Introduction
Fin septembre dernier est enfin sortie en France et en DVD une œuvre majeure du Kaiju Eiga, un événement auxquels plus personne ne croyait et qui mérite amplement que nous nous y attardions un peu.
Tout d’abord, qu’est-ce que le Kaiju Eiga ? Vous l’avez déjà devinez, il s’agit du cinéma japonais de Monstres Géants dont la figure la plus célèbre est le bien connu Godzilla. L’autre grande figure de ce cinéma est Gamera, une monstrueuse tortue géante qui avait connu son heure de gloire dans les années 60/70 à travers 8 films. La trilogie qui nous intéresse date de la seconde moitié des années 90 et constitue une œuvre charnière du Kaiju Eiga.
Il faut tout d’abord savoir qu’au cours des années 80 le Kaiju Eiga connut une grosse baisse de popularité et parmi les dizaines de monstres qui avaient fait les beaux jours de ce cinéma de genre, seul Godzilla périclitait avec plus ou moins de bonheur. Le dernier film de Gamera datait de 1980 et depuis plus rien. Mais l’arrivée sur les écrans de Jurassic Park (1993) et le projet d’adaptation des américains de Godzilla poussèrent le studio détenteur des droits de Gamera à profiter de cette conjonction favorable pour relancer leur fameux monstre. Cette tâche est alors confiée à un certain Shusuke Kaneko qui rêve depuis toujours de travailler sur un tel projet. Nous sommes en 1994.




Un nouveau souffle
Shusuke Kaneko n’a alors à son actif que des films plus ou moins confidentiels. Son seul atout est sa participation au film à Sketchs « Necronomicon », basé sur l’œuvre de H.P. Lovecraft et à laquelle a participé également notre Christophe Gans National (Crying Freeman, Le Pacte des Loups et Silent Hill). Une participation qui s’est mal passée mais bon passons ^_^
Shusuke Kaneko rêve d’un Gamera crédible et réellement monstrueux, loin des standards classiques et surtout du rôle d’Ami des Enfants qui lui est dévolu traditionnellement. Il veut un Gamera adulte et réussit à avoir carte blanche auprès du Studio Producteur.
Son coup de génie est sûrement de s’entourer de deux collaborateurs clés :
Kazunori Ito : scénariste, il a écrit les deux « Patlabor » de Mamoru Oshii et écrira par la suite les scénarii du premier « Ghost in the Shell » et « d’Avalon ».
Shinji Higuchi : travaillant essentiellement dans le monde de l’animation et membre fondateur du Studio Gainax (il sera l’un des piliers de la série culte Evangelion (1995), donnant son prénom au héros), Shusuke Kaneko lui confie le poste de directeur des effets spéciaux car Shinji Higuchi est aussi un maquettiste confirmé ayant œuvré sur quelques Kaiju Eiga.
Cette Trinité inspirée et passionnée va totalement redéfinir « Gamera » et accoucher d’une œuvre choc.
Evidemment Rome ne s’est pas faite en un jour et cela va commencer « doucement ».



Gamera – Gardien de l'Univers (1995)
Doté d’un budget dérisoire de 4,5 millions de dollars, ce premier film n’est pas encore à la hauteur des ambitions de notre Trinité mais il va pourtant réussir à réhabiliter l’image de Gamera dans l’imaginaire du public, ce qui n’était pas gagné d’avance.
L’origine du monstre est totalement repensée : jadis monstre préhistorique réveillé par des essais nucléaires, Gamera devient une arme biomécanique créée par les Atlantes pour protéger les générations futures (c'est-à-dire nous). Sa nature biomécanique permet de justifier toutes les fantaisies de notre Trinité qui désire mettre en scène un monstre avant tout guerrier.
Le film en lui-même suit le schéma classique Kaiju Eiga mais la volonté de faire une œuvre adulte (certains passages relèvent du genre de l’Horreur) et le soin apporté à la mise en scène et aux effets spéciaux (uniquement des maquettes, pas d’images de synthèses hormis pour deux scènes de missiles) convainc le public, qui adore, et la critique qui salue ce souffle de modernité.
Conséquence logique : une suite est commandée.



Gamera – L’Attaque de Légion (1996)
Une menace insectoïde venue de l’Espace ? L’Armée dépassée ? Gamera est là !
Ce second film s’éloigne du schéma classique du Kaiju Eiga et donne un rôle plus important aux humains et en particulier à l’Armée.
En effet notre Trinité imagine une menace spatiale tombée à Hokkaïdo et se dirigeant vers Tokyo. Le film est découpé en 3 batailles et fait la part belle aux mouvements militaires, Gamera apparaît uniquement en tant que sauveur lorsque les militaires sont dépassés. La menace spatiale prend plusieurs formes, ce qui permet à Shusuke Kaneko de jouer sur plusieurs tableaux et niveaux de menace.
La critique et le public sont déboussolés face à ce traitement non-conventionnel. Pour les amateurs les avis sont aussi partagés même si dans l’ensemble très positifs.
Quoi qu’il en soit Shusuke Kaneko réussit à aller encore plus loin dans son traitement « adulte » et se permet quelques passages « osés » pour le genre – rien de choquant mais pour ce genre de film c’est inhabituel.
Niveau effets spéciaux, l’image de synthèse fait ses premières apparitions timides pour aider à mettre en boîte quelques séquences de combat inspirées.



Gamera – La Revanche d’Iris (1999)
Aujourd’hui souvent considéré comme le Kaiju Eiga Ultime, cet épisode final permet à notre Trinité d’accoucher enfin de leur chef d’œuvre rêvé.
Bénéficiant d’un budget conséquent, de deux ans de développement (au lieu des « 1 an » classiques) et d’une utilisation importante des images de synthèses, ce film est un choc.
Le design de Gamera subit un lifting impressionnant (c’est d’ailleurs « ce » Gamera qui est utilisé sur les jaquettes DVD) et les combats qui n’ont jamais été autant destructeurs et violents, bénéficient d’un souffle épique rarement atteint. Dire que notre Trinité s’est lâchée est un doux euphémisme. Un Gamera plus monstrueux que jamais, un développement astucieux de la mythologie de la série, un rapport fait de haine et d’amour entre Gamera et les Humains, un méchant au design ultra complexe, des effets spéciaux impressionnants, des combats homériques et des scènes d’une beauté hallucinante. Le tout pour une histoire plus sombre que de coutume.
Bref un film culte et qui achève d’inscrire la trilogie « Gamera » dans le panthéon du Kaiju Eiga et du film de genre en général.




Le Mot de la Fin
Une œuvre donc majeure et géniale qui sort enfin chez nous! Le Kaiju Eiga est certe un genre un peu hermétique mais ces films devraient tout de même plaire aux amateurs de monstres et de destructions massives.
Il ne nous reste plus qu'à attendre désormais la sortie d'un autre film de Kaiju Eiga signé Shusuke Kaneko, à savoir le très dantesque « Godzilla, Mothra & King Ghidorah: Giant Monsters All-Out Attack » (2001) également challenger au titre très convoité de Kaiju Eiga Ultime ^_^