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 Sujet du message: [Fanfic] Facéties nocturnes
MessagePosté: Mar 12 Déc 2023 14:40 
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Bien le bonjour, lecteurs égarés !

J'espère que cet écrit vous divertira, surtout en ces temps troubles... Encore un qui était initialement publié sur ff.net, et que j'ose déterrer pour vous soumettre aujourd'hui.

Vous trouverez en bas quelques infos supplémentaires sur cette histoire et sa genèse. Bon, vous verrez, elle ne casse pas trois pattes à un canard mais j'y suis très attachée.

Bonne lecture !


________________________________________


FACÉTIES NOCTURNES
- version Umi -

La lune s'était levée depuis un moment déjà. Le bateau, enfin, redevenait calme, après une journée particulièrement mouvementée. Un homme notamment était seul sur le pont et profitait de cette tranquillité qu'il savait provisoire. Mains dans les poches, Trafalgar Law fixait l'horizon noire en songeant à ce bien étrange coup du destin. Qui aurait cru, lorsqu'il s'était éveillé ce matin dans sa chambre personnelle du laboratoire de Punk Hazard, qu'il passerait la soirée et la nuit sur le navire des pirates du Chapeau de Paille ? La venue de son rival n'avait pas été prévue dans son programme et il avait fallu réorganiser tous ses plans. Bien des péripéties lui étaient arrivées durant cette journée mais finalement, il pouvait cocher la toute première case de sa grille d'objectifs: le vil et détestable scientifique Caesar Clown, responsable entre-autres d'enlèvements et de manipulations génétiques sur des enfants, avait été enlevé. Et dès le lendemain, à la première parution du journal, le Corsaire Doflamingo tomberait !

Par acquit de conscience, l'homme tourna la tête et jeta un regard sur le savant fou : les mains attachées dans le dos, celui-ci dormait la bouche ouverte, comme en témoignait la bulle qui sortait de son nez et qui gonflait au rythme de ses inspirations. Devant ses cris, marchandages et pleurs de terreur, le médecin renne de l'équipage de Chapeau de Paille avait fini par lui administrer quelques tranquillisants en fin de soirée. Riche idée qu'il avait eue là.

Rassuré, le pirate reporta son attention sur les eaux sombres. Tout était calme. Peut-être même un peu trop. Mais dans le Nouveau-Monde plus que nulle part ailleurs, il savait que ce calme était illusoire. Le danger pouvait arriver n'importe quand et surgir de n'importe où. Et comme pour lui donner raison, la tête d'un jeune monstre marin émergea de l'eau en poussant un couinement grave – certainement un écureuil des mers à en juger le panache de poils écailleux qu'il agitait à sa suite. L'homme et la créature se dévisagèrent un instant avant qu'elle ne replonge tranquillement.

Mais le danger le plus immédiat, bien avant les tempêtes et la faune marine, était bien évidemment son ennemi. Doflamingo en personne pouvait arriver d'un moment à l'autre pour combattre celui qui menaçait son précieux business. Ah, et aussi peut-être pour venger ce qu'il avait fait subir à ses subordonnés. A cette idée, un sourire féroce fendit le visage du jeune pirate. Trafalgar Law était conscient qu'il ne parviendrait pas à s'endormir, cette nuit. Pas avec la pression qui pesait sur ses épaules. Pas avec toutes les idées qu'il avait en tête. Il ne devait pas fermer les yeux, sous aucun prétexte. Pour se détendre et profitant de sa solitude sur le pont désert, il s'appuya contre la rambarde du bateau et prit une longue inspiration avant de pousser un profond soupir qui fit s'affaisser ses épaules. Puis il remua la tête en savourant le plaisir que lui procurait le craquement des os de son cou.

Il avait beau avoir l'habitude des nuits blanches, il ne serait pas contre une petite tasse de café, à cet instant…

Soudain, un bruit attira son attention ; la porte du salon-aquarium s'ouvrit et un rai de lumière illumina l'herbe verdoyante sous ses pieds. Puis la porte se referma doucement. Elle avait cependant été laissée ouverte assez longtemps pour qu'une odeur de cigarettes n'emplisse les narines du pirate. Quelques pas se firent entendre. Ils semblaient approcher de lui. Trafalgar Law retint un nouveau soupir, d'agacement cette fois. Il n'aimait pas l'idée qu'on vienne lui taper la causette à cette heure-ci, alors qu'il était si bien tout seul. Alors il garda le regard rivé vers l'horizon, juste en dessous de l'astre gibbeux qui scintillait et se reflétait sur l'eau.

Le pas était léger et élégant. Il n'appartenait donc ni au capitaine, ni au bruyant tireur. Ni même au petit médecin. C'était déjà ça de gagné sur sa tranquillité nocturne. Il avait soupé de leurs simagrées et de leur voix stridente pour le reste de la semaine. Ses soupçons se confirmèrent lorsqu'une main osseuse de posa sur la rambarde à quelques mètres de lui.

_ Bien le bonsoir, très cher Law, salua le squelette d'une voix polie.

L'interpellé marmonna un rapide salut, peu désireux de faire la conversation. Un silence s'installa, uniquement rompu par l'occasionnel clapotis des vaguelettes qui léchaient la coque du bateau. L'air était doux. La mer d'huile. Le vent léger. Pour un peu, le pirate se serait cru sur Calm Belt.

