En attendant de voir les épisodes de cette semaine et de la semaine qui vient seulement dans une semaine (vacances en famille oblige), une petite réflexion sur les lieux et les personnages, puisqu'on en a parlé au lancement de la série à propos des décors, parce que ça revient maintenant et parce que
j'ai lu une critique qui pointait cette gestion comme ratée, je cite:
Citation:
Sans parler du fait que je trouve très bizarre qu’ils [Bruce et Alfred] vivent juste dans un seul et même salon, près d’une cheminée toujours allumée. (Mais bon, Fish vit dans son club et Barbara ne quitte jamais son appartement, il doit s’agir d’un problème d’agoraphobie généralisé à Gotham.)
Je pense justement que c'est un des trucs travaillés dans l'écriture de scénario et que ce rapport des personnages aux lieux structure la dynamique de l'action. Et qu'en cela cela prolonge le projet initial, à savoir parler d'un ville, Gotham en tant que lieu.
Si on regarde les personnages, on observe que certains sont effectivement métonymiques d'un environnement dont ils semblent ne pas pouvoir sortir. Barbara, Fish, les Wayne, auxquels on peut ajouter récemment Maroni et son restaurant. Et Selina avec la Rue. Ou encore la boucherie du premier épisode comme succursale des basses œuvres de Fish.
En face, il y a ceux qui n'ont pas de lieux à eux: les enquêteurs naturellement (hormis le point de ralliement collectif, et non lieu personnel, que constitue le commissariat) puisqu'ils sont en mouvement de lieu en lieu. Mais si on pose cela on comprend mieux pourquoi Gordon vit chez Barbara et ne possède pas de "chez lui". Dans cette catégorie il faut mettre aussi Oswald dont on voit que la quête est de faire de Gotham "son" lieu. Dans cette quête il est d'abord chassé de chez Fish, puis de la ville, avant de revenir dans un nouvel environnement dont il prend progressivement le contrôle. Le lieu symbolise donc les personnages mais aussi la dynamique de l'action (conquête). Dans le même ordre d'idée, il est intéressant de ne pas avoir vu jusque-là de "lieu" attribué à Falcone. Cela rentre dans le paysage dépeint au début de la série: Gotham est en train de lui échapper. Si le pouvoir est lié au lieu, alors il est logique que celui qui perd le pouvoir n'ait pas encore de lieu désigné, en attendant de le montrer dans un lieu qui lui échappe pour symboliser cela directement. A noter encore que la lutte l'influence entre Falcone et Maroni a pris corps autour d'un projet d'aménagement urbain, de propriétés immobilières.
Si on revient aux personnages assignés à des lieux, on peut justement noter que lorsque Barbara sort de chez elle ce n'est pas pour rien. La dispute entre Barbara et Gordon se tient au commisariat et c'est elle qui vient y faire une scène. C'est ainsi que se construit l'événement, en sortant le personnage de son lieu premier. Dans le même ordre d'idée, le cas de Bruce est intéressant. Il est reclus au Manoir parce que sa sortie, qui inaugure la série, lui a valu la mort de ses parents. Dès lors, on ne le voit sortir du Manoir (hormis scène de l'enterrement qui prolonge la première sortie) qu'en pensées, via des cartes topographiques et des journaux. On le sait, la construction de Batman sera une reconquête physique d'un lieu perdu, Gotham.
Bref, si on regarde la construction d'ensemble des liens lieux/personnages, on a deux données combinées: d'une part quelque chose de métonymique, assez soap après tout (tradition série télé), d'autre part, et ça en découle assez naturellement, une dynamique très théâtrale. Dominer un échange, une situation, c'est maîtriser le lieu. Sortir hors de sa zone, c'est prendre des risques, c'est débuter l'action, amorcer le drame.
Pour le moment, au niveau cinématographique, mais je n'y ai peut-être pas fait assez attention, ça ne me semble pas travaillé au-delà de la question des décors (finalement dimension théâtrale encore). Rien de particulier ne m'a apparu concernant le partage du cadre par les personnages ou au niveau des entrées/sorties (comme on peut le voir chez Hawks par exemple, pour prendre un classique sur cet enjeu cinématographique en particulier). Je vais y faire attention par la suite, mais à vue de nez je ne pense pas que ce soit creusé malheureusement. Mais dans l'écriture il y a déjà quelque chose quand même!