Bon, alors autant le dire d'emblée, moi je comprends strictement rien au schmilblik du nucléaire iranien. Ou plutôt je me méfie du discours ambiant assez univoque, peu diversifié, au sujet des aspirations belliqueuses et des preuves de potentielles culpabilités, sur ce domaine particulier, du gouvernement iranien actuel.
Alors, pour baliser un peu les questions et le positionnement avant de développer, réponses simples aux différentes questions qu’on peut se poser (compilation de lieux communs) :
- si j’ai envie que l’Iran ait un armement nucléaire ? Non évidemment. Comme il a été dit plus haut l’Iran ne reconnaît pas Israël, et les discours nationalistes de son président évoquent assez clairement un objectif de destruction de son voisin hébreu. Mais dans ce cadre précis, la bombe nucléaire n’est de toute façon pas la meilleure arme me semble-t-il, puisque la proximité géographique pourrait quand même tempérer l’usage de cet armement qui pourrait menacer tout l’ensemble de la région. En outre, la question du nucléaire ne concerne pas vraiment l’armement, mais bien l’énergie semble-t-il, on le verra plus loin
- si j’ai envie (ou juge nécessaire) une intervention militaire (US ou autre) en Iran : ben, c’est conditionné par la première question, à savoir ce que l’Iran fait de son uranium. Mais la rhétorique US concernant l’Iran commence à ressembler à celle mise en œuvre avec l’Irak récemment : preuves peu évidentes, présomption de culpabilité, et surtout mise en demeure de l’adversaire potentiel qui doit prouver son innocence et sa bonne foi plutôt que constitution d’un solide dossier d’accusation. Ce sont les potentialités de menace dans un futur hypothétique où l’Iran pourrait vouloir recycler son nucléaire civil en nucléaire militaire qui font dire aux détracteurs de l’Iran que ce pays ne doit pas avoir la responsabilité de sa politique énergétique. Beaucoup de conditionnels et de virtualités je trouve pour déclencher une guerre. Et pourtant l’idée d’un armement nucléaire, même potentiel, en Iran me fait bien plus peur que ne me faisaient peur les armes de destruction massive, alors présentées comme avérées, de l’Irak de Saddam Hussein. J’aurais tendance à considérer que ce précédent a discrédité les politiques de prévention, à l’échelle internationale, de développement des armements nucléaire ou autres. Le « à force de crier au loup » appliqué ici serait de l’ordre de la caricature, mais c’est un analogie qui peut évoquer de loin l’embarras dans lequel me met cette situation.
Pour élargir cela, grossièrement, une intervention armée me paraît de toute façon être une solution mauvaise, d’un point de vue moral, mais aussi d’un point de vue politique et pragmatique. C’est un aveu d’échec du politique et du diplomatique. Néanmoins, la question de ces armements est grave, et leur présence un peu partout dans le monde est loin d’être rassurante. Si le Brésil et L’Argentine ont arrêté leurs projets dans ce sens du fait de leur démocratisation, que l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord, et dans une moindre mesure l’Afrique du Sud et Israël possèdent l’arment nucléaire en plus des 5 « habilités » à l’avoir ne me satisfait pas. Ce n’est pas la peine que l’Iran se rajoute à la liste, et derrière ce pays d’autres encore. Le sujet est préoccupant et les différents gouvernements ont raison de s’en soucier sérieusement. Pour ce qui est de légitimer une intervention en Iran à l’ONU, il n’y a aucune chance que ça passe, et la France n’aurait même pas besoin de son veto : Chine, et Russie peut-être aussi, s’y opposeraient. Restent deux solutions : passage en force des Etats-Unis (peu vraisemblable du fait de problèmes financiers, de la popularité du gouvernement qui s’effrite en partie à cause de la gestion calamiteuse de l’Irak, des motifs de la guerre jusqu’à l’incertitude sur la durée de la présence des soldats là-bas), ou négociations serrées et reprise des programmes de contrôle (ce qui est semble-t-il la bonne solution, mais la polémique ayant tellement enflée que cela serait perçu comme un camouflet pour les Etats-Unis). A noter, dans un des articles que je mets en lien plus bas, l’exemple de la Corée du Nord, qui aurait développé son programme d’armement nucléaire dans la foulée de vexations américaines quant à son nucléaire civil. Ca sent davantage le prétexte, mais il est intéressant de voir les dimensions contreproductive d’une politique de répression.
