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Chapitre 2.2: "La Grotte des Tréfonds" et ses mystères
L’escalier de marbre en colimaçon plongeait très profondément dans les entrailles de la Terre. Guillaume mit une bonne demi-heure à en toucher le fond. Durant la descente, il ne croisa aucun ennemi, ce qui lui paraissait étrange.
Enfin, il atteignit le bas de l’escalier. Il se terminait par une gigantesque porte, elle aussi en marbre. Vu la taille des portes, Guillaume doutait de pouvoir la pousser tout seul, et il se réjouit intérieurement de les voir ouverte. Il se réjouit un peu moins, par contre, de voir une nouvelle salle aussi vaste qu’une cathédrale.
Cette salle n’était, par contre, pas aussi vide qu’il le pensait. Elle était éclairée depuis le plafond, d’où s’échappait un raid de lumière, éclairant ce qui ressemblait à un échafaud.
Au sommet de l’échafaud, quelqu’un était attaché par les poignets à deux piliers en métal. Une femme, lui sembla-t-il. Elle était inconsciente, et semblait même très faible. Du sang coulait encore de son dos, que Guillaume ne voyait pas car elle était de face. La femme semblait être âgée d’une trentaine d’année. Elle n’était vêtue que d’un simple bandeau de soie, entourant sa poitrine généreuse. Elle portait aussi un ample pantalon en cuir, en dessous d’une pièce d’armure. Une goutte de sang perla de sa bouche, tombant sur le sol de l’échafaud. Ses cheveux blond vénitien étaient défaits, et tombaient en mèches rebelles autour de sa tête. Une légère balafre barrait son ventre, même si elle n’était pas très visible. Guillaume entendait un râle sortant de sa bouche, il pensa donc qu’elle était en vie.
Ne souhaitant pas laisser une femme ainsi sans défense sur un échafaud, à portée de l’ennemi potentiel, il se dépêcha de grimper jusqu’au sommet de l’échafaud (l’escalier étant détruit, il dut grimper par les barres de métal qui en composait la structure) et de trancher les liens retenant la femme aux piliers de métal.
Il la rattrapa dans ses bras. Elle émit quelques râles incompréhensibles, avant d’ouvrir les yeux.
-Qu… qui… ?
-Ne parlez pas, vous êtes faible.
Il s’empara d’une fiole verte dans l’une de ses sacoches, accrochée à son dos, et versa quelques gouttes d’un liquide vert pâteux dans la gorge de la femme. Elle poussa un léger râle, et dit d’une voix cassée :
-Mon dos… me fait souffrir le… martyr…
-Votre dos ?
Précautionneusement, il la retourna dans ses bras, et découvrit avec stupeurs de grandes lacérations marquant son dos musclé.
-Mais qui… ?
-Les Valradin… Faites attention… C’est un piège…
Il entendit alors un grognement-sifflement, provenant de l’ombre autour de lui. La salle de l’échafaud était si vaste que le raid de lumière provenant du plafond n’éclairait que le centre de la pièce. Le reste était plongé dans le noir. C’est alors qu’il vit une centaine de paire d’yeux rouges illuminant les murs circulaires jusqu’au plafond. Il déglutit avec difficulté, et son regard se perdit dans celui d’un des démons cachés dans l’ombre. Il perdit soudainement toute notion de physique et de réalité, pour ne faire qu’un avec ces lézards.
Tout devint alors teinté de rouges : L’échafaud avec lui et la femme affaiblie, le sol avec des dessins concentrique, et la centaine de ses congénères accrochés au plafond fixant leurs proies avec envie. Il sentit une sensation de chaleur au niveau de ses dents, avant de redevenir lui-même.
-Bon sang ! S’exclama-t-il, stupéfait. Ils sont bien une centaine !
Il attrapa la femme aux jambes et bondit vers la sortie, qu’il avait entraperçut dans le regard de ce monstre. Et ce fut au bon moment, car une seconde plus tard, une centaine de ces lézards humanoïdes vêtus comme les humains avaient bondi vers l’échafaud. Au moment où Guillaume atterrit en roulade sur le sol, lâchant la femme sous la force du choc par la même occasion, les Valradin explosèrent l’échafaud sous leurs nombres. Guillaume se releva en vitesse, dégainant son épée et tranchant la tête de trois Valradin voulant s’en prendre à la femme. Il la plaça sur son dos en lui demandant :
-Avez-vous encore de la force dans les bras, gente dame ?
-Oui…
-Alors, veuillez vous accrocher fermement, car nous allons devoir courir. Allons-y !
