité, comme dit déjà au-dessus, ici prime, et aucune chose n’arrive par hasard. Où alors trouver cette part d’imaginaire dans une telle œuvre ? Dans l’univers. Car le monde qu’a mis en place l’auteur appelle à cela, et ce par de petits détails. Une mouette passe, et de suite le personnage qui la voit est transporté, veut voler, se laisse partir. Et nous de même. L’auteur a une façon bien à lui de faire passer ces sentiments, par les regards, par les gestes, par les situations en elles-mêmes le tout renforcé par les graphismes dignes des rêves les plus farfelus (pour plus détails, voir plus bas). C’est d’ailleurs impossible à décrire par écrit (me demande encore comment je vais finir).
Et ce n’est pas tout. Pour rendre son manga encore plus proche de la rêverie, le mangaka utilise énormément de clins d’œil, partout, pour tout, n’importe quand, dans n’importe quelle situation. On verra des toilettes remplies de tags, avec marqué ‘’Amer Béton’’ en français dans un coin (pour les fans francophones), le logo de Tonkam autre part (encore pour nous), et bien d’autres encore, comme des noms d’auteurs, d’œuvres, des petits dessins de personnages d’autres mangas, des phrases, des références à des marques de confiserie. Pour preuve, regardez cette
planche extraite du quatrième tome (désolé pour la qualité du scan, ai fait comme j’ai pu, j’ai enlevé les paroles à peu près, suis pas très doué pour ça ^^). Vous pouvez voir le dit-logo, Child Planet (manga), Hokusaï (dessinateur et peintre), Akira Kobayashi (chanteur et acteur), Cyborg 009 (manga), le papa de Bakabon et Nyarome (deux personnages de mangas), Uri Geller (un genre de magicien) et bien d’autres encore. Si ça vous amuse, cherchez-les ^^. On se prend donc tout au long de l’histoire à chercher, farfouiller sur les planches pour trouver ces petits clins d’œil (qu’on retrouve dans l’autre œuvre de ce mangaka, mais que je n’avais pas vus à la première lecture). Exemple le plus frappant, peut-être le personnage de Péco en lui-même qui ressemble à une mascotte d’une marque de confiseries (qui s’appelle tout simplement Péco, son petit ami s’appelle Poco, d’où le deuxième surnom quelquefois du personnage).
Le tout est donc à la fois onirique et didactique, et nous sommes invités à jouer, à rêver. Essayer, vous comprendrez.
Auteur délirant et univers rebutant
Je ne vous ai pas encore parlé de l’auteur ? Vous ne savez qui c’est ? Roooooh, désolé, j’avais oublié.
Il s’agit de Taiyou Mastumoto, que certains auront je pense directement identifié de par les dessins. C’est le génialissime auteur d’
Amer Béton édité chez Tonkam, de
Gogo Monsters édité chez Akata, de
Number 5, de
Straight, de
Frères du Japon, de
Printemps bleu et d’
Hana Hokoto (dont certains non parus en France à l’heure où j’écris). Il est né le 25 octobre 1967 pour ceux que ça intéresse, à Tokyo. Il développe un univers très original et étrange à travers des mangas loin d’autres productions commerciales japonaises. Ses histoires courtes sont autant de poèmes graphiques prenant souvent place dans des univers mêlant sport, amitié et non-sens. Ping-pong est une œuvre parue en 1996 au Japon, arrivée chez nous en 2002.
Oui mais voilà, le succès n’est pas forcément au rendez-vous. Et même si les Japonais ont énormément plébiscité l’histoire des
deux Chats ou celle de nos chers pongistes, qui ont été adaptés en films, on ne peut nier que peu de monde connaît ces œuvres dans l’Hexagone. Pourquoi donc ? C’est hermétique. Oh oui, très hermétique. Peut-être pas au point de certains Tezuka (
Leto II l’a dit, Phénix est maître dans le genre) ou de quelques autres, mais quasiment. Et ce parce que l’univers de Mastumoto est étrange. Les dessins sont tordus, hésitants, grossier pas moments, voire même quelquefois avec très peu de détails, à l’heure où le réalisme prime comme pour Bleach ou Naruto. Et il est vrai que c’est dur, très dur, de rentrer dans cet univers si particulier. Mais lorsque l’on y est, qu’on a pris son courage à deux mains et qu’on se force au début à suivre, le temps d’accrocher, je peux vous dire qu’on ne regrette pas le moins du monde. Oh non.
