Heures au format UTC + 1 heure [ Heure d’été ]




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 18 messages ]  Aller à la page [1], 2  Suivante
Auteur Message
 Sujet du message: Michael Powell et Emeric Pressburger
MessagePosté: Lun 18 Jan 2010 21:30 
The old man
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 05 Jan 2004
Messages: 29174
Localisation: Joker
Image



Le Narcisse Noir
Réalisation : Michael Powell et Emeric Pressburger
Scénario : Michael Powell et Emeric Pressburger, d'après le roman de Rumer Godden
Production : Michael Powell et Emeric Pressburger
Photographie : Jack Cardiff
Montage : Reginald Mills
Décors : Alfred Junge
Costumes : Hein Heckroth
Bande originale : Brian Easdale
Pays d'origine : Royaume-Uni
Durée : 1h40
Date de sortie : 26 mai 1947


Image



Histoire
Cinq sœurs de l'ordre de Sainte-Marie, installées à Calcutta, sont envoyées dans le palais himalayen de Mopu pour y établir un couvent, un dispensaire et une école. Ancien harem situé sur un rocher venteux et escarpé, le palais va petit à petit troubler l'esprit des sœurs ...


Image



The Archers
Fondé en 1943 par les réalisateurs et scénaristes Michael Powell et Emeric Pressburger, The Archers est une légendaire société de production cinématographique anglaise. Le duo Michael Powell et Emeric Pressburger a réalisé en concert la totalité des films de leur société et il est très difficile de savoir qui a fait quoi. Je vais laisser cette question aux spécialistes (ce n’est pas l’objet de mon texte) et dans la suite je parlerai simplement de "duo".
The Archers a produit quelques chefs d'œuvres comme "Le Colonel Blimp", "Une question de vie ou de mort", "Le Narcisse Noir", "Les Chaussons Rouges" ou encore "Les Contes d'Hoffmann". La collaboration entre nos deux cinéastes s'achève en 1957 ce qui met fin également au studio The Archers. En effet après 15 ans de succès en duo chacun désire se faire un nom en solo. Néanmoins leurs carrières solos seront assez "désastreuses" et ils faillirent tomber dans l'oubli. Heureusement, passionnés par leur cinéma, Martin Scorsese et Bertrand Tavernier firent beaucoup pour faire redécouvrir leurs films.
Si j'ai choisi de parler du "Narcisse Noir" c'est tout simplement parce qu'il est passé sur Arte il y a quelques semaines!


Image



Un Himalaya fantasmé
"Le Narcisse Noir" se déroule dans un royaume montagnard, quelque part entre l'Inde et le Népal. Alors qu'il avait les moyens de tourner en Inde ou au Népal, notre duo décida de tourner le film entièrement en studio, en Angleterre! Un choix a priori étonnant mais qui fut une évidence pour notre duo : le royaume de Mopu est un lieu féérique et fantasmé qui va faire perdre pied avec la réalité aux 5 sœurs, les entraînant dans un rêve troublant et fatal. De ce fait, il s'agit avant tout d'un Himalaya fantasmé et irréel qui n'existe pas. C'est pourquoi Mopu doit être intégralement créé grâce à la magie du cinéma, permettant des compositions, des cadres, des couleurs et des lumières surréalistes.
Le travail de construction de cet univers devient donc l'enjeu majeur de la réalisation du film. En effet notre duo est persuadé que s'il arrive à créer cet Himalaya fantasmé de façon totalement artificielle, alors le récit y trouvera son âme car le lieu en est le vecteur narratif principal. Autant dire que le travail fut colossal et se révéla être un sacré challenge.
Chaque détail, de costume, de décor ou d'accessoire est créé spécifiquement. Le travail sur les couleurs des différents personnages est extrêmement étudié pour créer des jeux de contraste et de symbolique forts. Nous ne sommes pas dans la reproduction de la réalité mais dans la création d'un monde imaginaire. De plus le film comporte également un nombre incroyable de trucages photographiques (à base de peintures) pour créer des paysages, des montagnes ou des précipices à l’ambiance envoutante. Les quelques scènes nécessitant un tournage en décor naturel (scènes de balade en forêt) sont réalisées dans des jardins du Sussex, demandant aux jardiniers de redoubler d'effort pour conférer une touche exotique à ces bois typiquement anglais.
La lumière est bien évidemment aussi un élément primordial. Notre duo crée une lumière particulière en studio pour imiter celle de l'Inde, lumière qu'il fallut également reproduire à l'identique lors des tournages en extérieur. Un travail là-aussi qui fut complexe et difficile.
Le résultat : un bout du monde d'une beauté majestueuse et fascinante que le spectateur a envie de visiter mais qui n'existe pas réellement. Il n'y a donc rien d'étonnant que le film reçoive en 1948 deux Oscars : celui de la Meilleure Photographie et celui de la Meilleure Direction Artistique !


Image



Déchirement entre rêve et réalité
L’histoire du "Narcisse Noir" est simple et son dénouement est annoncé dès le départ via un anglais qui vit à Mopu depuis des années. "Le Narcisse Noir" est un récit sur l’inéluctabilité engendré par le lieu.
Les cinq sœurs pleines d’ardeur et fortes de leurs convictions vont petit à petit être troublées par ce pays étrange. Comme cela sera répété à plusieurs reprises dans le film, les paysages sont trop grands et les habitants semblent tout droit sortis d’un conte du passé : on se croirait dans un rêve. Le titre du film fait référence au parfum que porte le prince de Mopu et qui illustre parfaitement toute cette mécanique : il y a quelque chose dans l’air et dans l’atmosphère d’envoutant qui réveille d’anciens souvenirs et d’anciens rêves.
Malgré leurs efforts pour se concentrer sur leur mission, les sœurs vont voir leurs désirs et leurs rêves passés ressurgir. Chacune devra faire face à ce qu’elle pensait avoir réussi à enfuir au plus profond d’elle-même. Le lieu devant ainsi révélateur de leurs rêves et espoirs passés.
Evidemment il y a aussi l’érotisme latent du récit qu’il est impossible de ne pas évoquer lorsqu’on parle du "Narcisse Noir". Placer des nonnes dans un ancien harem est déjà en soi très symbolique et les différentes scènes dans cet ancien palais ayant souvent pour arrière plan des fresques "sensuelles" participent à cette ambiance troublante.
Dans ce cheminement à travers les rêves du passé, l’univers créé par notre duo de réalisateurs révèle toute sa puissance et son importance. A l’image des sœurs, le spectateur est envouté et subjugué par ce pays enchanteur.
Le contraste entre la blancheur des sœurs et les mille couleurs des décors et des costumes crée une atmosphère sensuelle qui explose littéralement lors de la grande scène dramatique finale - soutenue en grande partie par une utilisation violente de la couleur rouge.
Au final les rêves et les désirs passés deviennent impossibles à retenir dans ce pays sorti tout droit des contes du temps passé.



Image



Mot de la Fin
Film en tout point somptueux et enchanteur, "Le Narcisse Noir" est un exemple quasi parfait de fusion entre le fond et la forme pour créer une narration purement cinématographique qui cherche à envouter tout aussi bien les personnages que les spectateurs.
Le film a également très bien vieilli et illustre à merveille que les choix de lumières, de couleurs et de compositions sont essentiels pour qu’une œuvre traverse le temps.
Un grand classique avec l’inoubliable Deborah Kerr.


Image

_________________
Image
Manga List | Anime List
Les règles du forum sont faites pour être respectées, merci de les garder en tête.


