Couronné par Quentin Tarantino à la 67ème Mostra de Venise, mais aux critiques assez molles, j'ai décidé de marqué cette nouvelle année cinématographique en allant voir le dernier film de Sofia Coppola, SOMEWHERE.

Synopsis

Johnny Marco, auteur à la réputation sulfureuse vit à l'hôtel du Château Marmont à Los Angeles. Il va recevoir une visite inattendue : sa fille de 11 ans.
(source : Allociné)


Avis

Très difficile d'appréhender ce nouveau film de Sofia Coppola, surtout lorsqu'on n'est pas très fan de son style en général (et bien que sa filmographie ne se compte même pas sur les doigts de la main). Mais on ne va pas le cacher très longtemps : pendant 75 % du film au moins, on s'emmerde comme des rats entrés en décomposition depuis plusieurs semaines.
Oh, certes, l'aspect technique est totalement maîtrisé, l'image est belle, le cadrage solide, les acteurs convaincants, des références assez drôles et inattendues (FRIENDS en italien, Fanning qui décrit l'histoire de TWILIGHT etc.) mais l'ennui est que le film n'a rien à raconter et qu'on se coltine beaucoup d'enchainements de plans fixes où l'on voit Stephen Dorff (très bon) dans la même situation que le spectateur, en attente de quelque chose. Si ce mécanisme était assez bien mené dans LOST IN TRANSLATION, en revanche j'ai l'impression que Coppola se répète sur ce point avec SOMEWHERE, or avec aussi peu de films et autant de temps entre chacun, le renouvellement serait appréciable.

Toutefois, et c'est là que cela devient intéressant, il subsiste les 25 % restant où le film s'anime, se colore et devient beaucoup plus touchant. Drôle de coïncidence, c'est dans les moments où les personnages eux-même ne semblent plus s'emmerder que cela intervient. Et, nuance, cela ne représente pas toutes les scènes où il se passe effectivement quelque chose à l'écran, mais vraiment les passages où les personnages s'animent : ce ressentiment prend son sens avec le premier lap dance à s'endormir sur son siège, suivi du second lap dance (fondamentalement pas si différent) cent fois plus captivant, comme si la perception de Johnny Marco était la nôtre.

Est-ce là un coup de chance de Sofia Coppola, ou bien une réelle démonstration de son talent que de réussir à nous immerger, finalement, dans le sentiment d'ennui ou de joie de son personnage principal ? Allez, puisque cela sauve le film, on va prendre la seconde option.

Pour une raison qu’il serait sans doute intéressante de psychanalyser, j’aime bien le cinéma de Sofia Coppola et je me sens toujours étrangement apaisé lorsque je sors de projection. Et une nouvelle fois ce film ne déroge pas à la règle.

Première chose qu’il est à la fois trivial et fondamental de rappeler sur Sofia Coppola c'est qu'elle ne parle dans ses films que d’elle-même et de ne (presque) rien d’autre. Un véritable cinéma intimiste dans le sens le plus total du terme - mais là où elle se démarque de la « foule » et rejoint ainsi la petite cour des cinéastes intimistes « marquants » c’est grâce à une maîtrise de haut vol du langage cinématographique – ses films étant toujours impeccables sur le plan « technique » et de véritables petites leçons de cinéma.

Après ce léger détour, retour au film : sur la forme rien de bien nouveau que ce « Somewhere » mais sur le fond c’est déjà plus intéressant vu que notre auteur joue ici de la mise en Abyme de son Art – là où ses précédents films exploraient d’autres objets de sa vie.

Et ici le film s’ouvre sur une scène très explicite servant quasiment de leitmotiv à ce qui va suivre : Sofia Coppola est-elle condamnée à tourner en rond et à offrir au monde ce qu’on attend désormais d’elle ? C’est un brin culoté de faire un film sur ce sujet mais d’un autre côté il existe désormais un Style Sofia Coppola et fatalement elle est connue, reconnue et sans aucun doute aimée pour ce qu’elle a déployée au cours de sa (pourtant courte) filmographie. Reste alors à savoir ce qu’elle compte faire après avoir mis en boîte cette angoisse et ce questionnement. Tel son Héros va-t-elle se lancer dans une nouvelle aventure et se débarrasser de certains motifs devenus lourds à porter malgré toute sa bonne volonté ? Nous le saurons sans doute dans son prochain film.

Sur son héros, comme la plupart de ses précédents héros d’ailleurs, il s’agit d’un étranger à son univers et un privilégié qui n’a pas forcément demandé plus que ça d’être là. Sofia Coppola se penche ainsi sur son état de privilégiée (issue du Clan Coppola, elle est financièrement et culturellement – au moins côté cinéma – bien mieux loti que celui qui part de rien) et sur sa place dans son Univers où presque tout est « prémâché » pour elle. Un regard oscillant entre tristesse et tendresse (elle n’est quand même pas malheureuse et assume a priori sa « chance »).

Reste alors l’ultime question de son œuvre, à savoir étant née dans des draps de soies et ayant réussi à se faire un prénom et une place, Sofia Coppola est-elle condamnée à l’ennui qui découle d’être arrivé (trop rapidement ?) à ce qui constitue socialement un achèvement ? - et de facto à y entraîner ses spectateurs ?

Session de rattrapage en BRD pour un film que je n'avais pas eu l'occasion de voir en début d'année, et essai concluant pour ce Somewhere que je trouve appréciable de la part de Sofia Coppola. Je ne sais pas si c'est l'effet d'avoir suivi un beau paquet de séries qui pouvaient brasser du vent avec plus ou moins de talent, mais toujours est-il que je n'ai pas trouvé rédhibitoire le manque d'action, ou plutôt de tension, dans ce film : peut-être que les propositions sur la condition de la star hollywoodienne contemporaine ou bien sur la relation père-fille dans le gotha du cinéma mondial (à ne pas manquer cette année, pour Hearts of Darkness ici) suffisaient pour donner de la substance au film, mais je ne pense pas que cela m'aurait frappé plus que ça si le film se révélait être vide de chez vide. Là, les plans sublimes se succèdent, les situations aussi, et sans m'en rendre compte, j'ai été pris au piège de ces différents morceaux choisis qui me sont apparus sympathiques. Ici, je pense que ça tient au fait que Sofia Coppola a toujours son truc au niveau de la réalisation pour capter l'attention et que ses acteurs jouent de manière très juste (à ce niveau, je retiendrai principalement l'interprétation de Stephen Dorff). Somewhere est un film que j'ai apprécié et qui ajoute une belle ligne dans mon ressenti au solide CV de Sofia Coppola.

Si vous avez aimé Somewhere, regardez "London Boulevard" avec Colin Farell et keira knightley. C'est une autre vision de la vie de star mais le thème des deux films est finalement le même... le second film cité étant un peu plus "brutal".