_ Quelle belle soirée, n'est-il pas ? relança le musicien en sortant d'on ne savait où un thermos qu'il déboucha, révélant une savoureuse odeur de thé.

Law ne répondit pas et fixa cette fois la lune. On pouvait apercevoir les cratères qui parcheminaient sa surface illuminée. Depuis combien de temps n'avait-il pas pris le temps de l'observer ? Déjà, le squelette mélomane reprenait d'une voix plus douce :

_ Mes jeunes compagnons sont plein d'énergie. Il est vrai que si toutes les journées sont généralement agitées comme celle d'aujourd'hui, j'ai un petit faible pour le calme et la tranquillité de la nuit.

Même si les orbites étaient vides, le jeune pirate sentit son regard qui le fixait. Le squelette continua :

_ Vous pouvez dormir sans crainte, vous savez. Tout là-haut, dans la vigie, nous avons un guetteur qui veille au grain.

Il était vrai que Roronoa Zoro n'avait pas été aperçu de toute la soirée, malgré la petite fête que Luffy avait improvisée pour célébrer son arrivée et celle des deux samouraïs sur le navire. Cet homme à l'apparence froide semblait avoir la jugeote qui compensait celle de son capitaine. Trafalgar Law ne doutait pas une seconde qu'au moindre danger, Zoro-ya ferait son devoir et les réveillerait tous. Mais le capitaine des Heart Pirates n'était pas tranquille. Le danger pouvait survenir au moindre moment. De plus, même si l'équipage du Chapeau de Paille semblait être constitué en grande partie de joyeux débiles, il n'oubliait pas qu'une prime non-négligeable était sur la tête de tous ses membres. Ils pouvaient constituer une réelle menace pour sa peau de pirate si son attention se relâchait et qu'ils décidaient de rompre l'alliance. Il y avait toujours un risque. Le doute devait toujours subsister.

_ Deux précautions valent mieux qu'une, Brook-ya, répondit-il à son interlocuteur.
_ Votre raisonnement est logique. Même si nous sommes alliés, vous faites preuve de sagesse en restant sur vos gardes. Puis-je tout de même vous proposer une tasse de thé ?
_ Je ne bois pas de thé.

Le squelette eut un mouvement de stupeur, ne comprenant certainement pas qu'un homme ne puisse apprécier une boisson aussi délicieuse. Trafalgar Law s'en fichait. Le liquide qui coula dans la tasse fit un joli bruit.

_ Notre cuisinier me gâte, souffla le grand squelette. Le thé est mon petit pêché mignon. Alors à chacune de nos escales, il me fait goûter à de nouvelles saveurs. C'est une personne très généreuse. Est-ce que ça fait mal ? demanda-t-il à brûle-pourpoint.

Le pirate resta un instant interdit, avant de comprendre que la question lui était vraiment adressée. Il fronça les sourcils.

_ Pardon ? Qu'est-ce qui fait mal ?
_ Vos tatouages, là, sur vos doigts. Est-ce que c'est douloureux ?

Baissant le regard sur ses bras, Law remarqua qu'effectivement, ses mains posées sur la rambarde laissaient voir les lettres encrées sur ses phalanges, faiblement éclairées par la lumière de la lune. Venant d'une créature dépourvue d'un quelconque tissu mou, la question était effectivement légitime.

_ Plus maintenant, non. Sur le moment, oui. Un peu.
_ A mon époque, ces marques n'étaient pas en vogue. Seuls les prisonniers, les esclaves et les bêtes étaient tatoués. A présent, en me promenant en ville, je remarque de plus en plus de jeunes qui en portent par coquetterie. C'est apparemment entré dans les mœurs. Les gens qui se souviennent des tatouages « d'avant » ne doivent plus être aussi nombreux que cela désormais ! Encore une chose qui a évolué sans m'attendre, yohoho !

Law tiqua à l'idée d'être jugé « coquet » par un type qu'il ne connaissait pas et s'apprêtait à répliquer vertement lorsqu'une question s'imposa dans son esprit:

_ Est-ce que ça fait mal, d'être mort ? s'entendit-il demander.

Le squelette ne répondit pas tout de suite, si bien que Law pensa qu'il n'avait pas entendu. Il posa la tasse sur la rambarde et reboucha son thermos, avant de le ranger dans sa boîte crânienne fendue, qu'il referma dans un claquement sec – par la suite, cette anecdote resterait gravée dans la mémoire du Chirurgien de la Mort pour le restant de ses jours comme étant la plus étrange et la plus fascinante qu'il eut observée de ses yeux. Les mains osseuses entourèrent la tasse chaude en forme de tulipe, de laquelle s'évaporait une délicate fumée blanche. Un soupir invisible mais très audible s'échappa des dents de l'individu.

_ De tous les thés qu'il m'eut été donné de goûter durant ma longue vie, mon préféré est celui que je buvais autrefois après mon entraînement, lorsque je n'étais qu'un jeune soldat dans la garde de mon royaume natal. J'ai eu l'occasion de tester bon nombre de thés mais le Oswald El-Raggan reste mon favori. Et notre cher Sanji veille toujours à m'en procurer un sac, où que nous allions.
_ Très intéressant, railla le pirate avec un sourire. Et donc ?
_ Un jour, je suis mort. Et lorsque je suis revenu à la vie, prêt à honorer la promesse faite à un vieil ami, ma joie d'être de nouveau dans ce monde a très vite été éclipsée par une autre vérité : je ne sens plus rien. Plus rien du tout. Cette tasse que je touche, me paraît froide. Ce thé que je bois semble glacé et n'a même pas de goût. Et cette douce vapeur d'effluves ne m'apporte en réalité que du vide. Voyez-vous, cher Law, pour répondre justement à votre question… Je dirais que la mort en elle-même n'est pas douloureuse. J'ai vécu cela comme un moment de libération. Très bref. C'est plutôt….ce qui vient après, qui est difficile à accepter. Le Fruit de la Résurrection m'a certes redonné une vie…mais une part de moi se demande qui je suis, en ce moment même, et où je vais.