Dernière édition par ange bleu le Ven 5 Fév 2010 22:32, édité 1 fois.

Haut
 Profil  
 
 Sujet du message:
MessagePosté: Mer 3 Fév 2010 10:35 
The old man
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 05 Jan 2004
Messages: 29174
Localisation: Joker
Arghf je viens de le voir trop tard!

MK2 Quai de Loire organise une soirée Powell / Pressburger jeudi soir 4 février

Pas sûr que je puisse y assister, surtout que je n'ai jamais vu le film proposé (Je sais où je vais !). Arghf!

Y'a des personnes motivées ?^^;

_________________
Image
Manga List | Anime List
Les règles du forum sont faites pour être respectées, merci de les garder en tête.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message:
MessagePosté: Ven 5 Fév 2010 22:47 
The old man
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 05 Jan 2004
Messages: 29174
Localisation: Joker
Hier soir je me suis donc rendu à la soirée Powell/Pressburger !
Première partie : rencontre avec Natacha Thiéry et Bertrand Tavernier pour une évocation des Archers et de leur oeuvre.
Bertrand Tavernier s'est chargé de la partie historique. Parmi les différents points évoqués, l'une des grandes questions fut de savoir comment l'oeuvre des Archers a pu passer totalement inaperçu en France à l'époque. Le cinéaste a expliqué que cette période fut marquée par une déferlante de films anglais et que seuls certains films des Archers sont sortis en France durant cette déferlante, dont certains comme le "Colonel Blimp" qui furent raccourcis car jugé trop long. Conséquence, même si certains films des Archers ont bien marché à l'époque, ils n'ont pas attiré l'attention plus que ça de la critique.
Sinon j'ai aussi appris que Jean-Pierre Melville était un grand admirateur de Michael Powell et qu'il considérait "Colonel Blimp" comme l'un des plus grands films au monde.
Voici pour les informations les plus intéressantes pour les néophytes, le reste allait de la biographie des Archers au rapport de Tavernier avec leurs films.
Quant à Natacha Thiéry, elle a développé une présention des Archers à travers leur obsession de mettre en scène le désir et la place centrale de la femme dans leur oeuvre. Bon c'était très "technique" et je ne me sens pas le courage de m'étendre sur le sujet, surtout que "compressé", le sujet perd forcément de son attrait^^
Puis la seconde partie de la soirée : projection de "Je sais où je vais".
Enfin information ultra importante : à partir du 3 mars, le Reflet Medicis organise une grande rétrospective Powell/Pressburger! Je n'ai pas pu encore mettre la main sur le programme mais je vais surveiller ça de près!



Image



Je sais où je vais
Réalisation : Michael Powell et Emeric Pressburger
Scénario : Michael Powell et Emeric Pressburger
Production : Michael Powell et Emeric Pressburger
Photographie : Erwin Hillier
Montage : John Seabourne Sr.
Bande originale : Allan Gray
Pays d'origine : Royaume-Uni
Durée : 1h32
Date de sortie : 30 octobre 1945


Image



Histoire
Joan Webster, jeune londonienne très sûre d'elle et un brin arriviste annonce à son père qu'elle va se marier à Sir Robert Gellinger, un industriel ayant fait fortune dans les produits chimiques. Elle doit le rejoindre sur l'île de Kiloran, située dans les Hébrides, en Écosse, pour l'épouser.
Son voyage dont les différentes étapes ont été planifiées avec une extrême précision ne va pourtant pas se dérouler comme elle l'imaginait…


Image



Genèse et préparation
1944 : notre duo vient d’achever l’écriture de son prochain film, "Une Question de Vie ou de Mort", et s’apprête à composer l’équipe du film lorsqu’il apprend qu’aucune caméra Technicolor n’est disponible avant de longs mois. En effet elles ont toutes été réquisitionnées pour des films de propagandes! Or Une Question de Vie ou de Mort est un film conçu pour être en couleurs !
Face à ce contretemps, Emeric Pressburger aurait déclaré à Michael Powell :
« - J'ai toujours eu envie de faire un film sur une jeune fille qui veut aller dans une île. À la fin de son voyage, elle est si près qu'elle peut distinguer les gens sur l'île, mais une tempête l'empêche de débarquer, et quand la tempête est passée, elle n'a plus envie d'y aller, parce que sa vie a changé brusquement, comme cela arrive souvent aux jeunes filles.
- Pourquoi a-t-elle envie d'aller dans cette île au début ? aurait alors demandé Michael Powell
- Faisons le film pour le savoir. »
C’est ainsi que nait le projet de "Je sais où je vais", un film inattendu et évidemment en noir et blanc !
Le premier souci de notre duo est de trouver cette fameuse île. Parti en exploration à travers toute la Grande-Bretagne, notre duo jette finalement son dévolu sur les Hébrides, tombant amoureux de leurs paysages et de leurs ambiances sauvages uniques.
Bien entendu un lieu de tournage aussi éloigné et isolé (les Hébrides se situent au nord-ouest de l’Ecosse) n’est pas sans poser de problèmes pour le transport et l’installation d’une équipe de cinéma. Le plus gros souci sera le désistement à la dernière minute du rôle masculin principal, Roger Livesey, qui doit honorer un engagement au théâtre au moment du tournage ! Mais pour notre duo pas de souci, Roger Livesey fera tout de même le film car ils ne veulent pas d’un autre acteur. C’est ainsi que Roger Livesey va tourner toutes ses scènes en studio à Londres et sera incrusté dans les scènes filmés aux Hébrides (certaines utilisant une doublure) grâce à des trucages photographiques bluffant : j’ai découvert cette anecdote après voir vu le film et je ne me suis aperçu de rien !
A noter aussi la présence dans un second rôle de l’excellente Pamela Brown ! Souffrant d’une maladie osseuse, elle avait réussi à retourner ce handicap à son avantage pour se composer une gestuelle et des poses étonnantes et envoutantes (sa première apparition *_*). Un charme et une présence à laquelle ne sera d’ailleurs pas insensible Michael Powell qui tombera épurement amoureux (et réciproquement). Ils vivront ensemble jusqu’au décès de cette dernière en 1975.


Image



Matérialisme contre Romantisme
Le titre du film, provenant d’une chanson irlandaise qu’on entend à certains moments, est évidemment ironique. Notre jeune londonienne qui croit savoir exactement où elle va, sera contraint de passer plusieurs jours dans un petit village écossais en raison d’une tempête l’empêchant de rejoindre l’île convoitée, un événement qui bouleversera sa vie et ses convictions.
Le film se pose en premier lieu comme une satire sociale de la société anglaise. Il confronte des anglais fortunés, hautains et superficiels venus s’installer aux Hébrides par snobisme (ils louent des châteaux) aux écossais simples, chaleureux et vivant en harmonie avec la nature.
Les anglais et leurs aspirations sont souvent tournés en dérision, comme par exemple lorsque Joan fait un rêve de son futur mariage, flamboyant (!), tandis que pour représenter l’esprit sauvage et libre symbolisé par les écossais, notre duo met en scène une galerie de figures pittoresques simples et attachantes, tour à tour drôles et touchantes. Face au bonheur matérialiste et froid de l’argent est donc opposé le sens de l’entraide, le rapport avec la nature (faucon, aigle ou meutes de chiens) et la communion chaleureuse au sein des fêtes.
Plongée malgré elle dans un univers qui lui est inconnu Joan va peu à peu se laisser envouter par le charme du lieu (soutenu par des paysages somptueusement souligné comme toujours chez notre duo) et en particulier par le charme d’un écossais, épicurien et toujours prêt à apporter un conseil et de l’aide à notre héroïne - car "Je sais où je vais" est également une belle histoire d’amour, portée par des acteurs inspirés et des dialogues piquants et un brin philosophique.
Et que serait un film se déroulant en Ecosse sans sa légende et sa malédiction ? Chez les Archers, le fantastique n’est jamais bien loin et c’est à travers une ancienne légende et une ancienne malédiction que le film trouvera ses climax (dont une étonnante scène de tourbillons maritimes !), permettant ainsi de sublimer le parcours et la transfiguration de notre héroïne.


