Je vais donc vous parler de ce manga de Naoki Urasawa, série finie au Japon au bout de 8 tomes, qui est actuellement à 6 tomes en France. Le principal intérêt de ce manga – en plus de sa qualité indéniable – est ce qui a conduit à sa création. Je parle évidemment de l’histoire d’Osamu Tezuka :
Astro, le robot le plus fort du monde.
► La Genèse… ◄
7 avril 2003 ; Cette date fut le déclencheur, anniversaire d’Astro dans l’œuvre d’Osamu Tezuka entre autre, mais elle déclencha surtout de multiples évènements au Japon pour fêter la naissance d’Astro, notamment un nouvel anime. Mais pour notre plus grand plaisir, un autre auteur de génie a voulu rendre hommage à cette œuvre, il s’agissait de Naoki Urasawa. Epaulé par son éditeur du Shôgakukan et de son producteur, ils rendirent visite au P.D.G de Tezuka Production Inc pour parler de leur projet d’une nouvelle histoire se basant sur l’univers d’Astro. Mais cette histoire aurait comme particularité d’avoir comme héros principal une personne qui fut un personnage secondaire dans l’histoire originale, L’Inspecteur Gesicht.
Cette nouvelle ne fut pas tout de suite acceptée par le fils de Tezuka, mais apparemment lors d’un diner de discussion bien arrosé, Makoto Tezuka aurait lancé un défi à Urasawa, une sorte de duel entre l’œuvre de Tezuka et celle que ferait Urasawa. Bref, rien de mieux pour avoir la pression et accoucher d’une œuvre sublime ! On peut dire qu’Urasawa aura relevé le défi avec brio, mais voyons ca de plus près !
► Les robots rêvent-ils de moutons électriques ? ◄
La grande inspiration d’Urasawa pour faire un monde ordonné entre humains et robots fut évidemment le
Cycle des Robots d’Asimov, on peut le voir particulièrement dans les premiers tomes de l’œuvre avec leurs droits, leurs obligations et leur place dans la société. Notamment ce qui est relatif aux meurtres et ce qui donnera toute l’intrigue du manga, car un robot est soupçonné d’avoir tué un humain, chose qui est normalement impossible. Non pas car un robot est dans l’incapacité de le faire, mais tout simplement car l’idée même de le faire ne lui viendrait pas à l’esprit.
Et c’est aussi ce qui sera un point central de l’œuvre : Les sentiments des robots, notamment avec des couples de robots, et l’exemple qui vient à l’esprit est tout simplement l’inspecteur Gesicht qui veut partir en vacances avec sa femme. Un robot qui veut prendre du bon temps, est-ce si étrange que ça ? Ou encore une femme robot qui apprends la mort de son mari-robot policier. Un robot peut-il ressentir de la tristesse ? Toute l’intensité de l’œuvre est là, car au fil du manga, les robots nous paraîtrons plus humains que les humains eux-mêmes. Le point d’orgue sera l’ordre anti-robot qui rappel très fortement le Ku Klux Klan. Car dès lors qu’un robot a des sentiments, il en devient dangereux et nuisible pour l’espèce humaine, du moins c’est ce que pense cet ordre, mais dans l’histoire, il faut se demander qui est le plus nuisible pour l’homme que l’homme lui-même.
► Le Robot le plus fort du Monde… ◄
«
Du renoncement… Une haine profonde… Voilà ce qui fait évoluer un cerveau électronique… Le cerveau parfait est celui qui se trompe. C’est à ce moment qu’il nait enfin… Le Robot le plus fort du Monde… » Voilà ce qui est dit par le professeur Tenma, créateur d’Astro, et qui considère d’ailleurs ce dernier comme une œuvre ratée.
Un autre point important de l’œuvre sera la création même d’un robot, un robot peut naître avec des sentiments prédisposé, tels que la joie, la tristesse, le plaisir, etc… Mais selon Tenma, trop ressembler à l’homme est un défaut, un robot doit avoir un sentiment dominant pour devenir parfait, et dans le cas présent, de la haine, c’est la haine qui donnera au robot une force incommensurable. Mais est-ce-que ce robot existe déjà ? Là est une bonne partie de l’intrigue au travers des tomes.
