En effet, je n'avais pas eu le courage de faire un sujet sur ce film. Merci donc de l'avoir fait. Ma paresse vient du fait que je ne sais pas trop quoi penser du film. Si j'avais ouvert le sujet, je me serais senti obligé de le défendre, alors que là... mais bon, ce ne sera que quelques réserves, pour ne pas trop décourager d'y aller.
Munich, l'événement historique, marque le début de ce qu'on considère aujourd'hui comme le terrorisme. De plus, l'aporie complète de l'opposition entre l'OLP et le gouvernement israëlien dans les années qui suivirent la tragédie a conduit à changer de stratégie et aux négociations pour la paix au proche orient dans les années 90. On le voit, ce film a déjà une double actualité de par le sujet qu'il traite. Abordant un sujet très sensible, et très périlleux, on ne peut que reconnaître que Spielberg s'en tire très bien, sans (trop) de manichéisme ni de caricature. C'est un film, je crois, profondément honnête (même si certaines "erreurs" (et c'est terrible d'utiliser ce mot pour désigner ces assassinat) que le groupe aurait commises ne sont pas présentes).
Mais, car il y a un mais, que je mettrais au pluriel si je le pouvais, le film se trouve comme paralysé par l'enjeu qu'il aborde. Les sujets politiques ou historiques ne sont pas seulement problématiques d'un point de vue d'histoire, ou ou de respect de la vérité, ils paraissent mettre en péril le fait même de faire du cinéma. Je m'explique: il y a selon moi un tel souci de didactique et de mesure durant tout le film qu'il en perd beaucoup en intensité. Pour compenser cela il multiplie les événements dramatiques et les rebondissements secondaires afin de tenir le spectateur en haleine. Mais au final, pour moi, l'essentiel est manqué et un sentiment de répétition ressort de la multiplication des situations d'assassinat (alors même que cette répétition aurait pu être un outil d'exploration).
Ce qui fait le grand intérêt du film devrait être la montée des doutes chez le héros, en même temps que s'émousse sa sensibilité devant le meurtre. Mais si cette tension est bien et clairement exposée, elle n'a pris pour moi l'intensité que j'en attendais. Le film me l'a montrée, il ne me l'a pas fait ressentir. Même si 'lon nous montre bien, du debut à la fin, que lorsqu'on tue, ce sont bien des hommes que l'on tue, des gens avec qui l'on peut discuter. La dialectique entre l'arme et la parole étant l'autre grande polarité du film.
Quand j'évoque ainsi le film, je me dis que finalement il n'était pas si mal, mais quand même, quelque chose retient mon enthousiasme. Je crois que c'est parce que le film m'a paru trop lisse. Or peut-être que pour un tel sujet être lisse, ou modéré, n'est pas une solution, ou pas encore. Peut-être aurait-il été préférable de percevoir un engagement, c'est-à-dire un discours, derrière les événements racontés. Critiqué par les deux bords de par la neutralité même qu'il recherche, Spielberg rate en plus la possibilité de dire quelque chose dans ce qu'il raconte. Il lui manque selon moi un point de vue fort, construit tout au long du film. La distance qu'il adopte n'atteint pour moi qu'une forme de surface de ce qu'il montre.
De plus, se placer au coeur même de l'action, pour raconter l'Histoire, ne me paraît pas forcement le moyen le plus efficace. Les scènes les plus fortes sont pour moi les scènes périphériques: Amsterdam, la planque à Athènes, mais surtout les entrevues avec la famille d'informateurs. En outre, malgré son côté très téléphoné, j'ai bien aimé le personnage de fabricant de jouets reconverti en artificier. Les métaphores de l'engrenage, du rouage dans la mécanique, et du pantin manipulé, bien que soulignées, n'en sont pas moins efficaces. Je regrette que les autres membres du groupe n'aient pas tous eu ainsi une sorte d'arrière plan qui serve et illustre le film.
Enfin, un mot sur la brochette d'acteurs. Là, c'est assez incroyable. Outre les personnages principaux, le film semble se ramifier à travers ses rôles secondaires. Le cinéma d'auteur y est fortement représenté, français ancien (Lonsdale), récent (Amalric et Valéria bruni-Tedeschi tout droit sortis de Rois et Reine de Desplechin, mais aussi Yvan Attal), ou étranger (Marie-Josée Croze, et certainement beaucoup d'autres que je ne connais pas). Comme si le film, incapable de dire quelque chose directement devait s'en remettre aux liens qu'il tisse avec d'autres univers cinématographiques. Il me semble qu'un au-delà est ainsi esquissé, mais qui paraît limité. Sinon Kassovitz m'a plu, comme souvent lorsque je le vois jouer (j'avais beaucoup aimé Un Héros très discret et Amen) (pourquoi s'acharne-t-il à vouloir réaliser??).
Pour finir (vraiment cette fois), comme je suis d'humeur mesquine et fielleuse, mon scepticisme concernant Spielberg. Alors que j'avais bien aimé La Guerre des mondes, qui avait réhabilité le réalisateur à mes yeux, j'en viens à me dire si je ne me suis pas laissé aller à un enthousiasme déplacé alors. Si Munich me paraît limité, agréable à voir mais sans plus (je ne pense pas qu'il me reste grand chose du film dans un mois), Minority report que j'ai enfin vu (juste avant son passage télé!) m'a franchement déçu. Pour la Guerre des mondes je me demande finalement si ce que j'ai aimé n'était pas dû au dialogue du film avec Signs de Shyamalan. Si j'étais méchant je dirais que Spielberg fatique et qu'il commence à identifier (désigner?) ses successeurs de la "jeune" génération: Shyamalan ou Desplechin (pour faire franco-centré).
Mais bon, malgré toutes mes critiques, ce film reste un bon film, intelligent, poignant, et bien ficelé. Son côté didactique m'a déplu, mais il est certainement utile et louable. Neutre, le film est néanmoins courageux. J'encourage donc tous ceux qui aiment les films à dimension politique ou historique, avec cas de conscience à la clef, à aller le voir, comme ceux qui aiment Spielberg pour (re)découvrir cette veine mineure de son cinéma.
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