Image



Mot de la Fin
Récit initiatique oscillant entre la satire sociale et la comédie romantique, et saupoudré d’une légère ambiance mystique, Je sais où je vais est un film mordant et dense sous ses faux air de divertissement léger.


Image

_________________
Image
Manga List | Anime List
Les règles du forum sont faites pour être respectées, merci de les garder en tête.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message:
MessagePosté: Sam 6 Fév 2010 12:16 
500 000 000 Berrys
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 30 Nov 2005
Messages: 6960
Localisation: dans la lune
Merci pour ce compte-rendu et cette présentation! Ca donne vraiment envie de découvrir leur univers. Ca m'évoque un peu Jacques Tourneur (en gros même époque) pour le côté mystique/fantastique et la place prépondérante de la femme, figure fantasmatique et fantasmante. J'espère que le discours un peu technique de la critique était bien: quand ça l'est, sur le ciné, c'est assez captivant pour moi!

Je suis intéressé aussi par cette histoire de programme au Reflet Medicis, même si côté emploi du temps, comme d'habitude, ça sera limité.

_________________
ImageImage


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message:
MessagePosté: Mer 3 Mar 2010 22:17 
The old man
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 05 Jan 2004
Messages: 29174
Localisation: Joker
J'ai le programme de cette semaine du Reflet Medicis (pour le reste il faudra que je vois sur place car ils ne répondent pas au mail...).

Donc deux films cette semaine :

Les Contes d'Hoffmann (1951) : Adaptation du célèbre Opéra.
Séances (VO) : vendredi/dimanche/mardi à 13h30

Le Voleur de Bagdad (1940) : ce n'est pas un Powell/Pressburger mais intéressant car outre le fait que je ne l'ai jamais vu, c'est un film collectif (4/5 réalisateurs dont Powell).
Séances (VO) : mercredi/samedi à 13h25


voilà voilà

_________________
Image
Manga List | Anime List
Les règles du forum sont faites pour être respectées, merci de les garder en tête.


Dernière édition par ange bleu le Mar 9 Mar 2010 07:20, édité 1 fois.

Haut
 Profil  
 
 Sujet du message:
MessagePosté: Lun 8 Mar 2010 23:26 
The old man
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 05 Jan 2004
Messages: 29174
Localisation: Joker
Image



Les Contes d’Hoffmann
Réalisation : Michael Powell et Emeric Pressburger
Scénario : Michael Powell et Emeric Pressburger, d'après l'opéra de Jacques Offenbach
Production : Michael Powell et Emeric Pressburger
Photographie : Christopher Challis
Montage : Reginald Mills
Bande originale : Jacques Offenbach
Pays d'origine : Royaume-Uni
Durée : 2h08
Date de sortie : 4 avril 1951


Image



Histoire
Dans un cabaret, assis à une table en attendant Stella, la jeune ballerine qu'il aime, Hoffmann raconte à ses amis ses trois fantastiques et malheureuses amours : Olympia, la poupée animée du Dr Coppelius, Giulietta, la courtisane de Venise, et enfin Antonia, la chanteuse phtisique. Trois femmes qui lui ont brisé le cœur...


Image



De l’Opéra au Film Composé
Peut être parce que sa première épouse fut une danseuse, Michael Powell a toujours été très intéressé par la mise en images de scènes de danses. « Les Chaussons Rouges » (1948), film se déroulant dans le milieu de la Danse Classique, avait déjà permis à Powell de mettre en boite quelques belles scènes de danses. L’adaptation de l’Opéra « Les Contes d’Hoffmann » va lui permettre de passer au niveau supérieur et de concrétiser l’un de ses grands rêves : « Le Film Composé », un mariage parfait entre l'image et la musique d'Opéra, utilisant la danse comme vecteur narratif.
Notre duo a donc déjà réalisé quelques essais stylistiques avec « Les Chaussons Rouges », et riche de cette expérience, il décide de réengager quasiment tout le casting des « Chaussons Rouges » (des danseurs et des chanteurs professionnels).
Concernant l’adaptation en elle-même, notre duo désire un maximum de scènes dansées. Dans ce but ils réécrivent le prologue : ils font du personnage de Stella une ballerine (alors qu’elle est cantatrice dans l’opéra original) et transforme la scène d’ouverture en séquence de ballets dans laquelle Stella danse (au lieu de la scène originale où elle chante « Don Giovanni »). Dans le même ordre d’idée la scène de chant du « rival » d’Hoffmann du prologue est remplacée par une composition muette. Ainsi le prologue de l’Opéra devient une longue séquence de ballets durant laquelle la seule bande son est le chant accompagnant la prestation de Stella. L’autre modification majeure concerne l’acte « Antonia » assez pauvre en possibilité de danse/mouvement et qui est logiquement raccourci.
Côtés rôles, au contraire de l’Opéra, les personnages du Diable et de la Muse ne sont jamais présentés explicitement et sont laissés à la libre interprétation du spectateur (et oui je vous ai spoilé ^_^). A noter que le rôle de la Muse est tenu par l’excellente Pamela Brown, compagne de Michael Powell, ce qui ne manque pas de symbolique bien évidemment.


Image



Seule la musique compte
L’enjeu de ce film pour notre duo est de réaliser un film musical au sens le plus totale du terme, c’est à dire mettre en scène cinématographiquement la Musique. Les décors et la danse ne servent ici que de moyen pour y arriver, et non de fin en soi.
Pour obtenir leur stylisation idéale et rêvée, notre duo opte pour des décors clairement factices mais souvent très étendu pour atténuer l’impression de cloisonnement inhérent à ce genre d’exercice. Notre duo a également recours à un grand nombre de trucages photographiques pour créer certains paysages, mais là encore il y a une volonté de factice très stylisé et étonnant (la fameuse scène de la gondole à Venise, très élaborée mais dont l’eau est volontairement tristement immobile). De plus chaque acte se trouve caractérisé par une couleur primaire omniprésente : l’acte « Olympia » au ton burlesque est marqué par le jaune, l’acte « Giulietta » baignant dans la luxure et une ambiance infernale est dominé par le rouge et enfin l’acte « Antonia » oscillant entre la bluette et la mélancolie est naturellement de couleur bleue.
Le but recherché est incontestablement l’antiréalisme. Notre duo désire libérer l’histoire des contraintes de mise en scène sur planches mais sans pour autant donner au film la forme de la « réalité ». Ainsi le film ne contient aucune scène de dialogues, uniquement du chant, et le jeu des acteurs relève du cinéma muet. Le langage du film est celui des corps et sa grammaire celle du mouvement et de la danse. Le film se veut totalement, et cela sans aucun compromis, onirique.
La bande son quant à elle a été enregistrée à l’avance (chaque danseur est doublé par un chanteur attitré) et le film est entièrement tourné et monté pour coller à elle. Pour suivre le rythme de la musique et des chants, notre duo utilise par moment 48 images par seconde et d’autres fois 6 images par seconde – le nombre d’images par seconde « normal » étant de 25. C’est le film et les images qui doivent suivre la musique et non le contraire, car seule la musique compte.
Le résultat est un film à l'inventivité visuelle et narrative exaltante - ah les fameux trompe-l'oeil expressionnistes des Archers *_*


