15h30, séance tenante. C’était hier (en fait avant-hier, erreur 403 oblige, ndlr), Indiana, quatrième du nom. Profitant d’une pause entre deux gouttes de partiel, j’ai enfin pu aller voir de quoi retournaient ces fameux crânes de cristal. Bilan : pas mauvais, mais pas exceptionnel non plus. Mais avant de passer à la critique du dernier film signé Spielby, faisons une rétrospective rapide dans les méandres de la saga. Plongeons-nous gaiement dans la précédente trilogie. Il faut toujours partir sur quelques bases saines.
Pour LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE, SS (qui, parait-il, n’aime pas qu’on l’appelle comme ça) avait pondu une œuvre tout en rythme et en péripéties, accompagnée d’une grosse touche de jolies trouvailles dans la réalisation, comme par exemple le – maintenant classique – fondu-enchainé avion-carte du monde. Karen Allen, aujourd’hui disparue de la circulation, du moins, jusqu’au 21 mai, y avait livré une prestation vraiment fameuse, tenant son rôle d’une poigne de fer, faisant un agréable écho à son personnage fort indépendant. Le film était distancié et très agréable à voir, ou à revoir.
LE TEMPLE MAUDIT était un peu le prolongement des AVENTURIERS. C’était un métrage totalement dans la verve du précédent volet, mais quelque peu descendu par les critiques de l’époque du fait de sa relative noirceur. Pourtant, les qualités de ce film ne sont plus à prouver : réalisation assez typée dans les contrastes des décors et dans les éclairages, pur produit du standard des histoires d’aventure de ces années dorées, gratuité, générosité, esprit fantasque… La raison pour laquelle la noirceur avait été si présente avait même été justifiée par Spielby, non pas de vive voix, mais en nous poussant à regarder sa réalisation d’un autre œil, d’un œil plus alerte, parce que les rebondissements étaient dès lors plus tangibles, moins convenus, plus imprévisibles, moins James Bondesques.
Et puis, il y a eu, et puisque Bullz’ en a parlé, LA DERNIERE CROISADE, épisode qui représente pour ma part la quintessence négative de la série. En effet, suite aux plaintes orales ou écrites rencontrées en 1984, lors de la sortie du TEMPLE MAUDIT, Spielby, toujours à l’écoute de la voix du peuple, a voulu adoucir son récit, rendre celui-ci légèrement plus édulcoré, moins noir, moins tranchant et moins engagé. Alors il a fait (inter)venir un nouveau personnage, LE personnage qui allait bouleverser tout ce qui faisait la particularité du serial Indy : Jones Senior. Autant le dire tout de suite, cette introduction a été une grosse connerie (ahah). La relation père/fils de l’opus a grandement détruit le récit du film, jouant sans cesse sur une version très conventionnelle de la chose. Jones et Jones : Tu t’es jamais soucié de moi – Mais si je t’aime, mon fils. Moi non plus. Surtout, cette relation téléphonée et conformiste a, dans une certaine mesure, démystifié le personnage d’Indiana, car il est évident qu’un aventurier solitaire se devait de persévérer dans son état d’aventurier solitaire. Au fond, on s’en tape royalement de son foutu passé et de sa vie antérieure. Ce qui nous (trans)porte, ce sont ses pérégrinations, ses amours sans lendemain, ses vannes, le moment présent : carpe diem ! Et si ses caractéristiques sont un autre centre d’intérêt qu’on peut éprouver à l’égard d’Indy, ça ne veut pas dire qu’on veuille précisément savoir pourquoi il est devenu tel qu’il est actuellement, car ce qui compte, c’est lui, pas son ombre (on y reviendra plus tard). Aussi, était-il bien terrifiant et fort mal à propos de nous révéler sur un plateau pourri toutes ces caractéristiques dans un seul flashback, séquence introductive par ailleurs de LA DERNIERE CROISADE. Construire un personnage et lui prêter toutes ses particularités (sa cicatrice au menton, son fouet, sa peur des serpents, son chapeau mou…) en trente secondes chrono, c’est quand même casser littéralement le mythe entier entourant Indy depuis 1981. C’est un peu comme si on offrait une paire de gants à un manchot : inutile et irrespectueux. Du coup, c’est la nature même du personnage qui est détruit, personnage qu’on avait en outre édifié sur cette même nature. Flippant. Spécialement quand Spielby nous rappelle que Junior est bel et bien un aventurier solitaire et loin de son foyer en nous proposant une chevauchée mollassonne dans le couchant d’un soleil, qui ne brillait déjà plus sur la saga.
