Je suis allé voir le film moins pour le réalisateur que pour le traitement de son sujet, le trouble dissociatif de l’identité. C’est un trouble rare - pour certains psychiatres il n’existe pas en tant que maladie, c’est ‘‘juste’’ du clivage qui s’intègre dans d’autres maladies - et pourtant il est très médiatisé depuis l’affaire de Billy Milligan qui a été, semble-t-il, la 1ère source d’inspiration de M. Night Shyamalan et qui fera l’objet d’une adaptation par notre cher et oscarisé DiCaprio.
Après avoir vu la bande-annonce je m’attendais à voir quelque chose d’assez spectaculaire et je n’ai pas été déçu par la performance de McAvoy, au contraire assez scotché par les gros plans sur ses expressions faciales et la rapidité avec laquelle il swtiche, mais aussi sa gestuelle et sa voix parfaitement maîtrisées, qui sont d’ailleurs pour moi plus parlantes que les costumes. L’acteur est tellement bon qu’il fait vivre ses personnages avec un sourire, un regard, une inflexion de sa voix, une simple posture, et rend finalement accessoires les costumes qui ont été stéréotypés au possible sûrement pour aider le spectateur à mieux assimiler au début du film.
Ce que j’ai préféré dans ce thriller, c’est davantage la suggestion que les démonstrations de violence.
Par exemple j’ai trouvé très efficace le premier hors champ qui avait tout l’air d’un viol, aussi les signes de conflit intérieur quand les filles entendaient des bribes de discussions entre 2 personnalités. L’amnésie dissociative ne manquait pas à l’appel avec les trous noirs, les flashbacks, le déni… N’oublions pas les entretiens avec la psychiatre qui ne se laisse pas duper par Dennis, parce qu’elle sait, connait, a répertorié et systématisé les personnalités, et réussit à pressentir des incohérences là où l’on ne voit qu’un chaos identitaire. Je pense par exemple à une des premières scènes où ‘‘Kevin’’ oublie de récupérer ses dessins.
Il y a dans les 3 premiers quarts du film une approche qui se veut plutôt réaliste par rapport au cas Milligan et qui reste divertissante, entre gags et épouvante. La fin m’a un peu moins emballé
parce que le choix du fantastique verse dans la surenchère et détruit toute forme de compassion -> ça devient un banal méchant de comics qui n’a jamais guéri de son traumatisme dans son enfance et qui a sublimé sa souffrance en force monstrueuse et absolument irrépressible. Mouarf.
Donc je suis un peu plus réservé quant à l’écriture, les personnages n’ont jamais été réellement développés, leur background sert seulement à justifier un caractère chelou (c’est la vieille recette du trauma dans l’enfance), ou alors les personnages se résument à des traits de caractère clichés qui sont l’apanage de toute bonne série américaine qui ne respecte pas.
J’ai tout de même bien apprécié le personnage d’Anya Taylor-Joy qui est la seule personne véritablement capable de neutraliser les jeux de manipulation orchestrées par les personnalités de McAvoy, et qui ouvre une brèche à l’empathie.