Dans la lignée du film, le retour du message fantôme. Mais lui, il ne sait pas faire de parfaites fleurs écarlates pour se distinguer.
Le premier qui lève la main au fond de la salle pour dire tout haut aux autres que j'ai vu ce film car c'est le dernier de Peter Jackson aura tout à fait raison. La réputation du bonhomme n'est plus à refaire, j'ai donc laissé tout le crédit possible à ce film, libre de me trimballer là où il le souhaitait. J'avais glané très peu d'informations sur The Lovely Bones, tout au plus j'étais conscient qu'il y avait une histoire sordide de meurtre pédophile présente dans l'intrigue, je ne m'attendais donc pas forcément à ce que j'ai bien pu avoir sous les yeux.
Exit les ambiances épiques des films précédents (quoique...), Peter Jackson emploie ses talents à décupler l'horreur des évènements relatés (il n'y a pas de passages gores dans ce film, les motifs de violence sont plus instillés que montrés cash) et à faire émerger un monde de l'entre-deux assez baroque. On a donc tout d'abord sous les yeux une vision très, très, mais alors très dérangeante du crime dont est victime Susie. Il est sûr qu'en soi, il y a difficilement plus horrible que ce dont elle est victime, mais Peter Jackson appuie tellement sur la cruauté du geste du meurtrier que c'est très déchirant à voir se dérouler à l'écran. Durant une large première partie du film, la vie de Susie défile, elle ne nous est pas raconté comme un conte mais de manière assez optimiste pour que l'empathie marche à fond par la suite à l'égard du personnage. La séquence du crime provoque un malaise des plus profonds, on sait pertinemment ce qui va arriver vu que Susie, en tant que narratrice, nous annonce bien vite qu'elle n'est plus de ce monde mais quand même, c'est une séquence qui met vraiment mal à l'aise car tous les faits et geste de son prédateur de voisin peuvent provoquer chez le spectateur une certaine tension, tension soulignée par la mise en scène par ailleurs. S'ensuit un drame familial qui s'inscrit dans une veine réaliste, où là encore l'empathie marche à fond pour la famille de la défunte, qui tombe tellement dans le désespoir que le lien familial en arrive à se distendre. C'est alors là que l'histoire prend un virage très déconcertant si on n'y était pas préparé.
Susie est morte, mais subsiste dans le monde de l'entre-deux. Elle peut interagir avec les émotions des membres de sa famille ou quelques unes des personnes qu'elle a connu, et va donc pousser tout ce beau monde à véhiculer son courroux contre son meurtrier. C'est ici que le film et plus précisément son histoire m'a beaucoup surpris, notamment avec sa thématique du nécessaire congé qu'il faut prendre dans le souvenir pour que la vie suive son cours. C'est très surprenant d'aboutir à une telle conclusion alors que l'on pense instinctivement que Susie ne doit pas être oubliée pour que de telles atrocités ne se reproduisent plus. Ainsi, j'aurais mis très longtemps à comprendre le sens du titre, il n'y a guère que l'explication durant les dernières minutes qui m'a mis sur les rails de la compréhension. Un cheminement plutôt bien amené tout de même sur la durée et qui maintient sans grand mal l'attention du spectateur. Reste la conception de l'entre-deux qui est très space, avec des tableaux oniriques d'une beauté affirmée, de sorte que l'on se demande très longtemps si Susie ne s'est pas créé un monde plus convenable que ce qui pourrait l'attendre au paradis. Avec cet univers dont on ne rappellera jamais assez qu'il est très exubérant dans sa conception, Peter Jackson se rappelle à notre bon souvenir pour exposer à nouveau sa science de la photographie.
La jeune actrice qui joue Susie s'en tire bien, de même que Mark Wahlberg et Rachel Weisz qui forment un couple meurtri convaincant. Susan Sarandon apporte avec succès l'une des rares touches comiques de ce film et celui qui remporte le tout dans ce casting à mes yeux, c'est l'acteur derrière le pédophile (Stanley Tucci) car son interprétation donne une dimension très dérangeante à ce criminel des plus abjects. The Lovely Bones est un film plaisant, il m'a certes moins fait rêver que ses prédécesseurs chez Peter Jackson, mais c'est très certainement sa nature qui veut cela. Le thème très difficile qui soutient le propos du film est développé de belle manière, mais on se perd parfois dans les pistes d'appréhension du récit (on navigue très souvent à vue et très vite entre le pessimisme dur et l'optimisme marqué). J'ai bien aimé sinon les clins d'œil que Peter Jackson se fait à lui-même, surtout celui de la boutique du photographe. Ce que j'ai moins aimé,
c'est la mort du meurtrier pédophile que j'aurais bien vu être récupéré par la police pour être jugé plutôt que de mourir bêtement d'une simple glissade. Reste le dernier message de Susie au spectateur avant le générique de fin, qui parachève le côté troublant du film, film qui est assurément une expérience bien étrange à suivre.