Du coup, comme j’avais l’impression d’une vision assez monolithique sur à la fois un Iran profondément belliqueux et des Etats-Unis pressés d’en découdre, je suis allé voir à droite à gauche ce qui pouvait se dire de différent. Je vous met une source, super orientée anti US (pour ce qui est de l'argumentation anti iran et pro intervention, il me semble qu'on trouve plus facilement; les sources sérieuses existent et évitent l'écueil du militarisme américain), mais que je trouve souvent remarquable sur les sujets d’actualité mondiale plus « mineurs » ou plus oubliés : le Monde Diplomatique (c’est dans ce journal que j’avais trouvé un dossier complet, avec reportage photo, sur le Darfour, plus d’un an avant que les médias, aussi presse écrite, télé et radio, n’en parlent). Avant que cette référence ne fasse hurler, je la situe : mensuel qui a une équipe très altermondialiste (mais c’est réducteur de dire ça), mais qui se construit en demandant des articles à des spécialistes des questions de l’actualité mondiale. Les articles ne sont donc pas en majorité fait par des journalistes, mais par des chercheurs ou des acteurs de la société). La caractéristique commune est d’être plutôt à contre courant, avec parfois des écarts jugés limite. Dans le lien un très bon article qui fait le point sur l’énergie nucléaire dans le monde, et dans le dossier (qui date de novembre dernier) deux points de vue assez différents qui parlent l’un de la tentation de la bombe dans le processus nucléaire, et l’autre de la nécessité pour l’Iran de diversifier ses énergies.
http://www.monde-diplomatique.fr/2005/1 ... ELTE/12904
Et ce sont là deux points qui font prendre une dimension assez nouvelle à cette question, et qui pose dramatiquement le problème. Le nucléaire est lié à la question de l’énergie, cela va de soi. Mais l’Iran n’est pas tant visé comme ressource pétrolière potentielle. L’exemple de l’Irak le montre : contrôler cette ressource a coûté davantage qu’elle ne pourra rapporter (je schématise). Le problème est bien pour beaucoup de pays de déterminer comment ils fonctionneront une fois la manne pétrolière épuisée. L’Iran se pose relativement précocement cette question car le pays y avait été initiée avant la révolution, et parce qu’il ne peut jouir vraiment de sa production du fait de l’embargo. Derrière ces raccourcis il y a une véritable nécessité dans le développement du nucléaire comme énergie pour un tel pays. Mais cette nécessité diffuse effectivement un matériau qui peut à présent facilement (tout est relatif) être détourné à des fins militaires. Les gouvernements nationalistes et/ou non démocratiques ont un intérêt, davantage en terme de politique intérieure d’ailleurs, à posséder cette ressource militaire, et à, l’affirmer une fois celle-ci obtenue. D’où les inquiétudes légitimes concernant l’Iran. Il y a donc une tension entre nécessité réelle d’un pays (le nucléaire civil) et aspiration politique d’un pouvoir en place (le nucléaire militaire), le second pouvant se dervir du premier comme prétexte ou paravent; et c’est de là que vient tout le problème, si difficile à résoudre. De plus, l’aventure nucléaire iranienne, comme un article ci-dessus l’évoque, pourrait généraliser la démarche dans la région et rendre la question du contrôle de moins en moins facile, le caractère occulte des différents programmes (fait de ne pas savoir si son voisin s’en tient bien à la stricte dimension civile du nucléaire) pouvant conduire à céder à la tentation du développement militaire.
Voilà donc sur cette épineuse question mes embarras et les quelques renseignements que je suis allé glané. Pour moi c’est vraiment intéressant, et je remercie Trinidad de l'évoquer, mais d’une complexité terrible, redoublée par le fiasco du précédent irakien.
oid a écrit:
bah là je dois t'avouer que passer après une idée de Séléniel me fait un peu peur. enfin bon, pour l'instant je n'en ai aucune alors ça va
ben pourtant c'est pas une suggestion grandiose...