Gniiiiiiiiiiiiiik...
Oulah, elle grince vachement cette porte, ça se voit que je suis pas rentré dans cette bibliothèque depuis un moment...
*Tousse, tousse* Rah cette poussière ! Faudrait que je fasse quelque chose... Mais plus important, où est mon écritoire ? Depuis le temps je sais même plus où... Ah, le voilà, perdu sous une pile de parchemins... Qui tombent en miettes quand on les touche... Et un tas de paquets de chips et de canettes de soda... Eh ben, c'est à ça que je carburait ? Heureusement j'ai fait mieux depuis ! Bon c'est pas tout ça un peu de ménage s'impose.
De nombreux coups de plumeaux et une intoxication à la poussière plus tard...
Ouf, ça c'est fait. Maintenant, le plus dur commence. Aaaaah, j'avais oublié à quel point ce fauteuil était confortable. Alors mon matériel : du papier, de l'encre et une plume de Super Colvert pour écrire : y'a rien de mieux pour l'inspiration. Allez, je commence.
"Seekers... Chapitre... 7..."
Un bon moment ma foi agréable plus tard.
Ca y est ! Enfin la Volonté du D va pouvoir découvrir ce qui allait arriver à cette bande de singes incapables. Inutile de les faire patienter plus longtemps, envoyons le tout de suite.
Enjoy !
Chapitre 7 : A la recherche du trésor de Bagadidou
« Que direz-vous d’avoir votre propre bateau ? »
Les Goras restèrent interdits quelques secondes face à Foxy. Ils ne s’attendaient pas à une telle proposition de la part du capitaine pirate. Ils n’y croyaient d’ailleurs pas vraiment.
« C’est possible ça ? » demanda Deeg. « Vous nous fournirez un bateau ?
-Je peux faire mieux que vous le fournir : si vous faites ce que je vais vous demander, je vous ferait construire votre bateau par mes ingénieurs navals ! »
En disant ces mots, il désigna son équipage. Aussitôt, venant de nulle part, lesdits ingénieurs se placèrent derrière leur capitaine, adoptant une pose de groupe assez ridicule à base d’outils brandis vers le ciel, tout en affichant des expressions de confiance tellement poussées qu’il était en fait difficile de douter de leurs compétences.
Les Goras se mirent alors à fantasmer sur leur hypothétique future propriété : ils se voyaient déjà sur un bateau avec du vrai gazon dessus, des arbres fruitiers (des bananiers évidemment), un aquarium géant pour faire joli, une proue géante en forme de tête d’animal (un singe, bien sûr) et un système bizarroïde ressemblant à des roues à eau qui s’imposa eux sans qu’ils surent pourquoi. Mais ils redescendirent bien vite sur Terre.
« Je suppose que vous allez au moins nous demander de capturer vivants tous les autres hommes singes pour nous faire une offre pareille. » lança Cash, méfiant comme à son habitude.
-Même pas, » répliqua Foxy. « En fait, il y a sur cette île quelque chose que j’aimerais que vous alliez chercher pour moi. Un trésor…
-Un trésor ??!! »
A ces mots, le regard de Deeg s’illumina puis, bousculant ses frères, il se plaça juste devant le renard blanc.
-Où ça ? Depuis quand ? Par qui ? Pourquoi ? Comment ? Quel danger ? Quels ennemis ? Quelle… »
Fidèle à lui-même, Deeg s’était enflammé dès qu’il avait compris qu’une chasse au trésor s’ouvrait devant eux. Il assommait Foxy de questions auxquelles ce dernier ne pouvait répondre, trop choqué par l’attitude du jeune homme. De toutes façons Deeg n’aurait rien entendu : son emportement était bien trop grand, à cause de l’accumulation d’envie de chasser le trésor, envie transformée en frustration depuis bien trop longtemps à son goût, pour entendre quoi que ce soit. Aussi ne se privait-il pas de laisser libre cours à son enthousiasme, quitte à faire mourir celui qui lui avait donné la piste en le soûlant de paroles.
Ses frères, qui s’attendaient à cette réaction sans toutefois avoir jamais imaginé qu’elle prenne une telle ampleur, hésitèrent sur la marche à suivre. Bien qu’ils soient d’accord sur le fait de ne pas perdre leur employeur, de quelque manière que ce soit, ils ne voyaient pas comment arrêter Deeg. Evidemment Cash pensa à le frapper un bon coup pour le calmer mais Lote eu une idée plus pacifiste.
