Ça faisait longtemps qu'on n'avait posté ici après la conversation enflammée ici il y a quelques mois! Hier matin, je suis allé à une conférence sur l'autisme où j'ai pu entendre plusieurs témoignages de parents d'autistes et des recherches de la part des spécialistes dans ce domaine. Le titre de l'événement est : l'autisme, une autre intelligence. J'y ai également livré mon témoignage et mon père a fait la même chose. C'était émouvant!
Sans plus tarder, voici la lettre de mon témoignage :
Bonjour, je m'appelle Étienne. J'ai dix-neuf ans et je réside à Laval depuis ma naissance. Je suis atteint d'une anacousie bilatérale congénitale et du syndrôme d'Asperger. Aussi, j'adore jouer au hockey, collectionner les vieux sous, étudier l'histoire de l'Antiquité et l'archéologie.
Bon, je vais faire un résumé de ma vie. Lorsque j'étais un bébé et un très jeune enfant, mes parents et une de mes tantes m'ont appris le langage des signes pour communiquer avec mes proches, vu ma surdité. À deux ans, je me suis fait opérer pour un implant cochléaire afin de porter éventuellement un appareil auditif. Puisqu'un sourd de naissance ne peut pas écouter et prononcer comme les autres, cela impliqua tout un apprentissage étalé sur des années pour bien écouter et parler en français, puis en anglais. En audiologie, en orthophonie, cours en anglais, etc. Mais, je progresse malgré ces faiblesses et que mon degré de surdité léger-moyen avec cet appareil.
Vers l'âge de trois ans, on avait détecté en moi des comportements analogues à ceux de l'autiste. Alors, on m'a référé à des spécialistes qui m'ont pu aider à combler ces lacunes comme le contrôle en soi. En fait, je me suis fait diagnostiquer le syndrôme d'Asperger par le psychiatre Laurent Mottron à l'âge de sept ans.
En parallèle, la surdité et l'autisme avaient pour moi d'autres répercussions : des problèmes d'équilibre et de motricité assez importants au début. Toutefois, avec la pratique et la volonté, je fais des progrès même si rien n'est parfait. À deux ans et demi, je marchai à deux pattes. Je roulai sur un vélo à deux roues à onze ans. Je patinai à seize ans. Ma prochaine étape : peut-être skier? Et saviez-vous que je ne suis jamais étourdi quand je tourne sur moi-même? C'est un des rares avantages de ce problème.
J'aborde ma vie scolaire et étudiante. À la maternelle et au primaire, j'étais dans des petits groupes pour déficience auditive avant de m'intégrer partiellement dans des grands groupes réguliers à la quatrième année, puis complètement en sixième année. Pour m'aider, je commencai à avoir recours à un FM (même à l'université) et à une éducatrice spécialisée (dans le cas de la T.E.S, jusqu'à la fin de mon secondaire). Par contre, durant quelques années, j'avais de la difficulté à me faire des amis et on se moquait de moi à cause de mon autisme.
Au secondaire, j'ai fait mon DES à la polyvalente Georges-Vanier en quatre ans. Là-bas, l'apprentissage était modulaire et je pouvais avancer à mon propre rythme. Étant plus sensibilisé, l'entourage m'a été une véritable source d'aide en général : directiion, enseignement, cercle d'amis et de collègues, éducation spécialisée, etc. En passant, c'est durant ces belles années où je me suis vraiment intéressé aux belles filles. Hélas, ça n'a pas fonctionné puisque l'autiste a de la difficulté à s'intégrer en groupe, à vivre avec quelqu'un et à comprendre les sentiments d'un partenaire. Ça prend du temps et j'espère avoir une blonde un jour.