Image



Postérité
Peut être parce que le film était trop extrême dans son approche stylistique, « Les Contes d'Hoffmann » furent un échec public - contrairement aux « Chaussons Rouges ». La critique fut néanmoins assez séduite et le film fut nominé pour deux Oscars en 1952 : ceux de la Meilleure Direction Artistique et de la Meilleure Création de costumes. « Les Contes d'Hoffmann » firent également partis de la sélection officielle de Cannes 1951 et Berlin 1951, où ils remportèrent respectivement le « Prix Exceptionnel » et l'Ours d'Argent de la Meilleure Musique.
Le film fait aujourd'hui référence en tant que Ciné-Ballets et Coppola lui rend d'ailleurs hommage dans « Tetro » en reprenant à l'identique la scène de la fin d'Olympia telle que mise en scène dans le film des Archers - et d'une façon plus générale toutes les scènes de ballets de « Tetro » sont des reprises plus ou moins réarrangées issues des « Contes d'Hoffmann » et des « Chaussons Rouges » de Powell et Pressburger.
Enfin pour finir, une dernière anecdote : « Les Contes d'Hoffmann » est le film favori de George A. Romero et celui qui lui a donné envie de faire du cinéma. Comme quoi l'Opéra est une source d'inspiration universelle ^_^



Image

_________________
Image
Manga List | Anime List
Les règles du forum sont faites pour être respectées, merci de les garder en tête.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message:
MessagePosté: Mer 10 Mar 2010 00:47 
The old man
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 05 Jan 2004
Messages: 29174
Localisation: Joker
Bon j'avoue que je commence à avoir des doutes sur la programmation Powell/Pressburger du Reflet Medicis...

Cette semaine rien de nouveau, les Contes d'Hoffmann et le Voleur de Bagdad passent toujours mais à un nouvel horraire :

Les Contes d'Hoffmann (1951) : Adaptation du célèbre Opéra.
Séances (VO) : mercredi/vendredi/dimanche/lundi/mardi à 17h15

Le Voleur de Bagdad (1940) :
Séances (VO) : samedi à 17h15


C'est sans doute une programmation sur longue durée car sur le site d'Allociné il est indiqué qu'il est prévu une reprise en salles des "Chaussons Rouges" pour le 7 avril. Donc nous verrons bien!

_________________
Image
Manga List | Anime List
Les règles du forum sont faites pour être respectées, merci de les garder en tête.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message:
MessagePosté: Mer 7 Avr 2010 10:03 
The old man
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 05 Jan 2004
Messages: 29174
Localisation: Joker
Bon je pense qu’il n’y aura rien de plus au Reflet Medicis…
L’une des responsables du MK2 Quai de Loire avait expliqué qu’elle avait pensé faire une petite retro Powell/Pressburger dans le cadre de la sortie du livre de Natacha Thiéry mais ayant appris que le Reflet avait le même projet en avril elle y avait renoncée. Je pense qu’il y a eu une méprise…
Quoi qu’il en soi « Les Chaussons Rouges » ressortent en salles aujourd’hui dans une version restaurée.
Liste des cinémas (parisiens) où le film est diffusé (pas au Reflet Medicis) :
http://www.allocine.fr/seance/film-553/ ... ode=115755

_________________
Image
Manga List | Anime List
Les règles du forum sont faites pour être respectées, merci de les garder en tête.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message:
MessagePosté: Ven 16 Avr 2010 21:36 
The old man
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 05 Jan 2004
Messages: 29174
Localisation: Joker
Image



Les Chaussons Rouges
Réalisation : Michael Powell et Emeric Pressburger
Scénario : Michael Powell, Emeric Pressburger et Keith Winter, d'après le conte d’Andersen
Production : Michael Powell et Emeric Pressburger
Photographie : Jack Cardiff
Montage : Reginald Mills
Bande originale : Brian Easdale
Pays d'origine : Royaume-Uni
Durée : 2h13
Date de sortie : 6 septembre 1948


Image



Histoire
Victoria Page, une jeune danseuse inconnue, et Julian Carter, un compositeur encore étudiant, sont engagés en même temps dans la troupe de ballet du célèbre Boris Lermontov, réputé tout autant pour son sens de la perfection que pour sa tyrannie.
Boris Lermontov compte utiliser ces jeunes talents pour monter son nouveau grand ballet : « Les Chaussons Rouges », adapté du conte d'Anderson.


Image



Seule la musique compte
Tout débute en 1937 lorsqu’Emeric Pressburger écrit pour le producteur Alexander Korda le scénario de ce qui deviendra « Les Chaussons Rouges ». Korda souhaite alors utiliser ce film pour faire connaître sa femme, l’actrice Merle Oberon, mais il va découvrir entre temps qu’elle a une liaison avec un acteur et abandonne le projet !
Des années plus tard Pressburger ressort ce scénario et le propose à Powell. L’idée séduit ce dernier mais il pose une condition : engager de véritables danseurs. En effet comme nous l’avons vu avec « Les Contes d’Hoffmann », Powell voit dans ces films l’occasion de mettre en œuvre ses idées de « Film Composé ».
Je n’ai pas les détails, mais la légende raconte que notre duo dû user de mille ruses pour récupérer discrètement et à bas prix le scénario détenu par Korda !
Le rôle est proposé à une jeune danseuse montante, Moira Shearer. Guère intéressée au départ par le cinéma, elle finit par accepter pour des raisons financières.
La pré-production elle-même est houleuse car notre duo remercie deux collaborateurs avec qui pourtant ils ont souvent travaillé : le musicien Allan Gray et le décorateur Alfred Junge. En effet leur travail ne satisfait pas du tout notre duo. Une décision jugée dure, surtout pour Alfred Junge qui venait d’être auréolé d’un Oscar pour son travail sur « Le Narcisse Noir » !
Quoi qu’il en soit notre duo engage un nouveau musicien, Brian Easdale, et surtout décide d’engager un peintre pour réaliser les décors, ce qui est totalement inédit. Hein Heckroth va réaliser 120 peintures pour illustrer la séquence du ballet et tout son travail de design sur « Les Chaussons Rouges » est aujourd’hui conservé au Musée d’Art Moderne de New York pour une part et au British Film Institute de Londres pour l’autre. Inutile de préciser que ce travail est considéré comme une pièce essentielle de l’art cinématographique britannique.
Enfin concernant le tournage, une bonne partie s’est déroulée dans le Sud de la France, dans les studios de la Victorine à Nice. Un retour aux sources pour Michael Powell car ce sont dans ces studios qu’il fit ses débuts dans le métier.


