Mon vote ira pour Fisher Tiger. C'est l'un de mes personnages préférés et il en est de même pour toute l'histoire qui l'accompagne. J'adore ce flash-back. Il raconte un combat féroce, de ces affrontements qui n'ont pas de victoire comme résolution mais où seule la lutte continue permet de faire évoluer les choses. Son entreprise comme celle de Otohime n'avaient pas pour but d'arriver à une résolution. Aucunement. C'était des luttes contre eux-mêmes autant que pour les autres, pour se libérer de leur condition. Tiger désirait se libérer du joug de l'esclavage. Ne plus être serviteur, refuser les dominations. C'était un périple immense, où la bataille était autant extérieure, contre la Marine et face aux tensions au sein de son propre équipage, qu'intérieure. Le démon qu'il évoque, qu'Otohime ressent, c'est pour moi une manière de traiter du corps. Le corps spirituel nourri pas ses socialisations, par son vécu, sculpté à la force de l'Histoire et de ses héritages, qui sont autant de manière d'incorporer, d'imposer et de faire naître ce quelque chose qui dort en nous, et qui nous souffle la méfiance, la peur, le ressentiment et tant d'autres sentiments encore à l'égard des Autres. La tête dit une chose mais le cœur en dit une autre. Et au final Tiger se laissera subjugué par ce démon, avouant son incapacité à aimer le genre humain, livrant par la même son ultime bataille. Ses entrailles auront parlé pour lui. Le corps n'oublie pas. Ce qui m'amène à évoquer l'autre aspect du corps, celle de sa domination et de son exploitation. Le sceau des nobles mondiaux en son un premier élément, un moyen d’asseoir leur emprise sur les corps des esclaves qu'ils possèdent. Le fer marque à même la peau, la brûle et lui rappelle. La scène à l'intérieur de la cabine aussi m'a-t-elle marquée, car à la domestication et à la soumission du corps et de l'esprit, Tiger appose un nouveau sceau par-dessus l'ancien. Comme une manière de combattre le mal par le mal, de retravailler la chair et libérer le corps. La scène est forte, et on se souviendra de son versant avec Hancock portant sa marque d'esclave avec la douleur qui s'en suit. La honte, la souffrance de cette époque et l'humiliation de ce stigmate auront été jusqu'à établir une loi pour en préserver le secret. La domination du corps c'est aussi le traumatisme de Koala et sa manière de nettoyer pour éviter de se montrer inutile. A sourire tout le temps pour s'empêcher de pleurer et maintenir une illusion de façade. A implorer grâce pour rappeler à ses anciens maîtres imbus d'eux-mêmes leur position de supériorité. Là encore, le corps se souvient. Et c'est là quelque chose qui m'a ébahi que de retrouver en filigrane ce sujet, en parallèle de l'évocation structurelle du racisme et de ses conséquences. De sa complexité, ou de l'ébauche plutôt — bien que je n'arrive pas à en mesurer totalement les apports et les défauts. C'est tellement quelque chose qui d'habitude est invisibilisé ou tabou dans la société française, détourné en affaire personnelle plutôt que structurelle, faisant norme au point de ne plus réfléchir dessus, de ne plus le voir sinon en minimisant ses effets que j'ai pris une claque avec ce flash-back et avec l'arc qui l'accompagne. Claque complétée par l'une des morts les plus poignantes que j'ai eu à lire avec celle de Hiluluk, et rappelant tout le développement du personnage jusqu'alors. Ou comment enfoncer un peu plus le clou alors que je pleurniche déjà pourtant pendant toute la lecture du flash-back. Sans compter l'importance de sa mort pour tous les autres personnages autour et pour l'histoire future !
Je rajoute cette planche qui est incroyable d'émotions, et qui donne encore davantage de puissance et de relief à la mort de Fisher Tiger (attention, image de grande taille) :