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 Sujet du message: Flandres
MessagePosté: Lun 11 Sep 2006 15:32 
500 000 000 Berrys
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Je n’étais pas convaincu par le fait de faire un sujet sur ce film, grand prix du jury cette année à Cannes, et qui vise un public assez restreint, mais à la veille du week-end j’ai eu à son sujet une discussion avec un ami, et si nous étions d’accord pour trouver le film inégal, c’était très exactement ce que l’un avait apprécié que l’autre avait détesté, et réciproquement. Ca m’a laissé franchement perplexe. Un mérite immédiat du film est donc de prendre position, ou de nous faire prendre position par rapport à lui. L’opposition qu’il suscite vient, disons le d’emblée, de sa structure même, divisée en deux univers distincts, les Flandres d’un côté, le désert en guerre de l’autre, aux traitements très différents, et suscitant adhésion ou répulsion. Donc aujourd’hui non pas une, mais deux visions d’un film ! Ma position, et celle de mon ami que je vais essayer d’énoncer avec le plus de bonne foi possible (mais comme je suis persuadé qu’elle résulte d’une erreur, que dis-je ! d’une faute de goût, pardonnez d’avance des surgeons de partisannerie dans ma présentation).

Flandres est le quatrième film de Bruno Dumont, après La vie de Jésus, L’Humanité (palme d’or), et Twenty Nine Palms. Je n’en ai vu aucun, par préjugé, d’une part contre les palmes d’or, d’autre part contre les a priori de ce cinéma (comédiens non pro, pseudo réalisme, recours à une image crue voire violente, etc.). Au vu de Flandres, ces préjugés n’étaient pas très malins. Flandres est un film dur, que je n’ai que partiellement aimé, mais il dit quelque chose, un discours s’y déploie. Dans le malaise certes, mais pas dans l’ennui ou la démagogie. Le film s’ouvre sur la vie dans les campagnes du nord. Demester et Barbe seront les héros de l’histoire. Lui est agriculteur, elle se donne à lui, ainsi qu’à d’autres, dans les champs, ou ailleurs, car Demester refuse de s’afficher avec elle. Les hommes de la région sont appelés à la guerre. Laquelle ? on ne sait pas, une guerre non référencée, La Guerre, générique. D’une misère à une autre, d’une folie l’autre, les personnages n’envisagent pas cela vraiment autrement. D’une univers totalement boueux à une autres aride. Le temps qu’on nous présente les personnages, et ils doivent se séparer. Le film aussi se divise alors en deux, opère des aller-retour entre le désert et les Flandres.


