Killer Joe En compétition pour le Lion d’Or à la Mostra de Venise, le dernier film du rare William Friedkin (
French Connection et
L’Exorciste tout de même) ne laisse pas indifférent. Mais de quoi ça parle en fait ? Comme assez souvent dans ses films, l’histoire part d’une famille dysfonctionnelle : un jeune dealer (Emile Hirsch,
Into the Wild) décide avec l’accord de sa sœur, de son père et de la nouvelle femme de ce dernier d’engager un tueur à gages pour assassiner sa propre mère. En effet, sa mère possède une assurance-vie qui permettrait de rembourser tout l’argent que le jeune dealer doit à différents créanciers (et comme le reste de la famille ne roule pas sur l’or, ils ne disent pas non non plus). Ils décident donc de contacter « Killer Joe » (Matthew McConaughey), un flic le jour/tueur à gages la nuit.
Très vite, un problème se pose : Joe veut être payé à l’avance. N’ayant pas l’argent nécessaire, Chris (le fils) et Ansel (le père) lui proposent donc la petite dernière de la famille, vierge de son état, en « échange ». Voilà comment ça commence.
Friedkin ne signe pas là son meilleur film, d’accord. Il n’empêche qu’il y a du niveau. Ce film est dérangeant, les valeurs présentées sont complètement explosées, c’est noir, c’est grinçant. On rit lors de scènes moralement inacceptables. Et pourtant, j’ai beaucoup aimé, je suis complètement entrée dans cet univers électrisant et malsain.
Revenons sur le point le plus surprenant de
Killer Joe : Matthew McConaughey… Nan, ce n’est pas possible. Il y avait donc un acteur sous cette armure de meringues ?! Ambiguë, entre l’ange (flic charmeur) et le démon (tueur à gages), il est terrifiant (le dernier à m’avoir autant marqué était Javier Bardem dans
No country for old men)…
J’ai même hâte de le voir dans Mud de Jeff Nichols voir ce qu’il va donner.Lawless (Des hommes sans loi)
Lawless (ou
Des Hommes sans loi en VF) faisait partie de la sélection officielle au Festival de Cannes de cette année. Le réalisateur (australien) de
La Route se penche sur l’une des périodes préférées des cinéastes américains : la Prohibition. Pas forcément la Prohibition telle que l’on entend puisque l’intrigue se passe non pas à Chicago mais dans un petit patelin de Virginie. Les trois frères Bondurant règnent en maître sur le trafic d’alcool de la contrée et seraient, selon la légende, immortels. Les frères, qui jusque là s’entendaient plutôt bien avec la police locale grâce à quelques petits arrangements, doivent faire face à l’arrivée d’un agent spécial qui veut imposer de nouvelles règles dans le trafic. Dans le même temps, le plus jeune et plus faible des frères (Shia LaBeouf), inspiré par le célèbre bootlegger Floyd Banner (Gary Oldman), veut faire évoluer la petite affaire familiale en un trafic plus ambitieux.
À mes yeux, le film est pas mal mais pêche sur certains points. Tout d’abord, le méchant. Le méchant très méchant est quand même un brin caricatural et n’a que très peu de charisme (voire fait rire malgré lui à certains moments). La scène « finale » est franchement longue et lente, on voit tout arriver à des kilomètres et tout y est souligné, surligné. Quant à l’épilogue…
Mais sinon la distribution est franchement sympathique : Jessica Chastain, Tom Hardy, Jason Clarke, Mia Wasikowska, Gary Oldman et dans une moindre mesure Shia LaBeouf. J’y ai aimé les personnages féminins (notamment Maggie/Chastain). Bref, si on ne prend pas le film au premier degré, il se laisse regarder et on ne voit pas le temps passer.
