J'ai trouvé le chapitre excellent. J'ai énormément aimé. Une intrigue de palais accélérée ! Je suis en effet d'avis que c'est ce que nous propose ce chapitre.
Un point qui m'a en effet semblé remarquable dans le chapitre, et qui a été écarté de la trad française (des courtisanes parlent à part et à voix haute), c'est que les personnages se parlent et s'entendent. Il n'y a pas une seule phrase à voix haute qui ne saurait être entendue des autres. A la fin d'ailleurs, les personnages en viennent à s'exprimer intérieurement plutôt qu'à voix basse. Aussi, pour moi tout est sujet à double-sens. Kyoshiro ou Oroshi qui s'expriment sur le ton de la conversation à un tiers ou entre eux, fait partie en réalité d'un jeu signifiant à destination et des lecteurs et possiblement des personnages eux-mêmes. Et c'est aussi pourquoi ce chapitre me fait dire qu'il s'agit d'une intrigue de cour. Il en reprend les codes : des bavardages mondains en apparence, des artifices langagiers signifiant, des intrigues et complots, des assassinats ou tout du moins des projets d'assassinat, de l'espionnage, des faux-semblants et un jeu de rôle permanent, de la manipulation et de la ruse, des objectifs secrets, l'étiquette et le rang social, des favoris du prince... L'incident provoqué par Toko va d'ailleurs dans ce sens : s'affichant en riant de l'attitude de tous, ne pouvant s'arrêter de rire et donnant son opinion à voix haute, elle a montré qu'elle ne maîtrisait pas les codes de la cour. Elle reconnait d'ailleurs elle-même qu'elle n'est pas sensée rire. Malgré cela et malgré qu'elle soit une enfant, Oroshi réagira pourtant toujours selon l'étiquette et les codes en application en bon régent qui ne s'en laisse pas compter : lui rappelant sa position, il jugera alors qu'elle sous-entend autre chose, l'associant à ce qu'il sait de ce que ses gens pensent de lui. C'est à ce moment-là qu'arrive la deuxième partie rompant le cadre initial en ce que Komurasaki intervient, rappelle son statut d'enfant et lui intime la clémence. Le shogun passe outre et la courtisane brise à son tour les codes en stoppant physiquement celui qui devait être son futur mari. Oroshi ayant soin aussi de lui rappeler la différence de rang. Tout ça en un chapitre. C'est accéléré parce que c'est d'habitude beaucoup plus lent, mais je retrouve bon nombre de caractéristiques qui en font la saveur. Et avec Robin en plus, totalement dans son élément, c'est juste top !
Mais à parler d'intrigue de cour, voyons en détail :
Kyoshiro a le rôle de l'intrigant, on sait depuis sa première apparition qu'il ne partage pas plus les craintes d'Oroshi que les autres membres de la cour. Pourtant, ici il aura beau jeu de ne rien montrer et même de donner l'impression d'aller dans le sens du shogun par une pirouette verbale. D'un autre côté, il semble même entretenir cette paranoïa
en créant sciemment un incident tape-à-l’œil : était-il réellement proportionné d'envoyer six lieutenants de Kaido pour un incident somme toute mineur ? Oroshi prend pourtant acte de l'incident et le rajoute à la liste des événements suspects, non sans essayer de rallier Kyoshiro à sa vision des choses. Il doit certainement savoir comme en témoigne sa réaction après l'affront de Toko qu'il est moqué et considéré comme un peureux. La démesure de sa réaction prend d'ailleurs un sens particulier à la mesure de son conseil politique donné à Kyoshiro : s'occuper de ses ennemis avec une force écrasante pour imposer une autorité qui ne saurait plus être contestée. Ou en d'autres termes, marquer les esprits par la force. Mais qui sont ses ennemis ici sinon la cour qui l'entoure ?
Mais revenons à notre intrigant. Plus que le nombre de lieutenants envoyés, pourquoi les avoir ne serait-ce que saisi ? Ne pouvait-il pas envoyer des hommes à lui pour se charger de la chose ? Voilà une autre question qui intrigue. Aurait-il besoin de ses troupes pour autre chose pendant ce laps de temps ? Comme ne pas troubler les activités de son clan dans la capitale alors même qu'il serait temporairement indisponible ? Ou bien parce qu'il mobiliserait ses mêmes hommes pour une mission particulière ? J'en viens à penser à la conclusion du chapitre, Kyoshiro annonçant un bain de sang. On ne sait dans quelle direction il va diriger son sabre. Mais il n'est pas impossible, surtout que Robin a déjà des ennemis attitrés, qu'il puisse envisager de se retourner contre son seigneur. Soit qu'il ait déjà prévu de faire un coup d'état, soit et ce n'est pas exclusif, qu'il veuille sauver Komurasaki.
1) Dans le premier cas, avant toute chose il lui faudrait le soutien de Kaido. L'a-t-il ? On sait qu'il a assez d'influence pour faire une requête à Queen, et débaucher pas moins de six commandants. Ce qui est quand même appréciable. Peut-être sa connexion va-t-elle plus loin ? Autre élément, le mariage aurait pu être une occasion pour approcher le shogun, et ainsi se voir offrir une opportunité. Rappelons aussi les parallèles avec l'arc précédent qui pourrait trouver ici une pierre de plus à ajouter : un mariage avorté lui-même étant le théâtre d'un complot. Une autre piste : en sous-texte, Kyoshiro ne parle-t-il pas de tuer et d'exposer les corps à travers tout le pays ? Et par là, celui du shogun et de ses fidèles ? Enfin, se faire bien voir de son seigneur et nourrir sa paranoïa pourrait participer à détourner ce dernier d'une menace autre, venant plus directement de son entourage.
2) Dans le cas où il viserait en priorité le sauvetage de Komurasaki, deux choses. La première est que la courtisanne lui appartenait à la base, provenant de son territoire. Peut-être a-t-il un attachement envers elle, ou peut-être un lien plus profond que ce qui apparaîtrait au premier abord. On peut penser pourquoi pas à la filiation suggérée avec Toki. Par ailleurs,
il l'a déjà protégé d'un rachat (dépossession) visant à l'éloigner, le vieil homme voulant vivre avec elle et la libérer. Elle avait donc de l'importance à ses yeux. Autre idée, Oroshi ne serait pas digne d'elle,
sa réflexion n'étant pas adressé à son interlocuteur mais de façon détournée au shogun. Dernière réflexion : Robin en fuite avec Toko, qui pour protéger Komurasaki ? (je doute qu'Oda rompe avec ses habitudes)
3) Un élément qui embrasserait les deux options : Si sachant sa filiation avec Toki, Kyoshiro pourrait saisir sa chance d'accéder au trône. Se faisant, il serait légitime.
En résumé : Kyoshiro pourrait être un intrigant :
- visant à faire un coup d'état
- ayant pour but d'être dans les bonnes grâces, à entretenir sa paranoïa en vue d'un objectif secret
- se servant de Komurasaki pour un objectif secret et/ou entretenir avec elle une relation plus profonde qu'en apparence