Le plus jeune hocha la tête, le regard dans le vide. Il tenta de se mettre dans la peau du squelette, avant de se dire que même en essayant, il n'y parviendrait pas. C'était une de ces situations qu'il fallait vivre pour les comprendre réellement. De tous les compagnons farfelus de Luffy au Chapeau de Paille, ce musicien était assurément l'un des plus mystérieux. Et cela rendait le Grand Corsaire plutôt curieux.

_ Comment… commença-t-il en cherchant ses mots, comment vis-tu au quotidien ? Tu sembles arriver à marcher avec beaucoup de souplesse malgré l'absence d'articulations… Tu as des cheveux alors que tu n'as plus de cuir chevelu. Je t'ai entendu claquer des doigts pour battre la mesure tout à l'heure alors que tu n'as plus de peau. Tu as dit à Sanji-ya que tu trouvais son repas délicieux, tu bois et tu manges comme si tu avais un estomac…

En fait, il devait se l'avouer : l'homme de médecine qu'il était crevait d'envie d'étudier ce phénomène ! Si Doflamingo arrivait et que sa route de jeune pirate devait s'arrêter cette nuit, une chose lui disait qu'il ne pourrait pas rejoindre l'Enfer sans regret s'il n'observait pas cette créature d'un peu plus près.

Le squelette fronça les orbites, en pleine réflexion. Les questions du Chirurgien de la Mort l'avaient interpellé.

_ Cher Law, je comprends bien vos questions. Laissez-moi juste vous expliquer une petite chose…

Il laissa son regard errer dans l'océan un long moment.

_ J'en ai aucune idée, asséna-t-il enfin avant de siroter bruyamment sa tasse de thé.
_ Alors pourquoi avoir pris autant de temps pour répondre ?! cria le capitaine en serrant ses doigts sur la rambarde.

La tasse fut rangée tranquillement aux côtés de la bouteille thermos avant que le squelette ne se tourne vers son interlocuteur.

_ Mais voyez-vous, très cher Law, s'il y a bien une chose que je regrette au quotidien, c'est de ne plus pouvoir sentir ces sensations dont je vous parlais à l'instant. Les sensations des corps vivants. Cela fait tellement longtemps que je ne les ai plus ressenties que je me demande si les souvenirs que j'en ai ne sont pas exagérés.

Law sursauta lorsque le squelette plia un genou à terre en regardant dans sa direction. L'homme ne pouvait pas le voir mais il sentait la détermination de Brook-ya comme si le regard pourtant inexpressif le brûlait.

_ J'ai une faveur à vous faire, capitaine Law. Accepteriez-vous de me faire redécouvrir ces sensations, ne serait-ce que pour quelques instants ? En observant votre fascinant pouvoir à l'œuvre ce matin, je me suis rendu compte que vous étiez probablement le seul homme au monde à pouvoir exécuter mon petit caprice…

La demande prit le pirate de court. Jamais il ne se serait attendu à ce qu'on lui pose un jour cette question. Il fronça les sourcils et répondit après un instant de réflexion :

_ Brook-ya, je ne suis pas sûr que ce soit très bon pour toi. Accepteras-tu vraiment de revenir à ta condition de squelette après avoir re-goûté à une condition de vivant ?
_ J'en assumerai l'entière responsabilité ! Mon corps sans chair est désormais mon quotidien, après-tout.

Le Capitaine Corsaire hésitait. L'occasion était unique et faisait intérieurement frétiller de curiosité l'homme de science qu'il était. Bien sûr qu'il avait envie de tester par lui-même les limites d'un corps de squelette. L'opération était somme toute d'une simplicité enfantine : échanger leurs âmes et que le corps de Brook-ya accueille la sienne, et vice-versa. Mais il n'était pas prêt à faire la concession principale : s'il permutait son âme avec celle du squelette, il perdrait également l'ascendant du contrôle de son Fruit du Démon, puisque le pouvoir d'un maudit des flots était rattaché au corps de son porteur. Et ça, il ne pouvait pas se le permettre. Pas cette nuit. Et si le squelette refusait de réutiliser son pouvoir et d'échanger leurs âmes pour les remettre dans leur corps d'origine ? Là, il serait bien embêté !

C'était la raison pour laquelle Trafalgar Law n'avait encore jamais permuté sa propre âme avec celle de quiconque.

Malgré son énorme envie de vivre quelques instants dans la fourrure de son navigateur – lors d'une discussion, ils s'étaient un jour faits le pari que Law parviendrait à maîtriser l'antique technique mink de l'Electra que Bepo n'avait jamais assimilée, jamais il ne serait passé à l'acte de peur que l'ours échoue à leur rendre leurs corps respectifs.

