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 Sujet du message: The Queen
MessagePosté: Mar 24 Oct 2006 20:41 
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Le dernier film à voir est là, bien que je les ai pas tous vu. Sujet proche de nous, traité avec intelligence et originalité, et une interprétation royale, c'est le cas de le dire.

Un petit résumé pour vous convaincre.

Lors du décès soudain de Lady Diana, ex du prince Charles et fiancée à vie des magazines people, ce n’est pas qu’une voiture avec chauffeur qui s’encastre dans un pilier de pont parisien, c’est l’institution monarchique qui vacille sous l’onde de choc. Tony Blair Le chef du labor party récemment porté au pouvoir après des années de thatchérisme est alors auréolé d’un espoir plein d’optimiste pour celui qui a promit d’effectuer l’une des plus importantes réformes constitutionnelles et incarne la jeunesse souriante et proche du peuple. (Le fameux « call me Tony ») Au contraire La Reine, est, elle, impopulaire, victime en partie des frasques de son ex-brue. La mort du personnage publique extrêmement aimé de son ex-belle-fille les confrontera tous les deux à une réaction populaire presque surréaliste, qui les place, en antagonistes, et même en rivaux.

Un film qui est plein de tendresse pour présenter une institution vieillissante et surannée, et plein de finesse pour prolonger la grande histoire et ainsi réinventer l’autre, la petite histoire, celle des coups de téléphone, du five-o-clock thé et des conseillers en communications.

Mais plein d’understatements, aussi, pour suggérer que la manipulation n’est pas toujours celle que l’on croit,

Et enfi, c'est assez drôle, voir satirique parfois ce qui ne gâche rien.

Vous avez raté la vague fashion du rock anglais ? Ne ratez pas ce filme so british. En Vo, of course.

Ca mérite une meilleure critique, mais vu le temps que je mets à écrire elle sera prête lorsqu'il ne sera plus en salle. Courrez-y et moi, je tapote, pendant ce temps.

http://www.apple.com/trailers/miramax/thequeen/

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Dernière édition par Namienator le Mar 24 Oct 2006 22:07, édité 1 fois.

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 Sujet du message: The Queen is not the Queer
MessagePosté: Mar 7 Nov 2006 17:12 
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Je viens renforcer l’incitation à aller voir ce film de Namienator. Il est tout bonnement formidable, d’une très grande finesse, et fait preuve d’une grande habileté de mise en scène. Et pourtant j’avais plein de préjugés quand à ce film, et rechignait à y aller. La bande-annonce m’avait semblé la première fois catastrophique, à cause d’un plan principalement, celui de la voiture de Diana heurtant un pilier du tunnel, et qu’on ne voit pas dans le film lui-même. Le thème ne me disais pas vraiment et titillait ma fibre républicaine. Enfin je fais partie de ces ignorants qui pensent que « cinéma anglais » est un oxymore (Hitchcock, le plus hollywoodien des cinéastes britannique, mis à part), et qui se méfient comme de la peste de toutes les bobines qui traversent la manche pour venir s’échouer sur nos côtes, souvent remplies d’images sales et de propos sociétaux, historiques, politiques et misérabilistes, dégoulinant d’une mauvaise conscience dont on n’a rien à faire sous couvert de tenir un discours alors qu’on demande quand même d’abord à un cinéaste de tenir une caméra. Le genre d’arguments pas très ouvert d’esprit qui m’avait tenu éloigné du Vent se lève quand il aurait mieux fait resté au lit. Vous voyez donc que ce n’était pas gagné concernant The Queen. Mais il est vrai que Stephen Frears est un peu à part, en quelque sorte l’exception qui confirme la règle si je voulais faire preuve de mauvaise foi. Alors pourquoi il faut se donner la peine de passer quelques menues réticences si l’on en a et aller voir ce film ? Parce que ce film parle à des niveaux très différents, et que ce qu’il montre n’est jamais dogmatique mais fait preuve au contraire d’un questionnement constant.

Sur le pouvoir d’abord. Et tous les thèmes qui vont avec dans le contexte de la monarchie parlementaire britannique. C’est le statut même de l’institution monarchique qui semble à première vue concernée. Sa légitimité, sa fonction et son rôle. Mais derrière cela c’est la démocratie même qui est mise en perspective. Je ne vais pas faire un développement de philosophie politique, mais le début du film nous fait entrée de plein pied dans cette réflexion lorsque la Reine songe aux élections qui agitent son pays alors qu’elle y est étrangère ne pouvant pas voter. Cela nous met en face de ce que signifie l’idée de représentation du peuple. Car c’est bien cela que la Reine ne cessera de revendiquer tout au long de cette fiction : le droit d’être à la fois une personne singulière et le fait d’être une souveraine, la Reine de tout un peuple et pas seulement d’un pays. L’épisode sur l’appellation par Blair de Diana comme « princesse du peuple » est à ce titre éloquent. En outre, c’est tout un modèle social et de pensée que représente la Reine qui se trouve mis en question par l’incident « Diana ». Et cela provoque la confrontation d’un modèle avec un autre, de traditions dont la signification est perdue pour le plus grand nombre avec un nouveau régime de représentation (exemple avec le l’étendard royal que le peuple demande à voir en berne sur le mat du Palais à Londres alors qu’il doit servir simplement à indiquer la présence du souverain et à ce titre n’a jamais été de son histoire mis en berne). Mais ce qui pourrait tourner à la démonstration lourde reste seulement allusif. La bande-annonce est de point de vue encore assez trompeuse : là n’est pas l’essentiel du film.

