Les fêtes approchent, l'année s'achève, hésite le regard, arrimé, nostalgique, à un passé encore palpable, mais tendu, déjà, vers un avenir plein d'espoirs...
Bref, c'est le temps des bilans et autres joyeusetés que l'on repousse toujours à plus tard. Alors, d'un point de vue cinéma, j'aimerais bien connaître les films qui vous ont marqué cette année , que vous recommandez, et/ou que vous voulez faire découvrir, qu'on puisse profiter du temps (plus ou moins) libre qui s'annonce pour quelques séances de rattrapage ou visionnages de DVD
Alors, pour moi, ce qui s'imposent cette année:
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Million Dollar Baby de Clint Eastwood: un classicisme à tout épreuve. Un réalisateur que je snobait il y a encore quelques temps et que j'admire profondément à présent
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Locataire de Kim Ki-Duk: tout simplement extraordinaire; je le recommande vraiment, car dans ce film le réalisateur relache un peu l'extrême violence qu'il montre habituellement, et la poésie du propos et de la mise en scène est très impressionnante
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Aviator de Martin Scorcese: encore un classique américain, mais une très bonne surprise selon moi qui n'en attendait pas grand chose (je ne suis pas fan de Scorcese). Un film sur le fil du rasoir, en permanence dans une réversibilité puissance/fragilité... il m'a vraiment plu.
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Taste of Tea de Ishii Katsuhito: très burlesque, voire déroutant, voire franhement bizarre. Je ne savais pas ce que j'allais voir, j'en suis sorti sans savoir ce que j'avais vu, mais j'avais vraiment adoré.
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Mysterious skin de Gregg Araki: des potrait psychologiques que j'ai trouvé remarquables dans un propos qui ne sombre jamais dans le sordide malgré la difficulté du sujet.
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Last Days de Gus Van Sant: ça ne vaut pas
Gerry, mais formellement cela se veut irréprochable, et l'est je pense. Il y a quelques scènes d'anthologie à ne pas manquer.
et sinon, en vrac, qui m'ont laissé de bons souvenirs:
Le Cauchemar de Darwin (un documentaire),
Batman Begins,
La Guerre des mondes,
Collision,
A history of violence...
Voilà: à vous de dire ce qui vous a plu au cinéma cette année!!
EDIT:
Après avoir vu les précises et bonnes descriptions données par Saru, je me dis que la meilleure façon de donner envie de voir un film est d'en donner un aperçu un peu plus détaillé que ce que j'avais fait en lançant le sujet, donc... (Sautez tout ce qui suit si vous ne voulez pas de descriptions détaillées et cherchez juste des idées de films!!)
Million Dollar Baby: je vous renvoie à ce qu'en dit plus bas Saru. Je partage son point de vue sur le "tout" du film: par rapport à
Mystic River, la structure est beaucoup moins étoilée et se concentre sur une intrigue minimaliste afin de ménager une montée en puissance de l'émotion quasiment rassemblée sur un événement (le pivot du film, attendu et redouté par le spectateur, mais auquel il est, je pense, impossible de ne pas se faire prendre). L'amont et l'aval constituent en quelque sorte l'exposition nue des circonstances et conséquences de "l'accident" (au sens de ce qui arrive). Je soulignerait juste en plus l'immense travail sur les stéréotypes entrepris ici par Clint Eastwood, partout présent et pourtant éclatés de l'intérieur par la mise en scène très sobre et la narration elle aussi épurée.
Taste of Tea: Là aussi, allez lire ce qu'en dit Saru (je suis ravi que quelqu'un d'autre ait vu et apprécié ce film). L'aspect délirant peut laisser le spectateur hors du film, mais ce n'est pas un film ennuyeux, et chauque saynète est à la fois très drole et émouvante. Les personnages sont attachants, et si vous l'imaginaire de petite fille, les hésitations adolescentes, les chansons kitch japonaise, les chorégraphies de héros d'animés, le go ou les grand-pères à moitié fou ce film est pour vous (si vous n'aimez rien de tout ça, ce qui est sûrement la majorité, allez-y quand même: vous êtes prévenu, le choc sera moins rude, et l'ensemble est traité d'une manière qui ne peut que plaire)
Locataire: c'est l'histoire d'un jeune homme qui repère des maisons ou appartements vacants et s'y installe à l'insu des propriétaires, et s'enfuie lorsque ceux-ci reviennent. a la différence d'un cambrioleur, le héros ne prélève rien dans les lieux qu'il investit. Son passage s'effectue sans que les propriétaires ne s'en aperçoive. Il se comporte à la manière d'un fantôme (je schématise), hantant les lieux, adoptant un peu de la vie des gens chez qui il loge. Il laisse pourtant des traces indicibles de son passage en réparant les objets cassés (jouets, horloge...) ou en les redisposant autrement. Pourtant, un jour, sa vie est bouleversée par une découverte qu'il effectue lors d'un de ses séjours... (non, ce pas le OnePiece, quoique...) Ce film n'est pas à proprement parler une histoire de fantômes (je ne veux pas tromper sur la marchndise), mais plutôt une parabole sur la vie dans la société coréenne en mutation et la capacité à s'en extraire, par choix, devançant la contrainte. C'est un film sur la marge, et la métaphore du fantôme qui se densifie tout au long du film permet de l'illustrer. C'est pour moi, je me répète, le plus beau film de l'année.
