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 Sujet du message: Truman Capote
MessagePosté: Jeu 16 Mar 2006 12:31 
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Voilà un film dont les médias ont beaucoup parlé mais qui peut, de par son sujet, laisser sceptique beaucoup de monde. Son acteur principal, également producteur du film, et donc très impliqué dans le projet, Philip Seymour Hoffman,a reçu l'oscar pour sa prestation.

L'histoire: Centrée sur une période de la vie de Truman Capote, écrivain et chroniqueur à succès, à la fois membre de l'intelligentsia et de la jet-set new-yorkaise, que l'on peut connaître de loin pour un de ses romans assez célèbre: Breakfast at Tiffany's. L'écrivain se saisit d'un fait divers, le massacre de toute une famille, pour tenter de révolutionner la pratique d'écriture de son époque: raconter une histoire vraie à la manière d'un roman (habituellement les histoires vraies étaitent dévolues aux journalistes et les écrivains se cantonnaient aux fictions). Truman Capote part sur les lieux du crime, s'imprègne de l'atmosphère de la ville, de la communauté touchée par le drame. Les coupables arrêtés, il entre en contact avec eux et noue une relation ambigüe avec l'un des deux meurtriers, échangeant des services, des recours juridiques contre des entretiens, des confessions sur leur vie et leur motivation. Tout tourne autour d'un élément jamais abordé: la nuit du meurtre. Le roman se heurte ainsi à l'attente de la révélation d'abord, puis à celle de l'achèvement d'une procédure qui finalement s'éternise. L'affection de Truman Capote pour le meurtrier se mue alors en haine de celui dont la simple existenceempêche la publication, mais aussi l'écriture de son livre.

Ce film est extrêmement surprenant car sa narration constitue une succession de fausses pistes vaines dans lesquelles le spectateur est continuellement embarqué. Le début se présente comme une sorte de thriller ou d'enquête sur un massacre énigmatique et absurde. Mais au-delà de cette situation de départ rien ne sera creusé, les moments d'enquête de Truman Capote étant très épisodiques et ne débouvhant presque sur rien, ou plutôt n'amenant des confessions que de la part du héros et non des personnes qu'il interroge. On comprend ainsi que le crime n'est pas le sujet du film, que s'il est le sujet du roman de Capote, c'est ce dernier qui est le sujet du film. Par la suite le film se construit comme un dialogue entre le héros et Perry Smith, l'un des deux meurtriers. On pense alors d'abord à un schéma de rédemption (prouver les corconstances atténuantes, ou même qu'il n'est pas le vrai coupable), puis à un affrontement avec une figure maligne à la silence des agneaux (j'éxagère, mais c'est pour donner une idée). Mais rien de tout cela non plus. Le premier temps est interrompu par les modanités puis les vacances de Truman Capote qui s'est lassé de ces entrevues et veut passer à la rédaction. Le second temps par la dépression du héros qui ne veut plus entendre parler de celui qui rend impuissant son projet d'écriture. Ainsi le film déplie ses possibles sans jamais les développer pour montrer que c'est dans leur creux que se dessine son vritable objet. Celui-ci étant une fomre de stérilité créative, une impuissance artistique, une douleur à produire du neuf, cela ne peut s'exprimer ses successions d'objets eux-mêmes avortés. Tout ceci est extrêmement déroutant mais vraiment passionnant.

Cette construction très éclatée et dénuée de sens au départ m'a toutefois paru longue à démarer. Ca ne pouvait pas être autrement du fait du propos, mais comme celui-ci se laisse deviner en cours de route, il rend a posteriori au début du film une signification dans l'ensemble, mais cette première partie du film n'en est pas moins subie par le spectateur. Le film ne prend toute son ampleur qu'après les vacances du héros, quand le livre commence à s'écrire. Mais pris séparemment chacun des épisodes du film est intéressant (celui de la révélation de la nuit des meurtres est ainsi simple et magistral à la fois), et ceux du début aussi. Seulement, concernant ceux-là, l'on n'est pas en mesure de les lier les uns aux autres. Je suis sorti de la salle avec un avis mitigé, m'étant ennuyé au début, et ayant été réellement happé par la fin. Mais plus j'y repense plus je me dis que ce film est remarquable et profond. Je revoie rarement plusieurs fois un même film, même ceux que j'ai aimé. Celui-là oui; quelque chose a joué en moi et certaines scènes me hantent encore.

