Époque contemporaine, Facebook n'existe pas, ou alors a été supplanté par OZ, une plateforme communautaire en ligne qui permet de travailler, gérer ses amis, ses achats, sa culture... sa vie en sommes.
Kenji est un lycéen très timide (de son aveu, il n'est jamais sorti avec une fille) et surdoué en mathématiques (il a failli représenter le Japon au niveau international) qui passe son été à travailler au servide de maintenance d'OZ - en clair à geeker. Ce quotidien bascule le jour où Natsuki, la plus belle fille du lycée, lui propose un job pour quelques jours : l'accompagner à l'anniversaire de sa grand-mère.
Arrivé sur place, Kenji découvre que son travail
va consister à se faire passer pour le petit ami de Natsuki auprès de sa famille, ce qui ne s'annonce pas de tout repos. En parallèle, suite à un SMS mystérieux, Kenji résoud un problème mathématique qui semble en lien avec le détraquage concomitant d'OZ...
Bien bien bien. Passons le côté IRL (irréel ? tu le sens le jeu de mot ?) de la sortie au cinéma, très sympathique avec sa touche "on refait le match" et ses révélations sur le forum toujours très drôles pour entrer directement dans le vif du sujet. Avant que Bullzor ne m'en parle, il y a quelques semaines, je n'avais jamais entendu parler de SUMMER WARS, qui semble avoir fait un gros buzz au Japon après avoir raflé la récompense de Meilleur Film d'Animation à EVA 2.0 (si j'ai tout suivi comme un grand), encore que le buzz repose par définition sur le néant.
Tout cela pour introduire que, malgré le fait que ce soit un film d'animation jap', malgré le fait que le design soit du Anno pur et dur, SUMMER WARS est une grosse tueurie cinématographique. Quand on voit que d'habitude, je préfère avoir un avis réservé sur les films, dire d'entrée de jeu une telle chose prouve bien que SW en a dans le caleçon.
Ce qui frappe d'emblée et qui ne cesse d'impressionner pendant 1H50, c'est la qualité du graphisme, de l'animation. Le premier plan du film nous plonge directement dans la représentation virtuelle d'OZ et ça met une beigne dans la gueule sans état d'âme : mélange de dessins et d'images de synthèse (c'est en gros du cell-shading), l'écran fourmille d'un millier de petits détails qui composent un ensemble de folie, dans lequel on se perd volonté. Et il n'est question que de ça pendant tout le film : chaque plan sera pour Mamoru Hosoda l'occasion de prouver qu'il a un budget à la hauteur et qu'il sait l'utiliser. Jamais un plan ne sera totalement fixe, il y aura toujours la petite touche supplémentaire pour ajouter un mouvement, de la profondeur de champ (difficile de dire ça sérieusement quand on parle d'un dessin-animé) et qui pourrait à lui seul justifier le fait de revoir le film plusieurs fois pour profiter pleinement des détails à profusion. Même lorsque l'action se déroule à un plan donné, le reste de l'image ne se fige pas et le tout vit littéralement.
Ce qui paraissait être une claque avec REBUILD OF EVANGELION a été ici, à mon sens, poussé dans des retranchements difficiles à concevoir sans l'avoir vu, et le côté plastique du métrage justifie à lui seul de le voir au cinéma (le streaming doit énormement perdre de sa valeur ajoutée, ami pirate).
Une petite réserve néanmoins concernant la copie du film qui n'était pas franchement clean, avec un flou désagréable d'un quart de seconde à chaque changement de scène et parfois une copie qui semblait perforée de points noirs. Dans la mesure où le tirage est à une quarantaine d'exemplaires pour toute la France (ce qui est relativement énorme pour ce genre de production), c'est limite honteux d'avoir une copie de basse qualité quand l'intérêt premier est le graphisme.
Aussi, je pense qu'il serait intéressant de voir SUMMER WARS retraité pour la 3D étant donné que l'action se situe sur énormement de plans et que même les scènes avec des bulles de conversation et dans OZ pourraient donner quelque chose de carrément démentiel. A voir donc.
Toutefois, l'intérêt du film ne réside pas que dans sa partie artistique, quasi-parfaite au demeurant (pétant de couleur, cohérent, original, bourré de détails de fou furieux), car l'histoire, sans atteindre des sommets extatiques, est dans l'ensemble originale et bien menée. C'est cousu de fil blanc, mais le charme opère tellement bien qu'on se laisse porter dans cet univers typiquement japonais où kawaï, humour et baston se mêlent joueusement. De plus, il y a tout un travail autour de la famille, au centre du métrage, qui rend le propos intéressant et sert l'impression de vie qui explose à chaque plan à notre face.
Quelques scènes devraient faire anale dans l'histoire de la japanimation, surtout le coup de la grand-mère de 90 ans qui empoigne une lance et tente de percer son petit-fils ; ou bien les hommes de la famille qui se préparent à la bataille finale à grand coup de "qui a la plus grosse" (ordinateur surpuissant, bateau de pêche puis antenne militaire). Les relations entre les personnages nous plonge dans un capharnaüm familiale très entrainant, irrésistible et assez finement traité. La seule réserve que j'ai à ce niveau là est la scène où la famille lit la lettre de la grand-mère, ce qui casse le rythme sans se justifier, apporte un côté poussif avec un contenu très calqué sur la situation dans laquelle les personnages sont et sort les violons de manière ostentatoire. J'ai dans l'idée qu'on aurait pu facilement éviter ce passage sans perdre une once de l'intérêt du film.
Sinon, l'ensemble s'en sort très bien, notamment dans la relation entre Kenji et Natsuki qui est très bien traitée, sans jamais tomber dans le débile ou la niaiserie totale [quand même, le baiser final me fait dire que la famille, c'est bien, mais l'avoir constamment sur le dos comme Kenji, ça doit être très usant]. J'avais un
a priori négatif sur l'oncle rebel de Natsuki, mais la réaction qu'il a vis-à-vis de sa grand-mère m'a bien plu et m'a réconcilié en fin de métrage avec lui. Même Kenji qui a pourtant un caractère très effacé ne m'a pas dérangé, il faut aussi dire qu'il est écrasé par sa belle-famille le pauvre. Pas de négatif à l'horizon sur ce point là, et c'est assez rare pour être souligné.
En définitif, je ressors de SUMMER WARS conquis : un produit jap' dans les grandes lignes, mais dont la partie artistique sert pleinement le sujet du film (la famille nombreuse et le bazar en résultant, ce qui s'articule autour d'un complot dans OZ assez périphérique au final, mais bien trippant pour passionner à fond les ballons), jouant sur les registres tragique et comique sans faire tiquer une seule seconde. Le film est non seulement très sympathique, mais ne s'oublie pas à la sortie.
N'hésitez vraiment pas, c'est du très lourd ! (l'un de mes films préférés de l'année pour le moment, même si la sélection a été maigre après 6 mois de désert, cela ne réduit pas les qualités de SW).
De gauche à droite : Keisuka_Yuuko, Demon Slash, ange bleu et Bullzor.