Chapitre IIILe soleil commençait à décliner, donnant à l'eau un doux reflet orangé. Certains enfants, les pieds dans l'eau, attendaient impatients : c’était enfin le moment. Chaque soir, à la même heure commençait la valse écailleuse. Les poissons sautaient gracieusement au dessus des passerelles pour retomber sans bruit dans l'eau. Il s'agissait d'un moment d'osmose entre Homme et Nature, l'un des spectacles les plus fascinants du monde. Bien entendu, la beauté de cette valse n’était visible que pour celui qui voulait bien la voir. Et, il fallait bien l'admettre, les voyageurs souvent de passage pour une nuit ou deux, préféraient s'amuser dans les quelques bars et bordels de ce lieu étrange.
Flottant sur l'eau, cette île était entièrement constituée de plate-formes reliés entre elles par des passerelles. Sur chacune des plate-formes se trouvait une habitation ou un commerce. Malgré les tailles variables,l'architecture était la même pour chaque maison : de forme ronde, les murs étaient constitués exclusivement de bois et les toits d'une armature en bois constitué de plusieurs branches se rejoignant pour ressembler a un cône recouvert de paille tressée.
Les plate-formes pouvaient être dangereuses vers les premières heures de la journée,lorsque les pirates saouls commençaient à se disputer entre eux. Combien de cadavre de pauvres hommes noyées avaient été repêchés dans le courant de l'année ? Plus personne n'osait les compter désormais. L'île était remplit de brigands méprisables. Cependant, ce soir là, dans l'un des bars les plus grands de l'île, deux éclats de voix tonnaient plus fortement que les autres, des voix grincheuses, caverneuses et grasses.
"Répète pour voir, tu crois t'adresser à qui comme ça ?!" La bouteille d'alcool s’éclata contre le sol, brisant un silence gênant. Aucun client n'osait risquer un œil en direction de la dispute, préférant admirer leurs verres de rhum qui semblaient tout à coup bien esthétiques et dignes d’intérêt. Le pianiste avait quitté son instrument et la serveuse s’était abstenue de franchir la distance qui séparait son comptoir des deux hommes.
Le premier, remuait et meuglait en tentant de se tourner sur lui même pour pouvoir enfin regarder son adversaire dans les yeux, en vain. L'autre n’était pas vraiment mieux, saoul et prétentieux, il ne faisait qu'attiser la dispute qui durait déjà depuis un bon quart d'heure.
— Enfoiré, tu as très bien entendu, je ne répéterai pas. c'est de ta faute, tu t’étais porté garant de cette épée, tu sais combien ça se vend les 21 grandes épées, de nos jours ? S’énerva le nerveux.
— La ferme, je suis sur que c'est toi qui a perdu ce fichu truc. Si nous n’étions pas collé, je t'aurais déjà tué depuis plusieurs années. Ricana le saoul.
Iny et Gany, les deux frères siamois, respectivement Numéro 5 et Numéro 6 de l'ordre des Numbers, étaient sujets à une malformation de naissance qui avait provoqué la fusion des corps des deux jumeaux. Leurs dos rassemblés, ils étaient destinés à compter l'un sur l'autre pour toujours, ce qui engendrait souvent des disputes entre les deux frères. En effet, tout opposait ses deux caractères atypiques qui ne pouvaient pas se supporter plus d'une heure.
La dispute devint imposante, des chaises réduites en charpie volaient ci et là, tout autour des siamois. Les faces déformées par la colère et l'alcool, plus rien ne semblait pouvoir les arrêter. Sauf peut-être le fracas de la porte qui venait de s'ouvrit. Un homme entra, tous les yeux fixés sur lui. Sa démarche était lente et tremblante.
Les deux frères examinait avec intérêt ce soldat boiteux au visage caché derrière un heaume en fer forgé. Un heaume esquinté et munit de deux cornes de chèvre recourbées vers le bas. Ses cheveux crasseux tombaient sur sa nuque et une barbe naissait sur son menton pointu. Il portait une tenue étonnante : Une simple épaulette en fer était retenue par des lanières en cuir accrochées autour d'une pièce de métal sur son torse nu. Il portait également des gantelets du même cuir que son pantalon.
— Hé, le guerrier, j'ai une question à te poser. L'interpella Iny le nerveux
L'homme qui venait de s'asseoir au comptoir, se versa un verre d’hydromel à ras bord, puis se tourna en direction des deux siamois dans un soupir d'agacement.
— Que veux-tu savoir, ingrate créature ? Répondit-il, sans cacher son dégoût.
— Les habitants de cette île ont l'air de te craindre, pourtant tu n'es qu'un boiteux. Qu'est-il arrivé à ta jambe et pourquoi es-tu crains à ce point ?