Apparemment, les pensées du squelette semblaient suivre le même cheminement puisqu'il pencha la tête sur le côté, en pleine réflexion. .
Lui aussi devrait alors accepter de céder son pouvoir de Résurrection à une autre personne. Par exemple, même pour quelques minutes, il ne pourrait plus faire voyager son âme en-dehors de son corps. Et ça, mine de rien, c'était très pratique, notamment pour veiller sur les deux jeunes créatures qui dormaient innocemment dans la pièce la plus secrète du navire, aux côtés d'un petit démon fourbe et lubrique ! Mais il était prêt à prendre le risque et à échanger cette capacité avec un autre, pour cette soirée.

Avec un soupir, Trafalgar Law posa les yeux sur Brook qui était toujours agenouillé.

_ Hum... Si tu deviens trop problématique, de toute manière, je t'envoie à la flotte et ça annulera l'échange. On fait comme ça ?

Le squelette baissa la tête dans une posture noble et acquiesça cérémonieusement :

_ Marché conclu ! Je vous remercie mille fois de me faire vivre ces sensations et de me prêter votre corps !
_ …
_ Je… Sortie de son contexte, cette phrase-
_ J'avais saisi l'idée.
_ Pardon, c'est que-
_ N'en parlons plus. Plus jamais.

L'homme au chapeau se recula d'un bon pas du musicien et se concentra. L'anneau bleuté de son pouvoir jaillit de sa paume avant de grandir d'un seul coup, les englobant tous les deux. Brook leva la tête, curieux de la sensation de chaleur moite et crépitante que l'on ressentait à l'intérieur de la room du Chirurgien de la Mort.

Très rapidement, le mot marmonné claqua dans la nuit.

_ SHAMBLES.


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La première sensation que ressentit Trafalgar Law fut un vertige aussi violent qu'instantané. Toutes les personnes s'étant un jour retrouvées confrontées au pouvoir du Chirurgien de la Mort s'accordaient à penser qu'une permutation se vivait à la manière d'un hameçon qui vous poinçonnait le ventre pour brutalement le tirer en avant. C'est exactement ce que le pirate ressentit. Pour la toute première fois, il vécut par lui-même ce qu'il avait fait subir à ses « patients ». Par instinct, il ferma les yeux et s'agrippa à la rambarde de bois.

L'étrange perception disparut aussi rapidement qu'elle était apparue et Trafalgar Law rouvrit les yeux, gêné d'avoir fait preuve de faiblesse en territoire insécurisé – et qui plus est en expérimentant les effets de son propre pouvoir !

La première chose qu'il vit fut la lune, toujours aussi lointaine, immense et brillante. Mais c'est à ce moment-là qu'il perçut le changement. La lune était pourtant identique à celle de quelques instants auparavant mais…c'était étrange. Il ne la percevait pas de la même manière. Il ne l'apercevait pas de la même manière. Comme s'il regardait à travers des lunettes ou un escaméra malade. Il prit alors pleinement conscience des effets de son pouvoir : en empruntant le corps d'un autre, il avait aussi quitté le confort de sa vue d'homme jeune en pleine santé.

Immédiatement, il baissa les yeux sur ses mains et eut un sursaut en découvrant les membres osseux qui les remplaçaient.

Des mains de squelette.

Évidemment, réalisa-t-il pour chasser le malaise qui l'envahissait soudainement. C'était prévu depuis le début et c'était signe que l'opération avait été un succès. Mais entre l'imaginer et se retrouver avec la réalité, pour ainsi dire, entre les mains, c'était autre chose ! Fasciné, Trafalgar Law approcha les doigts d'os de ses yeux et lentement, les déplia, observant avec une curiosité admirative les phalanges se mouvoir sans posséder la moindre articulation. Pour tester le toucher, il fit glisser un index sur l'arête de la rambarde, s'étonnant de la sensation de l'os sur la surface dure.

C'était, assurément, une expérience étrange. Brook-ya avait raison : il ne sentait plus rien. Comment aurait-il pu, d'ailleurs, puisque sa peau et ses mécanorécepteurs avaient disparu ? Mais la vérité était pourtant là : il parvenait à toucher et à ressentir le bois contre l'os. La sensation était grossière puisqu'il ne pouvait pas discerner toutes les aspérités de la rambarde, mais il sentait son doigt gratter le bois.

Ce squelette était un paradoxe à lui tout seul. Et rien que pour vivre ces sensations, Trafalgar Law ne regrettait pas d'avoir permuté leur âme.

Mais déjà, un autre sentiment étrange s'emparait de lui : il découvrit le silence intérieur de son corps d'emprunt. Celui du squelette était, de manière logique, tout à fait inerte. Le corps ne tremblait pas. Il ne sentait pas le sang pulser à ses oreilles. Il ne sentait pas les infimes mouvements de ses entrailles en pleine digestion.

Son cœur, également, ne battait pas.

C'était la sensation la plus dérangeante de sa vie. Glaçante. Heureusement, cette situation nouvelle ne serait que temporaire. Bientôt, il retrouverait la quiétude de sa propre enveloppe. Il eut une pensée admirative pour Brook-ya, qui vivait dans ce corps mort au quotidien.

Le jeune médecin tourna la tête sur le côté – il en était capable ! Sans muscle ! Sans oreille interne ni cerveau pour conserver l'équilibre de sa posture ! – et découvrit avec stupéfaction son corps d'origine en proie aux mêmes exercices de pliage de doigts : Brook-ya avait ouvert la bouche, les yeux gris et humides tressautant d'une main à l'autre.

Le musicien était ému aux larmes.