Sinon, le grand argument du film est bien son acteur principal. Philip Seymour Hoffman est tout simplement stupéfiant. Et il ne s'agit pas simplement de performance de travestissement qui caractérise habituellement les récompense d'acteur, mais bien d'une incarnation d'une personne à l'écran. Les mimiques et intonations sont celles du personnage; on peut admirer le travail de composition ou reprocher la facilité qu'il y a à choisir un personnage aussi typé. Mais au-delà de ça, et malgré la distance précisément introduite avec ce personnage du fait même de ses types de comportement et d'expression, Truman Capote nous est rendu familier et proche par le comédien. J'ai été stupéfait par cette présence.

Je vous recommande donc ce film, en signalant son caractère déceptif (tiens, j'ai déjà dit ça ailleurs...), pour éviter que vous vous endormiez ou que vous sortiez dès la première demi-heure. Selon moi ce film mérite vraiment d'être vu. Sa fin est d'une très grande beauté, terriblement poignante, enchevêtrant jusqu'au bout écriture vie et mort. Le titre du roman arrière-plan du film, In Cold Blood (De sang-froid), devient ainsi l'image qui règle finalement la moindre des actions menées et espérant une issue, de la plus évidente, le meurtre, jusqu'à l'écriture, qui elle aussi réclame son lot de cadavres. Tuer et écrire paraissent alors demander de semblables qualités, expliquant a posteriori la fascination réciproque éprouvée par Perry Smith et Truman Capote. In Cold Blood, l'état de celui qui écrit et qui a surmonté le déferlement de ses émotions.


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MessagePosté: Dim 19 Mar 2006 23:14 
Captain Hook, Mouton Keeper
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Inscription: 26 Déc 2004
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Localisation: Sur un terrain de basket
J'ai enfin pu aller voir ce film. Pour ma part, je l'ai plutôt apprécié, même le début, qui est passé assez facilement pour moi. Enfin je dis que je l'ai apprécié, mais en fait c'est assez bizarre. En effet, en sortant de la salle, je ne savais pas vraiment quoi penser du film. Mais plus j'y réfléchissais sur le chemin du retour, plus je me disais que j'avais aimé le film.

Truman Capote nous compte donc, comme l'a dit Seleniel, une partie de la vie du personnage éponyme, lors de l'écriture de son dernier livre achevé (tous les suivants seront sans fin, dixit l'épilogue du film...), ce qui montre bien qu'il a été une dûre épreuve pour lui.

Je ne reviendrais pas sur l'aspect du film (très bien) présenté par Seleniel, mais sur le personnage de Capote lui-même. Rien que la façon dont il est décrit dans ce film est déroutante. En effet, Truman semble incarner, pendant la très grande majorité du long métrage, la définition même du mot "égocentrique", tant il se plaît à toujours essayer d'attirer l'attendtion sur lui et de ramener toutes les conversations sur sa personne. Il semble prendre du plaisir à raconter des anecdotes sur sa vie, pour faire passer le précédent locuteur pour moins intéressant que Truman. Cela frise plusieurs fois le manque de respect et de tact. Les seules choses qu'il fait, pour les autres ou pas, sembent toutes être dans un unique but : lui être utile, quelqu'en soit les conséquences. Il ne pense qu'à sa pomme.

C'est une figure récurrante et omniprésent du personnage de Truman Capote, mais pas la seule. En effet, une relation ambigüe s'installe entre lui et Perry Smith, l'un des meurtriers. Il semble le manipuler pour pouvoir lui soustraire tous les renseignements dont il a besoin pour écrire son bouquin (et c'est une part énorme de la raison qui le pousse à fréquenter Perry) mais on sent comme un attachement naître entre les deux personnes, un intérêt, dès leur première rencontre.
Bien que Truman souhaite l'éxécution de Perry, afin d'achever son livre et de pouvoir le publier afin d'obtenir gloire et fortune (il ne pense quà sa pomme je vous dis...), on ressent quand même une tristesse réelle lorsque Perry meurt.
On ne sait pas de plus s'il s'agit d'une réelle mais imperceptible amitié ou d'amour qu'éprouve Truman pour Perry, ou tout simplement d'inéret purement personnel.
C'est une relation assez suprenante.

De même, Perry Smith semble éprouver des sentiments contradictoires envers Truman. Dans la même entrevue, il est capable de passer de la joie de voir son ami (dixit lui-même. Il répète sans cesse ce mot dans chacune des lettres envoyées à l'écrivain) à une colère contenue, que l'on distingue par les regards noirs qu'il jette à son interlocuteur.

Mais le sentiment qui prédomine à la fin du film est bien que les deux personnes éprouvaient une grande amitié l'une pour l'autre, bien qu'enfouie et presque incroyable quand on voit la personnage de Truman Capote être dépeinte tout au long du film.
Il souhaite voir la mort de son "ami" mais le pleure quand le moment arrive (est-ce de joie de pouvoir finir son livre ou bien parce qu'il lui prte son amitié ?).