« Hé frérot, le trésor se trouve dans cette direction… » lui souffla-t-il à l’oreille en désignant un endroit indéfini mais loin. L’aîné stoppa aussitôt son verbiage pour se lancer à la recherche de ce fameux trésor.
« Au bout d’un kilomètre ou deux il s’arrêtera et commencera à revenir… » fit Lote, l’air nonchalant. « Mais si nous parlions plutôt du trésor ?
-Eh bien votre frère ne manque pas d’énergie… Concernant le trésor, il s’agit du célèbre Multiplicateur de Bagadidou. C’était un ancien roi homme-singe de l’île, il se servait de cet objet pour multiplier à l’infini toute chose non vivante.
-Un truc pareil existe ? » fit Cash, très étonné.
-Et c’est un gamin au corps de gorille qui me demande ça…
-Euh oui, vous avez raison… Mais qu’est-ce qui nous dit que vous n’allez pas utiliser cet objet à mauvais escient ?
-Ecoutez, vous voulez un bateau oui ou non ? »
Les deux frères se regardèrent. Ils jetèrent un regard dans la direction de Deeg qui marchait dans leur direction. Il ne serait pas là avant dix bonnes minutes.
« Je suppose qu’on n’a pas le choix… » soupira Lote. « Comment trouve-t-on cet objet ?
-A la bonne heure ! » dit Foxy, radieux. « Avec vous sur le coup, je suis sûr d’obtenir ce fameux Multiplicateur ! Pour le trouver vous devez vous rendre aux ruines du palais de Bagadidou qui se trouve au Nord-Ouest d’ici, en plein cœur de la jungle. Je vais vous donner une carte et tout le matériel nécessaire pour votre chasse.
-Ce sera dangeureux ? » demanda Lote.
-Bien sûr que ce sera dangereux ! Non seulement il vous faudra traverser la jungle une nouvelle fois, mais en plus je n’ose imaginer les terribles pièges qui vus attendent une fois sur place…
-Mais pourquoi vous nous dites ça ? Vous voulez nous décourager ?
-Aucun risque : je sais que vous n’avez pas le choix. Je fais juste en sorte que vous ne puissiez pas me dire que j’avais oublié certains détails.
-Votre franchise fait chaud au cœur… » lâcha Cash. « Bon, pas la peine d’attendre plus longtemps, autant partir tout de suite chercher ce truc. »
Les deux frères et Foxy se dirigèrent donc vers le Sexy Foxy pour se fournir un équipement digne du statut de chasseur de trésor.
Les Goras quittèrent le renard blanc et son équipage au bout d’un quart d’heure. Cash et Lote mirent leur frère au courant des détails tandis qu’ils s’enfonçaient dans la jungle.
« Tu crois qu’on a bien fait d’accepter ? » demanda Lote à l’aîné. « Parce que quand même on se fait méchamment exploité par ce pirate à la coiffure ridicule. Déjà avec Hamburg…
-Et si ça se trouve on va lui fournir une arme… » ajouta Cash.
-Ecoutez, comme il l’a si bien dit, on n’a pas le choix… De toutes façons si on trouve le trésor, on ne sera pas responsables de ce qu’il fera avec… Et puis qui le saura ?
-Tu es bien cynique…
-Juste réaliste. Mais dites-moi, je me demandais, s’il y avait un roi des hommes-singes avant, pourquoi n’y en a-t-il plus aujourd’hui ?
-Bof » fit Lote, « ils ont sûrement découvert la démocratie, comme tout le monde.
-Ouais, juste avant d’inventer le milk-shake à la banane… L’histoire des hommes-singes mérite quand même qu’on s’y intéresse !
-T’as qu’à aller leur demander » railla Cash, toujours aussi aimable.
Deeg ne broncha pas, il se contenta de passer ses nerfs sur un groupe de toucans-ninjas qui lui fonçaient dessus.
Ils continuèrent à marcher ainsi pendant deux heures, démolissant sans pitié les pauvres bêtes qui croisaient leur chemin, y compris un inspecteur des impôts homme-singe qui s’était perdu.
« J’aime rendre service. » fut le commentaire de Cash une fois qu’il lui eut bien imprimé la marque de son poing sur le sommet du crâne.