The We & the I Le nouveau film de Gondry retrace le dernier trajet de bus d’élèves du Bronx avant les vacances d’été. Divisée en trois parties (Part 1. Les Tyrans /Part 2. Le Chaos /Part 3. Le « je »), l’histoire nous montre la jeunesse du Bronx sans prétention. Le « We » (part 1 et part 2) montre les rapports des lycéens en collectivité avec toute la violence qui peut y avoir avec (bouc-émissaire, etc.) sans jamais se poser en donneur de leçon. Au fur et à mesure, le bus se vide, se concentrant sur certains des personnages : les masques tombent, ils deviennent le « I ». Dit comme ça c’est tout simple mais cela est fait avec une grande justesse.
Le film se déroule dans une sorte de huis clos (le bus), cependant tout est prétexte à en sortir. Pour cela, Gondry fait preuve d’une grande inventivité (reflets des vitres du bus quand celui-ci est immobilisé, téléphones portables, la scène de la jeune fille à vélo). Avec un côté un peu « documentaire » informel, le film remplit la condition sine qua none, selon moi, pour un film sur la jeunesse réussie : une énergie dingue se dégage du film. Extrêmement bien écrit, on peut dire « merci Michel ». Même si je préfère ses films plus
irréels, Gondry signe là un film vivant et intéressant, un peu trop passé inaperçu à mon goût.
Actrice de son état, Camille (Noémie Lvovsky), se fait larguer à 40 ans par l’homme qu’elle aime depuis le lycée. Après une soirée un peu arrosée, elle se retrouve dans son corps de 16 ans à revivre son passé. Va-t-elle retomber amoureuse de son ex-futur mari ? Ou bien un autre destin est-il possible ?
Une idée plutôt courante (
Peggy Sue s’est mariée) mais qui a été traitée avec brio par Noémie Lvovsky. Sa grande réussite a été de rendre sa comédie « tragique ». Ce n’est pas une comédie qui prend un tournant et devient tragique ; non, ce sont des gestes, des plans qui sont comiques et tragiques à la fois. Les mêmes faits vont nous faire rire ou pleurer. Le film plane sur une légèreté et une profondeur entremêlées ce qui rend l’histoire extrêmement touchante.
Les personnages secondaires existent tous (le compagnon, les trois amies, les parents et le personnage de Denis Podalydès) et ont tous un rôle dans la construction du récit. La mise en scène y est très fine, la direction d’acteurs géniale. Le film joue peu sur l’efficacité. Bref, c’est l’un des plus beaux films français de 2012, voire le meilleur (pour le moment).
Alyah – Alya, Aliya ou Aliyah est un terme hébreu signifiant littéralement « ascension » ou « élévation spirituelle ». Il désigne l’acte d’immigration en Terre sainte par un juif.
(Merci wikipedia)Parisien proche de la trentaine, Alex (Pio Marmai) est un petit dealer de shit dont le frère, Isaac, est un peu trop imposant. Sur un coup de tête, il décide de faire son Alyah devant alors quitter son frère, son ex (juive), son meilleur ami et sa nouvelle copine (goy). Son geste n’a pas de motivation religieuse, il y est même associé à un geste illicite (il devra vendre de plus en plus de drogues pour financer son voyage à Tel-Aviv). Va-t-il partir ? Va-t-il fuir ?
Comme dans
Camille redouble, les personnages secondaires sont présents, massifs et c’est normal puisque c’est eux qu’Alex fuit. Ils prennent tellement de place qu’il n’arrive pas à se trouver. À noter la prestation de Cédric Khan (
Une Vie meilleure) que l’on connaît plus comme réalisateur que comme acteur et il s’en tire pas mal le bougre.
C’est un premier film et pourtant qu’est-ce que c’est maîtrisé, bien écrit, bien exécuté. Sa relation malsaine avec son frère, celle avec son meilleur ami qui n’est pas forcément mieux mais qui se révélera peut-être être son « vrai » frère, son histoire d’amour avec Jeanne.
Pendant tout le film, le personnage de Pio Marmai monte en pression sans rien dire, de plus en plus. On pouvait penser que le film partirait dans le tragique, le sensationnel mais non, la tension est détournée de façon intelligente pour une tout autre fin. Et cela est possible grâce à Pio Marmai qui a permis ce « suspend », pour ce qui est, selon moi, son plus beau rôle de sa jeune carrière.