Bon, je l'ai vu aussi hier soir, mais j'ai été un peu déçu. Il ya des trucs que j'ai bien aimé (Podalydès/Adjani, ou la péripétie autour du premier changement de main de l'arme), et d'autres que j'ai trouvé franchement ratés (lourdeurs de plusieurs dialogues, gestion des clichés qui manque souvent de finesse).
Le truc c'est que c'est à la fois complètement invraisemblable et tout à fait possible dans le même temps. Et que le film à mon sens peine à mettre en scène ce paradoxe. Plusieurs fois je le suis dis "c'est vraiment too much, c'est n'importe quoi", et en même temps je me disais que pris sépramment les éléments étaient crédibles (pétage de cable, accident en classe, insultes ou menaces, lâcheté de l'administration, compromission de certains enseignants...)
Evidemment, on ne peut s'empêcher de faire la comparaison avec Entre les murs. Et j'étais plutôt bienveillant vis-à-vis de La Jupe parce que si j'ai trouvé Entre les murs prodigueux, j'ai beaucoup de mal avec Bégaudeau que j'avais entendu le matin même descendre La Jupe par principe sans l'avoir vu. Et ça m'avait franchement énervé. M'enfin reste que cinématographiquement parlant, il n'y a pas photo, et que même dans la finesse du propos, là aussi l'écart est assez net. Pour éviter la comparaison, faut vraiment prendre La Jupe comme une fiction en soi, avec ses situations et péripéties, qui a "juste" choisi le collège comme cadre, et pas comme un film sur l'école/l'éducation.
Sinon, pour préciser en quoi je trouve quand même "possibles" les situations décrites dans ce films (c'est la concentration qui fait peur/invraisemblable), quelques exemples directs de mes amis débutant leur carrière en collège/lycée.
- Education civique, exposés en 2nde, sujet sur le viol et l'inceste. 7 filles sortent en pleurs pendant le cours. Mon ami a renoncé à ce sujet d'exposé. Après renseignement la région où il enseignait était "réputée" pour avoir 20% des élèves concernés directement ou indirectement (famille) par des cas d'incestes (parents au sens large).
- Collège. Les élèves se lèvent en cours pour aller pisser au fond de la salle. Parce que la Principale a fermé les toilettes hors heures de cantine parce que trop trafic/sexe (selon elle). Dans le même collège, menaces de morts après les conseils, profs attendus à la sortie, documentaliste étranglée. Les profs s'enferment avec les élèves pour faire cours parce que les CPE refusent de prendre les élèves renvoyés de cours, qui du coup errent dans les couloirs et entrent dans les autres salles de cours pour s'amuser. Seule réponse de la principale: "il faut que jeunesse se passe" (sic)
- Collège (un autre): la copine qui y enseignait a été insultée d'abord, puis menacée de viol sur son téléphone par des élèves (ceux qu'elle avait sanctionnés), puis harcelée au téléphone. La principale n'a rien voulu faire, prétextant qu'il ne fallait pas faire de vagues, que ça nuirait à la réputation du collège. Cette copine n'a porté plainte que parce qu'on l'a convaincu de le faire (quelques amis). Elle a été saquée par la principale.
- Collège toujours, un autre encore. Les élèves apportent des bombes à l'acide parfois. Du coup, les descentes de CRS interviennent de temps en temps, et certaines journées les cours se font à effectifs réduits (juste les élèves à l'intérieur au moment où les CRS "bouclent" l'établissement). Les affrontements entre élèves remontent au niveau parental. Des parents sont venus avec leurs fusils tirer sur un foyer d'enfants retirés à leur parents, et ont blessés un des éducateur.
Tout ça pour dire que dans La Jupe, je trouve ça exagéré, alors même que je connais direcement par des amis des cas qui font relativement peur. Un de ces amis m'a d'ailleurs dit en riant après le passage dans le collège très dur où il a été qu'il pensait qu'il fallait fermer les collèges, tout simplement, et faire un moratoire, se donner 10 ans pour repenser la chose, parce que là ça ne rimait à rien. C'est une blague, mais bon... Après, ne donner que cette vision, ou l'alimenter comme je viens de faire, c'est aussi très génant. La question c'est comment on en arrive là. Des exemples que j'ai eu par ces amis, le grief majeur qui ressortait à chaque fois portait sur l'administration, le/la principal(e). Si ça lache à ce niveau, ça commence à s'effondrer.
Un de ces amis est toujours dans un de ces collèges super durs (il faut qu'il y reste 5 ans pour avoir suffisamment de points pour le Mouvement). Mais jusqu'à cette année c'était très dur, mais la principale était très bien, et c'était gérable. Depuis cette année le principal est nouveau, totalement en décalage avec la population, refuse de recevoir qui que ce soit (même sa propre administration, ses profs...). Et c'est la cata complète. 90% des profs demandent leur mutation. Plusieurs CPE ont fait valoir un droit de retrait. Les parents d'élèves sont en guerre ouverte. Et les élèves ont démissionés et ne font plus rien. Ce copain, qui s'était investi là-bas pas mal, est complètement dégoûté, et a peur de voir des élèves qu'il a suivi depuis la 6ème, et dont il a vu les progrès, partir en vrille en fin de 3ème, ou en 4ème.
Désolé d'avoir (beaucoup) détourné le sujet. Mais ça témoigne de ma perplexité face à ce film. Qui ne m'a pas convaincu, alors même que son matériau me parle directement. C'est bizarre...
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Dernière édition par seleniel le Sam 21 Mar 2009 14:53, édité 1 fois.
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