Image



Vivre ou danser
« Les Souliers Rouges » sont un conte d’Anderson dans lequel une jeune femme trouve une paire de souliers magnifiques qu'elle enfile et avec lesquels elle va danser jusqu'au bout de la nuit. Puis, exténuée, elle désire arrêter mais les souliers refusent et l'obligent à danser toujours et encore, et cela jusqu'à une issue tragique.
Le film de notre duo narre le récit d’une troupe qui va monter un ballet basé sur ce conte. Le destin de Victoria Page, la jeune danseuse interprétant le rôle titre du ballet, va se confondre petit à petit avec celui de son héroïne, devenant progressivement prisonnière et esclave de la danse. Le tout sous la conduite de Boris Lermontov qui n’accepte pas que ses danseurs aient une vie autre que la danse : entre vivre et danser, il faut choisir.
Personnage typique de Powell/Pressburger, Victoria est tiraillée entre deux choix de vie et face à un dilemme qui ne peut déboucher que sur une tragédie. Enchaînée au Destin qu’elle s’est choisit, peut-elle échapper aux conséquences qu’il implique ?
« Les Chaussons Rouges » sont en premier lieu un film sur la création artistique, sur les sacrifices que l’art implique et sur la question de se donner entièrement à l’art. Le film peut être divisé en trois parties : l’envie de l‘art et sa préparation, l’Art en lieu-même et enfin les conséquences que cet art implique.
Le moment clé du film et sa séquence la plus fameuse et mythique est évidemment celle où l’Art est exprimé, c'est-à-dire le ballet. Conçue d’abord par Hein Heckroth à l’aide d’un storyboard animé et mettant en scène 53 danseurs, la séquence du ballet dure 17 minutes et constitue bien plus qu’une simple séquence de « théâtre filmé ». Ayant recours à un grand nombre de trucages cinématographiques, la technicité et l’audace de notre duo fait basculer le ballet en une véritable poésie visuelle, fantastique et symbolique, tentative d’expression de ce qu’est l’Art et dont la beauté et l’onirisme peut être vu comme la justification des sacrifices qu’il demande. Il s’agit du premier essai de Powell de Film composé et déjà dans cette séquence la barrière entre la réalité de la danseuse et celle de son rôle commence à se mélanger. Cette fusion de deux réalités se poursuivra jusqu'au dénouement final avec un jeu sur les accessoires et les vêtements de Victoria, se modifiant parfois de façon discrète mais fantaisiste dans certains plans.


Image



Réception
Lorsque notre duo présente « Les Chaussons Rouges » à leurs producteurs, ces derniers ne comprennent pas le film et le trouvent affreusement ennuyeux. Ils décident alors de le sortir sans aucune publicité, dans un unique cinéma et pour une unique séance à minuit ! Ainsi personne ne voit le film au Royaume-Unis !
Pourtant la chance va tourner : A New York William Heinmann qui dirige un petit cinéma adore le film et obtient les droits pour l’exploiter aux USA. Là-bas le film est un immense succès et reste à l’affiche durant deux ans !
Face à un tel engouement, les producteurs britanniques décident de le ressortir et c’est évidemment un succès. « Les Chaussons rouges » deviennent le plus grand succès public et critique des Archers, et également leur film le plus connu.
« Les Chaussons Rouges » en profite également pour récolter deux Oscars, celui de la Meilleure Direction Artistique (Hein Heckroth et Arthur Lawson) et celui de la Meilleure Musique (Brian Easdale). Les deux choix de Powell/Pressburger furent donc sans doute les bons !
Aujourd’hui classique absolu, « Les Chaussons Rouges » sont considérés comme l'un des films les plus importants du cinéma britannique dont l’influence ne s'est jamais démentie. Ainsi outre « Tetro » de Coppola, nous pouvons citer le « Phantom of the Paradise » de Brian De Palma qui propose son lot de clins d’œil au chef d’œuvre des Archers.
Ainsi nous pouvons dire sans être trop présomptueux que « Les Chaussons Rouges » sont un film flamboyant qui brûle de la passion destructrice et dévorante de l'amour de l'Art!


Image

_________________
Image
Manga List | Anime List
Les règles du forum sont faites pour être respectées, merci de les garder en tête.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message:
MessagePosté: Ven 14 Mai 2010 20:11 
The old man
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 05 Jan 2004
Messages: 29174
Localisation: Joker
Image



Une question de vie ou de mort
Réalisation : Michael Powell et Emeric Pressburger
Scénario : Michael Powell et Emeric Pressburger
Production : Michael Powell et Emeric Pressburger
Photographie : Jack Cardiff
Montage : Reginald Mills
Bande originale : Allan Gray
Pays d'origine : Royaume-Uni
Durée : 1h44
Date de sortie : 1er novembre 1946


Image



Histoire
Seconde Guerre Mondiale : tandis que son bombardier en flammes est en train de tomber dans la mer, le chef d'escadron Peter Carter envoie un ultime message à la tour de contrôle. Une jeune américaine de garde cette nuit-là est la dernière voix qu'il entendra avant le crash.
Mais l'impensable arrive : Peter se réveille en parfaite santé sur une plage. En effet suite à une erreur dans l'Autre Monde, sa mort a été « ratée »...


Image



Un film de Commande
Le film est à la base une commande de l’armée Britannique destiné à apaiser les tensions entre les soldats anglais et américains. En effet après la Seconde Guerre Mondiale, le territoire européen est occupé par les troupes anglaises et américaines et les querelles entre les soldats des deux armées sont courants.
Les Archers acceptent le projet et imaginent une histoire d’amour « impossible » entre un pilote anglais et une officier américaine; impossible car le pilote aurait dû mourir et donc ne jamais rencontrer la jeune femme. Dans le but de résoudre ce « problème », l’Autre Monde organise un grand procès et pour mettre toutes les chances de son côté nomme comme Procureur, Abraham Farlan, le premier Américain mort lors de la Guerre d’Indépendance et qui déteste naturellement les Anglais !
Les Archers plantent donc leur sujet dans un univers fantastique et s’amusent à superposer les dualités : Le Monde des Vivants opposé à l’Autre Monde et l’Angleterre face aux USA. Le tout traité sur un ton décalé et avec beaucoup d’humour !
De plus même s’il s’agit d’un film de commande, les Archers n’en restent pas moins inspirés et ne manquent pas d’ambition. Tout d’abord ils désirent impérativement que le film soit en couleurs mais pour cela ils devront attendre 8 mois qu’une caméra Technicolor soit libre et tourneront entre temps « Je sais où je vais ». Le choix de la Technicolor est fondamental pour les Archers car ils ont décidé de tourner les scènes terrestres en couleur et les scènes de l’Autre Monde en Noir et Blanc dans le but de créer un contraste sur lequel nous reviendrons.
L’autre élément qui complexifia la production fut la construction d’un immense « Escalator Céleste » qui relie les deux mondes et dont l’impact symbolique et visuel est du plus bel effet.
Sans oublier la fameuse séquence de Ping Pong qui nécessita entrainement des acteurs et la mise en place de trucages très élaborés et compliqués pour l’époque.
Quant au « Procès Céleste », plus de 5000 figurants furent utilisés, tous des militaires de divers corps et de diverses armées venus avec leurs propres uniformes. Le résultat est là aussi d’un bel effet et ne manque pas de piquants.