Le sable
Le désert, c’est le théâtre de la guerre. C’est la partie que moi j’ai aimé, et que mon ami a détesté. Demester se trouve dans le même régiment que deux hommes de sa région, dont l’un est l’amant actuel de Barbe. La guerre va être l’occasion d’une succession de scènes « exemplaires » de la guerre. L’on suit les pérégrinations d’un groupe de 7 soldats censés « nettoyer » une zone préalablement bombardée. Par « exemplaires » j’entends des situations types de la guerre : perte de camarades, embuscades, viol, emprsionnement, châtiments, etc. Ces scènes sont montrées avec une grande crudité. Il n’y a pas de mise en scène (même si cela en constitue déjà une), pas de musique, de contextualisation ou de psychologie pour justifier le moindre des actes. Tout est brut, direct, presque simple. Bruno Dumont nous dit c’est ça la guerre, cette chose absurde, violente, erratique, qui surprend même dans ses clichés. Le spectateur a beau s’attendre rapidement à ce qui va se passer, l’inconnu réside dans la forme que cela va prendre, et dans le moment où cela va survenir. Je passe sur les références qui truffent cette exposition de la guerre, elles ne sont pas indispensables, mais Dumont joue avec le récit de guerre, aussi bien cinématographique (c’est le premier visé), que littéraire (l’expédition des soldats s’ouvre sur un insensé affrontement chevaux/char qui rappelle un des grands romans français du siècle, La Route des Flandres (tiens tiens…) de Claude Simon.
C’est précisément cela que mon ami a détesté dans le film, ce qu’il considère comme un empilement des clichés sur le film de guerre. Pour lui, il n’y a là aucune émotion, aucune vision de l’événement, aucune démonstration, aucune recherche. Juste une compilation ennuyeuse. Pour lui on ne sent pas là la guerre car les situations sont invraisemblables, outrées, exagérées, toujours dans l’improbables (pour moi c’est normal, puisque qu’il y a là une portée « exemplaire », ou générique, et non particulière, même si l’on suit des personnages précis. Ceux-ci aussi sont des archétypes, d’une manière ou d’une autre). Du coup aucun investissement n’est possible, et l’horreur de la guerre reste pour lui une chose mise à distance, que l’on ne perçoit pas. On est renvoyé là au débat sur l’usage des moyens en esthétique : faut-il que l’art colle à une espèce de « lettre » de ce qu’il vaut montrer pour le représenter, ou doit-il utiliser ses propres outils pour en saisir « l’esprit ». Je caricature, mais en gros ça réactive l’éternel débat sur le mimétisme en art (les amateurs ou les dégoûtés de philo se remémoreront Platon et Aristote). En tout cas j’ai trouvé cela diablement efficace dans le dégoût que cela procure de la guerre alors que mon ami n’a éprouvé qu’un énervement à l’égard du film.


La boue
Et c’est l’inverse pour ce contrepoint au désert que constituent les séquences autour de Barbe en Flandres. Celle-ci erre dans la gadoue, fait face aux propositions de ceux restés en Flandres, contemple les paysages, et devient peu à peu folle. Le mérite de cette partie est pour moi de répondre à celle de la guerre, de lui fournir un espace où souffler. Mais en soi, pour moi, il ne s’y passe rien. Je me suis là assez ennuyé, et c’est allé crescendo. Les premières séquences passent encore (la scène de drague est rigolote), mais l’émergence de la folie, outre son côté extrêmement démonstratif dans le film (je deviens folle, moi ici, loin des combats, parce que vous là-bas ne le pouvez même pas), m’a fatigué. Je n’en ai pas vu l’intérêt. Au contraire mon ami a trouvé cela extrêmement beau, simple, juste, et émouvant. Là, au moins, sous-entendait-il perfidement, il y a de l’émotion, l’on vibre pour quelque chose, des sentiments sont peints, des émotions émergent des lents déplacements dans les paysages... Mouaiff… Moi aussi je regarde la StarAc et chaque année je bénis le ciel que l’on garde enfermée Raphaëlle Richie, c’est donc pas pour me voir débiter ses poncifs sur fond de misères sociale, humaine et cinématographique (oups ! dérapage partisan je le crains…).
Mais accordons néanmoins à la boue son plus grand mérite, celui de présenter le couple réuni. Ce sont ces moments là qui sont effectivement les moments les plus beaux du film. Les scènes de guerre n’ont pas cette vocation. Celle de l’isolement de Barbe si, mais sont à mon sens ratées. En revanche, le début et la fin, qui montrent ce couple improbable échanger si peu de mots, ces quelques regards, fonctionnent bien me semble-t-il. Et cela tient très certainement au déploiement de leur intrigue minimale dans leur environnement immédiat, à la place qui leur est accordée dans le cadre, toujours imparfait semble-t-il. Mais d’un avis commun, cette fois, oublions les tous derniers instants, forcés, qui m’échappent complètement.


Si j’ai donc procédé ainsi c’est parce que je pense que ce film vaut quelque chose (et même plus que cela). Tout ne m’a pas plu, mais pas mal d’éléments m’ont questionné. Si jamais certains l’affrontent, je serais curieux de connaître leur point de vue, ce qu’ils ont apprécié, ce qui les a arrêté. Ce film parle, mais pas le même langage à tout le monde, ne disant pas la même chose à l’un ou à l’autre.

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