Vu qu'en ce moment on parle pas mal de Cinéma Virtuel, j'ai envie d'évoquer cet excellent film de Robert Zemeckis.
Robert Zemeckis : la recherche de la liberté
Les effets spéciaux ont toujours tenu une grande place dans les films de Robert Zemeckis, pas réellement pour en mettre plein les yeux mais plutôt parce qu'il voulait raconter des histoires qui n'étaient pas forcément ancrée dans le réel. En ce sens Robert Zemeckis a souvent été un précurseur dans ce domaine.
"Qui veut la peau de Roger Rabbit" avait repoussé à l'époque les limites de l'interaction entre réel et dessin animé. La trilogie "Retour Vers le Futur" fut truffé d'effets spéciaux qui étaient très compliqués. "Forrest Gump" a été l'un des premiers films à utiliser massivement les images de synthèses. Je me souviens d'ailleurs qu'à l'époque les spectateurs avaient été très étonnés de découvrir que les explosions dans la jungle n'étaient pas de vraies explosions, de même que pour la fameuse plume j'avais été bluffé d'apprendre qu'il s'agissait d'une image de synthèse!
Bref Robert Zemeckis a souvent été à l'avant-garde des techniques offrant de grandes libertés de réalisation et c'est donc sans surprise qu'il fut l'un des premiers à s'essayer au Cinéma Virtuel.
Le Cinéma Virtuel
Bon pour ceux qui ont lu les articles "Avatar" sur DVD Rama, cela risque d'être un peu redondant^^
Je pense pour commencer qu'il est important de comprendre la différence qu'il y a entre l'animation 3D et la capture 3D.
L'animation consiste comme son nom l'indique à animer des "objet" pour leur donner vie.
Le Dessin Animé consiste à animer un dessin, la Stop-Motion à animer image par image un objet réel, l'animation par marionnette consiste à animer des marionnettes (^_^) et l'animation 3D consiste à animer des marionnettes virtuelles.
Dans l'animation la "performance" des personnages est assurée par des animateurs.
La capture 3D sur laquelle repose le cinéma Virtuel consiste à capturer la performance d'un acteur réel pour la traiter ensuite dans un monde virtuel. Ici pas d'animateurs pour animer les personnages, ce sont sur les acteurs que repose toute la "performance". L'enjeu technologique étant de pouvoir restituer le mieux possible cette fameuse performance. Evidemment comme dans les films lives, certains éléments nécessitent des animateurs - par exemple un Dragon peut difficilement être "performé" via un acteur et reste donc une marionnette animée par des animateurs.
L'intérêt du Cinéma Virtuel est de plusieurs ordres : tout d'abord il permet de dissocier la direction d'acteurs, la mise en scène, l'interaction avec les décors, le maquillage, la gestion de l'éclairage, etc. Dans un tournage live classique tous ces éléments doivent être traités en même temps et pour peu qu'on utilise des effets spéciaux, le tournage peut devenir très compliqué, difficile et long. De plus comme il faut se concentrer sur tous ces aspects en même temps, il y a toujours le risque de négliger par moment et par exemple la direction d'acteur parce que la scène repose sur un effet spécial quelconque ou un décor.
Bref le cinéma virtuel permet entre autre de capturer la performance d'acteurs à part et cela sous tous les angles (mieux que la contrainte photographique d'une caméra). Et s'il faut rejouer des scènes, cela est très facile contrairement à un tournage classique (contrainte sur les décors, la disponibilité des différents acteurs, etc.).
Ainsi le réalisateur bénéficie d'une grande liberté pour gérer tous les aspects d'un film de façon autonome : modifier l'angle de caméra ici, modifier la lumière là, etc.
Au final dans le cinéma virtuel les acteurs ont toujours leur place et leur importance, à la différence d'un film d'animation où ce sont les animateurs qui donnent vie aux personnages - même si évidemment l'animateur 3D prend la place de la capture 3D lors de certaines scènes d'action, quasi impossible à tourner en live ^_^
La Légende de Beowulf (2007)
"Beowulf" est un poème majeur de la culture littéraire anglo-saxon et conte les combats héroïques d'un Héros Viking, Beowulf, contre 3 redoutables monstres.
Le film de Robert Zemeckis en propose une libre interprétation : il s'agit de découvrir la réalité derrière le mythe. L'histoire du film suit les grandes lignes de la légende en nous faisant découvrir les secrets cachés derrière le récit héroïque. Un exemple de jeu entre réalité et mythe est mis en scène vers la fin du film, lorsque Beowulf assiste à une représentation de son combat contre Grendel qui diffère légèrement de la réalité du film, mais est par contre tout à fait conforme aux écrits du poème. Autre scène remarquable également sur ce thème, c'est le duel à la nage, qui a autant de versions que de points de vue.
Avec "Beowulf" Robert Zemeckis montre que derrière le Héros Mythique et Invincible, il y a toujours un homme sujet aux désirs et faillible. Néanmoins même si Robert Zemeckis cherche à mettre en scène l'homme simple et humain, le film fait la part belle aux morceaux de bravoure et les scènes d'action sont époustouflantes tout simplement. Robert Zemeckis s'amuse avec les libertés permises par le Cinéma Virtuel et sa caméra est dynamique et virevolte souvent pour offrir des cadrages toujours très inspirés.
Le ton du film est résolument adulte, sombre et fait la part belle au gore par moment (Grendel fait honneur à sa réputation). Si la borderline n'est jamais franchie par Robert Zemeckis, il n'hésite pas à mettre en scène des massacres en bon et dû forme. De même le sexe est très largement évoqué et suggéré à de nombreuses reprises.
Enfin sur l'aspect technique, si la note d'intention du Cinéma Virtuel est ambitieuse, le résultat n'est évidemment pas encore parfait. Le rendu texture des acteurs est encore trop lisse en pleine lumière (mais dans l'obscurité c'est pas mal) mais force est de constater qu'on reconnaît sans aucun problème les acteurs. Que ce soit Anthony Hopkins ou John Malkovich, on retrouve sans problèmes certains de leur rictus au point que c'est troublant. A ce niveau-là le plus impressionnant est certainement Angelina Jolie mais il faut avouer que son rôle (de vamp ténébreuse) l'avantage clairement ^_^ Quant à Ray Winstone, il est un Beowulf impeccable.
Cependant même si l'aspect image de synthèse est indéniable, les gros plans sur les visages et les yeux sont impressionnants : Pour "Beowulf" Robert Zemeckis a initié une nouvelle technique pour capturer leurs expressions (par électrode) et le résultat est bien là, même s'il faudra encore la travailler bien évidemment.
Le mot de la fin
En conclusion, outre l'aspect technique et son intérêt comme modus operandi, "Beowulf" est avant tout un excellent film de genre, qui revisite avec intelligence un classique de la littérature, et c'est bien là le plus important!