— Mon avis de recherche est placardée un peu partout sur l'archipel et la prime sur ma tête peut en faire trembler certains j'imagine. Concernant ma blessure, cela remonte à plusieurs années. À l’époque j'étais un puissant aventurier, puis j'ai prit une flèche dans le genou. je n'ai pas besoin de t'en dire plus.
— Un aventurier recherché par le Gouvernement ?
— La marine m'a mise la main dessus pour trafic d'armes, je n'ai pas eu de chance. Tu dois connaître cela, toi. Tu n'es qu'un monstre qui ne pourra jamais connaître le bonheur.
Iny serra les dents et se leva malgré l'improbation de son jumeau. Il était prêt à corriger définitivement cet infirme prétentieux qui avait osé l'insulter de monstre. Il ne fit pas deux pas que la porte d'entrée en bois éclata en centaines de copeaux. Une fumée se rependit sur le sol poussiéreux tandis que six marines formèrent un arc de cercle, le fusil pointé sur l'ancien aventurier toujours accoudé au bar. Un homme tout de noir vêtu clôturait la marche. Il s’avança de quelques mètres et entama son discours :
— Diel Borlec, prime estimée à cent quarante millions de Berry. Je vous arrête par ordre du Conseil de Cinq pour trafic d'armes, évasion, meurtre et complicité d'attentat contre le Gouvernement Mondial et sa branche armée.
— Rien que ça, hein ? Tu avais omis de nous dire ça tout à l'heure je crois. S'exclama Gany, le siamois saoul.
— Tu ne ressembles pas vraiment à un membre du gouvernement...Qui es-tu ? J'aimerai connaître le nom de celui qui tentera de me livrer à la marine. Demanda Diel, le guerrier boiteux qui admirait son verre désormais vide.
— Je suis Minpain, chef de la brigade anti-terrorisme. Je traque un groupe aux idéaux dangereux pour notre nation. Nous faisons notre possible pour éliminer cette menace rapidement. Je ne pensais pas te trouver ici, toi qui à aidé cette organisation à entrer dans la base du G-2. Tu n'as même pas dissimulé ton bateau, quel travail d'amateur !
Les traits de Diel devinrent flou tandis qu'une bourrasque coupante se forma autour de lui, l'enfermant dans un cocon protecteur. Tous les objets à moins de deux mètres de lui furent découper en plusieurs dizaines de morceaux.
— Je ne pensais pas voir ton pouvoir à l’œuvre, il faut dire que tu es plutôt discret quand tu l'utilises Diel Borlec alias Kaze no ryū, possesseur du célèbre logia du vent ! S'extasia le membre de la brigade anti terrorisme. Le Gouvernement te tuera pour donner à ses espions ce pouvoir, tu sais ?
— Pour me tuer, il faut m'attraper. On ne pourra jamais attraper un courant d'air. S'amusa l'aventurier.
Un sourire se dessina sur son visage puis, celui ci se changea intégralement en vent, se faufilant malicieusement entre les marines ébahis. La sortie n’était plus qu'à 3 mètres, 2 mètres,1 mètre...puis ce fut le choc. Il n'eut pas le temps de franchir la porte que son pouvoir se troubla de lui même. Pour commencer, ce fut le bras qui réapparu à son état normal, telle une déflagration dans l'air. Enfin, ce fut le tour du corps et de la tête. Diel S’écrasa lourdement sur le sol poussiéreux. Minpain s'approcha doucement puis posa son pied sur le genou mutilé du pauvre homme gisant au sol.
— Sais-tu pourquoi ton pouvoir à fait des siennes quand tu as franchis la porte ? C'est à cause du dispositif que nous avons installé aux coins de la chambranle. Quatre sphères de bois contenants tous des annulateurs de pouvoirs démoniaques. Un mélange de Granite Marin et d'argent offert par les Dragons Célestes.
— Rien...à foutre.
— Pourquoi les as tu aidé ? Que t'ont-ils proposé en échange de tes services ?
— Ils m'ont proposé quelque chose qui a plus de valeur que l'or : une place de choix pour regarder le gouvernement brûler. Désormais plus rien ne pourra arrêter cette destruction. L'attentat du G-2 à attirer l'attention du Conseil des Cinq mais aussi celui des révolutionnaires et des groupes isolés. Plus les minutes passent, plus le nombre des révolutionnaires augmente. Chacun à sa raison d'en vouloir au Gouvernement, mais cette haine partagée suffit.