Gêné et agacé de l'expression dégradante que son visage affichait, Law choisit pourtant de prendre sur lui. C'était la première fois que l'homme mort retrouvait les sensations d'un être vivant. A sa place, lui-aussi se laisserait certainement aller.

_ Tout va bien, Brook-ya ? demanda-t-il à son voisin.

Pour toute réponse, ce dernier, le regard dans le vague, leva une main devant son oreille et claqua des doigts en une mesure rapide et régulière, semblant apprécier la musicalité de la peau tatouée. Il leva l'autre main à hauteur de la première et cette-fois, claqua les paumes. Il finit par essuyer les yeux couleur d'orage d'un revers de manche et se tourner vers le corps à la coupe afro.

_ Oooooooooh yeah ! Je retrouve la musicalité des vraies mains ! Law-san, dans mon corps d'os, pourriez-vous claquer des doigts, je vous prie ?

Surpris par la demande, ce dernier s'exécuta. Il essuya quelques échecs avant de parvenir à tirer un son des doigts osseux. La sensation était désagréable. Les os seuls n'étaient pas faits pour cet usage. Law répéta l'exercice cinq ou six fois avant de s'arrêter. Il n'aimait déjà pas faire de la musique dans son corps, il n'allait certainement pas s'y mettre dans celui-ci ! Le musicien reproduisit à son tour quelques claquements de doigts. Le son était clair et bien plus mélodieux.

_ Ah, voilà ! Merci. Je voulais juste entendre la différence entre nos deux constitutions. Quelles… Quelles sensations, Law-san… Je… Quelle formidable piqûre de rappel ! Je sens le poids de mes organes… J'ai… J'ai de nouveau quelque chose entre les jambes ! Yohoho ! J'ai même une barbiche, regardez ! Et je… J'ai un cœur qui bat !

Law ne répondit pas. Que pouvait-il ajouter de plus ? Le squelette continuait, une main sur le cœur et les yeux rieurs :

- Non mais écoutez-le, ce gaillard ! Poum-poum ! Poum-poum ! Poum-poum ! Quel beau son ! C'est le son des vivants ! Oh ! Mais attendez !

Une langue rose vint humecter un instant les lèvres fines. Law vit avec surprise son corps originel se mettre à siffler… avant d'éclater de rire, adoucissant et rajeunissant les traits du Chirurgien de la Mort pour quelques secondes.

_ Yohohoho ! Je peux de nouveau siffler ! Voilà plus de 50 ans que je pouvais plus le faire ! C'est formidable ! Mais… cela veut donc dire que je peux de nouveau jouer de la flûte et de la trompette ! Pardonnez-moi, Law-san, dit-il en s'approchant du corps squelettique, vous permettez ?

Sans attendre la réponse, Brook glissa une main chaude et charnue sous la chemise cintrée du squelette et, faisant fi de Law qui se tortillait de mécontentement, sortit de la cage thoracique une petite flûte blanche.

_ Voici mon flûtiau en os de yack, un trésor de famille. Je jouais souvent de cet instrument lorsque j'étais soldat.

Brook porta la flûte à ses lèvres et en tira une portée harmonieuse et juste. C'était un air à la fois entraînant et mélancolique, chargé d'histoire et de souvenirs. Law constata avec une pointe d'envie la capacité qu'avait le vieil homme à parvenir à tirer quelques notes issues d'un corps de médecin qui n'avait jamais touché au moindre instrument de musique – ça, c'était une certitude ! L'autre repartit dans ses larmes de bonheur en riant bruyamment. Law fut agacé de voir l'usage que Brook faisait de son corps, le transformant en un ridicule sac à rire. Il rajusta sa chemise froissée et décida de ne plus se laisser faire.

_ Oï, Brook-ya ! grogna-t-il à l'intention de celui qui tentait de reprendre sa respiration. Aie un peu de respect envers « moi » et arrête un peu tes expériences farfelues !
_ Mais je ne vois pas ce que je fais de mal, Law-san ! Vous ne pouvez pas imaginer ce que je-…
_ Oui, je sais, mais aie la décence de ne pas me faire prendre ces expressions ridicules.

Conscient néanmoins de la nature de sa demande, il prit une profonde inspiration pour se calmer. Brook sembla le remarquer car il cessa de glousser et dévisagea le corps squelettique avec cette fois tout son sérieux malgré sa position assise sur le sol d'herbe, flûtiau posé à côté de lui.

_ Law-san, je vous entends respirer et soupirer depuis tout à l'heure mais vous savez que c'est inutile, hein… Vu que ce corps est décédé, il n'a plus besoin d'air.
_ C'est…très juste, effectivement. Mais je crois que c'est par habitude.
_ Je comprends, acquiesça Brook, sourcils froncés. Il me semble qu'il m'avait fallu quelques jours avant de me faire à cette idée. On garde longtemps les vieilles habitudes.

Quelques instants s'écoulèrent, avant que le musicien ne reprenne d'une voix douce :

_ Alors ? Dites-moi à présent : qu'est-ce que ça fait d'être mort ?

La question sonnait étrange mais la situation l'était tout autant.