Ecartant le 227e filet de lianes de leur chemin, les Goras découvrirent le palais de Bagadidou. Evidemment ils ne l’avaient jamais vu avant mais il était difficile de se tromper sur la nature du seul amas de pierres plus ou moins taillées de la jungle entière. Malgré l’état de délabrement avancé de l’édifice, il s’en dégageait toujours une certaine majesté. Les frères s’approchèrent lentement, fixant le bâtiment du regard.
« Mes frères, contemplez ce palais et pensez que de son sommets des siècles nous contemplent ! » fit Deeg, impressionné.
« En attendant c’est un tigre à dents de flingue qui te contemple là… » le prévint Cash.
Un coup de bâton bien placé fit déguerpir l’importun.
« Bon, on va rentrer là-dedans. C’est sûrement infesté de pièges, alors prudence ! Je reste devant pour sonder les murs et les plafonds avec mon bâton. »
Ils allumèrent chacun un torche aimablement fournie par Foxy (comme elle étaient à son effigie il n’en furent que plus ravis de les brûler) puis pénétrèrent dans les ruines. La lumière des torches leur permit de contempler les restes de ce qui fut autrefois le joyau du peuple homme-singe. Des fresques qui couraient le long des murs, retraçant l’histoire de ces gens, parfois interrompue par une fissure dans le mur ou un lichen un peu trop envahissant. Deeg, le plus absorbé des trois par cette lecture, repris néanmoins bien vite ses esprits.
« Ne bougez pas, je vais voir s’il n’y pas de pièges… »
Il lança donc sa D.S.M.P. (Détection Sol-Murs-Plafond) qu’il effectua minutieusement à la pointe de son bâton.
Quand il fit signe à ses frères qu’il n’y avait aucun danger, ils avancèrent. Mais à peine eurent-ils fait trois mètres qu’il s’arrêta de nouveau.
« Stop, il faut que je vérifie cette zone ! »
Et il relança sa D.S.M.P. Une fois terminée, ils repartirent. Deeg les arrêta de nouveau au bout de quelques pas et refit une D.S.M.P. Puis ils repartirent, puis D.S.M.P., puis trois pas, puis D.S.M…
« Bon y’en a marre ! » s’énerva Cash. « Tu nous les brise à t’arrêter toutes les cinq secondes !
-Mais c’est pour voir s’il n’y a pas de pièges !
-Je sais mais t’es pas obligé de le faire tout le temps ! Tu le fais une bonne fois pour toute en allongeant ton bâton et tu nous lâche avec ça ! »
Lote approuva du chef cette proposition. Aussi Deeg dut-il diminuer la fréquence de ses arrêts. De toutes façons, après une dizaine de mètres les Goras entendirent des voix venant d’un couloir proche.
« Vous êtes sûrs que c’est la bonne direction ?
-Oui, oui, la salle du trésor est bien par là.
-Pas de pièges ?
-Seulement quand on s’en rapprochera… Vous allez voir les gars, avec le temps qu’on leur met dans la vue, on va l’avoir haut la main ! »
Les personnes éclatèrent de rire. Les Goras, eux, étaient pour le moins perplexes.
« Mais qui sont ces gens ? » fit Cash. « Des hommes-singes ? »
Lote se faufila agilement jusqu’à l’endroit d’où provenaient les voix. Il revint très vite l’air un peu paniqué.
« Ce sont des humains ! Cinq gars d’environ notre âge !
-Est-ce que tu as entendu pourquoi ils sont là ?
-Pour le trésor évidemment… Mais je n’ai pas pu en savoir plus, ils se sont tus.
-Bon sang, c’est vraiment pas de bol ! Pour une fois qu’on va chercher un trésor, qui est là depuis des siècles en plus, il faut qu’on tombe sur de la concurrence ! » ragea Deeg.
-Au moins ils n’ont sûrement pas plus d’expérience que nous… » analysa Cash. « On peut les coiffer au poteau si on se débrouille bien.
-Tu as raison. Ils ont quand même l’air de savoir où ils vont, alors on va les suivre discrètement et dès qu’on arrive à la salle du trésor, on le choppe et on se casse vite fait !
-C’est pas très sport comme méthode… » fit Lote, dubitatif.