Image



Le Ciel Peut Attendre
« Une question de vie ou de mort » est en premier lieu une belle d’histoire d’amour. Notre héros, d’une façon totalement inattendue aussi bien pour l’Autre Monde que pour lui-même, a trouvé l’Amour et refuse désormais de mourir comme le voudrait les Règles de l'Univers.
Le parti des Archers est sans ambiguïté et parfaitement clair : L’Autre Monde est plongé dans un austère Noir et Blanc et le Guide Céleste descendu sur Terre ne manque pas de se dire avec regret que la Technicolor leur fait tristement défaut Là-Haut. De plus l’Autre Monde est décrit comme un univers ultra-administratif régit par la rigueur de ses fonctionnaires qui ne laisse guère de place pour la fantaisie ou la légèreté. Difficile alors d’être attiré par la Mort lorsqu’on vient de trouver l’Amour sur une Terre à la Technicolor lumineuse !
A l’affrontement Vie/Mort, Anglais/Américains nous pouvons ainsi ajouter celui de l’individu face au Système que les dimensions faramineuses de la salle du Procès Céleste illustrent à merveille.
Ayant déjà bien encré leur film dans un combat entre l’Amour et la Raison, les Archers achèvent cette construction en jouant sur la santé mentale même de leur héros. En effet si au début du film son aspect fantastique ne laisse planer aucun doute, notre héros va découvrir qu’il est atteint d’un trouble cérébrale et que ses visions de l’Autre Monde ne seraient que des hallucinations. Ce trouble le tuant petit à petit il doit donc lutter contre ses visions car sa guérison dépend en grande partie de son envie de vivre. Dès lors que le Procès Céleste soit réel ou le fruit de son imagination n’a plus aucune importance : il doit le gagner pour chasser définitivement ces personnages de l’Autre Monde qui veulent lui faire renoncer à la Terre et à l’Amour qu’il vient de trouver.
Le film devient ainsi une Immense Réconciliation de l’Homme avec son Univers : Vie, Mort, Nations, Loi, Amour, Raison, Esprit et Corps.


Image



Mot de la Fin
« Une question de vie ou de mort » s’ouvre sur une vision cosmique et explique qu’il y sera question de la rencontre de Deux Mondes. Ces Deux Mondes ne sont jamais clairement précisés et si les Archers ont bien inclus celui des Armées anglaises et américaines, ils ont largement dépassé leur propos de base pour nous offrir cette fable merveilleuse et universelle du triomphe de l’Amour sur toutes les autres puissances régissant l’Univers et la Vie des Hommes.
Une œuvre magnifique et optimiste dont certains éléments se sont inscrits dans l’imaginaire collectif comme la « Vue du Ciel » ou « l’Escalator Céleste ».


Image

_________________
Image
Manga List | Anime List
Les règles du forum sont faites pour être respectées, merci de les garder en tête.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message: Re: Michael Powell et Emeric Pressburger
MessagePosté: Dim 6 Fév 2011 01:32 
The old man
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 05 Jan 2004
Messages: 29174
Localisation: Joker
Image



La Bataille du Rio de la Plata
Réalisation : Michael Powell et Emeric Pressburger
Scénario : Michael Powell et Emeric Pressburger
Production : Michael Powell et Emeric Pressburger
Photographie : Christopher Challis
Montage : Reginald Mills
Bande originale : Brian Easdale
Pays d'origine : Royaume-Uni
Durée : 1h59
Date de sortie : 30 Novembre 1956


Image



Histoire
Décembre 1939 : dix jours avant la déclaration de la Seconde Guerre Mondiale, le cuirassé de poche allemand Graf Spee prend la mer en direction de l'Atlantique Sud, avec pour mission de couler tous les navires alliés qu'il y rencontrera. Commandé par le Capitaine Langsdorff, le Graf Spee envoie par le fond de nombreux navires, et cela toujours en frappant par surprise. Les ravages causés par ce navire pousse l'amirauté britannique à lancer trois vaisseaux à ses trousses...


Image



Un retour aux sources
Nous sommes en 1954 et les deux derniers films des Archers (« Les Contes d’Hoffmann » et « Oh... Rosalinda!! ») ont été de cuisants échecs commerciaux. Cherchant un nouveau sujet qui leur permettrait de renouer avec le succès, notre duo opte pour un retour aux sources et décide de réaliser un film de guerre (genre qu'ils connaissent bien pour en avoir signer un certain nombre dans les années 40). Ce choix sera motivé par deux événements : tout d'abord par le fait qu'un officier britannique ait offert à Emeric Pressburger une copie du livre du Capitaine Patrick Dove « I Was A Prisoner on the Graf Spee » et parce que notre duo fut invité à un festival de Cinéma en Argentine (le Rio de la Plata se situant entre l'Argentine et l'Uruguay). C'est ainsi qu'ils décidèrent de réaliser un film sur « La Bataille du Rio de la Plata ».
Pour ce film notre duo n'eut aucun mal à trouver un financement et la Royal Navy ainsi que l'US Navy leur prêtèrent des navires pour les besoins du tournage. C'est l'avantage lorsqu'on tourne un film mettant un scène une bataille « prestigieuse » côté Allié!
Bénéficiant ainsi de véritables navires de guerre et d'une coopération de l'Armée, le seul souci de notre duo fut le refus de l'US Navy de voir des drapeaux et des uniformes Nazi utilisés sur leurs navires! Une contrainte qui les poussa à imaginer que pour passer inaperçu le Capitaine Langsdorff déguisait son navire et son équipage (qui portait ainsi des uniformes US lorsqu'ils étaient sur le pont). Quant aux scènes de Montevideo, elles furent tournées à Malte.


Image



Une approche documentaire
Ayant réalisé des recherches documentaires très poussées sur la bataille et bénéficiant donc de gros moyens grâce à la coopération de la Royal Navy et de l'US Navy, notre duo réalise des scènes de mer et de batailles navales d'un impressionnant réalisme.
La première moitié du film se déroulant presque uniquement en mer est ainsi traitée sur un mode proche du documentaire, avec une description extrêmement détaillée des différentes passes d'armes. Il s'agit de restituer avec précision ce qu'est une bataille Navale et de rendre à l'image les mouvements d'anticipation et l'importance de l'orientation des navires. Le résultat est en tout point parfait mais la contre-partie est une ambiance un peu froide et clairement anti-spectaculaire (c'est une partie d'échecs) – même si à plusieurs navires contre un seul, la tension dramatique est loin de faire défaut.
La seconde partie du film qui se déroule à Montevideo est au contraire l'occasion d'approfondir l'importance de l'espionnage et des jeux politiques dans la guerre, et de donner une dimension tragique au destin du Capitaine Langsdorff - car c'est finalement là que veut en venir notre duo.
En effet à première vue nous sommes loin de ce que nous ont habitués Powell et Pressburger : aucune trace de personnage féminin et un réalisme poussé à l'extrême. Pourtant dans l'approche romancée du personnage de Langsdorff (qui est le véritable « Héros » du film), il y a de façon indubitable la présence de la figure du réalisateur. Lorsque Langsdorff parle de son navire et de la façon dont il le déguise et le travesti pour créer autant de réalité qu'il le désire ou lorsqu'à Montevideo la guerre Navale laisse place à une guerre d'images autour du fameux navire et que Langsdorff se transforme par la force de la fatalité en une sorte de Capitaine Nemo qui ne trouve plus de place en ce monde, ne pourrions-nous pas y voir une métaphore du travail des Archers ?
L'approche documentaire vaut alors ici pour celle de leur travail et le film peut être vu comme une allégorie de leur vie de cinéastes, oppossant Romantisme et Réalisme pour une victoire du Réalisme - entraînant l'inéluctable fin du film, paradoxalement terriblement romantique!


Image



Une oeuvre crépusculaire
« La Bataille du Rio de la Plata » est un film à l'issue inéluctable et qui se termine par une mise à mort. Une mise à mort noble et digne d'un capitaine qui se savait le meilleur et qui avait le meilleur des navires.
Mais c'est également l'avant dernier film des Archers avant leur séparation. Sentant la fin de leur aventure venir, Powell et Pressburger ont sans doute senti le besoin de mettre en scène un bilan sous forme d'un grand moment crépusculaire - dans lequel un capitaine et son navire sombrent à jamais dans les Abysses...