_ Ma foi. C'est totalement différent que ce que j'ai connu jusqu'à présent, admit Law en fixant Brook du coin de l'orbite. Je ne sens plus mon cœur battre. C'est le changement le plus troublant, je dirais. Alors qu'on n'y fait pas forcément attention en temps normal. Le reste, c'est étrange et je pense qu'on s'y f-… Quoi ? Que se passe-t-il ? s'interrompit-il en voyant l'expression du visage de son interlocuteur.
_ Je… Est-ce que… Vous êtes en train de me regarder, là ? demanda Brook, les sourcils froncés.
_ Heu… Oui, bien sûr. Pourquoi cette question ?
_ Parce que je suis en train de prendre conscience que mes orbites vides sont parfaitement dénuées d'expression. Je ne m'étais jamais rendu compte de cela.
_ Si je tourne la tête dans ta direction, est-ce que ça va mieux ? interrogea Law en plongeant son regard dans les prunelles grises.
_ Ah, voilà, beaucoup mieux ! J'y songerai, à l'avenir… Tourner la tête dans la direction des gens pour leur montrer que je les écoute. C'est très important.

Law ne répondit pas et s'assit à son tour sur le pont, aux côtés de son camarade d'expérimentation. Ils restèrent un instant dans leurs pensées. Quelle nuit improbable… Brook, soudain, se redressa sur les genoux et fit face à Law. Tendant d'un coup les mains de chair tatouées vers le squelette, Brook déboîta le crâne d'os pour sortir la bouteille-thermos. Law poussa un cri bref et dégagea sa tête d'un geste brusque. La boîte crânienne se referma en un claquement sec.

Le pire, là-dedans, c'était qu'il n'avait rien senti !

_ Bon sang ! lâcha-t-il, une main osseuse posée sur le cœur qu'il n'avait plus. Brook-ya, préviens-moi, la prochaine fois que tu veux faire une chose pareille !
_ Toutes mes excuses, Law-san, répondit distraitement l'homme de chair en débouchant la bouteille.
_ Une thermos dans le crâne, une flûte entre les côtes… Tu es plein de surprises, Brook-ya.
_ Yohoho ! Vous savez, cher Law, il faut bien trouver des combines pour rendre agréable l'utilisation de ce corps de squelette au quotidien. Je suis multifonctions, comme dirait notre charpentier. Au passage, si jamais il vous venait à l'esprit de vous amuser à votre tour avec cette capacité, sachez que les autres objets se trouvant dans mes cavités osseuses me sont très précieux. Je vous demanderais donc de bien vouloir ne pas y toucher.

Law ne répondit pas et hocha la tête, compréhensif. Après-tout, Brook-ya avait le droit d'avoir son jardin secret. Il regarda son corps originel verser un peu de thé ambré dans la tasse. Les yeux couleur d'orage s'écarquillèrent en sentant la chaleur de la porcelaine se diffuser dans ses doigts. Il inspira profondément le parfum qui s'exhalait de la tasse fumante. Une unique larme, très différente des premières, roula sur la joue basanée ; le musicien était en proie à des souvenirs qui n'appartenaient qu'à lui.

_ Oswald-El-Raggan, murmura-t-il, un sourire mélancolique aux lèvres alors qu'il s'apprêtait à redécouvrir les saveurs oubliées depuis plus de cinquante ans.

Law choisit de le laisser dans ses pensées et entreprit de remuer ses orteils d'os dans les élégantes bottines de cuir. La nuit était belle. Doflamingo n'était toujours pas en vue. La soirée se passait bi-...

_ C'EST CHAAAAAAUD ! hurla soudain son voisin en projetant sa tasse sur le pont d'herbe.

________________________________________


De nouveau seul à la rambarde, Trafalgar Law dans son corps d'emprunt avait repris sa contemplation de la lune. Après tout le thé qu'il avait bu, son voisin l'avait quitté quelques instants auparavant pour assouvir un besoin naturel et « retrouver le plaisir de pouvoir uriner par-dessus bord ». Mais devant le temps qu'il mettait pour revenir, il le soupçonnait plutôt d'en avoir profité pour continuer ses expériences farfelues loin de lui. Il s'en agaça. Tout ce que le Chirurgien de la Mort voulait, c'était ne pas avoir de problèmes et ne pas paraître faible, surtout devant un équipage qui n'était pas le sien.

Derrière-lui, Caesar Clown changea de position et se mit à ronfler. La bulle qui sortait de son nez ne pouvait pas le tromper : le scientifique fou était toujours sous somnifère. Law s'en détourna pour de bon et se mit à songer à la folle journée qui se passerait le lendemain, après l'abdication de Doflamingo. Si le plan se passait comme il l'avait prévu, tout irait bien. Ce qu'il redoutait pouvait se résumer à deux choses : qu'une perte inutile de son énergie l'empêche de porter le coup fatal à son ennemi…et bien sûr, l'imprévisibilité de Chapeau de Paille. Mais il gardait confiance malgré tout. Il y avait eu des débordements la veille, certes, mais il ne doutait pas que Luffy-ya ait compris l'importance de respecter le plan à la lettre pour la réussite de l'opération.

La stupidité de son propre raisonnement lui tira un soupir.

Non. Évidemment. On parlait de Luffy-ya. Le garçon assez…téméraire pour partir sur le champ de bataille opposant Barbe-Blanche aux forces de la Marine. Le garçon assez inconstant pour envoyer en l'air le scientifique qu'il devait seulement capturer. Le garçon qui festoyait au milieu des Marines, juste pour passer un bon moment.

Quelque chose allait merder. Forcément. Obligatoirement. Le problème était de prévoir à quel moment précis.

