THE OTHER WOMANMad Men est toujours
la meilleure série à la télévision. Cette épisode 11 était absolument stellaire, et particulièrement déprimant. A bien des égards, c'était du concentré de Mad Men: en surface, du sexe et des rapports de pouvoirs, des compromis avec l'éthique, Roger qui dépense du fric, des gens qui boivent au bureaux, des propos hautement sexistes, Don qui jette de l'argent à la figure de Peggy, une fille qui se trémousse sur un bureau, des gens qui fument au travail.
Au final, une heure de télévision incroyablement bien écrite qui invoque les saisons précédentes et dessine des parallèles avec tout ce qui s'est passé avant.
Ken et Pete tentent d'amadouer un partenaire de Jaguar. (On se rappel que la perspective de décrocher ce contrat a justifié l'emploi de Ginsberg, qui, certes, est juif, mais au moins est un homme, les aimables pontes à Jaguar ne voulant pas de Peggy précisément pour cette raisons.) Lorsque le type que l'on courtise avidement depuis des semaines suggère que Joan a su capter son regards et qu'une nuit en sa compagnie le "rendrait heureux", Pete, plus dégueulasse qu'il ne l'a été en un bon bout de temps, embrasse l'idée et en fait un plan, manipulant Joan et les partenaires en suggérant aux uns et aux autres que l'autre partie trouve l'idée excellente. Dès lors l'épisode traite cette histoire comme un train qui déraille, une catastrophe ambulante. Même Joan réitérera le geste de toucher la joue de Don, le même que lorsqu'ils se retrouvent à l'hôpital après qu'un type se soit fait amputer le pied. Un geste plein de symbolique dans un épisode plein de gestes symboliques. (Joan refusant de serrer la main de Pete, Don faisant le baise-main à Peggy au lieu de la lui serrer)
Personne n'étant assez courageux pour frapper du poing sur la table, tout le monde finira par laisser les choses se dérouler, du bout des doigts, et tandis que les partenaires tentent péniblement de trier l'information, ayant peine à croire qu'une proposition aussi scabreuse soit évoquée, Don quitte la salle. Roger est dégouté, mais passif, et le voir protester si peu à la probabilité de vendre son grand amour perdu jette un éclairage amère sur un personnage que ses répliques hilarantes rendent pourtant tellement sympathique. Lane quelques semaines avant, avait mis une droite à Pete accompagné de la sentence définitive de "
Grimy little pimp", mais aujourd'hui ne pense qu'à dissimuler l'argent qu'il a détourné. Don pourrait bien être autant en train de défendre Joan que son propre travail, dont, il le sait, la valeur ne peut que pâtir de tels arrangements.
On pourrait débattre pendant des heures des motivations des personnages. Don clairement perd de son pouvoir et refuse de le voir: ce n'est pas parce qu'il claque la porte que la discussion s'arrête, ça lui permet seulement d'endosser le beau rôle. Mais de toute façon aurait-il pu changer quelques chose ? Depuis la saison 1 la prostitution est un des thèmes de Mad Men. La mère de Don en était une, les responsables de comptes de SC et SCDP ont procurée des dizaines de filles à des clients. Joan a été invitée à mettre certaines robes pour amadouer certains clients et elle se considérait comme maîtrisant ce territoire. Mais là, on sort clairement de sa zone de confort.
Avait-elle le choix ? Clairement, elle devra le payer, mais quelque soit sa réponse, elle aurait du faire face aux autres partenaires. You are doomed if you do, you are doomed if you don't. Ken aurait pu y mettre fin, Pete aurait pu y mettre fin. Mais non.
Pete, qui est quelque part, un personnage tragique, se jette à corps perdu dans ce rôle de salaud de service, incapable de résister à ses pulsions puériles et son ambition dévorante. Un jour Vincent Karteiser se remettra au théâtre et on accourra de partout sur la planète pour le voir jouer Iago, mais en attendant c'est une performance de sa part et de celle des auteurs que de nous faire à ce point regretter que les tondeuse à gazon ne hantent pas les bureaux de manière plus régulières. Parce que nous avons tous très envie de voir le sang de Pete tapisser ces beau bureaux immaculés.
Mais a bien des égards tout le monde se vend un peu, dans cet épisode. Les partenaires en profitant des fruits d'un arbre qu'ils font mines de mépriser, mais dont ils n'ont pas brûlés les racines. Peggy, quand à elle, s'est montrée brillante en sauvant un compte en perdition mais pour cela elle a du jouer la carte "Lady Godiva,
as naked as we are alowed to make her" . Et au final, uniquement pour le voir échouer dans l'escarcelle de Ginsburg, qui a accumulé plus de reconnaissance dans l'agence en quelque mois qu'elle en 7 ans. Du coup elle se tire chez le concurrent direct, et empoche un énorme chèque. Joan est devenue partenaire, mais à quel prix ? Et quel bénéfice en tirera-t-elle alors que la compagnie est en perdition ? Lui laissera-t-on oublier de quelle manière elle y est parvenue ? Mégane s'est vue rappeler à l'occasion d'un casting, que ses ambitions professionnelles seront encore conditionnées par le sexisme ordinaire. Mais elle convainc Don de lui laisser sa liberté.
Est comment interpréter cet étrange baise-main entre Don et Peggy ? Est comment fait Jon Ham pour que même ses énormes veines sur son front soient si expressives ? Et comment le show va-t-il se passer de leur relation, qui est un des arc majeur de la série, et sans équivalent dans toute la pop culture occidentale ?
Et l'épisode s'achève sur Peggy quittant SCDP pour un future qu'on espère meilleur, alors que les Kinks démarrent. (Et alors que Joan s'est liée encore plus étroitement à la boite. Le future nous dira-t-il quel choix était le bon?)
Girl, you really got me now.Argh, ARGH. Le couillon qui a décrété que l'âge d'or des série était fini doit s'en mordre les doigts.
Et ce soir je vais voir celui d'hier. Après celui là, je ne sais pas s'il arriveront à faire mieux, mais j'espère qu'il arriveront à faire moins sombre. (Cela dit, ce n'est qu'une question de temps avant que le détournement d'argent ne soit découvert, alors j'espère sans trop d'illusions)