-C’est une chasse au trésor et une chasse, c’est pas un sport. Allez on y va ! »
Ils se mirent donc en mode furtif pour mieux suivre le groupe : se cachant dans les ombres, les Goras attendirent que le groupe leur passe devant pour pouvoir les suivre à quelque distance. Lorsque les inconnus leur passèrent devant, Deeg failli laisser échapper un cri de surprise. Il se mit très vite les mains devant la bouche et se recroquevilla encore plus dans sa cachette tandis que le groupe des cinq inspectait les alentours pour tenter de trouver l’origine de ce faible bruit.
« Bon sang qu’est-ce qui t’as pris ? » fit Cash, passablement énervé.
-Je suis désolé, mais je n’ai pas pu m’en empêcher… J’ai reconnus ces types ! Ce sont ceux qui sont apparus à la fin de la course hier !
-T’en es sûr ?
-Certain ! J’ai même remarqué les piqûres sur leurs visages.
-Maintenant que tu le dis, » ajouta Lote « c’est bien possible…
-Voilà qui leur rajoute encore plus de mystère… » grogna Cash. « Mais le plus important c’est le trésor. En route ! »
Ils reprirent leur marche le plus discrètement possible, en faisant bien attention de rester à la limite entre la zone d’ombre du temple et celle de la lumière des torches des cinq inconnus. La filature se poursuivit ainsi pendant un bon moment, parfois en montant des escaliers qui menaçaient de s’écrouler ou dans des labyrinthes qui manquèrent de faire perdre aux Goras la trace des autres chasseurs de trésor. Néanmoins, quand tous débouchèrent dans un très long couloir qui semblait en bien meilleur état de conservation que le reste du temple, l’un des cinq prit la parole.
« Ca y est les amis, juste au bout de ce couloir se trouve la salle du trésor ! »
Les Goras se regardèrent. C’était le moment de passer à l’action ! Ils prirent leur élan pour se précipiter vers le bout du couloir. Malheureusement, en oubliant toute prudence ils tombèrent sous le joug des facéties de l’architecte du lieu : un clic se fit distinctement entendre quand l’un des Goras sentit une dalle s’enfoncer sous son pied. Il ne se passa rien pendant une seconde, aussi les frères espérèrent-ils très fort que les cinq n’avaient rien entendu. Mais soudain, un bruit comme une fléchette sortant d’une sarbacane se fit distinctement entendre…
« COUREZ !!! »
A peine Deeg eut-il crié qu’il partit à fond vers le bout du couloir, suivit de près par ses frangins, sans se soucier le moins du monde d’être maintenant complètement grillés par les autres chasseurs de trésor : échapper à la volée de flèches qui sortait par les murs leur semblait plus important.
« AAAAAAAAAAARRRRGGGHHHHH !!!!!!! »
La réaction des cinq devant trois types dont deux singes leur fonçant dessus et des flèches qui leur fonçaient dessus aussi ne se fit pas attendre. Tout d’abord plus que surpris, ils restèrent figés pendant au moins une seconde le temps que leurs cerveaux assimilent l’information. Mais très vite l’instinct de survie s’exprima et ils se mirent eux aussi à courir. Ce qui fit qu’à la fin de la course, huit personnes tentèrent en même temps de sortir du couloir et se retrouvèrent en un tas désordonné.
Après quelques secondes de calme bien mérité, les deux factions se séparèrent pour mieux voir où ils avaient atterris. La salle du trésor était une grande pièce carrée étrangement vide. Bien qu’il fasse sombre, la lumière des torches apportées par les aventuriers permettaient de voir des socles de torches sur les murs, ces derniers étant recouverts d’une fresque encore plus impressionnante que dans le reste de temple, ce qui renseignait bien sur la nature de la salle (d’autant plus que la fresque représentait des animaux batifolant aux milieu d’un énorme amas de richesses, surtout un canard qui semblait régner sur les lieux). Au fond de la salle on pouvait voir un autel finement sculpté dans la pierre, mais rien ne se trouvait dessus. Une fois l’inspection des lieux finis, les deux groupes se rendirent compte que justement, ils étaient deux groupes. Le premier chasseur à prendre la parole fut le plus grand des cinq.
« Qui êtes-vous et que faites-vous ici ?
-On pourrait vous poser la même question… » lâcha Deeg.
-Cela ne vous regarde pas !
-Ne nous prenez pas pour des idiots. » fit Cash. « Vous êtes ici pour le trésor de Bagadidou. Le problème c’est que nous aussi et donc vous ne l’aurez pas.
-Et qu’est-ce qui vous fait dire ça ? » s’enquérit un autre, tentant d’être menaçant.