En effet, cette notion de la représentation doit être comprise dans un sens plus général. Elle est mise en scène à travers l’écart constaté entre une souveraine et l’opinion qui émane d’une population qu’elle est censée menée. The Queen devient ainsi un film qui interroge sans cesse la question de l’image, de comment l’on peut représenter une action, une personne, un fait ou une situation. Le choix d’un récit d’actualité récente, encore « brûlant » s’extrait de son aspect anecdotique pour devenir un outil de réflexion à part entière. Le film doit s’interroger sur comment représenter ce qui n’est pas dit pas l’Histoire, mais aussi sur la manière de représenter les faits avérés, c’est-à-dire sur le sens à leur attribuer en leur fournissant un contexte. De ce point de vue tout devient ainsi signifiant jusque le plus caricatural. Sur le moment j’ai trouvé lourd l’image donnée de la famille de Blair : dessins d’enfants partout, jouets qui traîne, décontraction, couple qui regarde la télé et discute autour des fourneaux. Bref une vraie sitcom. Puis je me suis dis que cela devait servir de contrepoint à la représentation royale, et que cela valait d’abord par la symétrie créée, par les effets de parallélisme et de contraste. Un exemple parmi tant d’autres d’un motif que je ne fais qu’amorcer et qui se décline tout au long du film sous divers aspects, le plus remarqué étant concentré autour de la figure d’Helen Mirren. La qualité de son interprétation engage la question du comédien, de comment interpréter un rôle, par mimétisme ou par recomposition, éternel questionnement qui accompagne le statut du comédien, depuis Aristote jusqu’à nos jours en passant par Diderot etc.

Enfin, le film donne à penser autour de la séparation entre public et privé. Et cette réflexion trouve particulièrement sa place et son sens après ces deux autres questionnements sur le pouvoir et sur l’image. Ce qui apparaît d’abord sous la forme d’une excuse de la part de la Reine pour ne pas célébrer en grande pompe la mort de Diana – le fait d’invoquer le caractère privé de la mort de Lady Di – se révèle être le début de la mise en scène de ce motif. La Reine ne cessera dans ce film d’essayer de se créer un espace propre qui ne soit pas en concurrence de celui de l’Etat. Et sans cesse elle sera bousculée dans sa sphère intime. Ce qui apparaît au début comme une sorte d’arrogance ou d’aveuglement des puissants devient rapidement un véritable enjeu dramatique dans lequel le spectateur peu à peu s’identifie à la Reine ou du moins éprouve une empathie à son égard. Car chacun d’entre nous peut ressentir cette tension entre espace privé et espace intime. Le cas limite et exceptionnel de la Reine sert de loupe pour représenter un thème qui touche tout le monde, même si cette séparation entre les sphères intime et extime n’est pas en général aussi marqué et conflictuelle. Et face à la Reine l’image totale et écrasante de Diana construit un repoussoir des plus intéressants et des plus problématiques. La compassion comme célébration publique, et le personnage d’Etat comme bien commun deviennent des thèmes directement mis en scène par ce film qui en montre les limites et l’aspect indécent.


Pour finir je vais évoquer un motif qui m’a beaucoup plu dans le film, et qui en est exemplaire. Il s’agit de la sorte de fable du cerf.

ATTENTION SPOIL LEGER (non non, Diana ne ressuscite pas…)

Un cerf magnifique est repéré dans le domaine de Balmoral, résidence d’été de la famille royale. Pour divertir les princes, on organise une chasse. Dès le début la Reine émet des réserves, les mettant sur le compte d’une peur des armes, quand Philippe se montre très enthousiaste (leur portrait en complète opposition trouve là d’ailleurs un exemple frappant). Mais les chasseurs reviennent bredouilles chaque jour. Alors qu’elle se promène, la Reine tombe nez à truffe avec l’animal, et l’incite à fuir entendant les chasseurs arriver. L’animal en réchappe encore une fois. Au moment de regagner Londres pour les obsèques de Diana, la Reine apprend que le cerf a finalement été abattu dans un domaine voisin. Elle se rend sur les lieux pour voir la bête morte, et la découvre défigurée par le chasseur, homme d’affaire américain qui s’y est pris comme un cochon pour tuer l’animal. Cette situation met assez mal à l’aise. La Reine y est là décrite sous un aspect très critiquable : refusant d’aller voir le corps de son ancienne belle fille à Londres, mais faisant un détour pour voir un cerf mort. De plus le thème des traditions et des valeurs de l’aristocratie qui se perdent face au triomphe de l’argent est assez dérangeant pour moi car très manichéen et lourd. Mais je pense que cela est voulu par Frears. Qu’il s’agit là de souligner les traits pour indiquer deux choses : d’une part qu’effectivement la Reine est ambivalente dans son caractère et dans les valeurs qu’elle véhicule, et d’autre part qu’il faut chercher derrière pour comprendre cette image. Cette fable agaçante devient jolie, en plus du fait qu’elle fournit un appel d’air dans une histoire très politique et humaine, lorsque l’on rapproche le cerf de la Reine. L’animal est lié à un lieu est ne peut en sortir sous peine de trouver la mort. Mais il est en même temps ce à quoi la Reine aspire (la liberté) mais aussi ce à quoi elle échappe (le danger). Le Cerf signale à la fois le confort de la Reine, mais aussi son servage. Et nous retrouvons là renversé le thème du pouvoir.