Final grandiose
Ce qui suit relève de la fin du manga, notamment du dernier tome. Pas de grand spoiler, mais ne regardez pas sans avoir lu le manga (si jamais quelqu’un daigne écouter ma voix plaintive suppliant le ciel pour faire apparaître un lecteur).
Le final est magnifique. Superbe. Magique. Exceptionnel. Sûrement un des meilleurs que j'ai pu lire à ce jour. Le manga se conclut sur le duel en finale du championnat régional entre Péco et Smile, les deux amis si différents et si proches. Et là, tout explose. Les sentiments irradient nos yeux (c’est beau, hein ?), on pleure (j’assume totalement) et on adore. On a l’impression que tout est fait pour arriver à ça. Le bonheur que l’on ressent est énorme. Voir les deux amis se battre dans ce match, qui devrait pourtant être sous tension étant donné qu’il s’agit de la finale, est tout simplement merveilleux. On attendait ce moment, ce moment où Péco revient à son meilleur niveau après avoir battu le champion (match d'ailleurs tout aussi magnifique par le plaisir qu'il nous confère), où on a envie de vivre de pareils sentiments avec eux. Et on sourit de les voir se donner. Mais pas méchamment. Eux aussi sourient, même Smile qui se remet à rire. Le bonheur est transmissible par ces pages. Et pas qu’un peu. En totalité.
Le dernier chapitre nous montre ces personnages dans le futur, avec Smile plus joyeux qui entraîne des jeunes, et Péco qui est devenu joueur mondial, et vit maintenant en Allemagne. Ca n’a pas l’air comme ça, mais ça se passe de mots. Véritablement.
Toutes les cellules de tout ton corps... exultent. Elles t'ordonnent d'accélérer. Accélère... Accélère... Le héros progresse à vue d'œil. Il te distance peu à peu... Tu n'es pas pressé... Il n'y a pas à avoir peur... Il n'y a pas à avoir peur !! Tu es bien ici...
Soyons plus terre-à-terre
Un peu de détail, vu que je n’ai pas précisé grand-chose là-dessus pour l’instant.
La série comporte 5 tomes d’environ 200 pages, imprimées sur un papier épais, édité chez
Akata. L’édition est de très bonne facture, avec de très belles couvertures un peu plus rigides (bien que non-cartonnées). Un tome coûte environ 10€, un peu cher, certes, mais ça le vaut bien. De belles petites pages couleurs sont implantées au début. Enfin, un lexique est mis en fin de volume, permettant de bien comprendre toutes les références, tous les détails et toutes les subtilités de l’univers de Matsumoto. Impeccable en somme.
Just me
Petite conclusion avec mon avis personnel.
Je ne vous dirais pas que c’est un chef d’œuvre et que c’est le meilleur manga de sport, ce serait indécent.
…
Ping-Pong est un chef d’œuvre. Ne cherchez pas, vous ne trouverez pas meilleur manga de sport. J’ai adoré l’histoire, j’ai vénéré les personnages. Je ne peux pas dire qu’il entre dans mon top 5, car cette liste est trop flou pour moi (entre Yumenosoko, Planètes, Berserk, One Piece, Jojo’s, Monster, Gunnm et tant d’autres, il est dur de se faire une idée), mais il est clair que Ping-Pong est un énorme coup de cœur, sans doute le plus fort que j’ai eu depuis Yumenosoko (ce qui ne fait pas longtemps, mais ce qui fait beaucoup). Alors oui, le style peut rebuter, alors oui, on peut être gêné, mais il suffit de faire l’effort de se plonger dedans pour apprécier le tout. Et je vous le dis, à vous qui, j’espère, avez peut-être tout lu de mon post, tentez. Ne vous faîtes pas avoir par les drôles de dessins ou le prix, car derrière ça se cache une perle.
Le goût du fer… Mon sang a le goût du fer… Quand on est en danger, un héros apparaît. Il apparaît toujours. Mon sang a le goût du fer ! Un héros apparaît. Il apparaît toujours. Mon sang a le goût du fer.