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 Sujet du message: Dans Paris
MessagePosté: Lun 9 Oct 2006 10:28 
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Voilà la jolie surprise du moment pour moi. Un film revendiqué très héritage nouvelle vague, d’un réalisateur, Christophe Honoré dont j’avais vu Ma Mère, adapté de Georges Bataille avec Isabelle Huppert et déjà Louis Garrel, film qui m’avait pour le moins laissé perplexe, sinon franchement déçu. Heureusement peut-être, avais-je manqué le rapprochement entre les deux films qui m’aurait sûrement conduit à éviter Dans Paris. Ce qui aurait été très dommage…


Qu’est-ce que ça raconte donc ?
Et ben pas grand-chose… L’histoire d’un homme d’une trentaine d’année, Paul alias Romain Duris, qui revient à Paris chez son père suite à une séparation douloureuse. Complètement dépressif, à la dérive, il est accueilli par son père, Guy Marchand, incapable de le consoler, anxieux un peu maladroit, et par son jeune frère, Jonathan incarné par Louis Garrel, d’une vingtaine d’année, étudiant insouciant et joli cœur. Afin de faire sortir Paul de sa chambre, Jonathan lance un défi : il prétend pouvoir gagner le Bon Marché pour y voir les vitrines de noël en moins de trente minutes. Mais la course ne va pas se passer comme prévue, et pendant que Jonathan batifole, Paul s’étiole à la maison…


Quelques arguments de vente

A partir de cette trame très simple le film se compose de plusieurs parties assez hétérogènes, optant pour des registres narratifs et des tonalités très différentes. Le générique d’ouverture se veut minimaliste, ne mentionnant que les noms principaux sur bandes noires et blanches. Cela place d’emblée le film sous le patronage de la nouvelle vague. Cela se voit confirmé par l’apparition d’un dernier panneau en bleu-blanc-rouge citation de Godard. Puis le film s’ouvre sur une chambre au matin, et dans le lit trois personnes, deux hommes et une femme. Jonathan se lève, s’habille, gagne le balcon, et s’adresse à la caméra. Monologue bizarre où il assume la position de narrateur, mais surtout indique que les codes ne seront pas fixes, que le film est une sorte de chantier. Un drame est annoncé sous forme de question : peut-on se jeter d’un pont pour une femme ? Une éthique énoncée sous forme de devise : Prends la peine d’ignorer la tristesse des tiens. Le film se donne ainsi deux tâches qui seront vite effacées par l’avancée de l’histoire : dénouer le drame, expliciter la devise. Si ce passage fait très lourd, très tic de cinéphile mal digéré, il se révèle rétrospectivement d’une efficacité redoutable.

Puis une partie sur la vie de couple de Paul raconte les déboires sentimentaux du héros. Partie très déroutante par son montage, ses discours très écrits, son rythme chaotique. Le film se présente alors comme pseudo radical. On est mal à l’aise, on ne sait pas où l’on va, ce qui se passe. Romain Duris campe un jeune homme désespéré sans comprendre pourquoi, et Joanna Preiss, icône underground, une compagne lucide et impuissante face à l’homme qu’elle aime. Mais ce mode narratif et cette gravité sont impossibles à tenir (d'où pour moi l'échec de Ma Mère entièrement sur ce registre, heure et demi insupportable encore plus trash que le premier quart d'heure douloureux mais finalement intéressant de Dans Paris), et l’on retourne dans Paris, et la nouvelle vague étend son empire sur le récit. Truffaut d’abord, mais aussi Rivette, Eustache et Godard sont très présents. Avec d’un côté les rencontres et aventures de Jonathan, sorte de réincarnation flamboyante d’Antoine Doinel, livré à un parcours dans Paris dont il est sans cesse dérouté. Situations drôles, dialogues pleins d’esprit, saynètes très jolies. Je n’en dis pas davantage pour lasser la surprise mais chaque étape jusqu’au Bon Marché est un régal. De l’autre côté Paul se morfond dans son lit, fait face à ses démons, à son père, et aux gens qui s’invitent dans sa déprime. Les scènes sont là extrêmement touchantes, justes, jamais misérabilistes. Romain Duris m’a là franchement impressionné. Composé sur le mode de la saynète encore, certaines séquences sont particulièrement efficaces, comme le chant de Kim Wild (oui oui, un an avant son come-back), ou la scène chanté également du téléphone, moment d’une très grande beauté.

Il y en a donc pour tous les goûts : pour les amateurs de scènes légères, d’amourettes mignonnes, pour ceux qui préfèrent l’exploration intimistes ; pour ceux qui cherchent un héritage moderne et expérimental de la nouvelle vague, héritage d’esprit, et pour les inconditionnels de la nouvelle vague elle-même, héritage de la lettre du mouvement cinématographique. Alors oui, le film peut souffrir de ce caractère un peu bric-à-brac, assez patchwork. On peut lui reprocher d’être une compilation de moments ciselés, de trouvailles étrangères les unes aux autres. Mais d’une part, l’interprétation est telle, que combien même cela serait, je ne pense pas que l’on puisse s’ennuyer ou rester à l’extérieur du film et des situations mises en scène. Et d’autre part une unité, un sens est donné à l’ensemble, sous une forme apparemment artificielle au début (le monologue), mais qui par un retournement narratif se révèle faire mouche.

Je n’en dis pas plus car cela conduirait à disséquer le film, à décrire les scènes qui perdraient alors de leur charme. Car ces scènes ont besoin d’être découvertes comme autant de rencontres improbables, d’heureux hasards. Je m’en tiens donc là pour inciter à aller à la découverte de ce film, cinéphile ou non, simples amateurs de jolies histoires. Allez-y! allez-y! allez-y!!! Ce n'est pas le chef-d'oeuvre de l'année (non, ça c'est La Jeune Fille de l'eau... si si je vous assure), mais c'est un ensemble très réussi. Et je m’aperçois que je n’ai pas parlé de Paris, mais là encore, pas le lieu ni le moment d’un développement sur ce titre énigmatique, mais peut-être est-ce par ce que ce sont dans les vieilles pierres que se conservent les vieilles tristesses…

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