Image

_________________
Image
Manga List | Anime List
Les règles du forum sont faites pour être respectées, merci de les garder en tête.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message: Re: Michael Powell et Emeric Pressburger
MessagePosté: Mer 13 Avr 2011 21:09 
The old man
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 05 Jan 2004
Messages: 29174
Localisation: Joker
Image



A Canterbury Tale
Réalisation : Michael Powell et Emeric Pressburger
Scénario : Michael Powell et Emeric Pressburger
Production : Michael Powell et Emeric Pressburger
Photographie : Erwin Hillier
Montage : John Seabourne Sr.
Bande originale : Alan Gray
Pays d'origine : Royaume-Uni
Durée : 2h04
Date de sortie : 21 août 1944


Image



Histoire
1943 : Un sergent américain en permission, un soldat anglais et une jeune volontaire à la Défense Civile se rencontrent à la descente d’un train de nuit, à quelques kilomètres de Canterbury. Au moment où ils quittent la gare, la jeune femme est agressée par un mystérieux lanceur de colle. C'est ainsi que va débuter leur pèlerinage des temps modernes.


Image



Pèlerins Modernes
Un scénario improbable et bizarre aux yeux de beaucoup, la brusque séparation de Michael Powell et de Deborah Kerr un mois avant le tournage (l’actrice décidant de tenter l’aventure Hollywoodienne) qui fit ainsi perdre au film son actrice principale, le refus de participation d’autres acteurs à cause de ce scénario étrange et enfin un échec public et critique sans appel à sa sortie : autant le dire tout de suite, « A Canterbury Tale » fut longtemps mésestimé et cela même de la part de ses créateurs qui le jugèrent raté.
Aujourd’hui le film est considéré comme l’un des plus abouti esthétiquement de la filmographie des Archers et un magnifique poème lyrique cinématographique. De plus la ville de Canterbury organise tous les ans un petit festival qui propose de visiter les lieux vu dans le film. Bref c’est ce qu’on appelle une réhabilitation.
Après cette entrée en matière un peu cinglante la question suivante vient, je pense, naturellement : de quoi est-il donc question exactement dans « A Canterbury Tale » ? Car vous l’aurez sans doute déjà compris, l’histoire du mystérieux lanceur de colle n’est qu’un prétexte pour déployer le véritable propos du film qui est le Kent (la région de Canterbury) et plus précisément à nous inviter à une flânerie à travers un certain état d’esprit et des valeurs issus du temps passé.
Pourquoi le Kent ? Sans doute parce qu’il s’agit de la région native de Michael Powell et qu'il la considérait comme le cœur historique de l’Angleterre. Les trois héros du film vont ainsi prendre part à un pèlerinage des temps modernes à la découverte du « Passé qui hante le Présent » et qui les conduira comme il se doit jusqu’à la Cathédrale de Canterbury, mise en image ici grâce à la magie du Cinéma. En effet en 1944 la Seconde Guerre Mondiale n’était évidemment pas encore finie et la cathédrale avait été vidé et ses vitraux retirés pour les protéger. Ce fut donc une cathédrale reconstituée en studio et en ayant recours à des maquettes qui donna vie à l’impressionnante et majestueuse scène finale du film. Un procédé typique chez les Archers comme vous le savez désormais si bien.


Image



Lumière et Temps
Une fameuse critique du film considère que « A Canterbury Tale » repose sur deux sujets bien particuliers, à savoir la Lumière et le Temps. Selon cette approche le récit du film porterait ainsi en premier lieu sur la Lumière et le Temps, tout le reste devenant fonction de ces deux thèmes.
Sur la lumière il est facile de s’en rendre compte. Comme déjà évoqué l’esthétique du film est stupéfiante et chaque scène est magnifiée par des jeux d’ombre et de lumière élaborés et portant les enjeux de la dite scène. De l’arrivée nocturne à la gare à la grande scène extrêmement lumineuse de la prairie, tout est sublimé par ces jeux d’ombre et de lumière qui guident le spectateur vers le sens et l’émotion. Bref un film en partie contemplatif et qui fait la part belle à la magnifique nature et aux pittoresques villages du Kent.
Sur le Temps ensuite : le titre du film fait évidemment référence aux fameux Contes de Canterbury de Chaucer, cités également lors de l’introduction et avec lesquels le film désire établir une filiation. L’introduction en elle-même présente une troupe de pèlerins du Moyen-âge qui se dirigent vers Canterbury et nous projette soudain dans le présent via un surprenant « Cut Raccord » - 25 ans avant celui devenu légendaire de « 2001 » ! Ai-je déjà précisé que « A Canterbury Tale » était l’un des films les plus aboutis esthétiquement des Archers ? ^_^
Le « Passé qui hante le Présent » devient naturellement l’un des thèmes du film et sera abordé à travers 4 personnages principaux : deux jeunes anglais citadins, un jeune américain venant de la campagne (car comme il le rappelle tous les américains ne viennent pas de grandes villes!) et un homme du pays amoureux fou et au-delà du raisonnable de sa région. Les deux premiers redécouvriront les vertus d’un monde relié au passé, le jeune américain se rendra compte que lui et les gens du Kent partagent les mêmes passions et les mêmes valeurs malgré les milliers de kilomètres séparant le Kent et son cher Oregon, et enfin l’amoureux du Kent n’aura de cesse de tenter de partager son amour de sa région. Ces pèlerins qui portent en chacun d'eux un espoir et une blessure se retrouveront sur une route symbolique qui les fera traverser des étapes souvent anodines, parfois étranges, mais toujours reliées au passé. Et c'est en suivant cette route sans âge et après avoir s’être « purifié » grâce à la régénératrice campagne anglaise qu’ils trouveront finalement le chemin les menant vers leur futur.


Image



Néo-Romantisme
C’est cet aspect essentiel du paysage et du lieu, et de leur rôle, qui constitue la doctrine du « Passé qui hante le Présent » et qui forme l'un des aspects majeurs du courant appelé Néo-Romantisme et auquel « A Canterbury Tale » se rattache dans sa démarche artistique.
A travers ce film, les Archers ont voulu rappeler aux anglais d'où ils venaient et sans doute pourquoi ils se battaient. Malheureusement ce message ne fut pas compris et fut considéré comme vieux jeu, loin des préoccupations contemporaines. En somme dépassé, à l'image de l'enquête d’opérette du film, digne d'un jeu d'enfants, et donc d'un autre âge.
Le temps étant le meilleur allié des œuvres poétiques et lyriques, ce qui jadis fut considéré comme une faiblesse devint avec la fuite des âges une force, et la redécouverte de ce conte de Lumière et du Temps ne manqua pas d'émouvoir un public retrouvant le charme et la tendresse venus du temps passé.


Image

_________________
Image
Manga List | Anime List
Les règles du forum sont faites pour être respectées, merci de les garder en tête.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message: Re: Michael Powell et Emeric Pressburger
MessagePosté: Jeu 21 Avr 2011 17:53 
Ô-Totoro
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 25 Mar 2006
Messages: 3654
Localisation: Échappe à la connaissance
Image

J'ai enfin eu l'occasion de voir The Red Shoes, et la longue attente fut à la hauteur du film.

Il y a un sens du rythme, une fluidité de l'intrigue, des enjeux, des relations entre les personnages et une photographie tout bonnement splendide. On ne s'ennuie pas une seule seconde malgré la durée assez longue du film (plus de deux heures). The Red Shoes fait parti de ses rares grandes œuvres qui conservent encore aujourd'hui une puissance, une beauté et un lyrisme intact, hors des dommages du temps.
Et cette scène du ballet, c'est à en pleurer toutes les larmes de son corps. En un mot : magique !
Un film de ballet sans équivalent dans le Cinéma, c'est pas D.A. qui saura me persuader du contraire.