Sauf que Cash était bien plus menaçant que lui.
-Secouez-vous les gars ! » lança un troisième. « C’est pas une bande de primates qui va nous empêcher d’obtenir ce trésor ! »
Les deux camps se lancèrent des regards assassins, il y avait de l’électricité et des promesses de fractures ouvertes dans l’air. Lorsque soudain, une voix caverneuse retentit.
« Qui ose me déranger dans mon sommeil séculaire ? »
Les huit chasseurs regardèrent partout dans la salle sans pouvoir dire d’où venait la voix. Quand tout à coup toutes les torches de la salle s’allumèrent et une immense ombre apparut sur le mur du fond.
« Je suis l’esprit de Bagadidou, je veille sur ce palais depuis son abandon et ce n’est pas huit garnements qui vont pouvoir me réveiller sans en subir les conséquences ! »
Personne ne comprenait ce qui se passait. Certains tremblaient de peur.
« On nous avait pas prévenus qu’il y avait un esprit protecteur ici ! » geignit l’un des cinq.
-J’en veux plus de ce sale trésor ! Je veux me barrer d’ici !
-Quelle bande de lopettes… » soupira Cash. « Esprit ou quoi que ce soit, rien ne nous empêchera d’obtenir ce trésor ! J’en ai ma claque de cette île ! »
Il commença à se diriger vers l’ombre mais il fut bloqué par un coup venu d’on ne sait où. Quand ils virent ça, les cinq chasseurs paniquèrent encore plus, ainsi que Lote.
« Si même Cash ne peut rien y faire, on est foutus ! »
Un rire tonitruant monta de tous les coins de la salle.
« Abandonnez tout espoir ! Fuyez pendant qu’il en est encore temps ou subissez ma colère ! »
Hésitant entre paniquer et se cacher, Deeg remarqua un détail chez l’ombre. Elle lui rappelait quelque chose… Suivant une inspiration soudaine, il se décala vers l’un des murs latéraux et allongea son bâton en direction de derrière l’autel. Lorsqu’un « Aïe ! » retentit, il sût qu’il avait vu juste.
«Suivez-moi ! »
L’appel qu’il lança à ses frères fut aussitôt suivi et bien vite les Goras se retrouvèrent tous derrière l’autel.
« Ben ça alors ! » fit Lote.
-Si je m’attendais… » ajouta Cash.
-Je m’en doutais un peu. Le coup avec mon bâton m’en a donné la certitude. »
Les cinq, restés en arrière car trop apeurés pour bouger, ne voyaient pas ce qui se passait et par conséquent ne comprenaient rien.
« Euh, excusez-moi » fit timidement l’un d’entre eux, « je sais qu’on est ennemis et tout ça, mais… Qu’est-ce que vous avez trouvé ? »
Les Goras se regardèrent, hochèrent la tête puis sortirent de l’autel, sauf Deeg.
« Je vous présente… » commença Lote.
« L’esprit de Bagadidou ! » finit Deeg, qui surgit de derrière l’autel en tenant dans ses bras un minuscule homme-singe.
Ce dernier sauta prestement hors de l’étreinte de Deeg, à sa grande surprise. Il alla se réfugier sur le sommet de l’autel et se fendit d’une révérence.
« Mounix, pour vous servir. Je ne me doutais pas que vous découvririez ma supercherie. Cela fait tellement longtemps que personne n’est venu dans ce palais… »
L’homme singe parlait d’une voix lente et posée, qui contrastait avec celle qu’il avait prise juste avant. Il ressemblait à un chimpanzé, ce qui expliquait sa petite taille. Il était vêtu d’une veste à jabot et portait des lunettes.
-Faut dire aussi que le coup du jeu d’ombres pour faire que la sienne devienne vachement plus grosse et menaçante, c’est un peu dépassé… » fit Deeg.
-Mais c’était quand même super bien fait ! » ajouta Lote, impressionné. « Et pour la voix, vous avez fait comment ?
-Je suis content que vous me le demandiez, jeune homme. D’habitude quand je terrifie des visiteurs, ils partent sans demander leur reste et je n’ai personne à qui montrer mes prouesses techniques… Voyez-vous, c’est moi-même qui ait construit cet autel, qui est en fait un véritable orgue relié à un jeu de conduits qui parcourent les murs, le sol et le plafond de cette salle de manière à déformer la voix et à la faire sortir de n’importe où.
