Heures au format UTC + 1 heure [ Heure d’été ]




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 2 messages ] 
Auteur Message
 Sujet du message: L'Ivresse du pouvoir
MessagePosté: Sam 4 Mar 2006 13:11 
500 000 000 Berrys
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 30 Nov 2005
Messages: 6960
Localisation: dans la lune
L'Ivresse du pouvoir est le dernier film de Claude Chabrol, un des dinosaures du cinéma français (La Cérémonie entre autres). Isabelle Huppert, une de ses actrices fétiches, y interprête le rôle d'une juge d'instruction chargée d'un dossier politico financier, et dont l'enquête se heurte aux arcanes du pouvoir et aux intérêts et fonctionnements politiques. Son statut lui octroie pourtant la possibilité d'abattre des hommes extrêmement influents et socialement bien au dessus d'elle. Comme elle le rappelle elle-même, le juge d'instruction est au fond le personnage le plus puissant de France. Mais dans le même temps sa vie personnelle entame un lent effondrement.

Alors pourquoi aller voir ce film?

D'abord parce que ce Chabrol n'est pas comme les autres. Si vous aimez Chabrol, alors vous adorerez celui-ci, car ses thèmes de prédilection se retrouvent, exacerbés comme jamais (principalement celui du pouvoir bien évidemment, mais aussi ceux des tabous, des clivages sociaux, de la force et de la fragilité mentales, toutes deux en étroit lien avec la folie, etc.). Si vous n'aimez pas Chabrol, ou que vous ne le connaissez pas et avez un a priori négatif sur ce réalisateur qui porte en gros l'étiquette "cinéma français", ce film vous surprendra. Il n'y est pas (uniquement) question d'intrigue intime ou privée. L'intrigue est d'abord publique, et c'est sur elle que se greffe, ou plutôt se dessine en creux la dimension privée. Délaissant ses procédés habituels de contemplation d'intérieurs bourgeois, la caméra navigue entre l'appartement de la juge, et ses bureaux, lieu anonyme où peut directement émerger la question politique.

Car ce film est d'abord, à un premier niveau, un discours politique. Le sujet fait directement référence à l'un des plus gros scandale politico-financier français: l'affaire des frégates, ou affaire ELF. Le film ne prend guère de précautions pour crypter cela, les clefs étant relativement évidentes. Ainsi le personnage d'Isabelle Huppert se nomme Jeanne Charmant Killman, et correspond à Eva Joly, François Berléand ressemble diablement à Le Floch-Prigent, et la société mise en cause s'appelle FMG, soit ELF plus une lettre (procédé inverse de 2001, où HAL renvoyait à IBM). Cette seule dimension est déjà passionnante car elle dénonce explicitement les moeurs et abus du pouvoir, mais sans démagogie excessive, en restant à échelle humaine. Il y a là un engagement vraiment intéressant.

A un second niveau, c'est le pouvoir qui se trouve questionné, aussi bien dans ses mécanismes institutionnels (la toute puissance des grands groupes financiers, leur influence en tant que lobby sur la politique) que personnels à travers la figure de la juge qui repousse sans cesse les limites de sa puissance, par les mises en examen et auditions qu'elle réclame. Cette puissance là se confronte avec celle des représentants des pouvoirs qu'elle attaque (les dirigeants financiers d'abord, politique derrière), puis les autorités judiciaires dont elle dépend, malgré l’indépendance propre à sa fonction, mais qui tentent de la contrôler. A l’ivresse du pouvoir des puissants répond donc celle dont l’héroïne prend peu à peu la mesure en expérimentant et en exerçant ce dernier. Dans le deux cas se pose la question des limites et du cadre du pouvoir, et du sentiment de puissance qui l’accompagne. Mais à ce niveau, les limites au pouvoir des puissants que représente la juge paraît justifiées quand celles imposées à la juge ressemblent à une forme de censure. L’héroïne refuse les contraintes d sa hiérarchie, jusqu’à aller au clash, mais mesure dans le même temps les abus humains qu’elle a pu commettre au début de son enquête lorsqu’à la fin du film elle retrouve complètement détruit l’homme qu’elle a utilisé pour faire éclater le scandale.

Cela nous mène à un troisième niveau dans ce film, celui finalement plus chabrolien de l’envers privé du pouvoir public, des pulsions intimes mises en relief par la situation. Une trame sentimentale apparaît à l’arrière plan du film, mettant en scène la juge, son mari, et son neveu. Le pouvoir public croissant de la juge se répercute dans con couple, sous forme de vases communicants. Le mari se sent de plus en plus minorée par sa femme, par l’importance public qu’elle gagne. Celle-ci prend de moins en moins de précautions avec lui, jugeant que la pression qu’elle subit dans son travail doit lui être épargnée à la maison. Symboliquement les sexes s’inversent, et la fonction phallique est accaparée par la juge. Cela grève le couple en même temps qu’un jeu de séduction s’instaure entre la juge et son neveu, rejouant là encore en inversant les sexes le schéma courant de l’homme plus âgé, volage dans son couple, dont le pouvoir et la situation lui permet de séduire une femme plus jeune. Cette inversion est mise en scène de manière très subtile et discrète, simplement suggérée, puisqu’elle se double du motif de l’inceste, et que le propos, à ce niveau, concerne da'bord les pulsions et non les passages à l'acte. Et c’est finalement là que réside l’essence de l’ivresse du pouvoir : dans l’usage privé qui est fait de celui-ci, dans ce qu’il ne sert au fond qu’à être investi dans des schémas inconscients profonds, agissant comme un détonateur, comme quelque chose qui donne l’occasion de lever, partiellement, des interdits.