Par contre, j'ai lu une anecdote assez amusante dans les bonus DVD (car comme tous les vieux films, les bonus ne sont pas des vidéos) : l'actrice Moira Shearer aurait d'abord refusé le rôle et peu apprécié le tournage parce que l'intrigue lui paraissait totalement déconnectée de toute réalité. Étant elle-même une artiste, elle ne comprenait pas cette impossibilité à concilier vie privée et vie artistique, ce qui est pourtant le quotidien de toute star.
Et il est apparu au travers de tous ces bonus que Michael Powell n'était pas non plus quelqu'un d'agréable avec qui tourner.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message: Re: Michael Powell et Emeric Pressburger
MessagePosté: Ven 22 Avr 2011 10:16 
The old man
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 05 Jan 2004
Messages: 29174
Localisation: Joker
C'est bien jeune padawan!
Une remarque néanmoins : si le coffret DVD que tu as pris est très intéressant pour le rapport nombre de films / prix, il te reste encore à découvrir la version restaurée de The Red Shoes de 2010!
J'ai eu le privilège de la voir au cinéma l'an dernier et le combo Projection Cinéma / Version restaurée est *_*
Par contre cette version est disponible uniquement en Blu-ray Import UK à ma connaissance...

_________________
Image
Manga List | Anime List
Les règles du forum sont faites pour être respectées, merci de les garder en tête.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message: Re: Michael Powell et Emeric Pressburger
MessagePosté: Lun 2 Mai 2011 23:04 
The old man
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 05 Jan 2004
Messages: 29174
Localisation: Joker
Image



49eme Parallèle
Réalisation : Michael Powell
Scénario : Emeric Pressburger et Rodney Ackland
Production : Michael Powell, pour Ortus Films
Photographie : Freddie Young
Montage : David Lean
Bande originale : Ralph Vaughan Williams
Pays d'origine : Royaume-Uni
Durée : 2h03
Date de sortie : 8 octobre 1941


Image



Histoire
1940 : un sous-marin allemand coule un navire marchand anglais au large des côtes canadiennes. Tandis que six hommes d’équipage se rendent à terre, le sous-marin est repéré et bombardé par l’aviation canadienne.
Débute alors pour les 6 soldats nazis un long périple à travers le Canada...


Image



Film de propagande
Nous sommes en 1940. Michael Powell et Emeric Pressburger se connaissent depuis 2 ans et ont déjà réalisé un premier film ensemble, Contraband (Espionne à bord en VF), qui a connu un beau succès. Les Archers ne verront le jour officiellement qu’en 1943 mais Michael Powell fait déjà parti des réalisateurs qui ont le vent en poupe. De ce fait le Ministère de l’information du gouvernement de Churchill qui vient de créer un département chargé de produire des fictions dédiées au conflit lui propose de réaliser un film de propagande sur la guerre sous-marine.
Le sujet n’inspire pas particulièrement notre duo qui fait au ministère une contre-proposition : une globalisation du conflit et plus particulièrement une attaque allemande au Canada. Le sujet est en adéquation avec les idées de Churchill qui désire que les Etats-Unis entrent en guerre. Powell expliquera bien plus tard que le but était de « faire un film au Canada pour flanquer la frousse aux Américains et les faire entrer dans la guerre au plus vite ». Le titre du film fait d'ailleurs référence à la frontière du Canada avec Etats-Unis qui suit en grande partie le 49eme parallèle. Un titre référentiel qui indique tout de suite la ligne de lecture du récit.
Le projet se met donc en route et les deux pays concernés donnent leur accord. Le tournage débute en 1941 au Canada et se fera presque uniquement en décors naturels – peu de scènes seront tournées en studio.


Image



Odyssée sanglante
Le point de vue du film qui propose de suivre des fugitifs nazis est assez étonnant et donne lieu à une anti-quête dont l’issue destructrice est tout aussi inéluctable que fascinante. Il est loin d'être évident de prendre comme personnages principaux des méchants fondamentalement aussi antipathique, surtout que film de propagande oblige, il n'est pas question ici de relativiser mais bel et bien de montrer le danger qu'ils représentent avec une action à charge.
Néanmoins notre fameux duo s'en sort haut la main, tout d'abord en précisant bien qu'il y a une différence entre allemand et nazi, puis à travers le personnage du chef du commando nazi, joué par un Eric Portman impérial de froid et de cruauté. Sa folie psychotique se confronte aux divers personnages rencontrés, offrant à chaque fois le contre-point nécessaire pour le faire vivre narrativement et donner envie de voir jusqu'où il ira.
Sorte de road-movie à travers un Canada pittoresque et rural, le récit joue ainsi la carte des rencontres fortuites qui rythme ce qui se révèle être un véritable film d’aventure, jouant tour à tour les codes de l'action, du suspense et même du contemplatif avec ces magnifiques paysages canadiens, filmé d'une main de maître comme toujours par Powell.
Notre commando nazi qui s’enfonce donc toujours davantage, à de rares exceptions, dans sa logique de haine et de destruction, voit son aventure rythmée par des rencontres donnant lieu à des confrontations de l’idéologie nazi avec celles de paisibles et chaleureux canadiens, l'occasion d'admirer de grands acteurs offrant des prestations excellentes et souvent savoureuses. C'est ainsi qu'on retrouve au cours de ce voyage un Laurence Olivier plus français qu'un français de France, un Anton Walbrook au charisme écrasant ou encore un Leslie Howard littéralement habité par son rôle d'intellectuel pacifiste.
Les confrontations avec ces personnages, toujours en harmonie avec le lieu où ils vivent, ont en réalité moins l'enjeu d'attaquer le nazisme que de révéler certaines valeurs humanistes ainsi que l'amour/force de la nature/lieu cher à notre duo - motifs que nous retrouverons par la suite dans leurs futurs travaux. Déjà ici il y a donc la réappropriation d'un sujet imposé pour raconter à travers lui une vision du monde personnel, teintée de romantisme.


Image



Un grand succès
Sorti en 1941, 49eme Parallèle est le second meilleur film de l'année au Box-office britannique, derrière le Dictateur de Charlie Chaplin. Un immense succès pour un film qui porte en lui les prémices des futurs chef d’œuvre des Archers. Le film fut d'ailleurs nominé aux Oscars dans 3 catégories : meilleur film, meilleur scénario et meilleur histoire originale - remportant cette dernière récompense.
A noter enfin, à titre de curiosité, que le montage du film fut fait par David Lean (futur réalisateur légendaire entre autres du Pont de la rivière Kwaï et de Lawrence d'Arabie) qui débuta en effet sa carrière dans le cinéma en tant que monteur!
Il ne me reste donc rien à ajouter, si ce n'est de conclure que 49eme Parallèle est et restera un grand film d'aventure, étonnant pour ses choix narratifs, mais impeccablement mis en scène et en images par ces magiciens du 7eme art que sont Powell et Pressburger.


Image

_________________
Image
Manga List | Anime List
Les règles du forum sont faites pour être respectées, merci de les garder en tête.


Haut
 Profil  
 
Afficher les messages postés depuis:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 18 messages ]  Aller à la page [1], 2  Suivante

Heures au format UTC + 1 heure [ Heure d’été ]


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 48 invités


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages

Rechercher:
Aller à:  
Powered by phpBB © 2000, 2002, 2005, 2007 phpBB Group
Traduction par: phpBB-fr.com