Aviator: Le film retrace la vie de Howard Hugues, figure mythique de l'Amérique de la première moitié du XXème siècle. héritier d'une immense fortune, le personnage l'investit dans ses deux principales passions: le cinema et l'aviation, deux domaines dans lesquels il sera pionnier. Le film montre donc les grandes étapes de cette ascension, et les conquètes amoureuses et politiques qui la jalonnent. L'intérêt du personnage réside dans la totale liberté dont il fait preuve, et dans l'absolue conviction qu'il a en la réalisation de ses rêves. Et il y a bien là un parallèle entre ce qui est montré du personnage et le motif principal de OnePiece: la foi dans ses rêves, et la volonté de les réaliser. Mais le rêve revêt parfois un revers cauchemardesque et la fin de vie du héros le voit rattrapé par une forme d'entropie inhérente à sa passion. Phobies, angoisses et manies prennent le dessus et le coupent petit à petit de la réalité. Toute la grandeur du film repose sur cette confrontation permanente du rêve et de la réalité, et sur la capacité du premier à transformer la seconde par le biais de la volonté humaine. cela suppose de toujours ménager une fragilité sous la puissance dégagée par le personnage. L'interprétation de Di Caprio est à ce titre époustoufflante.
Mysterious Skin: Pour en dire un peu plus, il s'agit d'un sujet sensible: la pédophilie. Je précise immédiatement que le film ne sombre, à mon sens, jamais ni dans le graveleux, ni dans le compassionnel. L'équilibre ménagé est remarquable. L'histoire raconte donc d'abord l'itinéraire d'un adolescent américain conscient qu'un pan de sa vie (une soirée lorsqu'il avait huit ans) semble effacé de sa mémoire. Le film débute par l'histoire de sa quête pour retrouver ses souvenirs manquants. L'hypothèse qu'il suit d'abord est celle d'extra-terrestres l'ayant enlevé. Mais ce mécanisme de défense face à un traumatisme passé est rapidement révélé, et c'est qu'il a pu refoulé que le personnage doit explorer. Il le fera à travers la rencontre d'un autre adolescent ayant vécu la même histoire que lui mais s'étant construit, par rapport à cet événement, de manière totalement opposée. Ce film est selon moins d'une rare intelligence, et, contrairement à ce que son propos laisse penser, ne fout pas le cafard. Le ton est parfaitement juste et propose une vraie réflexion sur de tels actes. Néanmoins, le propos est cru, et une scène (dans le présent de l'histoire, et non dans les souvenirs) est très dure. Le film est d'ailleurs interdit aux moins de 16 ans. Il reste pourtant extrêmement émouvant.
Last Days: Il s'agit de la vie fictive de Blake, alter ego de Kurt Kobain, suivi dans les derniers jours de sa vie. Le film pose la question de la vérité d'une biographie, choisissant non le récit fidèle à la lettre et aux événements pour évoquer une personne, mais une exploration de l'esprit du personnage, adaptée au moyen cinématographique. Cearti pris peut rebuter, mais il est une autre façon de rendre hommage et d'évoquer. C'est surtout la façon, nous dit Gus Van Sant, de faire une oeuvre d'art à partir d'une autre oeuvre. Il ne s'agit pas de traduire ou de montrer, mais bien de recréer en étant fidèle au mouvement intime de ce que l'on adapte. Les séquences qui se succèdent sont donc très décousue, chacune étant l'occasion 'explorer une situation, un état d'esprit, et un postulat cinématographique ou de mise en scène. Ce n'est pas le film que je préfère du réalisateur, mais il est pour moi plus intéressant qu'
Elephant, et se révèle très inventif. Du coup une sensation d'abandon du spectateur peut se faire ressentir... Le rythme est volontairement haché, et les personnages comme dispensés d'être utile à la camera, leurs gestes et propos semblant la plupart du temps incohérents et incompréhensibles. Mais si l'on dépasse cela, le film est magnifique et, je me répète encore, plusieurs scènes sont exceptionnelles.
Enfin, petits ajouts:
Peindre ou faire l'amour des frères Larrieu, et
Le Château ambulant de Miyazaki (merci à Robin K de m'avoir rappelé ce film: ça me donne envie de le revoir!)
désolé pour ce (trop) long édit. J'espère juste que décrire ainsi plus précisément les films donnera davantage envie de les voir...