Voilà un sujet intéressant que tu nous proposes là.
Dans une idée plus généraliste (attention, je digresse du débat initial), j'entends souvent cette phrase sur les mers du web (plus souvent sur les réseaux sociaux et YouTube), comme quoi "Internet n'oublie jamais". Celle-ci est à la fois vraie mais aussi fausse. Selon moi, cette phrase, que nous pouvons tout de même considérer comme une citation, en raison de son utilisation constante, a une signification mémorielle et bien évidemment immatérielle. Enracinée dans nos souvenirs les plus profonds de nos premiers pas sur le web et saupoudrée de l'immatérialité virtuelle du net (sites web, réseaux sociaux, etc.), utilisée pour dénoncer mais aussi pour se rappeler de merveilleux moments, cet ensemble de mots désigne notre attachement à cette technologie, nos hauts et bas en ligne et notre voyage sur les outils qu'elle nous offre. Plus concrètement, nous pouvons souligner sa fausseté, car certaines plateformes de l'infrastructure Internet ont été perdues dans ses méandres (en d'autres termes, non-archivées sur des sites d'archive puis supprimées par la suite, ne devenant que le spectre mémoriel d'un ou de souvenir-s- lointains). De nombreux éléments (images, vidéos, gifs, textes et écrits…) sont à jamais perdus, réduits à l'état de poussière et irrécupérables. L'on trouve également une troisième fonction à cette citation, intimement liée au cas concret évoqué plus haut : la peur de perdre. Ne nous voilons pas la face : plus le temps passe, moins l'humanité ne connaîtra de générations ayant vécu sans le World Wide Web et plus globalement Internet. La nouvelle génération est biberonnée par TikTok (même s'il y a des exceptions) et leurs parents (donc des personnes ayant à peu près la tranche d'âge du forum) le sont de plus en plus. Par la critique d'une plateforme, cette dernière nous attire et indubitablement nous y plonge dans un gouffre addictif sans fin. Comment sera Internet dans les 50 voire 100 prochaines années ? La vie entière de milliards d'individus se retrouvera et se résumera en ligne, publiquement et/ou privativement. Imaginez (dans un scénario catastrophe, mais qui ravira probablement un bon nombre de membres ici) si d'un coup, le net disparaissait (par une panne mondiale permanente, ou alors remplacé par une technologie supérieure, boostée par l'intelligence artificielle ?) ? De nombreuses vies et identités humaines, réellement virtuelles, deviendront de l'histoire ancienne. En bref, cette citation a à mes yeux quatre fonctions : mémorielle, immatérielle, sensorielle (car nous vivons chaque jour virtuellement des événements magistraux ou dramatiques, nous affectant mentalement) et je n'ai malheureusement pas noté la quatrième, pourtant pertinente - et que je n'ai point mentionné ci-dessus [je précise qu'il ne s'agit pas de la peur de pertes virtuelles] -, dans mes notes (oui, je rédige ce post au gré de pensées imparfaites, lourdes et tributaires de mes distractions). Zut. Toutefois, je la pense parfaite pour exemplifier La Volonté du D.
Véritablement, peu de sites web survivent plus de vingt ans. Plus le temps passe, plus nous les comptons sur les doigts de deux ou même d'une main. Comme je l'avais indiqué dans mon post repris par Enitu, c'est presque anomalique que La Volonté soit encore présente. Mais pourquoi donc ? Les sites web d'informations/d'actualités sont pourtant les fondations même du net, et sont, à juste titre et peu après l'apparition des pages orphelines (si l'on met de côté les forums Usenet, intrinsèquement liés au développement d'Internet mais antérieurs au web lui-même), les plus anciennes plateformes du net. Seulement voilà : les mentalités, pratiques, populations et courants de pensées évoluent. Près de 30 ans plus tôt, ICQ, Netscape, Yahoo, Mygale, Lycos ou encore Wanadoo dominaient les espaces en ligne. Aujourd'hui, ils ne sont plus (factuellement, Yahoo existe encore mais est bien loin de son âge d'or). Pourtant, politiquement parlant fussent-ils les racines de ce que nous pratiquons encore trois décennies plus tard.
