Alors que l’adaptation cinématographique des « Watchmen » sort la semaine prochaine et que les premières projections presses ont eu lieu, donnant ainsi naissance aux premières critiques des spécialistes et des non-spécialistes, le vieux débat sur la question « Adaptation ou reproduction ? » refait surface comme il était facile de le prévoir.
Zack Snyder, à qui nous devons l’adaptation du comic-book « 300 » de Frank Miller, s’est chargé de l’adaptation des « Watchmen » et il a bien évidemment opté pour l’approche « Reproduction » comme il l’avait déjà fait pour « 300 ». Se faisant, « Watchmen » se rattache à la même famille qu’un « Sin City » où le travail du réalisateur est avant tout « plastique » (au sens large car j’y englobe également le travail sur la musique par exemple).
En ce sens nous sommes face à un travail radicalement opposé à celui par exemple d’un Del Toro avec ce qu’il a accompli sur « Hellboy ». Opposition évidente que Rafik Djoumi, grande figure du cinéma dit « Geek », ne manque pas de souligner et de nous expliquer que c’est pour cette raison que « Watchmen » est une bouse immonde et du non-cinéma comparé à un « Hellboy II » ou un « Incassable ».
Dans un même temps, des sites de référence d’une certaine idée de la culture « Geek » comme DVD-Rama n’hésite pas par contre à crier au chef d’œuvre devant le travail de Zack Snyder sur Watchmen.
Tout ce beau monde va certainement d’ici peu s’entre-tuer à grand coup de débats sur les notions de « Vision », de « Sincérité » et de « Restitution ». Bref ça va saigner comme on dit.
J’évoque la communauté « Geek » car le comic-book est un média de pop-culture qu’elle s’est appropriée il y a des décennies même si aujourd’hui cela n’a plus forcément le même sens. Principalement parce qu’il y a tant de personnes qui se revendiquent « Geek » sur le net de nos jours (« je télécharge, j’ai un blog où je suis hyper drôle, informé et corrosif, donc je suis Geek ») que pour la « minorité marginalisée et méprisée » on repassera et aussi parce que les films tirés de Comic-Book sont largement entrés dans les mœurs - Telerama a même trouvé « Hellboy II » absolument génial - donc pour la « minorité marginalisée et méprisée » on repassera bis repetitas.
J’évoque aussi la communauté « Geek » car dans notre cas ils sont censés être les « spécialistes » et donc avoir le plus de recul et d’appréciation. En effet ils sont plongés dans les réflexions et analyses de ce genre d’univers depuis leur plus tendre enfance et ne viennent pas de découvrir l’existence de Del Toro avec le « Labyrinthe de Pan » mais le plus souvent il y a de cela des années avec « Blade II », la quintessence de la série B d’auteur - et c’est moi qui vous le dit !
Une fois ce point - où je me suis fait plaisir – évoqué, revenons à des considérations plus générales. Je n’ai pas encore vu « Watchmen » même si ma connaissance du travail d’Alan Moore (scénariste du comic-book), la découverte de la Bande Annonce et les interviews de Zack Snyder me permettent d’imaginer où je vais mettre les pieds lorsque j’entrerai dans la salle de cinéma.
Entre « Reproduction » et « Adaptation », j’avoue ne pas avoir d’avis tranché. J’ai beaucoup aimé « Sin City » et « 300 », même s’ils étaient dépourvus de véritable « Vision » d’auteur. Il faut dire qu’à la base ce sont des histoires très premier degré et « bourrines » (dans tous les sens du terme). De ce fait il est possible de les adapter au premier degré sans en perdre la substance et faire de jolies choses sans y apporter nécessairement un « traitement » ou une « transformation » – le premier degré ce n’est pas forcément le mal et les films « tableaux » ont leur charme je trouve (même « Le Tango De Satan » !).
Cependant il y a un souci avec « Watchmen », c’est qu’il ne s’agit en aucune façon d’une œuvre de type premier degré et le récit présente de tels niveaux de lectures et d’approche des personnages que la méthode dite de « Reproduction » ne me semble pas réellement indiqué pour restituer la substance de l’œuvre.
Comme l’a expliqué Zack Snyder dans ses interviews et comme cela a été confirmé par ceux qui ont vu le film (aimés ou pas aimés), le film reprend très fidèlement case par case le comic-book tout en supprimant ici et là des scènes pour que le tout tienne dans le film. Ce qui fait que le distance entre le film et le comic-book est de nature du genre « amputation» plutôt que « transformation ». Autrement dit au lieu de transformer ou de modifier certains éléments pour essayer de restituer la substance de l’œuvre, nous avons affaire à une copie avec quelques coupes sans rien pour les rattraper.
De ce fait la « patte » de Zack Snyder se retrouve à choisir les éléments scénaristique à supprimer, à choisir le casting, à choisir la musique et à mettre des « effets » ici et là parce que c’est un film tout de même – grosso modo.
C’est une démarche. Certains s’offusqueront car omettre tel élément ou ajouter tel effet dénature tel personnage ou telle scène et trahi par conséquence l’intention d’Alan Moore ou au contraire la trahison serait d’oser remodeler certaines choses.
De son côté Zack Snyder se veut rassurant en expliquant qu’il y aura une version extra-longue en DVD qui sera encore plus proche du comic-book, d’où nous pouvons nous poser la question de savoir si plus un film est « tout pareil » que l’œuvre originale meilleur il est ? Sachant bien évidemment qu’un comic-book et un film sont deux médias différents et que par conséquence il n’est pas réellement possible d’atteindre les mêmes objectifs avec les mêmes choix artistiques. Débat passionnant s’il en est.
Bref c’est donc dans ces conditions et avec ces réflexions en tête que j’irai voir mercredi prochain l’adaptation cinématographique du comic-book le plus « fameux et culte de tous les temps ». J’espère tout de même prendre mon pied lors de la séance et retrouver dans le film ce qui fait la substance des « Watchmen » car fondamentalement c’est ça une adaptation. Pour cela je compte avant tout sur la « Sincérité » de Zack Snyder.