Et il s’enfuit par la sortie, qui se révéla être un long tunnel. Il ne pouvait utiliser ses mains, car elles soutenaient les cuisses de cette femme. Dans sa course, il lui demanda :
-Avez-vous un nom qui me permettrait de ne pas vous appelez tout le temps « gente dame » ?
-Je m’appelle Jeanne… Jeanne Frièvre Froide. Mais… restons-en là pour le moment…
-Je suis d’accord.
Le tunnel prenait fin, et débouchait sur un pont de pierre, surplombant une crevasse gigantesque où coulait une rivière de lave au fond.
-Oh mon dieu… Murmura Guillaume.
-Dépêchez-vous, ne vous arrêtez pas… l’implora Jeanne. Les Valradin sont rapide…
En effet, il entendait déjà leurs râles-grognements derrière lui. Il ne réfléchit pas davantage et traversa le pont en pierre. Mais il semblerait que celui-ci avait déjà vécu, car il était déjà assez fissuré, et leurs poids à tout les deux semblaient l’achever. Des petits morceaux de pierres commençaient à tomber dans le magma. Et pour couronner le tout, Jeanne poussa un murmure effarée :
-Sur les murs !
Guillaume releva la tête en courant et aperçut plusieurs Valradin passant par-dessus le pont, s’accrochant au plafond avec leurs griffes. Il redoubla de vitesse pour ne pas se faire poursuivre. Un craquement des plus mauvais signe lui fit savoir que derrière lui, le pont avait finalement cédé sous le poids de Valradin les poursuivants par le pont. Il leva légèrement les yeux et aperçut une porte en bois épais devant eux. Il ne lui restait plus qu’une dizaine de mètres à parcourir avant de l’atteindre… plus que cinq… le pont se disloquaient sous ses pieds… il bondit et donna un coup de pied en même temps sur la porte, qui s’ouvrit sans difficulté.
Ils roulèrent sur un sol froid. Immédiatement, Guillaume se releva et referma la porte sur six Valradin. Les monstres avaient leurs bras griffus coincés dans la porte, empêchant Guillaume de la refermer correctement. Les monstres donnaient des coups de griffes à tout va, entaillant sa joue. Il rassembla ses forces et poussa la porte à grands coups. Mais elle ne se fermait toujours pas. Perdant patience, Guillaume dégaina son épée et découpa un à un les six bras griffus. Et la porte se referma enfin.
Le guerrier avisa une poutre juste à côté de la porte. Il s’en empara et verrouilla la porte. Et enfin il tomba sur le sol pour souffler.
En refermant la porte en bois, Guillaume avait coupé toute source de lumière. Il chercha donc dans une de ses sacoches une petite pierre en cristal et la posa sur le sol. Il sortit ensuite un silex et une autre pierre sombre comme la nuit, et frappa le silex dessus. Des étincelles s’échappèrent de la pierre noire, tombèrent sur la pierre de cristal, et celle-ci s’illumina immédiatement.
Jeanne sembla stupéfaite par le procédé, avant de murmurer :
-Un Lucio-Cristal… ?
-Exactement. Un cristal se servant d’étincelles pour produire une forte lumière pendant quelques minutes.
Guillaume avait enlevé sa cape, révélant son armure en métal polie. Sur le plastron, il y avait un symbole gravée et peint en vert, que Jeanne n’eut pas le temps d’observer. À la lumière du cristal, Guillaume avisa un mur non loin, et plaça la femme en position assise. Il lui tendit ensuite sa cape et elle s’en servit comme couverture.
-D’où tenez-vous cet objet rare… ? Demanda Jeanne, encore affaiblie.
-Ne posez pas de question, et vous n’aurez pas de mensonge.
Elle se tut donc, observant les faits et gestes de Guillaume. Dans son dos était accroché un sac à dos, relié à son armure par un ingénieux système de lanières et de cordelettes. Il lui suffisait de dénouer un cordon assez solide au niveau de sa taille pour que le sac en peau d’ours tombe sur le sol. Le sac en lui-même était constitué d’une grande poche centrale, entouré par une dizaine de petites pochettes annexes. Sous la grande poche, il y avait une couverture enroulée et attachée par deux lanières en peau – elle en était sûre – de dragon. Elle reconnaissait les motifs en écailles tout le long de la lanière. Et maintenant qu’elle avait remarqué cela, elle vit aussi que toutes ses lanières étaient faites en peaux de dragon.