Avant, je voulais devenir un concepteur de jeux vidéos, mais j'avais changé d'idée : une carrière en archéologie ou en histoire. Donc, j'ai fait un DEC préuniversitaire en sciences humaines en deux ans au Cégep à Distance. Je faisais mes modules à la maison sans stress et j'accumulais d'excellentes notes sauf quelques difficultés en français (je ne veux pas vous parler de mes cours de littératures à la noix). À partir de ce niveau, j'ai pu bénéficier de plusieurs adaptations pour réussir mes examens comme la rédaction à l'ordinateur, le logiciel correcteur Antidote et du temps supplémentaire. Par la suite, j'ai entamé, à l'université de Montréal en automne 2012, une session très perturbée par la grève, un BAC en anthropologie et études classiques puisque je désirais devenir un archéologue gréco-romain. Ce sont des changements énormes : d'autres adaptations comme la prise de notes ; des lectures plus exigeantes ; des cours magistraux de trois heures (une chance que ce sont des matières que j'aime, sinon, je ne survivrais pas). En dépit de tous ces obstacles, j'ai terminé ma première session avec cinq A! Après une session, j'ai décidé de m'orienter en histoire. Par conséquent, j'ai changé de programme pour l'automne prochain : terminer une mineure en anthropologie. En hiver 2014, je pourrai me concentrer pour un BAC en histoire. Et j'espère faire une maîtrise en histoire pour pouvoir ensuite occuper un travail que j'aime comme chercheur ou professeur au Cégep.
Bon, parlons un peu ce qui se passe en dehors de cette vie étudiante bien remplie. Dès l'âge de sept ans, j'ai bénéficié des activités offertes, surtout les sorties du Club Aventure et des TEDSI, par le Chat Botté, dirigé par mon bon ami Germain Lafrenière. Malgré que j'ai quitté récéement cette merveilleuse organisation, je leur serai toujours reconnaissant. J'ai rencontré des véritables amis, je m'y suis amusé comme un fou et les moniteurs sont extraordinaires. Aussi, Germain m'a offert plusieurs opportunités que j'ai acceptées avec plaisir : travailler à la bioferme et à la maison Bellerose ; faire des témoignages lors des événements spéciaux comme lors du mois de l'autisme avec Alain Paquet ; faire partie de la déléguation de Ted sans frontières lors du forum mondial de la francophonie, etc. Sans oublier ce témoignage. Merci Germain, au fond de mon coeur! De plus, j'ai été membre de Gym-Eau et je peux dire qu'ils sont chouettes là-bas. J'ai pu m'amuser lors des sorties avec de très bonnes personnes.
Durant mon adolescence, je rêvais de jouer dans une équipe de hockey. Un jour, Louis Charbonneau m'a proposé de rejoindre le Club des Différents où tous les joueurs présentent des handicaps surtout la déficience intellectuelle, ce que j'ai fait en hiver 2009. Depuis, je suis un des deux gardiens de buts et chacun est valorisé en dépit de leurs difficultés. Bref, j'ai beaucoup de plaisir et je m'y suis fait plein d'amis en plus de pouvoir apprendre à patiner. J'espère rester avec eux le plus longtemps possible.
Lors du précédent été, j'ai eu ma première expérience de travail rénuméré à la quincallerie à Patrick Morin. Le milieu de cette entreprise est absolument exceptionnel et on m'a accepté malgré ma surdité et mon autisme. On m'a supporté avec bienveillance et apprécié mes efforts. Ce fut avec grand regret que j'ai du démissionner à cause de mes études universitaires, mais on vient de me réengager pour le six mai. Ce sera un bel été!
Pour conclure, j'espère que les autistes seront davantage respectées, mieux entourées et que leurs droits seront plus écoutés. En chaque autiste, il cache un immense potentiel intellectuel dans ses forces qu'il faut exploiter malgré qu'elle peut manquer de polyvalence et exposer des lacunes dans la vie sociale. Je ne saurais pas clore ce témoignage avec de gros mercis à mes parents, au Chat Botté, à mes amis, à ma famille, aux Différents, à Patrick Morin et ceux qui m'ont aidé dans mon cheminement scolaire.
Je suis fier d'être un autiste! Merci!
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