J'ai suivi de très loin les polémiques et l'actualité (ne sont-ce pas les deux noms d'une seule et même chose ^^') du 43e fibd.
Et je vous remercie, tout d'abord, pour cette revue de presse régulière et soutenue autour de l'évènement.
Il y aura deux considérations dans mon propos : d'abord une, culturelle (prioritaire et intuitive), et une seconde, vers laquelle je me suis rapidement mais insensiblement surpris à bifurquer, la considération artistique (ou poétique).
Comme je le présume de votre côté, j'en viens à désespérer. Il me semble que la période (~petite décennie) que nous traversons, et je ne le redoute pas du tout, a le sens profond d'une crise. Que devienne évidente la nécessité d'une révolution.
La bande-dessinée, comme média et "9e art" (mais le sont-ils, susceptibles d'une énumération ségrégative...), comprenant comme une seule chose la manga-komikusu, le comic strip, la bd, est à la dérive :
Ce système promotionnel-prescriptif devient une copie pâle de celui qui régit depuis plus d'un siècle la littérature romanesque. Goncourt, Renaudot, et autres "alternatifs", excipients vindicatifs et frondeurs opportunistes, sont depuis une vingtaine d'années les cibles d'une critique vivace et incontournable.
(cf. Sylvie DUCAS, spécialiste du sujet)
Les consécrations décernés dans le cadre du FIBD, et dans le champ de la bd semblent fonctionner de la même manière ! Et ce fait est désespérant.
Est-ce à dire que cette logique de promotion-prescription (à la fois commerciale, prosaïquement commerciale, et paternaliste, en ce qu'elle consiste à "guider" l' "amateur" vers "ce qui se fait de mieux et/ou de nouveau" dans l'art) s'est renversée :
D'une logique de promotion d'un auteur/d'une oeuvre méritante artistiquement, grâce à la prescription légitime d'un festival institutionnalisé, nous avons basculé dans une logique renversante de promotion d'une institution mal à l'aise - le FIBD (depuis quelques temps quasi-systématiquement
acronymé) - par l'élection d'une personnalité artistique connue et reconnue. C'est désormais le lauréat, son charisme artistique et son assise pop-culturelle, qui confère un supplément de légitimité (mais celle-ci est-elle susceptible d'ajouts quantitatifs ?) à une institution en proie aux plus vives critiques. Le 9e art cèderait-il au fétichisme artificiel ? (cf. Jérôme MEIZOZ :
http://www.culturactif.ch/vieculturelle/prix.htm).
Pour pondérer mon propos (même si je ne le conçois pas ainsi...) vis-à-vis du FIBD, et renvoyer le relai médiatique à ses responsabilités (...mais plutôt comme une prise de recul sur les responsabilités - introspection, dans le cadre d'un espoir réformateur - prospection), je pense une chose, et j'aimerais que vous m'en disiez deux mots :
Le scandale est venu de la non-représentation absolue des artistes-femmes dans la liste des nommés; mais s'il y avait des femmes, et s'il y avait eu des femmes à
parité, n'aurait-on pas trouvé (les médias relayeurs de l'évènement, mais aussi nous, la fameuse "opinion publique" - si tant est qu'elle se distingue effectivement des premiers) un motif potentiellement scandaleux, un autre biais de critique ?
Je le pense secrètement, à l'aune de la série de scandales qui émaillent la promotion du festival depuis quelques années...
Alors quoi ? il s'agit d'une crise systémique, pas de couacs épisodiques...
C'est ce mode de fonctionnement, collège d'experts (plus ou moins légitimes, mais plutôt plus que moins, de l'avis sincère et personnel de votre serviteur), consécration discrétionnaire... puis un peu plus transparente, puis carrément scandaleuse, (voire, Damned!, "réactionnaire"...), outil de promotion commerciale de plus en plus évident, tout en ne s'assumant pas comme tel, qui ne jouit plus de toute la vitalité nécessaire pour qu'un évènement qui jure revendiquer une portée internationale et une ambition fédératrice, fasse l'unanimité dans notre culture; et c'est compréhensible : malgré tout, quoique l'on en dise, notre culture est
encore démocratique; elle est même, et c'est ma conviction la plus intime, de plus en plus démocratique,
notre culture, ses institutions, par contre...sont en
retard. A quand le tirage au sort des jurés, à quand l'engagement des grands pontes sur les questions pratiques posées aux nouveaux venus...?*
*PS : Réussir artistiquement, oui, mais se féliciter, pour quoi ? Pour être consacré, puis élire ses émules, eux-mêmes déjà consacrés culturellement ? Réussir pour intégrer une élite ? NON ! Réussir, pour faire réussir !
Si pour François Bon, le roman "n'est plus la forme du risque en littérature", l'adaptation et le formalisme**, est-ce là la nouvelle "forme du risque" en bandes-dessinée... ? La "manière enlevée" et son alter ego idéologique et infra-structurel (productivisme et numérisation), c'est ça, le "nouveau style", dans l'illustration, la bande dessinée, l'art graphique ?
**(Bd-reportage, Bd-historique, Bd-biographique...)