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L'Imaginarium du Docteur Parnassus[/align]
Le nouveau Gilliam, après de sérieux problèmes, il arrive enfin à faire un film jusqu'au bout ! Je ne le présente pas, le faire serait une injure... Bon un 'tit synopsis pour faire bonne mesure :
"
Le Docteur Parnassus présente son spectacle depuis un millénaire; il propose aux gens de fouiller dans le plus profond de leur imagination et d'en ressortir changé à jamais. Pourtant, tout à un prix et bientôt, le diable avec qui Parnassus a fait un pacte vient chercher son dû, Valentina, la jeune fille du docteur, qui doit lui être cédé à ses 16 ans. La troupe de Parnassus ainsi qu'un mystérieux jeune homme vont alors s'efforcer de battre le diable à son propre jeu pour récupérer le destin de Valentine"
Que dire de ce film... Déjà c'est du Gilliam pur beurre, on retrouve son style inimitable en à peine 30 secondes. Pour faire plus précis, ce serait du GIlliam sauce Münchhausen : du rève en boite, une bande d'acolyte, un visuel tantôt sombre tantôt lumineux, une idée de fatalité ambiante, etc... J'ai vraiment l'impression d'avoir vu la version 2.0 de Münchhausen, avec toutes les petites
upgrades qui font bien. De ce fait, le film souffre de son statut, c'est un gros Gilliam, mais il peine un peu à être autre chose. On pourrait donc synthétiser, pour quelque amateur averti, qui souhaiterait avoir un avis sur le film, par un "C'est un film de Terry Gilliam"; cette seule phrase peut suffire.
Mais pourquoi est-ce un GIlliam...? Déjà c'est beau ! Avec cette espèce de touche qui rend le temps totalement ridicule et inadapté. C'est visuellement très anachronique, avec ce
double-decker à chevaux et un monde totalement onirique et enchanteresque dans un Londres froid, sombre et humide, un Londres d'une autre époque lui aussi. L'effet de l'Imaginarium est relativement jouissif, c'est vraiment beau jusqu'à l'écoeurement, avec des effets spéciaux en avalanche et une espèce de combinaison de magique dans l'imaginaire et dans la réalite (le chariot du Docteur est impec et totalement fidèle à l'esprit de Gilliam). Rien que pour ça, il vaut le coup, c'est un patchwork assez violent de graphisme sauvage, mais c'est dans l'idée et l'atmosphère du film. Le tout pour même pas si exorbitant d'ailleurs (45 millions de dollars, c'est pas si monstrueux je trouve).
Second gros point fort, les acteurs... Franchement : Plummer, Ledger, Depp, Law, Farell, Waits, eh même Stormare fait une petite apparition ! Mais outre le casting d'exception, les autres roles sont loin, très loin d'être à la ramasse. Ledger qui est mort pendant le tournage a donc été remplacé par trois de ses amis. Pour l'anecdote, il ne restait que les scènes de l'Imaginarium a joué, tout le cadre "réel" ayant été fait dans un première partie avec Ledger, cela a permis à Gilliam de finaliser le film en changeant les acteurs et présent dans l'Imaginarium, donnant une nouvelle force au film. Gilliam a eu de la chance dans sa malchance si l'on peut dire... A remarquer que le film devait être au départ "A Terry Gilliam Film" et qu'il est donc devenu un joli "A film from Heath Ledger and friends".
Côté scénario et consort, on retrouve l'univers de Gilliam, le destin qui doit être bravé, qui ne semble pas être ce qu'il est. Le jeu entre Parnassus et Mr. Nick (que seul Parnassus qualifie de Diable d'ailleurs, c'est à remarquer) change perpétuellement ses règles, car au final Parnassus est un jeu en lui-même pour Nick, il pourra toujours obtenir de lui ce qu'il veut... La tromperie, la déception, l'aspect "conte", les retrouvailles heureuses... Des thèmes qu'on avait déjà dans "Münchhausen", qui sont ici portés différement, mais difficile de ne pas faire le rapprochement. Dans celui-ci néanmoins, l'aspect tromperie est encore plus présent. Qui gagne au final ? Mr. Nick a eu ce qu'il voulait ! Il s'est peut-être lassé de Valentina, ou peut-être l'a-t-il désiré pour embêter Parnassus, mais l'idée que le Destin change éternellement selon les modalités des acteurs est un thème récurrent. Parnassus et la troupe s'enferment dans une idée d'irrémédiable, Nick lui en joue pour obtenir ce qui lui plait dans le moment, il est le seul à "jouer" et à rire...