Guillaume ouvrit la poche centrale, fermée par une cordelette. Il en sortit plusieurs rouleaux de bandages en lin, ainsi qu’un petit couteau et une bouteille rouge bordeaux. Dans les pochettes à la droite du sac, il en sortit de la pochette la plus élevée un petit sachet de poudre. Replongeant dans la grande pochette, il détacha une flasque d’eau pure.
-Que… ? Dit-elle, stupéfaite, en voyant Guillaume s’approcher d’elle avec tout ce matériel.
-Taisez-vous, ou je vous égorge.
Il ouvrit le sachet de poudre, en versa un peu dans sa main. Dans l’autre, il tenait la vasque d’eau. Il la débouchonna avec les dents, versa quelques gouttes d’eau dans sa main avec la poudre, reboucha la vasque et mélangea vigoureusement la poudre avec l’eau, pour obtenir une pâte violette. Il ordonna d’un geste à la femme de se mettre allongée sur sa cape, ce qu’elle fit avec abnégation. Elle dut cependant retenir à plusieurs reprises des plaintes de douleurs, tellement le guerrier massait sa peau avec la poudre avec une force prodigieuse.
-Vous êtes médecin… ?
-Ce que je suis n’a pas d’importance. Contentez-vous de vous taire et de guérir. Je ne peux me battre en protégeant un boulet.
Il rinça ses mains et attrapa les bandages. Il entoura le dos et le torse de la femme avec plusieurs couches de bandages, puis lui tendit une tunique en toile de jute. Elle refusa d’abord, car c’était une tunique pour prisonnier mâle, mais elle céda finalement face aux arguments tranchant de Guillaume.
-Pourquoi faites-vous cela… ?
-Je vous l’ai dit : Je ne veux pas d’un boulet dans mes pattes… Zut, la lumière s’est éteinte…
Il relança la lumière de la pierre à coups d’étincelles. Puis il demanda à Jeanne :
-Savez-vous vous lever ?
-Oui…
-Savez-vous vous battre ?
-Bien sûr…
-Es-ce que le nom de « Fendrelame » vous dit quelque chose ?
-En effet… Mais je ne saurai vous dire d’où je l’ai entendu… Mais à quoi riment toutes ces questions ?
-Car votre présence ici m’intrigue. Seuls ceux qui savent ce que veux dire le nom de « Fendrelame » ont quelque chose à faire ici.
-Ah oui ? S’exclama-t-elle, outrée. Eh bien, sachez, gent homme, que je suis la chef des gardes de mon roi, le seigneur Almarach, et que je suis en mission officielle ici-même !
Guillaume releva un sourcil.
-Et que souhaite le souverain de l’Empire Astlan dans cette grotte ?
-Ce que nous cherchons ne vous intéresse pas…
-Au contraire, car il n’a rien à faire ici.
-Qu… ?
Elle ne termina pas sa phrase, car la roche au-dessus d’eux se fendit en plusieurs endroits.
-Nous en reparlerons plus tard, conclut Guillaume en s’emparant d’une courte épée dans son sac. Tenez, voici « Vivredon ». Ce sera votre arme pour le reste de cette grotte, puisque vous n’êtes pas armée.
Elle s’empara de l’arme, en testa la maniabilité, effectua quelque mouvements, et en conclut que c’était une belle lame. Guillaume replaça son sac sur son dos, referma sa cape sur ses épaules, et tira sa longue épée de son fourreau.
-Et comment se nomme cette lame ? Demanda Jeanne d’un œil expert.
Guillaume fixa la femme, puis son épée, et répondit :
-« Venthefers »
-Un beau nom pour une lame de cette qualité.
-Merci. Maintenant, allons-y.
Ils s’avancèrent dans le petit et étroit couloir, Guillaume en tête avec son Lucio-Cristal en main. Juste derrière la porte, il y avait encore assez d’espace pour qu’ils se tiennent à dix. Mais le couloir qu’ils devaient emprunter rétrécissait en largeur, jusqu’à ce qu’ils se tiennent collés aux murs faute de place. Derrière eux, le plafond s’écroula, et plusieurs Valradins tombèrent sur le sol, utilisant leurs vues sensible dans le noir et leurs odorats développés pour retrouver les deux humains.
Ceux-ci avançaient le plus vite qu’ils pouvaient, mais Jeanne constituait réellement un poids. Ses blessures au dos ralentissaient les deux guerriers dans leur tentative d’échappatoire. Et les murs rétrécissant de plus en plus l’espace disponible dans le couloir n’arrangeaient en rien les choses. Heureusement, ce fut la même chose pour les Valradins qui, en plus d’être plus épais que les humains, n’avançaient pas vite une fois sur le sol, en mode bipède.