La porte du salon-aquarium s'ouvrit pour la deuxième fois de la soirée tandis que Law poussait un deuxième soupir. Heureusement qu'il pouvait compter sur l'équipage de cet énergumène, dont le calme et la prudence contrebalançaient les frasques du capitaine. Il l'espérait.

_ Un problème, Brook ? demanda Sanji-ya en se postant à-côté de lui.

Law ne réagit pas de suite, d'abord agacé d'être de nouveau dérangé, puis confus. Brook ? Ah oui. C'est vrai qu'il se trouvait toujours dans l'enveloppe corporelle du squelette. Par fierté, il choisit de ne rien laisser paraître.

_ Tout va bien, répondit-il évasivement au cuisinier.

Sanji fronça les sourcils et leva les yeux vers son voisin coiffé d'un afro. Il finit par jeter son mégot dans les flots noirs et s'allumer une autre cigarette.

_ J'ai la prétention de bien te connaître, et je crois deviner que tu n'es pas comme d'habitude ce soir. Que t'arrive-t-il, vieux frère ?

Law leva les yeux au ciel – chose impossible à discerner lorsqu'on avait des orbites vides – en pestant contre la clairvoyance du coq blond. Pris au piège, il s'apprêtait à prendre la parole lorsqu'un doigt triomphal se leva :

_ Ah ! Je sais. C'est le petit merdeux pervers qui dort avec nos déesses qui te met dans cet état, pas vrai ?

Pour ne pas être découvert, Law hocha la tête et s'offrit même le luxe de pousser un autre soupir. Avec un rire, Sanji-ya passa une main fraternelle entre les omoplates squelettiques et les frictionna vigoureusement.

_ J'en étais sûr ! Allez, t'en fais pas ! On en parlait avec Kin'emon tout à l'heure. Il m'avait suggéré de mettre des anguilles et des billes de tapioca dans son petit-déjeuner, parce qu'il paraît qu'il déteste ça. Mais j'ai refusé. On trouvera bien un autre moyen de lui rendre la monnaie de sa pièce, à ce profiteur plein de morve.

_ Si tu veux… Sanji-san, répondit Law en imitant la voix de Brook-ya.

Sanji se détourna de la rambarde et glissa avec malice au squelette :

_ Allez, pour te dérider – pardonne-moi l'expression – et montrer au samouraï ce que l'équipage au Chapeau de Paille a dans le ventre, je vais vous montrer le petit trésor que j'ai trouvé récemment.

Le pirate en Law dressa les oreilles, soudain attentif. Un trésor ? Vraiment ?

_ Est-ce que ce sont des pièces de monnaie de devises rares ? demanda-t-il en se tournant vers le coq.
_ Quoi ? Non ! Je te parle d'un trésor d'homme ! Je pensais la garder pour une grande occasion mais comme on dit, à situation exceptionnelle…

Devant l'absence de réaction du squelette renfrogné, le cuisinier fit quelques pas élégants en direction de la cuisine, avant de chantonner triomphalement :

_ Allez mon cher ami rouillé, je vais te donner à toi seul un indice qui va te mettre sur la voie : elle est de couleur parme, elle a de la dentelle sur les bords et un petit nœud violet sur le devant !~

Après un instant de pure stupéfaction, Law fit une grimace horrifiée – qui, là encore, passa inaperçue. Quoi !? Non mais c'était quoi ce gros pervers !?

_ Je vais faire quelques gâteaux et refaire des boissons chaudes alors installe-toi au salon tranquillement, d'accord ? Si tu arrives à dénicher Law, propose-lui de venir s'asseoir avec nous. L'autre abruti qui est à la vigie nous réveillera s'il y a un souci alors Traffy peut bien se détendre un peu…

Interdit, le squelette resta les bras ballants. La soirée prenait décidément une tournure… imprévue. Et il n'était pas sûr d'apprécier cela. Pas sûr du tout. Avant de refermer sur lui la porte de la cuisine, Sanji-ya lui sourit et ajouta :

_ Au fait, Brook, il faudra que tu nous en dises plus sur ton « plan diabolique pour reluquer les filles » dont nous tu parlais tout à l'heure. Parce que t'es sorti du salon juste après alors on n'en sait pas plus, nous. Ça m'intrigue.

De nouveau seul, Law fronça les orbites. Attends voir. Juste après que Brook-ya ait quitté le salon…ça correspondait au moment où…

Un cri retentit soudain en lui glaçant des fluides qu'il n'avait plus.

Long. Aigu. Typiquement féminin.

_ Non… C'est pas possible… souffla-t-il d'un filet de voix.

Il comprit le piège trop tard et n'eut pas le temps de réagir. Immédiatement, il ressentit cette horrible impression d'être tracté de force hors de son corps, ce vertige aussi incroyable que bref qui lui donna envie de vomir.

Et juste après, d'un seul coup, il sentit en lui circuler la vie.

Trafalgar Law venait de retrouver son enveloppe corporelle.

En d'autres circonstances, il aurait pris quelques instants pour savourer le retour du battement de son cœur, ressentir de nouveau le besoin de respirer et apprécier la pulsation du sang au bout de ses orteils. Mais là, présentement, il ne put que sentir sur sa peau retrouvée le souffle furieux d'une jeune femme, le poids léger mais efficace d'un corps à la chevelure rousse pressé contre le sien.

Ou plutôt, comprit-il après un clignement d'yeux hébétés : Nami-ya l'avait plaqué au sol et lui hurlait dessus. Une douleur cuisante et persistante lui fit réaliser que chaque mot prononcé était ponctué d'un poing dans sa figure.