En plus de meurtres sur des humains, c’est aussi des robots qui vont être pris en cible, et pas n’importe lesquels puisqu’il s’agit des 7 robots les plus forts du monde : Astro, Mont-Blanc, North 2, Brando, Hercule, Epsilon et Gesicht. Seul un robot encore plus fort peut faire ca…
► Temna et Astro, Tezuka et Urasawa… ◄
Urasawa ne va pas que reprendre les personnages de l’œuvre de Tezuka, mais au travers des pages, il va aborder toute l’œuvre de Tezuka par le biais de multiples références aux œuvres du maître. Mais là où Urasawa va démontrer toute la passion qu’il a pour Tezuka, c’est qu’il a choisi l’œuvre que ce dernier aimait le moins.
Tout comme Tenma dit qu’Astro est une œuvre raté, Tezuka l’a dit aussi dans un magazine japonais daté de 1966, il explique : « Je considère Astro comme mon plus gros échec, Je ne l’ai créé que pour me faire connaître et gagner de l’argent. ». Il reprendra plus tard dans la postface de son anthologie publiée par la Shôgakukan : « Si écrire les aventures d’Astro était plaisant au début, durant les deux premières années, c’est en réalité devenu ensuite un simple processus de production. Avec la réalisation du dessin animé par le studio Mushi Pro, Astro était devenu monstrueux, et poursuivre la création était pénible pour moi. »
Propos qui à l’époque firent évidemment réagir, notamment auprès des fans de l’œuvre. Et sur cette auto-critique relativement dur de son travail, c’est la partie
Le robot le plus fort du Monde que Tezuka vise en premier, car dans cette histoire d’Astro, il y a énormément de combat, et au final le scénario dérive de l’esprit Tezuka. C’est pourtant à cette partie là qu’Urasawa décide de s’attaquer, il expliqua que c’est simplement car il a découvert Tezuka – et le manga en général – par ce récit d’Astro, et cela a bercé son enfance. Pluto est sans doutre l’œuvre qui a servi d’exutoire à Urasawa, ce dernier ayant aussi été blessé à l’époque par les propos de Tezuka. On peut donc y voir ici une envie de redorer le blason de Tezuka concernant l’œuvre d’Astro. Et le moindre que l’on puisse dire, est qu’Urasawa a plus que réussi.
► Quand l’élève surpasse le maître... ◄
En plus de ça, Urasawa ne va pas se contenter de s’approprier le récit de Tezuka, mais il va aussi apporter sa touche, son trait de dessin reconnaissable entre mille. Le fait évidemment de rendre Gesicht personnage principal de l’histoire, et tous le thriller qui va en découler. Le talent d’Urasawa pour le thriller n’étant plus à démontrer, Monster ayant reçu le Grand Prix du Prix Osamu Tezuka, de même que Pluto, la boucle est bouclé.
► Prix et récompenses ◄
2005 : Grand Prix du Prix culturel Osamu Tezuka pour Pluto
2005 : Prix d'Excellence du Festival des arts médias de l'Agence pour les affaires culturelles, catégorie Manga, pour Pluto
2010 : Prix Asie de l'ACBD pour Pluto lors de la remise des Japan Expo Awards à la Japan Expo
2011 : Prix intergénérations du Festival d'Angoulême 2011 pour Pluto
► Mon avis ◄
Pluto est donc un thriller qui me plait énormément, au bout de 6 tomes, je suis complètement conquis par l’œuvre, les relations Humains-Robots, le mythe d’Astro revisité, des personnages extrêmement charismatiques, et un mélange de noirceur et monde sans espoir combiné à une tendresse très travaillé. Pluto est vraiment une grande œuvre d’Urasawa et qui – je pense – rend un hommage plus que convaincant à Tezuka.