Au bout d’un long moment haletant, épuisant, le couloir les amena à une nouvelle salle, cette fois-ci entièrement plongée dans l’ombre. Seul un petit point lumineux indiquait aux deux guerriers que leurs buts n’étaient plus très loin : en effet, un petit raid de lumière éclairait une gueule de monstre entrouverte avec, à l’intérieur, un rouleau de parchemin épais scellé par un ruban rouge. Juste devant la gueule de monstre, il y avait deux gargouilles assises sur un pilier de pierre. Celles-ci fixaient deux autres gargouilles, assises dans la même position, mais juste devant les deux guerriers cette fois. Ces dernières leurs tournaient le dos. En voyant le rouleau de parchemin, Guillaume et Jeanne eurent un sourire de victoire, puis se regardèrent.
-Oh non, pas de ça, mon ami, dit Jeanne d’un air entendu. Ce rouleau est à mon roi.
-Je vous ai dit qu’il n’avait rien à faire ici. Je doute qu’il sache ce que « Fendrelame » signifie.
-Je n’en sais rien, mais s’il m’a envoyée ici, c’est qu’il devait savoir.
-J’en doute. Il est trop étriqué d’esprit.
-Pardon ?
Un Valradin poussa un rugissement-sifflement qui fit dresser les poils sur leurs têtes.
-De toute façon, j’ai idée que nous en reparlerons une autre fois, décida Guillaume. Allons chercher ce parchemin.
Il éclaira la route devant lui, et s’aperçut avec grande surprise qu’en réalité… il n’y avait pas de route. Juste un gouffre immense, aux profondeurs insondables. Des râles sourds semblaient provenir de ces profondeurs, comme les voix de ceux qui hantent les Bas-Fonds du Monde.
-Qu’es-ce que cela signifie ? S’étonna Jeanne, en fixant le vide. Je ne m’attendais pas à cela !
-Comment avez-vous pu survivre jusqu’ici, avec une telle étroitesse d’esprit ? Lui demanda Guillaume, une pointe de sarcasme perçant sa voix. Es-ce que vous lisez, au moins ?
-Non, et je m’en contrefiche. La lecture est bonne pour les philosophes, pas pour les soldats comme moi.
-Alors il est normal que vous ne voyiez pas de pont. Car il y en a un.
-Quoi ? Arrêtez un peu vos sottises !
Guillaume ne l’écouta plus et ferma les yeux. Il s’avança lentement, petit pas à petit pas, jusqu’à sentir le vide à la pointe de ses bottes. Toujours les yeux fermés, il inspira profondément, et avança d’un grand pas. Jeanne s’exclama :
-Arrêtez ! Vous voulez mou… Hein ?
Le pied de Guillaume ne tomba pas dans le vide, comme elle l’avait tout d’abord pensé, mais se posa sur une petite zone verte, faite apparemment de lumière. Toujours confiant et les yeux fermés, Guillaume avança, pas à pas, vers le parchemin. Le gouffre n’était pas très grand, mais sûrement très profond, et une mauvaise manœuvre mènerait à la mort. À chacun de ses pas, les mêmes cercles de lumières apparaissaient autour de son pied, pour rétrécir petit à petit. Guillaume avançait donc assez vite, mais toujours en mesurant ses gestes. Après dix longues enjambées, il parvint de l’autre côté. Jeanne en restait sidérée.
-C… Comment avez-vous réussi cela ? Articula-t-elle avec difficulté.
Guillaume se retourna et dit :
-Il est dit, dans un poème elfique, que « Celui qui voit dans le noir, fera jaillir la lumière, là où ses pas seront aveuglé par les affres de la réalité ». Ne voyez pas un gouffre, Jeanne. Voyez un pont, et il apparaîtra. Et surtout, avancez sans vous arrêter.
Elle acquiesça et ferma les yeux. Elle s’imagina un pont de bois, un pont suspendu bien solide, un pont sur lequel il y avait un peu d’humidité due à la vapeur ambiante, un pont soutenu par deux grosses cordes, tendue à des piquets situé de part et d’autre du pont. Puis elle avança un pied. Elle se fixa sur son image de pont, si fort que son pied heurta une résistance. Mais sitôt cette sensation ayant atteint son cerveau, elle ne put s’empêcher : elle ouvrit les yeux et regarda en bas.
-Non ! Fermez les yeux et continuez à avancer ! Hurla Guillaume.