Iny et Gany écoutaient attentivement les paroles sincères de cet homme. Comme tous les Numbers, les Siamois avaient été contactés par Amrus pour faire partie de la vendetta en mémoire de Alk'Ohu et Kurushimi. Pour les deux frères l'idée même de cette vengeance était ridicule. Depuis quand des tueurs faisaient preuve de compassion envers d'autres tueurs ? Et puis, après tout, que pouvaient-ils bien faire contre un pouvoir qui contrôlait 98% du monde terrestre et maritime ? Sans surprise leur réponse fut négative.Ils comprenaient maintenant qu'ils avaient sous estimer la détermination d'Amrus et ses compagnons.
Une masse informe se jeta alors sur Minpain qui se retrouva plaquer sur le sol à son tour. Iny était au dessus de lui tandis que, dans son dos, Gany dégainait déjà son arme dans le but de neutraliser la totalité des soldats présents. Malheureusement, les six hommes étaient bien entraînés, si bien qu’après avoir déchargé tout son chargeur, la moitié de la formation de marines était encore debout, devant un mur criblé de balles et de corps gisant dans une mare de sang.
— Ils font chier ! S'écria Iny en exécutant le chef de la brigade d'une balle dans la tête.
— Vous êtes en état d'arrestation. Répondit l'un des officiers.
***
Ancienne base souterraine de l'armée révolutionnaire — Localisation inconnue Cela faisait maintenant une heure qu'Amrus, alias
numéro 3, fixait les deux sièges vacants devant lui. La journée allait être chargée, les cinq membres alliés devaient être tous présents. La réunion avait été programmée bien plus tôt qu'à l'accoutumé, ce qui avait sûrement dû agacer les deux Numbers absents, les tueurs n’aimaient pas être pressés par le temps.
Dans la salle se trouvaient Zelke,
le numéro 11. Étant le moins gradé des cinq meurtriers alliés, il était fidèle et ponctuel. Cet homme avait toujours déconcerté ses frères, il savait être d'un calme et d'un silence glaçant, mais aussi d'une chaleur et d'une joie de vivre étonnante. Ses cheveux étaient gris mais ses yeux, d'un bleu vif, trahissaient son jeune âge. N’étant pas le plus grand ni le plus fort, il évitait le corps à corps lors des combats, excellant plutôt au tir à l'arc. Il était réputé pour ne jamais louper sa cible même à plusieurs mètres. Il portait la plupart du temps une chemise noire, un tissu jaune enroulé autour de la taille et un pantalon de toile grise de moyenne qualité. Un homme discret en soit.
Marnae était également présente, debout à admirer son reflet sur l'un des murs chromés. Elle portait une longue robe blanche aux motifs de fleurs rouges et un collier de rubis qui descendait jusqu'à sa poitrine.
Les coups de minuit sonnèrent, la grande horloge de bois massif posée au fond de la salle ovale affichait l'heure habituelle des réunions. Foyyr Endrapegön alias
Numéro 8 arriva alors, talonné de près par Lidds le
Numéro 10. Ils avaient fait fi du nouvel horaire instauré par Amrus, le chef par défaut du comité. Cela n’était pas vraiment une surprise pour ce dernier. Cette provocation puéril était à l'image des deux hommes, mieux valait l'ignorer cette fois-ci.
— Heureux de constater que nous somme au complet. Commença le
Numéro 3.
— C'est ça. S'exclama discrètement la seule femme du groupe.
Foyyr répondit par un grognement intelligible. Le colosse n'était pas le plus amical du groupe et son apparence ne le rendait pas plus chaleureux. Son air renfrogné était du à ses sourcils broussailleux, constamment froncés et une bouche presque entièrement dissimulée sous une pilosité faciale imposante.
Sa grande barbe rousse et cassante était retenue par un anneau d'or et de ses longs cheveux du même brun rouillé dépassaient deux anomalies osseuses et arrondies : des petites cornes. Une maladie héréditaire présente depuis des siècles chez les humains originaires des montagnes de marbres. Outre cette particularité physique étonnante, on pouvait s’étonner de la rapidité de l'homme de trois mètres qui ne pesait pas moins de cent-quarante kilogrammes.
Foyyr était l’archétype du barbare des neiges. Toujours vêtu de fourrure de loup et ne sortant jamais sans sa puissante arme nommée Rubilaxe, l'épée du roi à cornes.