-Et pour le coup que vous m’avez donné ? » s’enquérit Cash « Parce qu’honnêtement c’était pas un truc de lopette !
-Hu, hu, il s’agit simplement d’un courant d’air…
-Un courant d’air ? Vous foutez pas de moi !
-Loin de moi cette idée ! Ce que je voulais dire c’est que je vous ai envoyé, toujours par l’intermédiaire de cet autel, une balle d’air comprimé. Cela a l’avantage d’être à la fois violent et invisible, ce qui renforce le côté surnaturel déjà introduit par l’esprit.
-Eh bien si je puis me permettre, » commença Deeg, « monsieur Mounix, je suis vraiment très impressionné par votre travail de gardien !
-Vil flatteur ! Mais vous n’êtes pas mal non plus dans votre genre pour déjouer les supercheries. Ce n’est pas si simple de déjouer mon « jeu d’ombres »…
-Comment ça ? » l’interrogea Cash.
-En fait, » répondit Deeg « j’ai vaguement reconnu une silhouette simiesque dans l’ombre, aussi me suis-je dit que ce n’était qu’une supercherie. Après j’ai surtout eu de la chance parce que j’avais mon bambou. Si j’avais essayé d’atteindre l’autre côté de l’autel en courant pour arrêter monsieur Mounix, il aurait eu le temps de se réfugier à l’intérieur. N’ai-je pas raison ?
-Tout à fait. » acquiesça l’intéressé, rayonnant. « Cet autel est aussi aménagé comme cachette d’urgence. Etre invisible, toujours pour jouer la carte de l’esprit ! »
Les cinq chasseurs, qui avaient écouté plus ou moins en détail jusque là, décidèrent que les explications avaient assez durées et qu’il leur fallait passer à l’action. Ils prirent une pose la plus menaçante possible et le plus grand lança d’un ton implacable :
« C’est bien mignon tout ça, mais maintenant monsieur l’homme-singe nain, vous allez nous donner le trésor de Bagadidou en vitesse ! »
Une rotation de Cash, deux coups de bâtons de Deeg et un coup de pied sauté de Lote leur firent changer bien vite d’avis.
« Merci, jeunes hommes, » fit Mounix, « ces chasseurs de trésors sont d’un bruyant ! »
Les Goras lui répondirent que c’était tout naturel.
« Vous savez, vous commencez à m’être très sympathiques. Je crois même que je vais vous donner ce que vous êtes venus chercher !
-Le Multiplicateur ? » s’étonna Deeg. « Vous feriez vraiment ça ?
-Bien sûr ! Après tout, je ne m’en sers pas et de toutes façons il y aura toujours des chasseurs de trésors ignorants de la situation pour venir me distraire de temps à autres. Suivez moi ! »
Il entraîna les Goras dans une pièce attenante, cachée par un mur pivotant. Là ils découvrirent une espèce de boîte d’un mètre cube, surmontée d’un entonnoir, munie sur l’une des faces d’une ouvertures à volets battants et sur une autre était accroché une espèce de cloche de verre.
« Alors c’est ça ? » s’enquérit Lote. « Comment ça marche ?
-Très simplement : vous mettez l’objet à multiplier sous la cloche, vous ajoutez la matière non vivante par l’entonnoir et la machine se charge de la convertir en des copies de l’objet sous la cloche qui sortent par le devant. A l’époque du roi Bagadidou, c’était le meilleur moyen de recycler les peaux de banane. Vous imaginez ? On met deux peaux de banane dans cette machine et il en ressort une banane neuve ! Ce n’est pas pour rien que Bagadidou était roi…
-Et concrètement, quel est le principe de la multiplication ? » demanda Deeg.
-Ca, cela fait bien longtemps que plus personne ne le sait. Et de toute façon, qui s’en soucie ?
-Ben moi par ex…
-Merci monsieur Mounix » l’interrompit Cash. « Je crois que nous n’allons pas vous déranger plus longtemps. Nous allons prendre le multiplicateur et vous dire au revoir.
-Oui je comprends, vous avez sûrement d’autres projets qui vous attendent… En tout cas cela m’a fait très plaisir de vous connaître ! Pour sortir plus rapidement du palais, je vais vous ouvrir la sortie de secours qui se trouve dans la salle du trésor.
-C’est un toboggan ? » demanda Lote.
-C’est un toboggan.
