J'attendais sans grand enthousiasme ce premier spin-off live de Star Wars (à moins que l'on considère les DTV Holiday Special et Ewoks comme des œuvres à traiter avec sérieux). La réception enthousiaste m'a pourtant réellement intriguée, et ce parce qu'elle rassemblait également des gens qui n'avaient pas aimé l'épisode VII. Par ailleurs, la présence de noms intéressants, Giacchino à la musique (en remplacement de Desplat, mais le bonhomme a toujours réussi à faire quelque chose de solide), Fraser à la photographie (avec tournage en objectifs 70mm - c'est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup) ou Edwards à la réalisation, dont je n'aime pas le Godzilla mais lui reconnait des qualités rares dans les blockbusters actuels (un sens du mystère pendant plus de 10 minutes, une volonté de retarder ses effets autant que possible), laissait présager un projet ambitieux et différents.
Et pourtant… quel ennui. Autant je comprends et j'accepte tout à fait l'aspect remake du VII, épisode canonique qui doit prendre la relève du récit d'aventure initiatique et bienveillant et dont le jeu constant sur la parallèle avec l'épisode IV fait sens au moins au niveau de la note d'intention de ressusciter l'esprit Star Wars de la trilogie originale. En revanche, je suis profondément déçu que dans un spin-off proposant d'élargir l'univers et ses possibilités, on se retrouve avec un film qui use d'une intrigue sans originalité par rapport aux autres opus de la série, des mêmes ressorts narratifs éculées et d'une tonalité et une ambiance identiques (quoiqu'on dise, ce n'est jamais plus sombre ou mature que l'épisode V). Il semble qu'une composante de film de guerre, d'espionnage, voire de braquage, qui pourtant ferait totalement sens dans l'idée du projet initiale, soit totalement exclue et qu'il faille se farcir les mêmes schémas que dans les films précédents, tel l'enchainement des marvelleries dont la recette est identique jusqu'à l'écoeurement.
Le film a effectivement des qualités. Une direction artistique solide (à défaut d'être originale, c'est du très beau travail dans les variations starwarsiennes), une photographie élégante d'une froideur adéquat au sujet, une idée de départ que je trouve aussi brillante que maligne dans l'idée de spin-off (raconter ce qui se passe juste avant l'épisode IV) et une réalisation sobre et lisible. Et la présence de reshoots ne m'a pas sauté aux yeux, contrairement à Suicide Squad qui en pétait par toutes les coutures. Le film n'est à mon avis pas plus mauvais que n'importe quel blockbuster sorti cette année ; il dispose de défauts que l'on retrouve dans beaucoup d'autres productions, que ce soit les films de super-héros DC, Marvel, les Animaux Fantastiques ou Warcraft. A savoir un montage réglé de manière totalement anonyme où chaque plan qui excède les 2 secondes pourrait être taxé de contemplachiant (ceci dit, je n'ai pas chronométré pour la beauté de l'art), des personnages que leurs acteurs n'arrivent pas à faire exister (le casting est après tout aux fraises, Forest Whitaker hésitant dans la même réplique entre surjeu bien fendard et cacheton paresseux, ce qui a un rendu très pénible), chaque point de développement ou de scénario devant alors faire l'objet d'une ligne de dialogue qui donne l'impression d'assister à une réunion powerpoint plutôt que de ressentir une réelle empathie pour les personnages et des scènes d'action jamais moteur de l'intrigue mais simple illustration, où les enjeux scéniques seront un brouillon incompréhensible où tout ce qu'on comprendra (et tout ce qu'il faudra comprendre), c'est que ça fait pioupiou dans tous les sens et qu'une fois qu'on aura actionné le bouton la mission aura marché. Et c'est pour cela que même si je trouve que Rogue One est constellé par ces défauts, je ne lui en fera pas plus le procès que pour les autres.
Les thèmes de la rébellion évoqués par simon38 sont bien présents dans le film. En revanche, j'ai une grosse réserve quant à un quelconque traitement de ces sujets, ne serait-ce parce qu'ils restent accessoires à une intrigue Star Wars lambda, et ne sont jamais vécus par les personnages. Le seul qui en fera une seconde l'expérience, Yvan Attal Diego Luna, expédiera ses états d'âmes au détour d'un dialogue poussif où il expliquera qu'il a fait des choses par bien dans la Rébellion, ce qui n'a strictement jamais existé dans l'arc narratif du personnage jusque là et qui n'apparaitra plus par la suite, d'autant qu'au moment de nous l'expliquer, le conflit est déjà résolu dans sa tête. Felicity Jones ne participe à la Rébellion que pour accomplir la vengeance paternelle dont le traitement rivalise d'intensité avec celui de Gozilla, l'oscillomètre émotionnel du spectateur souvent à zéro, parfois à osef. Tout l'arc de Riz Ahmed sur son ralliement à la Rébellion est quant à lui traité AVANT le film, la "résolution" proposée dans le film n'étant que son insertion par les autres membres de la Rébellion, autant dire qu'il ne traverse pas grand chose émotionnellement. Quant à Donnie Yen et Jiang Wen, ils semblent traverser les péripéties avec les autres personnages, faute d'avoir mieux à foutre. Difficile, dès lors, de sentir une implication dans un quelconque de ces sujets, a fortiori lorsqu'ils ne sont jamais traités mais laissés comme une toile de fond, un décor "cool et mature", sans jamais porter à réflexion dessus, pour un film d'aventure dont les enjeux seront réglés sur ceux des autres Star Wars, dont l'approche mythologie faisait au moins sens avec le manichéisme du conflit. Et je ne considère pas le mot manichéisme comme une insulte envers les films, je trouve par contre que sa présence dans Rogue One rend la lecture politique très superficielle, si tant est qu'elle puisse être réellement faite.
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