Citation:
Pour discuter utilement de ce cas, il faut commencer par admettre ses parti-pris. Je n’ai pas assisté ni participé à la première phase du débat, seulement à la seconde. J’ignore si j’aurais été choqué de prime abord par la vision de la chemise à motifs, mais il est probable que non, et que ma part de culture geek (bd, science-fiction, jeux vidéos, dinosaures et ordinateurs) m’aurait plutôt porté à considérer comme amusant et anticonformiste le port d’un tel vêtement dans ce contexte.
Mais j’apprends le féminisme. Essentiellement sur les blogs et dans les conversations en ligne, en suivant Crêpe Georgette, Mar Lard ou Mona Chollet. Même si ce combat est ancien, je vois bien que sa très faible empreinte dans les médias institutionnels (ne cherchez pas de critique féministe régulière dans Libé, Le Monde ni même Mediapart), ou la violence des réactions qui accueille le plus souvent le constat navré des discriminations sexistes attestent d’une conflictualité à vif. Recouvrir le combat féministe (comme le combat écologique) du manteau du politiquement correct est une triste blague, qui a à peu près le même degré de pertinence que d’accuser un abolitionniste des années 1800 d’excès de vertu.
J’apprends le féminisme par la conversation. Et ce que je vois, c’est toujours le même paradoxe d’une relativisation (c’est pas ça, c’est pas le vrai problème, c’est exagéré, c’est juste une chemise, c’est juste une pin-up, c’est juste une image, c’est du second degré, c’est de l’humour, etc…) qui revient à nier l’existence même du problème, mais qui mobilise une passion démesurée, des références déplacées, et rapidement des insultes aussi vaines que gratuites. Pas vraiment une manière convaincante de persuader du caractère mineur de la question.
L’argument de la relativisation est le principal obstacle auquel se heurte toute revendication féministe. Il faut bien comprendre ce qu’il signifie: que le féminisme reste une affaire de femmes, et pas l’affaire de toute la société. Ceux qui le disent, ce sont bien sûr des hommes, seuls détenteurs des clés de la vraie hiérarchie, et seuls à même d’expliquer aux ignorants comment ils doivent comprendre le problème (et manifestement choqués qu’on puisse leur contester ce droit régalien).
Il s’avère que je suis l’heureux possesseur d’un t-shirt avec un motif de pin-up (ma part de culture geek). Et que sans avoir jusque-là clairement perçu sa dimension sexiste, il n’en était pas moins évident pour moi que ce motif était provocant, et qu’il aurait été déplacé de porter ce vêtement dans mes séminaires à l’EHESS (où il m’arrive en revanche de porter des t-shirts avec un motif de dinosaure ou de fusée).
sur Image SocialeCitation:
“"The idea that sex-positivity and sexual liberation means everybody expressing every sexual thought and acting on every sexual desire, the minute it pops into our heads — this is bullshit. Sex-positivity and sexual liberation means… well, it means somewhat different things to different people. But one of the central things it means is a celebration of consensual sexuality, an acceptance of a variety of consensual sexual orientations and activities, a philosophy that sees consensual sex as, overall, a positive and valuable experience.
(…)
And I am not a sexual prude because I bloody well want sexual imagery to be enjoyed consensually, in times and places that are appropriate, in times and places that don’t tell women, “Your intelligence, your insight, your hard work, your accomplishments — none of that will ever matter as much as your tits and ass.””
sur
RawstoryEt outre ces citations que je valide sans retenue, mon grain de sel.
Pourquoi s'en prendre au fabriquant de la chemise? Pour le coup ça serait vraiment puritain. Comment on décide si les gens ont le droit de produire et de vendre des images sexualisées (et moche). Avec cette logique, faudrait interdire tout contenu contenant des pin-ups... Cette chemise, on peut la porter si on veut. C'est une question de contexte. En privé. pour une soirée à thème, genre "Les bidochons à Hawaï" , c’est parfait.
Pas en mondovision pour ce genre de truc.
Ya eu un gros débat depuis quelques années dans les STEM sur la présence d'une bro-culture excluante, il ya beaucoup de témoignages de femmes scientifiques qui t'expliqueront mieux que moi (et qui ont repris la parole à l’occasion) que ce sont des milieux très misogynes. Plus qu’un gros sexiste, ce mec m’est apparu comme un inadapté social, en mode « voilà ce qui se passe quand ma mère arrête de me dire comment m’habiller ». Mais malgré la sympathie qu’il m’inspire et la pitié que je ressent en voyant les photos ou il sanglote à la télévision, il faut bien comprendre que ce genre d’ignorance est un privilège. SI le mec ne voit pas le problème, c’est que personne n’a eu cette conversation avec lui, qu’il est passé sans jamais s’y arrêter sur la question de la place des femmes dans ces milieux, sur certains dures vérités par exemple le fait que, oui, les gens te jugeront sur ton apparence et tes vêtements… c’est révélateur, quoi qu’on en dise. Peut-on imaginer une chercheuse qui pense encore à cet âge-là que mettre une robe décorée d’images yaoïsantes, impression « bishôs qui s’enfilent dans une tempête de pétales de magnolia » soit une super idée pour présenter au monde un accomplissement majeur de sa vie ? Hors performance artistique, j’ai du mal à l’envisager.
Evidement, autre chose qui est révélateur, une autre image violente, c’est que quasiment que des vieux mecs blancs ont pris la parole ce soir-là pour se congratuler , faisaient parti de l’équipe (quand j’ai branché le streaming, j’espérais voir des images de la comète et en fait, non) C’est aussi une image choquante, mais celle là, on est habitués à la voir. Mais du coup, il y’a plus de femmes sur la chemise du mec que dans le reste de l’équipe.
Par ailleurs, je trouve ces mecs du genre Korkos qui viennent expliquer comment il faudrait mener ce combat parfaitement puants. Que font-ils pour le féminisme ? Il faut pas oublier que "vous avez d'autres combats à mener" c'est une esquive automatique. Une manière d’évacuer le débat. On ne se demande plus ce que symbolise cette chemise, on se concentre sur le fait que c’est un individu isolé, dans un relativisme confortable et mou.
Ce genre de critique n'a sa place qu'à l'intérieur du mouvement. Les gens qui se réveillent un matin et décident qu’il savent mieux que les femmes et les féministes ce qui est bon pour elles, ils faut qu’il comprennent que leur avis n’a strictement aucun intérêt. C’est limpide pour nous que cette posture sert surtout à se dédouaner (oui mais, ouin, les féministes elle exagèrent.)
Il n'existe pas "qu'un féminisme". Il en existe plusieurs, certains que je ne cautionne pas (les FEMEN) d'autre que soutiens avec réserve, et d'autres que je soutiens sans réserve.
Le féminisme qui consiste à faire expulser Julien Blanc d'Australie est parfaitement valide. Celui qui fait pleurer Taylor peut parfaitement coexister avec celui qui se bat pour faire ouvrir des centres d'accueil aux femmes battues, qui se bat pour le maintient du droit à l'avortement... Ces actions d'éclat on effectivement quelque chose de "facile" peut-être d'immédiatement satisfaisant: pour une fois, le mouvement arrive à s'unir contre une figure remarquable, à controller la conversation. A illustrer le problème. Il n'en reste pas moins que ces situations méritaient chacune une réponse. Qu'on la trouve disproportionnée ou non. (dans le cas de Julien Blanc, je pense que c'est insuffisant: c'est toute sa société qu'il faudrait démanteler. ) Mais la critique est aisée...
Les féminismes sont devenus un sujet médiatique, qui fait le « buzz », pour le meilleur comme pour le pire.