Elle se reprit et avança d’un deuxième pas, puis d’un troisième,… avant de terminer sa course devant Guillaume. Haletante, le front en sueur, Jeanne semblait avoir eu une crise cardiaque. Guillaume lui donna une tape amicale en disant :
-Eh bien voilà, votre esprit s’est ouvert un peu.
-Ne me… faites plus jamais… retenter cela ! Haleta-t-elle.
-Si vous le dites…
Guillaume se tourna vers le parchemin, ses mains tremblantes étant sur le point de toucher le papier jauni. Mais il se ravisa au dernier moment, sous le regard perplexe de Jeanne.
-Que faites-vous ? Prenez-le !
-Non.
-Pourquoi cela ?
-Il est piégé.
-Quoi ? Comment ?
-Je ne sais pas. Je sais juste qu’il est piégé.
Guillaume fixait intensément la tête du monstre. Une tête abominable, taillé dans un style grossier et brouillon. Les lèvres ressemblaient à de gros boudins, les dents étaient bien trop grosses et les yeux formaient deux gros globes sans pupilles. Six moustaches étaient collées autour des deux grosses narines qui ne ressemblaient à rien. Vraiment, Guillaume trouvait cette statue moche. Et pourtant… par le passé, il avait entendu dire d’un ami que lui et son compagnon d’exploration avaient explorés une grotte remplie de pareilles statues. Chacune d’entre elles étaient piégées, disait-il. Ce que Guillaume trouvait étrange, c’est que jusqu’à présent, les sculptures étaient d’une beauté hallucinante, les détails étaient calculés au millimètre près. Et maintenant, il tombait sur une statue moche, boudinée, mais qui refermait l’un des plus précieux secrets pour sa quête. S’il échouait maintenant, ses chances de trouver ce qu’il cherchait serait fortement compromises.
Il réfléchissait encore quand Jeanne lui toucha l’épaule :
-Si vous pouviez vous dépêchez… il semblerait que l’on ait de la compagnie.
De l’autre côté du gouffre, les Valradins commençaient à s’agglutiner entre les statues des gargouilles. Par prudence, Jeanne dégaina Vivredon, l’épée que lui avait prêtée Guillaume. Celui-ci dit avec un geste nonchalant :
-Occupez-vous en… cette énigme passionnante risque de prendre du temps…
-Vous êtes amusant, vous aussi. Vous n’êtes pas blessé !
-Si vous savez parler autant, c’est que vous l’êtes moins que moi.
-Raah !
Elle se détourna, fâchée, pour faire face aux Valradins. Elle espérait de tout cœur qu’ils ne connaissaient pas le coup du pont imaginaire. Espoir vite envolé quand elle vit quelques uns marcher dans le vide, leurs pattes entourées d’un cercle vert.
-Alors ? Pressa Jeanne, sentant l’appréhension monter en elle.
Il ne répondit pas et fixait intensément les yeux de la statue. Depuis un moment déjà, il avait remarqué un détail par rapport à ces yeux : Ce n’étaient pas tout à fait de simples globes en pierre. Il s’agissait réellement de « vrais » yeux, avec une pupille, mais celles-ci étaient plongées dans l’ombre, et la partie miroitante de l’œil était donc caché. Il toucha des pouces les deux yeux et les pressa. Aucune réaction. Par contre, les globes semblaient savoir bouger ; il savait les faire pivoter. Quand il pointa les yeux vers lui, il aperçut, non pas son reflet, mais un symbole, perché juste au-dessus de lui.
-Vous avez quelque chose ? Demanda Jeanne, de plus en plus pressante.
-Taisez-vous un peu. Je suis sur une piste. Dit Guillaume en se retournant précipitamment.
Il avait vu juste. Situé au dessus du vide, il y avait un panneau, avec le symbole qu’il avait vu dans les pupilles du monstre. Jeanne leva les yeux et l’aperçut elle aussi. Sur le panneau était inscrit ceci :
« Bravo aventurier. Tu as atteint le point culminant de ta quête. L’objet de tes désirs se trouve ici. Malheureusement pour toi, cela signe également la fin de ton existence. À moins de résoudre cette énigme dans les dernières minutes qu’il reste :
« Quand je monte par le bas,
Mes yeux voient blanc.
Quand je fixe les levants et les couchants,
Mes yeux voient rouge.
Et quand, enfin, mon cri je pousse,
Mes yeux se vident, vont en dessous. »
Attention, aventurier. Si tu es seul, tu ne pourras résoudre cette énigme sans te faire gober. »