Les personnages sont de même à la hauteur. Parnassus le bourré mystérieux totalement hors du temps n'est pas le plus intéressant mais il est sympa et assez drole. Il est limite pitoyable, mais parvient à remonter la pente... pour se fracasser la gueule encore une fois, c'est le personnage avec des hauts et des bas. Mr. Nick est impeccable sous les traits du terrible Tom Waits. J'adore ce gars et le rôle du mystificateur est parfait. Ce qui est énorme c'est que la lutte entre lui et Parnassus ce résout comme "la cruauté de la réalité contre l'imagination", mais c'est Nick qui manie le mieux la seconde, qui use le plus de tromperie et de pirouettes, il possède tout en un et force Parnassus à ne jouer que sur un tableau. Les assistants sont efficaces, Anton dans le rôle de la tète à claques positive est plutôt bon. Il est de même assez pitoyable, mais c'est le seul qui ne se travestit pas pour autre chose que lui-même. Il ne cesse d'être franc et c'est je pense, ce qui le sauve dans ce récit. Percy est un clin d'oeil effronté à "Bandits Bandits", mais de même c'est le seul sérieux et avec la tète sur les épaules. Il semble être le seul à avoir une vague idée de la situation et c'est inévitablement un personnage qui s'en sort au bout du compte. Valentina n'est pas forcément celle qui ressort, Lily Cole est certes très jolie, quoique ses traits particulièrement marqués sont assez étranges, ce qui sied parfaitement. Elle n'a pas forcément le beau role, vu qu'elle est royalement trimballé et encore une fois, on a un personnage qui ne comprend pas où et sa place et qui ne s'en sort que parce qu'elle ignore tout et que cette candeur lui vaut la salvation.
Tony mérite bien un paragraphe pour lui seul. C'est un personnage très particulier et très Gilliamesque en fait. Il est vraiment facinant et très dur à appréhender de prime abord, même si on voit assez vite qu'il est
f***ed up. L'homme qui n'est pas ce qu'il semble être, le mystificateur de bas étage, bel homme , facile dans un récit classique, un peu plus jouissif ici. Son aspect protéiforme est assez génial. Autant la version Ledger semble s'attacher à un état de méfiance, de jeu simple, de dissimulation éhonté, autant les autres version sont beaucoup plus révélatrice. Clown de marbre avec Depp, il nous fait ce qu'il avait déjà systématisé avec Duke et Sparrow, redondant mais au point. La version Law est la plus interessante, car Law a cette capacité de déformé son visage pour en faire quelque chose de profondément inquiétant. Il est bel homme et charmant, mais on ressent la folie et le délire, d'autant plus que la scène est une des plus barges du film. Farell enfin est la version la plus originelle, la plus machiavélique, la plus cruelle, au plus profond de l'âme. Gilliam avait écrit que Tony s'inspire de Mr. Blair : il dit des mensonges qu'il est capable de croire. Ledger, Depp, Law et Farell sont chacun une vision de Tony comme il est et comme il se voit. La transformation physique donne une puissance encore plus folle au personnage et marque on ne peut mieux l'aspect retors et vicieux de l'être. Ledger est au final la face chimérique, belle et séductrice, là ou Depp est l'image, Law la folie profonde et Farell l'aspect pragmatique et cruel. Très Très bon quoi qu'il en soit.
On peut aussi se dire que Gilliam s'est fait plaisir. Je n'est pas fait gaffe à tout, mais on peut remarquer d'innombrables clin d'oeil au Monty Python et à son propre univers. Les policiers gays, l'aspect "rideau" caractéristique de ses dessins qui est ici transcris en Live, la mongolfière digne de Münchhausen, le nain qui sort de bandits Bandits, l'univers sombre et cosmique qui rapelle lui aussi Bandits Bandits, j'en passe et des meilleurs...
Bref, Est-ce un grand Gilliam, peut-être pas, il est en tout cas très très "classique" de l'auteur et est une parfaite forme de ce qu'on peut facilement rapprocher de son univers. C'est néanmoins très beau, très bien joué, très interessant et c'est sans nul doute un très bon film. Je suis vraiment très content de voir que GIlliam c'est fait plaisir et je suis très heureux de voir un beau film, magistralement emmené et maitrisé. Du beau cinéma, du Gilliam, que demander de plus ?
PS : petite anecdote, après la triste mort de Ledge, c'est le producteur qui est mort quelques jours après la sortie du film. Peu après, Gilliam s'est fait percuté par une voiture et s'est brisé le dos. Il estime donc que c'est un complot et qu'on lui fera payer, bien content de s'en être lui sorti... Quand on a pas de bol... c'est pour la vie.
C'est aussi pour cela que ce film est entièrement dédié à ses deux monsieurs qui manqueront... Law, Depp et Farell ont d'ailleurs décidé, d'un commun accord, de ne rien toucher de ce film et de reverser leurs payes, à la fille de l'acteur défunt.
Ledger, peut se vanter de partir sur de grandes, très grandes oeuvres et nous pouvons nous attrister qu'il ne puisse continuer à en faire... Mais comme le dit Depp : il est immortel, il ne craint plus la vieillesse et ses tourments, il vit pour toujours, il est devenu un Dieu...