Voilà un film dont les médias ont beaucoup parlé mais qui peut, de par son sujet, laisser sceptique beaucoup de monde. Son acteur principal, également producteur du film, et donc très impliqué dans le projet, Philip Seymour Hoffman,a reçu l'oscar pour sa prestation.
L'histoire: Centrée sur une période de la vie de Truman Capote, écrivain et chroniqueur à succès, à la fois membre de l'intelligentsia et de la jet-set new-yorkaise, que l'on peut connaître de loin pour un de ses romans assez célèbre: Breakfast at Tiffany's. L'écrivain se saisit d'un fait divers, le massacre de toute une famille, pour tenter de révolutionner la pratique d'écriture de son époque: raconter une histoire vraie à la manière d'un roman (habituellement les histoires vraies étaitent dévolues aux journalistes et les écrivains se cantonnaient aux fictions). Truman Capote part sur les lieux du crime, s'imprègne de l'atmosphère de la ville, de la communauté touchée par le drame. Les coupables arrêtés, il entre en contact avec eux et noue une relation ambigüe avec l'un des deux meurtriers, échangeant des services, des recours juridiques contre des entretiens, des confessions sur leur vie et leur motivation. Tout tourne autour d'un élément jamais abordé: la nuit du meurtre. Le roman se heurte ainsi à l'attente de la révélation d'abord, puis à celle de l'achèvement d'une procédure qui finalement s'éternise. L'affection de Truman Capote pour le meurtrier se mue alors en haine de celui dont la simple existenceempêche la publication, mais aussi l'écriture de son livre.
Ce film est extrêmement surprenant car sa narration constitue une succession de fausses pistes vaines dans lesquelles le spectateur est continuellement embarqué. Le début se présente comme une sorte de thriller ou d'enquête sur un massacre énigmatique et absurde. Mais au-delà de cette situation de départ rien ne sera creusé, les moments d'enquête de Truman Capote étant très épisodiques et ne débouvhant presque sur rien, ou plutôt n'amenant des confessions que de la part du héros et non des personnes qu'il interroge. On comprend ainsi que le crime n'est pas le sujet du film, que s'il est le sujet du roman de Capote, c'est ce dernier qui est le sujet du film. Par la suite le film se construit comme un dialogue entre le héros et Perry Smith, l'un des deux meurtriers. On pense alors d'abord à un schéma de rédemption (prouver les corconstances atténuantes, ou même qu'il n'est pas le vrai coupable), puis à un affrontement avec une figure maligne à la silence des agneaux (j'éxagère, mais c'est pour donner une idée). Mais rien de tout cela non plus. Le premier temps est interrompu par les modanités puis les vacances de Truman Capote qui s'est lassé de ces entrevues et veut passer à la rédaction. Le second temps par la dépression du héros qui ne veut plus entendre parler de celui qui rend impuissant son projet d'écriture. Ainsi le film déplie ses possibles sans jamais les développer pour montrer que c'est dans leur creux que se dessine son vritable objet. Celui-ci étant une fomre de stérilité créative, une impuissance artistique, une douleur à produire du neuf, cela ne peut s'exprimer ses successions d'objets eux-mêmes avortés. Tout ceci est extrêmement déroutant mais vraiment passionnant.
Cette construction très éclatée et dénuée de sens au départ m'a toutefois paru longue à démarer. Ca ne pouvait pas être autrement du fait du propos, mais comme celui-ci se laisse deviner en cours de route, il rend a posteriori au début du film une signification dans l'ensemble, mais cette première partie du film n'en est pas moins subie par le spectateur. Le film ne prend toute son ampleur qu'après les vacances du héros, quand le livre commence à s'écrire. Mais pris séparemment chacun des épisodes du film est intéressant (celui de la révélation de la nuit des meurtres est ainsi simple et magistral à la fois), et ceux du début aussi. Seulement, concernant ceux-là, l'on n'est pas en mesure de les lier les uns aux autres. Je suis sorti de la salle avec un avis mitigé, m'étant ennuyé au début, et ayant été réellement happé par la fin. Mais plus j'y repense plus je me dis que ce film est remarquable et profond. Je revoie rarement plusieurs fois un même film, même ceux que j'ai aimé. Celui-là oui; quelque chose a joué en moi et certaines scènes me hantent encore.
Sinon, le grand argument du film est bien son acteur principal. Philip Seymour Hoffman est tout simplement stupéfiant. Et il ne s'agit pas simplement de performance de travestissement qui caractérise habituellement les récompense d'acteur, mais bien d'une incarnation d'une personne à l'écran. Les mimiques et intonations sont celles du personnage; on peut admirer le travail de composition ou reprocher la facilité qu'il y a à choisir un personnage aussi typé. Mais au-delà de ça, et malgré la distance précisément introduite avec ce personnage du fait même de ses types de comportement et d'expression, Truman Capote nous est rendu familier et proche par le comédien. J'ai été stupéfait par cette présence.
Je vous recommande donc ce film, en signalant son caractère déceptif (tiens, j'ai déjà dit ça ailleurs...), pour éviter que vous vous endormiez ou que vous sortiez dès la première demi-heure. Selon moi ce film mérite vraiment d'être vu. Sa fin est d'une très grande beauté, terriblement poignante, enchevêtrant jusqu'au bout écriture vie et mort. Le titre du roman arrière-plan du film, In Cold Blood (De sang-froid), devient ainsi l'image qui règle finalement la moindre des actions menées et espérant une issue, de la plus évidente, le meurtre, jusqu'à l'écriture, qui elle aussi réclame son lot de cadavres. Tuer et écrire paraissent alors demander de semblables qualités, expliquant a posteriori la fascination réciproque éprouvée par Perry Smith et Truman Capote. In Cold Blood, l'état de celui qui écrit et qui a surmonté le déferlement de ses émotions.
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