Seulement voilà : de nos jours, sur Internet, les gens n'aiment plus vraiment écrire (et donc possiblement moins s'exprimer, car nous ne trouvons parfois pas les mots oralement, mais l'inverse peut aussi s'appliquer). Cela n'inclue pas qu'ils ne se posent pas le temps de réflexions (enfin parfois si, en particulier pour les réactions à chaud), mais la marketingisation du web (bien associée à sa rapidité, pour naviguer de pages en pages et être noyé de contenus, c'est-à-dire accéder à une pléthore d'informations en deux secondes) a réduit, chaque jour, le temps passé à l'écrit. À ses débuts, les autoroutes de l'information (encore relatif à la vitesse) étaient décrites comme permettant d'y accéder en peu de temps tout en aiguisant son savoir. Son marketisme par les grandes sociétés high tech (notamment les GAFAM, ne nous leurrons pas) ont transformé et monétisé cette rapidité, sensée faire pleuvoir quiconque de savoir en quelques minutes, en une réduction de nos écrits. À mon sens, les forums sont le dernier bastion face à ça, et la Volonté du D en fait partie.
Mes brèves explications me permettent d'aborder mon second point, qui lie l'arrivée de One Piece à l'évolution de notre consommation sur le net à la survivance de ce site/forum à travers les âges. Tout d'abord, partons d'un constat simple : le manga a débuté en juillet 1997, soit durant les premières années d'Internet (pour vous faire part de mon point de vue exhaustif à ce sujet, j'estime que la naissance, la popularisation puis la démocratisation du WWW/Internet s'étirent de 1993 - année où de rares personnes que j'ai moi-même côtoyé en ligne ont eu leur premier accès - à la fin des années 2000). L'œuvre a grandi aux côtés de cette technologie novatrice et industrielle, et nos pensées et mouvements avec. De posts constructifs et argumentés soulevant nombre de débats, nous nous sommes amarrés vers des côtes aux formats plus courts : les réseaux sociaux. Ceux-ci ne partagent pas le même schéma de réflexion que les forums (posts généralement plus courts, par conséquent moins propices à de longs débats). Pour autant, cela ne signifie pas nécessairement que tout ce que s'y trouve est stupide : j'ai lu certains tweets ou posts (Twitter/X, Reddit..) de fans s'intéressant profondément à One Piece, même si beaucoup d'entre eux ont malheureusement trop facilement tendance à penser que leur auteur favoris est un génie, et ce parfois pour des raisons...navrantes.
Ici, nous savons que nous pouvons exprimer jusqu'au cratère de notre cerveau sans être inquiété par l'éditorialisme d'ange : aucune limite de caractères, le système du forum privilégie les longues discussions aux formats courts, ce qui me plaît bien plus. Comme l'a si bien dit Aurelien, l'un des attraits de la VDD reste la culture de l'écrit : délivrer nos songes constructivement, sans être ramoné par une entité directrice (bon, nous devons bien obéir à des règles de bienséances, mais cela va de soit, et c'est moins pire que de voir son compte signalé sur un média social par un tel puisqu'il n'a pas apprécié notre avis - et oui...ça va loin maintenant -). Je me demande très franchement à quoi ressemblera (dans le fond) la Volonté du D non pas dans 10 mais dans 20 ans. Et jusqu'où la volonté (joking) d'ange le mènera à s'épuiser, par une passion enivrante, solide, fortifiée et authentique, à maintenir cet îlot en vie ? Bout de terre que je chérie aussi et que je ne souhaite pour rien au monde voir disparaître.
Pour répondre plus simplement au post originel, je pense que je n'ai pas encore le recul pour répondre suffisamment à tes interrogations, Enitu. La plupart des 90's (en tout cas sur les réseaux sociaux) sont emplis d'une vague de nostalgie, se rappelant de plateformes passées (telle Skyblog). Politiquement, nous restons des individus ayant porté, dans un collectif et commun accord, une communauté participative pendant deux décennies (plutôt une pour moi). Peut-être que nos discussions serviront à de prochains fans de futurs mangas à débattre sur les mécanismes loristiques et culturels de leur manga phare ? Ou alors sommes-nous condamnés à errer sur notre petit navire, jusqu'à un oubli progressif (à tout hasard : qui songe rester en ces lieux après la fin de One Piece ?) ? Si ce forum semble passé et qu'il figure moins au centre des attentions qu'avant, peut-être conservera-t-il une dimension archiviste ? Socio-culturelle, d'études sur le fonctionnement général des forums (et donc des communautés immatérielles) ? Sur les mécaniques de ces plateformes déchues issues des années 2000 ? Aux jeunes actuels, nous n'avons pour le moment peut-être rien (ou pas grand chose) à apporter, mais qui sait, plus tard iront-ils consulter plus de vingt ans de discussions ? Mais comme je l'ai déjà dit, je n'ai pas encore assez de recul pour cela. Nous vivons dans les premières heures (aka décennies) de décès et fermetures de plateformes actives depuis vingt voire trente ans. Peut-être leur existence et le savoir qu'elles transmettent à leurs lecteurs et lectrices auront-elles un impact dans les décennies si ce ne sont siècles à venir ? Je n'en sais rien. De mon côté, je dois assister à davantage d'événements virtuellement similaires et aux conséquences lourdes sur le long terme pour me munir d'un début de réponse, probablement biaisée.