J’ai été certainement long et touffu, mais c’est parce que je pense que ce film vaut vraiment la peine d’aller le voir, et qu’il est susceptible d’intéresser un public assez large par les différents niveaux de lecture qu’il offre. Alors oui, c’est un film français, avec un discours politique très affirmé, deux éléments qui peuvent en rebuter certains. Mais c’est surtout un bon film qui réussit à parler à la fois du politique, de l’actualité, de la société, du couple, de l’individu, et des pulsions qui animent tout cela. Cela soutenu par une Isabelle Huppert qui en horripile beaucoup mais qui moi me stupéfie quasiment à chaque fois que je le vois, au cinéma ou au théâtre, et qui est ici tout à la fois admirable et terrifiante.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message:
MessagePosté: Lun 20 Mar 2006 18:25 
375 000 000 Berrys
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 24 Jan 2006
Messages: 1941
Localisation: Kokoyashi
Dimanche soir....17h40, la porte s'ouvre :
" Adrian, on va au ciné, ça te dit?"
Un coup d'oeil sur ma feuille d'exo de math qui n'avance pas:
"Vous allez voir quoi?"
"L'ivresse du pouvoir"

Et 2h20 plus tard je sors de la salle de cinéma.

Une fois encore, Isabelle Huppert m'impressione, son talent d'actrice est immense et elle ne perde rien de sa capacité à s'adapter à ses personnages, à leur donner une image humaine et compréhensible. Son interprétation n'est pas sans fautes, quelques broutilles dont ma mémoire ne se rappelle même plus^^. Mais au final son personnage de juge aux convictions forte, de femme forte qui ne pliera devant rien pour atteindre un but tout ce qu'il y a de plus légitime : rendre justice.
On perçoit parfaitement les baisses du personnages : fatigue, variation du moral, solitude, force de caractère, compréhension.....On arrive à le suivre comme toutes bonnes interprétations.
Après La pianiste, 8 femmes, Ma mère,les soeurs fachées, Isabelle Huppert continue à m'impressionner de part son talent et sa conservation^^ ( elle approche tout de même de la cinquantaine).

Le début du film démarre alors à la troisième vitesse de mon point de vue, je vois une actrice en forme, une trame interessante, des seconds roles amusants et qui réservent des surprises, bref je suis confiant. Pourtant cette Ivresse du pouvoir ne m'enivra que trés peu, le sujet est effleuré, heureusement rattrapé par un talent d'actrice incontestable^^ et un casting promis à la réussite, les second rôles savoureux et la prestation de François Berléand, sont autant de raisons de gouter au nectar du dernier long métrage du cinéaste français. La sagesse et l'experience des années lui permettent de savoir s'entourer, un minimum pour un homme qui a écrit quelques lettres d'or du 7éme art. ( peut-être en-fais je trop..., mais ce réalisateur le mréite^^)

Pourtant des points noirs sont donc présents dans le sujet : l'ivresse du pouvoir. Ce film est tiré d'une histoire vrai qui avait eu lieu à une société d'essence, cette dernière s'était fait avoir pour "abus de biens sociaux". Mais au final, je m'aperçoit que beaucoup de fils sont décousus : le meilleur exemple campé par Patrick Bruel ( nouveau président de la société en question), je n'ai rien contre lui mais tout au long du film il donne une impression de confiance, de sérénité malgré le fait que ses collaborateurs le considère comme...un boulet, y a pas d'autre mots, un poids, une surcharge qui ne prend pas en compte ses responsabilités.
Mais le doute persiste et devient fort :
"Vous avez fait une grosse erreur en n'allant pas les voirs"
( Patrick Bruel, Confiant )
"Ne vous inquiétez pas, je sais ce que je dis, je sais ce que je fais"
De plus le personnage semble, dans un sens, proche de Jeanne ( la juge joué par Isabelle Huppert).
Première apparition de cette dernière : dans un resto asiatique en train de manger avec lui. Et par la suite on voit bien qu'ils savent parfaitement qu'ils sont ennemis plus qu'autre chose, et tous deux semble savoir ce que fera l'autre.
Et finalement une perquisition de notre juge préférée qui le réduit en cinq minutes à rien. ( coffre fort contenant les documents compromettants vidé..etc). Le problème c'est que ( personnellement ) j'attendais une grosse confrontation psychologique où celui qui aura le plus anticiper gagnera, c'est simple mais bien orchestrés ce sont des passages que je préfère dans les films de ce genre.

Pour conclure simplement, du bon Chabrol, mais pas du meilleur, il est soutenu par une actrice incontestablement douée et ayant de l'expérience, un second role prenant ( le neveu d'Isabelle Huppert, humouristique à souhait ( je ne me rappelle plus du nom de l'acteur...)). Mais le sujet n'est pas assez creusé, et techniquement, les prise de vues, les angles de caméra, les couleurs des personnages : je ne suis pas professionnel, tout ce que je peux dire, c'est que le résultat parait au final las et fatigué, trop fatigué..
Le film reste à voir ne serait-ce que pour son actrice^^

( c'était une critique que j'avais déplacé, mais je m'aperçois que celui de séléniel est beaucoup plus fourni est concis^^, de plus je suis dans l'ensemble très d'accord avec son point de vue^^)
Et en plus il m'apporte des infos que je ne savais pas^^

_________________
Fuckin' Capitaine with Namittude Inside
Image
Image


Haut
 Profil  
 
Afficher les messages postés depuis:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 2 messages ] 

Heures au format UTC + 1 heure [ Heure d’été ]


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 25 invités


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages

Rechercher:
Aller à:  
Powered by phpBB © 2000, 2002, 2005, 2007 phpBB Group
Traduction par: phpBB-fr.com