_ Espèce de CONNARD dégueulasse ! Alors sous tes airs de coincé, tu cachais bien ton jeu, hein, gros pervers !?

La joue tuméfiée et un coquard naissant, Law bredouilla :

_ Arrête-fa, Nami-ya… V'y fuis pour rien dans fette hiftoire !
_ TA GUEULE ! Essaie pas de te défendre ! Tu vas commencer par présenter tes excuses à Robin !

La jeune archéologue, l'enfant du samouraï dans les bras, le scrutait d'un air indescriptible. Le petit garçon se réfugia contre la poitrine de la grande brune et gémit :

_ J'ai eu si peur, déesse Nami…
_ Déesse ? Mwoh, mon pauvre petit chéri ! ~ fondit la rouquine avant de se reprendre d'un coup. Quant à toi, espèce de minable…

La porte de la chambre des filles s'ouvrit à la volée, laissant entrer les pirates en pyjama. Luffy vit son allié à terre, le visage bosselé et éclata de rire. L'air sombre, Robin posa l'enfant et s'avança vers le pirate immobilisé. Quelques mains apparurent pour bloquer les bras et les mains de celui qui tentait de fuir la furie rousse. Alerté par le bruit, Sanji sortit de sa cuisine et rejoignit Brook devant la chambre. Observant la situation, le cuisinier grinça des dents et mordit dans son mégot.

_ Ce salopard a voulu se la jouer solo avec mes ladies… N'ayant craintes, mes princesses !~ Votre chevalier servant va se faire un plaisir de coller ce malotru dans le vivier à poissons !~
_ Law-san, qu'avez-vous donc fait à ces jeunes personnes innocentes, souffla Brook d'un air scandalisé. Merci pour tout, ajouta-t-il plus bas en s'inclinant respectueusement.

La position penchée du squelette cacha aux spectateurs le filet de sang qui coulait de ses fentes nasales. Il ramassa la bouteille thermos qui avait été posée à côté de la porte. Débouchant le contenant d'un geste habile, il renversa le reste de thé dans la tasse et s'éloigna tranquillement de son pas élégant, l'esprit rempli d'images polissonnes. Il songea que cette soirée était décidément magnifique, la lune toujours aussi insolemment lumineuse et belle. Cela lui donnait même envie de pousser la chansonnette !

_ Je m'en vais de bon matin…~

Franky et Usopp hurlèrent quelque chose qui ne parvint pas aux oreilles de squelette. Il s'en amusa. Après tout, comment aurait-il pu entendre quoi que ce soit, lui qui n'avait pas d'oreille ? Il adressa une prière silencieuse à ce cher Law ; le sens du sacrifice dont il avait fait preuve ce soir montrait au squelette combien cet homme pouvait être digne de confiance. Qui d'autre qu'un ami l'aurait couvert de la sorte, sans chercher à briser ses espoirs ni à empêcher son simple rêve d'homme ? S'il en avait douté, Brook en avait désormais la certitude : tant qu'il restait un souffle d'existence dans son corps de squelette, la vie valait bien la peine d'être vécue ! Il s'éloigna en direction de la rambarde tandis que derrière lui, dans cette chambre luxueuse et abondante de témoins compatissants, était prononcé un ultime mot magique :

_ CLUTCH !

________________________________________

Note de fin :

Comme évoqué en haut, cette histoire datant de 2020 a été le point de départ d'une belle aventure avec un groupe de très chers amis (qui se reconnaîtront et que je salue bien bas si d'aventure ils venaient traîner leurs guêtres en ces lieux~). Imaginée par mes soins, la première partie de ce texte (du début jusqu'au moment où Law procède à l'échange des corps) leur avait été soumise. Un objectif : terminer cette histoire. Le texte que vous avez lu est ainsi l'un des cinq scénarios possibles terminant cette histoire de base. Ce serait chouette si ces autres textes étaient publiés... [Allez les gars. Siouplaît.]

Brook est... sûrement, complètement, profondément OOC : jamais il ne serait aussi fourbe dans le manga.
Mais... je me mets à sa place en me disant que l'occasion était trop belle et que quitte à vivre une situation totalement inédite, autant en profiter jusqu'au bout. Écrire cette histoire m'a fait prendre conscience à quel point le personnage de Brook était sous-représenté dans le fandom, ce qui l'a rendu très facile à manier lors de l'écriture. J'ai adoré l'expérience et ai déjà hâte de recommencer.
Quant à savoir ce qu'il s'est réellement passé dans la chambre des filles durant cette nuit terrible, je laisse cela à votre imagination…

Au passage, il y a dans cette histoire un élément, qui est également mentionné dans "Facéties nocturnes", l'autre histoire de moi postée sur ce site. Vous voyez quel est cet objet commun ? Eh bien sachez qu'il s'agit là d'un easter egg d'une histoire que je n'ai pas encore écrite, et que je n'écrirai probablement jamais. Mais si un jour, je prends le temps de me pencher sur la rédaction de cette histoire, soyez assurés que j'en parlerai ! :D
Allez, jouons un peu : la première personne à m'envoyer un MP avec cet élément commun aux deux histoires gagnera quelque chose.

N'hésitez pas à me laisser un petit mot en commentaire, même quelques lignes, pour me dire ce que vous avez pensé de cette histoire.

A bientôt pour de nouvelles aventures !

Umi


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