-Ouais ! »
-Une dernière question… » fit Deeg qui n’en démordait pas. « Si les hommes-singes avaient un roi, pourquoi n’en ont ils plus aujourd’hui ?
-Ils ont simplement découvert la démocratie.
Deeg était bouche bée. Cash et Lote ricanèrent.
-C’est tout ? Mais alors, pourquoi c’est un conseil des sages qui dirige le village le plus proche ?
-Simplement parce qu’après la démocratie, ils ont découverts tous les autres systèmes politiques. Evidemment, certains préféraient plus tel ou tel système, c’est pour quoi sur cette île les hommes-singes vivent dans différents villages, tous régis par un système différent. Il y a d’ailleurs toujours un roi des hommes-singes, mais il n’est roi que dans un village à l’extrême Nord de l’île. Du coup il ne pouvait plus utiliser ce palais, voilà pourquoi il est en ruines.
-Je comprends mieux maintenant… Mais et vous ? Pourquoi vous restez ici ?
-N’est-ce pas évident ? Je suis le descendant de Bagadidou et par là je me dois de protéger mon héritage !
-Normal.
-Ouais.
-Tout à fait. »
Sur ces paroles, Mounix guida les Goras vers le toboggan de sortie et après de chaleureux adieux, les trois frères quittèrent leur nouvel ami homme-singe.
Ils débouchèrent juste un peu sur le côté de l’entrée du palais, derrière une statue de singe qui s’écarta pour les laisser sortir en douceur du passage. Ce dernier était heureusement assez large pour laisser passer le Multiplicateur, cela devait sûrement faire partie du cahier des charges de l’architecte.
Une fois au complet les Goras se mirent en route vers la jungle, le cœur un peu gros. Soudain, un cri sembla monter depuis le palais et s’intensifia jusqu’à se personnifier en les cinq autres chasseurs, poursuivis par une horde de chauves-souris.
« Eh ben, » ricana Cash, « ils ont eu tellement peur qu’ils nous ont rattrapés. »
En effet leur frousse était si grande qu’ils ne stoppèrent leur course qu’une fois arrivés au niveau des Goras. Là, après avoir soufflé pendant quelques instants, ils s’effondrèrent. L’un d’entre eux se prit le visage dans les mains.
« Dire qu’on étaient à deux doigts de réussir l’examen ! C’est vraiment rageant !
-On est bon pour la session de rattrapage…
-Un examen ? » fit Deeg. « Mais de quoi vous parlez ?
-Ben de l’examen des Chasseurs de trésors !
-C’est marrant que des chasseurs de trésors comme vous n’en aient jamais entendu parler…
-Oui ça va, » s’énerva Cash, « qu’est-ce que c’est exactement ?
-C’est tout simplement un examen qui permet d’officialiser un statut de chasseur de trésor. On est alors reconnu par le gouvernement et on peu ainsi bénéficier de divers services comme des polices d’assurances ou des facilités de rapatriement.
-Si vous possédez le diplôme, c’est la voie royale pour le métier ! Vous faites alors partie d’un réseau de chasseurs de trésors, vous avez ainsi toujours un soutien vers qui vous tourner en cas de pépin !
-Et en plus vous avez des tas de réduction sur du matériel de super qualité !
-Alors n’hésitez plus, rendez –vous à l’Académie des Chasseurs de trésors de l’île de Sïhk ! Ouvert tous les jours sauf le dimanche, inscriptions autorisée pour tous de 7 à 77 ans ! »
La publicité que ces cinq jeunes hommes venaient de faire pour leur établissement (non sans ajouter une magnifique pose à la fin de leur speech) était apparemment très convaincante. Tout du moins suffisamment pour que les Goras décident de se rendre sur l’île de Sïhk.
« Nous avons notre prochaine destination ! » s’exclama Deeg.
-Et notre carte au trés… » commença Lote.
-Chut ! On pourra s’en occuper plus tard. Si ce diplôme est aussi intéressant qu’ils le disent, je pense que ça serait une bonne idée de l’avoir, ça pourrait nous éviter pas mal des galères que nous avions auparavant. Reste à savoir comment se rendre à Sïhk…
-Je m’en charge. » fit Cash.
Malheureusement à peine eut-il fait très pas vers les cinq qu’ils prirent peur et déguerpirent, sans se soucier de se perdre dans la jungle.