Bien que le web existe depuis trois décennies et que l'on pense souvent que "20 ans ? À l'échelle d'Internet, ça fait de toi un dinosaure", ce n'en est qu'une durée réduite et incomplète ; digne d'un futur majestueux mais dangereux.
Update du 11 juin : je me suis fait une réflexion récemment (depuis quelques jours, pour être précis), somme toute raccorde avec le sujet. En faisant état de ma propre fréquentation du forum et en observant celle d'autres membres (kisagi, Raldo, le-colombien, MDL, etc.), je me suis rendu compte que j'agis comme (la comparaison ne va peut-être pas plaire et être préjugée, je m'en excuse d'avance) un parisien : je n'ai jamais le temps, éternel pressé. Pas parce que c'est un manque de ma part, mais parce que je ne m'en octroie volontairement pas. C'est simple : je me connecte, j'écris mon ou mes messages (sur le topic de Galaxias, le nouveau chapitre si je le juge suffisamment parlant pour émettre mon avis et l'image de jeu vidéo à trouver) et je me déconnecte illico. Même si c'est récent compte tenu de l'âge du forum, je me souviens qu'à mes débuts, j'adorai flâner en restant connecté. Lire les commentaires des autres. Aujourd'hui, ça reste un peu le cas (et encore, je suis abasourdi quand, en remontant dans des archives, je vois certain-e-s ouvertement dire qu'ils sautent les messages pourtant pertinents d'autres membres juste car ils les pensent immatures ou trop jeunes - en tout cas, c'est l'idée que je m'en fais, ça vaut ce que ça vaut -, comme s'ils se pensaient supérieurs à eux, c'est tellement dommage, et ça relève pour moi d'une certaine immaturité de leur part alors qu'ils en disaient de même de ceux qu'ils visaient), mais ma consommation du forum n'est clairement plus la même. Déjà d'une car son âge d'or est passé depuis bien longtemps (5000+ inscrits pour une douzaine de membres actifs), mais je pense aussi que certains ne veulent plus revenir car ne se sentant plus en phase avec la "nouvelle génération" (ce qui est paradoxal vu qu'il n'y en a pas ; en tout cas, il n'y a pas assez de nouvelles têtes sur les cinq dernières années pour les qualifier en tant que telles), ne retrouvant plus la même ambiance que dans leur jeunesse avec références et façon de discuter différentes. En même temps et avec un peu de recul, cela rejoint une certaine logique : un "seleniel" (j'ai pensé à lui directement en écrivant ces lignes, allez savoir pourquoi :)) aujourd'hui quadragénaire, ne serait pas sur la même longueur d'onde et n'aurait pas la même appréciation, la même motivation d'un débat qu'une personne qui débarque maintenant et commence à s'investir, en partant du principe que c'est un jeune. Par mes propos, je reprends un peu des paroles de JDG il y a quelques années "je vais sur YouTube, je pose ma vidéo comme du bousin et je m'en vais" qui déplorait un manque de communication dû à l'architecture de l'espace commentaires entre lui et sa communauté. Ici, c'est parfois un peu la même chose et cela reflète une absence de communication, pas par un défaut de construction du forum, plus par une transformation de ma (et peut-être notre) consommation. En d'autres termes, la flamme cesse chaque jour de briller, tout devient éphémère (telle une fleur qui se fane, le plaisir et la joie se volatilisant), et cela survient surtout dans les petits éléments (se connecter, observer les quelques sujets actifs, y répondre si l'on a quelque chose à ajouter, partir) ; et bien que souvent sous-estimés (en tout cas, je l'ai vu dans d'autres communautés sur le net), ils sont au contraire capitaux pour la survie d'un forum comme celui-ci. Je vous livre donc cette pensée mineure qui m'envahit depuis quelques temps et qui entre selon moi dans ce débat.
---------------------------------------------------
Bon, j'ai essayé de répondre du mieux que j'ai pu dans ce message, j'ai longuement tergiversé et dérivé, mais en même temps, ce type de réflexions apparaît de plus en plus régulièrement dans mon esprit, et on peut dire que le topic d'Enitu est arrivé à point nommé.
_________________

"C’est peut-être parce que j’ai peur, et qu’il me donne du courage." Bilbo le Hobbit : un voyage inattendu, Gandalf.
Dernière édition par Demons Fire le Mer 11 Juin 2025 20:18, édité 6 fois.
|