Cette lame appartenait autrefois à Rütrah Endrapegön, premier roi cornu. Elle resta pendant plus de quatre siècles le seul et unique héritage de la lignée du roi cornu. Par la suite, elle fut dérobée puis brandit par bon nombre d'humains à travers les océans. Morle, l'homme en charge du projet des Numbers, avait fait jouer ses contacts afin de restituer cette épée légendaire à Foyyr, le dernier membre de la famille Endrapegön encore en vie. Rubilaxe brillait encore d'un éclat vif malgré ses quatre cent ans. Malheureusement, seule la lame à double tranchant avait été préservée des ravages du temps, n'étant même pas ébréchée. On ne pouvait pas en dire autant des autres parties de l'épée : la garde sculptée était rouillée, la sueur avait décolorée le cuir noir de la poignée et l'opale incrusté dans le pommeau ,rouillé lui aussi, était fissuré en son centre.
Un tranchant éternel, voici le pouvoir démoniaque octroyé à Rubilaxe. Les légendes à son sujet se comptaient désormais par dizaines. Les premières légendes dataient du siècle précédent, à l’époque où l'épée du roi Ruträh était accroché à la ceinture de Kardass, le meilleur épéiste de l'histoire. Les rumeurs sur le pouvoir de régénération de la lame se rependirent dans les quatre mers inférieures en seulement quelques années. Malgré tout, un humain, comme toutes choses sur Terre, est éphémère. Kardass fut assassiné par son bras droit et ses armes enterrées avec lui, dans un lieu tenu secret. Le monde oublia l'existence de l'épée....À présent elle faisait la fierté de Foyyr et la convoitise de Lidds.
Ce dernier était un homme poisson cleptomane au métabolisme fort étonnant. Son corps pouvait se gonfler à volonté jusqu'à devenir aussi colossal que celui du Number cornu. De petits piques se trouvaient dispersés ci et là sur ses joues grises et sur le haut de son crane dégarni se trouvait une tache de naissance couleur tabac. Sa tenue reflétait une personnalité décontractée ; l'homme portait un sarouel kaki du royaume d'Alabasta, des sandales noires et un débardeur blanc. Sur la totalité de son bras gauche se trouvait un tatouage tribal et sur sa main, la marque des anciens pirates du soleil. Lidds, le plus âgé des treize Numbers était arrivé en dernier dans l’Organisation et n'avait pas eu le temps de devenir aussi conditionné que ses frères d'arme.
Ce combattant expérimenté faisait du vol d'objets sa spécialité. Il ne se battait plus, préférant les joies de l'infiltration ce qui faisait de lui une exception au sein de l'Organisation. Son rang était bas, mais son aide pouvait être un atout certain pour Amrus.
— Des informateurs m'ont prévenu que plusieurs groupes du Gouvernement sont à notre recherche et ils avancent trop rapidement. Bientôt ils nous trouveront. Informa Zelke.
— J'ai entendu dire qu'une trentaine des nôtres se sont fait arrêter ou tuer. Cela augmente d'heure en heure. Renchérit Lidds.
— nous devons faire appel à lui, je sais que c'est une très mauvaise idée mais il serait un atout précieux dans notre groupe. S'exclama Marnae.
—
Numéro 0 n'a pas tenu le choc quand nous avons commencé. Sa force était certes monstrueuse, nettement supérieure à la notre, mais son esprit trop faible l'a ruiné. je crains qu'aujourd'hui il ait refoulé sa puissance et ses souvenirs. Il n'est plus qu'un humain banal ayant tout oublié de son enfance a nos cotés. Répondit Foyyr.
Ce sujet était devenu tabou avec le temps. Ce jeune garçon aux dons innés pour pléthore de styles de combat avait reçu les meilleurs notes au test d'admission au rang de Number. Âgé de douze ans à cette époque, il s'agissait de la plus jeune recrut parmi les treize autres adolescents à avoir réussi le test. Les choses basculèrent lors du premier assassinat...
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Notes de fin : Fin du chapitre ! j’espère qu'il vous plaira.
J'ai modifié quelques petits trucs dans ma façon de travailler. Désormais cette histoire et celle de mon autre fic feront partie d'un cycle. Les thèmes sont communs donc autant en profiter pour les lier^^
Petit jeu: trouverez vous toutes les références de ce chapitre ? :pFiche spoil sur les Numbers. À lire après le chapitre ! 0- ?
1- ?
2- ?
3- Amrus (humain)
4- Alk'Ohu (humain — inapte au combat)
5- Iny (humain — frère siamois de Gany)
6- Gany (humain — frère siamois de Iny)
7- Marnae (humaine)
8- Foyyr (homme à cornes)
9- Kurushimi (humaine — décédée)
10- Lidds (homme poisson)
11- Zelke (humain)
12- ?
13- ?
Numbers Alliés : 3 - 7 - 8 - 10 - 11
Numbers Morts/disparus : 4 - 9
Numbers indépendants : 5 - 6
Numbers inconnus : 0 - 1 - 2 - 12 - 13