« Bon tant pis, on verra ce que Foxy peut faire pour nous… »
Après une énième traversée de la jungle hostile par des Goras encore plus hostiles, ces derniers débouchèrent de nouveau sur la plage où les attendaient Foxy et ses hommes. Apparemment pour passer le temps ils avaient décidés de s’entraîner à certaines épreuves du Davy Back Fight. Foxy supervisait les opérations, passant d’épreuve en épreuve, porté par Hamburg.
Quand il vit revenir les trois frères, il se précipita à leur rencontre.
« Alors, alors, alors ? Vous l’avez ? Dites-moi que vous l’avez !
-Oui, oui, nous l’avons… » fit Cash en posant son chargement sur le sable.
-Ouaiiiiiiiiiiiiis ! » cria Foxy. Puis se tournant vers son équipage, il clama. « Ca y est fidèles compagnons, nous allons enfin pouvoir produire à grande échelle nos fameux badges Foxy© ! »
Tous les pirates laissèrent leur joie s’éclater. Les Goras furent rassuré : l’étrange machine ne servirait à priori qu’à des fins purement marketing. C’était mal, certes, mais c’aurait put être pire.
« Maintenant que nous avons suffisamment rempli notre part du contrat, » commença Deeg, « si vous remplissiez la votre ?
-Mais certainement ! » lança Foxy. « Chers amis, laissez moi vous présenter le Chimpanzé des Mers ! »
Ecartant les bras, il désigna au Goras un navire qui apparu de derrière le Sexy Foxy, caché pour leur faire la surprise. Il était exactement comme ils l’avaient imaginés : une fière tête de singe leur servait de figure de proue. Il était toutes voiles dehors, prêt à prendre la mer et ça se sentait qu’il en mourrait d’envie. Les Goras aussi d’ailleurs.
Lote s’empressa de grimper à bord, puis au sommet du mât pour faire la vigie. Ses exclamations couvraient presque le brouhaha de l’équipage de Foxy.
« Heureux que cela vous fasse plaisir. » fit Foxy. « Je vous remercie encore pour tout ce que vous avez fait pour moi !
-Encore heureux. » grommela Cash, grand ingrat devant l’éternel.
-Avant de partir, j’aimerais vous demander un dernier service… » fit Deeg.
-Soit… Que puis-je pour vous ?
-Pourriez-vous nous dire comment faire pour nous rendre sur l’île de Sïhk ?
-Sïhk ? Voyons voir… Je crois que je peux même faire mieux ! Allez me chercher Jonas ! »
Tout son équipage stoppa ses activités pour crier « Jonas ! Le capitaine te demande ! » En moins de deux minutes, l’homme, apparemment un charpentier, était devant Foxy.
« Que puise-je pour vous capitaine ?
-Jonas, tu es bien originaire de Sïhk ?
-Tout à fait !
-Tu as donc un éternal pose permettant de te rendre là-bas ?
-Bien sûr, puisque vous gardez un éternal pose de toutes les îles que vous pillez !
-C’est ça une bonne organisation… On vient semer la terreur et on garde l’emplacement en mémoire comme ça on peut revenir et jouer sur leur souvenir terrifiant pour encore mieux piller… Mais quoi qu’il en soit, vu tout ce que vous avez accompli, je consens à me séparer de cet objet. »
Il lança l’éternal pose à Deeg qui le rattrapa au vol. Il salua alors le capitaine et monta à bord de leur nouveau bateau.
« Ca me fait plaisir que le bateau que j’ai aidé à construire se rende sur l’île où je suis né ! » commenta Jonas, ému.
-Et moi ça me fait plaisir d’avoir aidé ces sympathiques singes ! Au revoir les jeunes !
-Au revoir, sale renard polaire ! » crièrent en chœur les Goras.
L’équipage se joignit à son capitaine pour dire adieu au Goras. Bien que Foxy les ait pour le moins exploités, il leur avait aussi rendu service et aussi permit à leurs capacités de chasseurs de trésors de ne pas rouiller. Voilà pourquoi malgré tout ils avaient le cœur serré. Les trois frères continuèrent d’agiter les bras et de crier bien après que le Sexy Foxy ne puisse plus les entendre.
Une fois le calme revenu, Deeg sortit l’éternal pose, aligna son regard avec la pointe de l’aiguille et lança
« Cap sur l’île des chasseurs de trésor ! »
Le « Yeah !!! » que lancèrent ses frangins se répercuta sur l’océan, comme pour annoncer au monde entier que les Goras étaient de nouveau dans la course.
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