Presto. Il y a bien longtemps de ça, un soleil se leva haut dans le ciel plus chaud que d'habitude. Cette chaleur si particulière fit fondre les glaciers qui retenaient prisonniers en leur sein les musiques d’antan où le vivant n'avait pas sa place. Les notes s'égrainèrent depuis le haut des montagnes glacées, ruisselant en cataractes le long des pentes abruptes. La musique chutait en torrents démentiel pour venir éclater en millions de gouttelettes sur les rochers sourds aux mélodies de la glace éternelle. Puis, s'écoulant au rythme des échos répercutés jusque dans les plaines, la musique amplifiée apporta aux Hommes qui y habitaient, le souvenir d'un monde oublié. Mais le coeur de ces hommes rustres était trop petit et trop plein de leur propre musique. De celle qui fait boum et qui cogne dans la poitrine, qui déverse dans les veines ce flot brûlant de passion et de désir. Bientôt ils furent remplis, et les notes débordèrent de ces esprits étriqués. Mais la musique ne s'arrête pas, elle dégouline et se répand, elle va toujours de l'avant, vers l'aval pour remplir le récipient qu'est le monde lui même. A travers les forêts, serpentant entre les collines, traçant à travers les déserts... Enfin, après un périple dans les gorges profondes de la terre, ces sons si secrets débouchèrent sur une cité d'or et d'argent scintillant sous le soleil. Une cité de tours immenses et de nacre, et dont les habitants se sont depuis longtemps retiré du monde extérieur si violent. Ah, enfin dans la ville de la vitesse, des courbes, du rythme, des caisses de résonnance... tout s'y retrouve accéléré. La musique de l'origine du monde se mélangea aux cris, aux froufrous, aux brouhahas des palpitations d'une vie pure. Les habitants furent secoués par les fracas et les chocs torrentiels du crissement des glaciers, de l'éclatement de la pierre. Ils frissonnèrent par le son du vent entre les arbres et soupirèrent de la détresse des territoires désolés.
Intermezzo. Enfin la musique sauvage et ancestrale avait trouvé refuge dans un monde de vitesse prêt à l'accepter. Elle en fit sa maison, elle modela les rues pour qu'elle puisse résonner le long des échines de ces Hommes, elle creusa des cavernes profondes emplies de joyaux et s'articula autour des tours qui défiaient le ciel. Puis le temps passa.
Nef. C'est au coeur d'une chaine de montagnes qu'un ancien peuple avait trouvé refuge pour échapper à la folie destructrice des Hommes. Désirant par dessus tout développer les arts et le plaisir des sens, ils avaient bâti une ville à même la roche. Seuls d'étroits sentiers et d'obscures tunnels reliaient ce monde en dehors du monde avec ceux restés en dehors. Comment le son venu des entrailles de la Terre avait pu déboucher dans cette cité, aucuns habitants ne le savait. Pour autant cette arrivée transforma leur mode de vie. La sculpture, la peinture, la cuisine, la littérature... toutes les formes d'arts qui y étaient développés furent petit à petit abandonnées au profit de la musique. Des chants, des instruments et des mélodies furent composés et construits. La musique pris une place essentielle dans leur existence.
Jour comme nuit, il y avait toujours des notes produites. Et au loin, jusqu'à l'autre bout du monde, on pouvait entendre l'échos de ce que l'on appela: le Choeur du monde.
Klaxon. Un bruit discordant déchira le sol. Des flammes jaillirent, et une fumée noire vomie des entrailles de la terre un beau jour sans crier gare. En quelques heures seulement le Choeur du monde fut englouti. Et même le son de la création du monde sombra dans l’abîme du néant sans pouvoir en sortir.
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Fortississimo. Le Choeur du monde aurait pu disparaître totalement des mémoires, mais ce ne fut pas le cas. Certains habitants qui avaient la bougeottes partaient explorer le monde pour voir ce que leurs ancêtres avait quitté. Deux d'entre eux n'étaient pas présents dans la ville de leurs origines. Et ce fut une grande chance pour l'humanité. L'Histoire garda leur nom, et ils nous transmirent haut et fort la passion de la musique. Takamari et Pickloc'N ne pleurèrent pas longtemps ce qu'ils avaient perdu. Ils décidèrent rapidement de protéger le souvenir de la cité d'or et d'argent aux tours de nacre. Pour cela, ils bâtirent un immense château. Non pas de ces châteaux de pierres grises et ternes aux murs épais et tours tassées; mais de ceux légers et aériens pleins de couleurs et de vie. Puis ils invitèrent tous ceux qui le désiraient à les rejoindre afin de fonder une académie de musique, pour que cet art vibratoire traverse les âges.
Largo. Pickloc'N aimait par dessus tout la musique. Il en approfondit les fondements et en fit une science. Ses connaissances étaient sans fin, et sa sensibilité si fine. Il fut le premier maître de l'académie, et avec lui à sa tête, jamais une fausse note ne fut jouée.
Ostinato. Takamari avait l'âme d'une explorateur, et il ne tenait pas en place. Il parti à travers le monde à la recherche du son perdu, celui des origines du monde. Certain qu'il se trouvait à errer quelque part à la recherche d'une nouvelle civilisation de musique, Takamari chercha toute sa vie durant à le guider vers l'académie de musique.
Yod. Pick & Taka, l'articulation de ces deux individus permis au monde de contempler ce qu'était vraiment la musique. Mais dans leur quête ils ne furent pas les seuls à modifier l'oreille du monde. Le nain el-d-brokeur apporta la joie; Mister K transmis la puissance de la musique, Skeleton Afro transmis une partie de l'origine de la musique, Childish partagea des sons venus de loin, enfin Nemeroffable discuta de l'essence de la musique.
Decrescendo. L'Histoire aurait pu se finir là, mais la musique s'écoule infiniment. Qu'il y ait quelqu'un pour l'entendre ou non, elle circule de par le monde. Parfois prisonnière d'un échos glacé, parfois perdue au milieu de l'océan, elle existe et elle nous prend les tripes. Et si le monde est une corde, la musique est le son qui est produit par la vibration du monde. Les nuances sont nombreuses, elle va des sons sourds et sous terrains jusqu'au pépiement des voix fluettes des êtres qui l'habitent. Le son lent des arbres qui poussent et le son continu de l'eau coule.
Si aujourd'hui nous ignorons jusqu'où le temps nous portera, une chose est sure, le monde ne se fera pas sans musique.