Cette fable m’en a rappelé une autre, de La Fontaine bien évidemment. Il s’agit de L’œil du Maître (IV-21) (et vlan ! voilà que vous gagnez un fable en plus d’une critique ! C’est du deux en un, profitez-en, c’est la saison) :

Un Cerf s'étant sauvé dans une étable à boeufs
Fut d'abord averti par eux
Qu'il cherchât un meilleur asile.
Mes frères, leur dit-il, ne me décelez pas :
Je vous enseignerai les pâtis les plus gras ;
Ce service vous peut quelque jour être utile,
Et vous n'en aurez point regret.
Les Boeufs à toutes fins promirent le secret.

Il se cache en un coin, respire, et prend courage.
Sur le soir on apporte herbe fraîche et fourrage
Comme l'on faisait tous les jours.
L'on va, l'on vient, les valets font cent tours.
L'Intendant même, et pas un d'aventure
N'aperçut ni corps, ni ramure,
Ni Cerf enfin. L'habitant des forêts
Rend déjà grâce aux Boeufs, attend dans cette étable
Que chacun retournant au travail de Cérès,
Il trouve pour sortir un moment favorable.
L'un des Boeufs ruminant lui dit : Cela va bien ;
Mais quoi ! l'homme aux cent yeux n'a pas fait sa revue.
Je crains fort pour toi sa venue.
Jusque-là, pauvre Cerf, ne te vante de rien.
Là-dessus le Maître entre et vient faire sa ronde.
Qu'est-ce-ci ? dit-il à son monde.
Je trouve bien peu d'herbe en tous ces râteliers.
Cette litière est vieille : allez vite aux greniers.
Je veux voir désormais vos bêtes mieux soignées.
Que coûte-t-il d'ôter toutes ces araignées ?
Ne saurait-on ranger ces jougs et ces colliers ?
En regardant à tout, il voit une autre tête
Que celles qu'il voyait d'ordinaire en ce lieu.
Le Cerf est reconnu ; chacun prend un épieu ;
Chacun donne un coup à la bête.
Ses larmes ne sauraient la sauver du trépas.
On l'emporte, on la sale, on en fait maint repas,
Dont maint voisin s'éjouit d'être.
Phèdre sur ce sujet dit fort élégamment :
Il n'est, pour voir, que l'oeil du Maître.
Quant à moi, j'y mettrais encor l'oeil de l'Amant.


Et dans cette fable, en plus du cerf, nous retrouvons me motif du pouvoir, et celui de l’image, de la représentation. Sa morale est sans appel : pour celui qui est enfermé dans un lieu, ou qui appartient à un lieu clos, il n’y a la servitude ou la mort. En dehors du lieu originel, on court un risque potentiel car tout est pouvoir dans le monde. Je ne dis pas là que Frears s’est inspiré de la fable pour son film, il ne l’a peut-être même jamais lue. Mais il y a là pour moi une coïncidence troublante, un effet de superposition qui me fait voir le film un peu différemment. D’autant plus que le Maître dans la fable est une image du pouvoir monarchique absolu. Son œil voit tout, est capable de discerner la vrai du faux, ce qui correspond exactement à la démarche critique (krinein=séparer, juger). C’est précisément cela qui fait défaut à la Reine dans le film : une capacité à juger juste selon les circonstances, dans ce moment de crise. Ou plutôt, si l’on veut prolonger le parallèle entre les deux imaginaires qui me paraissent résonner ensemble, les positions se trouvent inversées puisque la Reine devient le cerf au lieu d’être le Maître, et que l’opinion devient ce Maître tyrannique de l’emprise duquel on ne peut s’abstraire. Entre les deux l’écart est devenu tel que les outils de jugement ne sont plus communs aux deux partis, que les critères d’évaluation de la Reine sont devenus étrangers et obsolètes aux yeux de la population.

Rien n’est donc simple ni ne se lit de manière univoque. Tout signe dans le film subit un voire plusieurs renversement de signification. Un film à aller voir, sensible, juste, et jamais lourd ou rébarbatif, qui parvient à intéresser profondément en partant de faits en apparence anecdotiques, et de milieux qui paraissent bien éloignée de la réalité. Mais ce n’est là qu’un détour pour mieux rencontrer cette dernière.

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