Chen Kaige, pour moi, c'était Adieu ma concubine et L'Empereur et l'assassin, deux bons souvenirs. C'est donc confiant que j'allais voir Wu Ji, malgré les exécrables critiques qui avaient accompagné sa sortie. Dans le même ordre il y avait eu Hero de Zhang Yimou, relativement éreinté ou ignoré à sa sortie et qui m'avait bien plu, visuellement surtout. Mais Wu Ji, autant le dire d'enblée, ça a été la grosse déception!!
SSof D Belge l'a dit, le scenario est faible. L'amorce de l'histoire est médiocre, et de ce point de vue le film ne s'en remettra pas. Au contraire, la fin le fait définitivement sombrer dans le ridicule. Pour mesurer cela, description plus précise du début du film:
Scène d'ouverture qui se veut traumatique: gros plan sur un gateau (un pain? un beignet? un manque de culture asiatique me fait surement manquer la profondeur de cet élement symbolique) prisonnier d'une main. Le plan s'élargit et contextualise la scène: un champ de bataille, le gateau étant dans la main d'un soldat mort, couché à terre. Une petite fille extrait le gateau de la main, et s'en va avec. Je passe sur l'incohérence de la situation (le soldat se battait-il à coup de gateau? maitrisait-il un art secret nécessitant l'intervention de cet accessoire patissier? ou tout simplement, gourmand, avait-il décidé de s'en casser une en pleine mêlée, cette inconséquence étant la cause de son décès brutal et prématuré?). La fillette tombe dans les rêts d'un petit garçon qui lui prend son beignet. Il accepte de lui rendre si elle devient son esclave. Fourbe, celle-ci accepte avant de l'assommer grace à une ruse toute féminine. S'enfuyant avec son butin, elle le fait tomber dans l'eau. Appatée, une déesse certainement en villégiature en ses eaux ramasse le beignet, le rend à la fillette, lui explique que ce n'est plus la peine de le garder pour sa mère, morte entretemps, et qu'elle peut donc le manger immédiatement. Croque donc la vie à pleines dents ma fille, et tiens, tant que j'y suis, si tu veux, tu auras tout ce que tu veux, mais en échange tu ne connaitras pas l'amour. Le deal est conclu. Petit discours sur le destin qu'on ne change pas, mais qu'on peut quand même changé quand on le veut vraiment...
Scène traumatique donc, et qui se veut matrice de l'intrigue, puisque les amours de l'héroine vont se tromper d'objet du fait de la malédiction qui pèse sur elle. On aura donc une intrigue à la Cyrano, sauf que la fille préfère le vieux moche faible un peu menteur et pas très courageux, ne voyant pas que celui qu'elle aime est en fait le jeune beau costaud et brave qui accompagne le premier. Mais scène doublement traumatique car...
ATTENTION SPOIL:
Le vilain du film est en fait le gamin assommé du début! Cela est révélé dans l'affrontement final. Ce méchant explique combien cet épisode a totalement modifié son existence et qu'à cause de la traitrise de la fillette il n'a depuis jamais fait confiance à quiconque et s'est depuis échiné à trahir, comploter, massacrer et manipuler en compensation du préjudice subi alors. Décidément, le destin investit des objets bien étranges: ce beignet aura été lourd de conséquence! Pour ma part, j'ai éclaté de rire au milieu de cette scène qui se voulait pourtant pathétique...
FIN SPOIL
Laissons donc tomber le scenario, pas forcément un critère décisif pour ce type de film. SSof D Belge le dit, mieux vaut y aller avec une lecture déjà second degré qui au moins permet de profiter du ridicule de certaines situations. Les combats alors?!! Néant pour ma part. Aucun combat digne de ce nom, seulement des ébauches jamais vraiment exploitées. On attend des affrontements entre les 3-4 protagonistes du film. Ils n'auront jamais véritablement lieu. Le premier combat, un chef face à une armée, fait assez cheap: ça sent fortement le plastique...
Les décors et costumes: la bande-annonce promettait quelque chose de somptueux. C'est en partie ce qui m'avait motivé pour aller voir le film. Seul problème: tout était dans la bande-annonce. Les lieux très beau ne m'ont pas paru assez exploités. Ils interviennent comme des tableaux pour situer l'action, mais les personnages ni l'intrigue n'en profitent beaucoup. Mais ça reste très impressionnant, bien qu'assez kitch comme esthétique. Les effets spéciaux ne sont pourtant pas tous maitrisés: la course de taureaux au début est assez croquignolle.
Mais ce qui m'a le plus déçu est le rythme du film. Je ne sais pas s'il a été remonté et raccourci pour l'occident (je me souviens que l'Empereur et l'assassin était très long), mais l'enchainement des séquences est franchement mauvais. L'action est confuse et chaotique. il se passe beaucoup de choses (nombreux événements), et pourtant j'ai eu le sentiment de m'ennuyer souvent. C'est difficile à expliquer globalement sans exemples précis, mais ça m'a franchement gêné.
Un dernier mot sur le message du film: une grande métaphore sur le désir, l'amour et le destin tout ça tout ça. Tout ça lié au beignet traumatique (d'où le titre que j'ai donné à mon message). Je n'en rajoute pas davantage; les plus gentils parleront de mièvrerie, les esprits taquins se gosseront du ridicule du propos.
Désolé de cet éreintement en règle. Je ne pensais pas d'abord être aussi dur, mais simplement donné une impression de déception. Mais rédiger ce message m'a amené à interroger davantage cette déception, et le constat est sans appel: pour moi ce film est raté.
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