Cette expérience semble avoir marquée Truman Capote puisqu'il ne sera plus du tout le même après avoir rédigé ce livre. Cette histoire semble l'avoir traumatisé, puisqu'il ne finira plus aucun de ses livres, sans doute parce que le fait d'avoir écrit celle de In Cold Blood l'a poussé à provoquer la mort d'un ami pour pouvoir avoir le plaisir de voir paraître son bouquin.
Il écrira d'ailleurs dans l'épitaphe d'une de ses oeuvres suivante :
" C'est sur les prières exaucées que l'on verse le plus de larme. "

Encore une fois, l'interprétation de cette phrase peut figurer deux mentalités contradictoires de Truman Capote. En effet, on peut la comprendre comme l'expression de la douleur d'avoir perdu un ami en ayant besoin de sa mort. En gros, une sorte de réflexion et de regret sur ses actes passés.
Mais on peut comprendre cette phrase comme une l'expression du sentiment qu'il ne pourra plus jamais revivre une expérience qui le mena au sommet de la célébrité aux USA. Le fait d'avoir souhaiter la mort de Perry Smith, souhait qui a finalement causé la mort, lui à permis de finir son livre mais par la même occasion lui a fait quitter l'expérience qui lui a apporté tant de succès et qu'il n'allait jamais retrouvé )Je ne me suis peut-être pas bien expliqué par contre).

Enfin voilà, le film nous présente un portrait vraiment ambigü de Truman Capote, très bien servi par Philip Seymour Hoffman. Mais il reste beaucoup de chose à dire sur ce film qui dépendent de l'interprétation que l'on s'en fait...

Pour revenir sur ce que je dis au début de mon post, le fait d'écrire ici et de réfléchir sur le film, me l'a encore plus fait apprécié (film à retardement ?)...

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MessagePosté: Dim 3 Mai 2009 11:43 
The old man
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Inscription: 05 Jan 2004
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Localisation: Joker
Comme je l'ai revu récemment j'ai envie d'en parler (un peu).
C'est clairement un film sur le processus de création artistique plutôt que sur une enquête ou tout autre sujet (même si périphériquement il y a d'autres trucs hein).
A ce niveau il y a deux éléments j'ai trouvé que le film révèle particulièrement bien et qui participe à sa réussite (en dehors des considérations de prestation, mise en scène, etc.).

Tout d'abord c'est la question de savoir à quel moment une oeuvre commence à exister et à se définir d'elle-même. En effet le moment où Capote va commencer à écrire (et donc à créer concrètement) son roman est longtemps repoussé alors qu'il en parle souvent comme s'il était déjà là. Pris dans le jeu, je me suis dit plusieurs fois : "mais va-t-il l'écrire un jour ce 'tain de livre ?!", puis je me souvenais immédiatement après que j'avais la réponse^^
Il se dégage bel et bien l'impression que l'écriture est limite secondaire et que toute la problématique est de cerner et de comprendre le sujet, de ne rien oublier. Et qu'à partir de cette compréhension, l'écriture coulerait de source et en serait totalement induite. De ce fait il se dégage que la création de l'oeuvre est dissociée en grande partie du processus d'écriture et j'ai trouvé ça très intéressant.

L'autre point et qui est évidemment fortement lié au premier, c'est le fait de choisir un sujet "vivant" et qui se "développe" dans le temps. Ce que j'entends par là c'est que d'ordinaire lorsqu'on se lance dans un projet d'écriture, l'objet s'appuie par exemple sur des souvenirs (mémorielles ou écrits), des travaux passés ou bien des idées/concepts. Bref des choses "achevés" qu'on peut étudier et retourner à sa guise car elles sont "mortes". L'auteur possède son sujet et sa matière en entier et il n'y a plus qu'à l'étudier. Il peut y avoir des manques dans cette matière mais cette question est soumise à la volonté propre de l'auteur qui peut décider lui-même de continuer ou d'arrêter de creuser.
Là Truman avait un sujet qui évoluait avec le temps, qui bougait et se transformait au fur et à mesure, et surtout dont l'achèvement mis très long à être atteint. Et tout cela de façon indépendante de sa volonté. L'oeuvre (et l'auteur) est alors soumis à la "vie" de la matière, sans qu'il ne puisse rien y faire. La frustration de devoir attendre l'achèvement de son sujet d'étude est parfaitement rendu dans le film : l'oeuvre ne peut exister seulement lorsque son objet aura définitivement fini d'évoluer et de vivre. Sans cela, l'oeuvre ne peut être achevée.

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