Et pourtant, à côté de tous ces points noirs, et d’autres, eux, relevant plus du scénario et de la morale à deux balles qu’on nous a sortie (voir la fin et le devenir du Graal), LA DERNIERE CROISADE restait un film convenable, facile à regarder, à suivre, toujours classiquement réalisé, dans l’inspiration profonde de ses vieux frères. Bref, la trilogie originelle, globalement, j’aimais bien.
Quid, à présent, du ROYAUME DU CRANE DE CRISTAL ? Selon moi, il s’inscrit un peu dans la même optique que LA DERNIERE CROISADE, à savoir qu’on continue l’anéantissement du mythe Indy, qu’on ressasse de l’édulcoré, qu’on adoucit le récit, le thème, et qu’on insuffle une couche de burlesque à tous les étages du film, effaçant l’humour des deux premiers opus, reprenant la farce du troisième (remarquez la différence). On débute donc par l’arrivée d’Harrison Ford, déjà pris au piège par des russes très méchants. Chose amusante, on ne le voit à l’écran que lorsqu’il ramasse son chapeau, et qu’il le met dans un jeu d’ombre (on y revient) renversant de clin d’œil, nous rappelant joyeusement qu’Indy sans son couvre-chef, ce n’est plus Indy, que ce personnage ne peut exister qu’à travers ses toujours mêmes caractéristiques. Puis, on se dirige vers l’intronisation – très réussie dans son agencement – d’Irina, big boss du film. Apparue dans un contrechamp inattendu, elle se dirige vers le héros-archéologue, avant d’investir petit à petit et totalement le champ. Efficace et très joli. De même que la course-poursuite aux plans compliqués qui va suivre.
Cependant, la suite sera un peu moins jolie, notamment avec le fil conducteur de la marmotte numérique d’une laideur assez révolutionnaire. Ce qui sera un peu moins joli, ce sont aussi les effets spéciaux auxquels on va avoir droit. Si au début, le style old school semblait mener la baraque tambour battant, on bascule par la suite dans du numérique plus assumé, plus ouvert, où les décors paraissent alors comme du toc. Ça sonne assez faux, et surtout, c’est tout de même très laid ! Certes, dans l’histoire de la série, c’était déjà un peu le cas auparavant, mais il faut dire que la technologie a sensiblement évolué et qu’aujourd’hui, ça ne passe plus vraiment comme ça pouvait passer naguère. De plus, le reste ne rattrape pas vraiment ces poncifs négatifs, même modérément, parce que le thème familial et les retrouvailles généalogiques, affreusement redondants, sont souvent (et presque tout le temps) traités d’une façon très simplette, parce que la répétitivité du jeu d’ombre sur Harrison Ford, dont je viens de parler, devient rapidement et relativement lourde, comme si Lucas n’avait pas su résister à la tentation de retranscrire Dark Vador chez Indiana Jones, parce que toute la fin de l’aventure est portée par une incroyable kitscherie, dont l’ampleur n’a d’égale que son authentique absurdité…
A côté de tout ça, on a donc le grand débat de savoir si oui ou non les petits hommes verts font bon ménage avec l’univers de Jones… A cette question, je ne répondrai personnellement pas directement, dans la mesure où la finalité n’est en fin de compte pas d’en apporter une réponse claire et nette. Je crois, en effet, que la présence de cette touche extra-terrestre est tout d’abord une sorte d’hommage communicatif aux nanars des années 50 ou 60, un moyen en quelque sorte pour Spielby d’affirmer son attachement à cette période du cinéma. Le fait qu’on voit ouvertement ou non la tête de ces fantasmagoriques êtres n’est au final pas si important, car à partir du moment où l’on a su que tout le récit se reposerait sur cette unique fondation, le résultat de notre appréciation était d’ores et déjà tracé. Identiquement, la soucoupe volante ne joue donc plus un si grand rôle… Pour ma part, toute cette cavalcade n’est qu’un prétexte pour légitimer cette surenchère d’action. Mais après tout, étant donné que c’est justement de ça dont est fait Indiana Jones, pourquoi pas ? A la limite, c’est manifestement burlesque, et c’est marrant.
Comme je ne suis pas motivé pour décortiquer plus que ça le film – je passe sur les interprétations des uns et des autres et sur les aspects manquants à ma rédaction –, je vais vite conclure en disant qu’il y a quelques passages plutôt bons et d’autres vraiment mauvais, mais que d’un point de vue général, j’ai trouvé ça pas trop mal, surtout par rapport à l’attente que j’en avais. En somme, un blockbuster de plus.
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