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Inscription: 16 Fév 2009 Messages: 988 Localisation: Au fond de ton regard.
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Voilà un moment que j'ai écrit la suite à cette fiction, mais pour diverses raisons, je ne l'avais pas encore postée. Je vous présente à présent les chapitres dix à douze. Ces chapitres n'ont pas bénéficié de corrections par d'autres lecteurs. J'aurais aimé aussi m'étendre plus longuement, mais si je veux raconter mon histoire jusqu'au bout, il vaut mieux que j'avance sans tout modifier à chaque fois!Chapitre X Silhad – 17ansLe jour, le désert est une fournaise, il n’y a pas une seule ombre. Le soleil frappe sur la tête, le cou et la moindre parcelle de peau qui s’échappe à la protection des vêtements. Si le paysage reste toujours le même : du sable, rien que du sable, il n’en est pas moins toujours en mouvement. Le vent qui souffle déplace les dunes infinies qui dévorent toutes les constructions de l’Homme, et engloutie la Nature dans son ventre sablonneux. Seul le cours d’eau infini parvient à étancher la soif vorace du désert.
De nombreuses semaines s’étaient écoulées depuis que Silhad accompagné de Lonela et d’Oana avait quitté son village natal. Ils avaient parcouru bien des lieux, traversé de petits hameaux désolés, s’y arrêtant parfois plusieurs jours pour se reposer. A chaque nouvelle rencontre Silhad s’étonnaient combien toutes ces personnes menaient une vie si semblable à la sienne avant qu’il ne la quitte. Des pêcheurs, des chasseurs, des artisans… Parfois même, quand la géographie le permettait, des parcelles de terrains étaient allouées à l’agriculture d’orge ou d’autres céréales. Certains villages comptaient parmi leurs occupants des hommes ou des femmes qui avaient voyagé. D’anciens conteurs qui, trop vieux pour continuer la route avaient posé leurs bagages et vivaient en partageant les connaissances acquises chèrement leur vie durant.
Ses deux compagnes de voyage s’avérèrent de bien étrange compagnie. Très silencieuses quand le soleil était haut, elles devenaient à la tombé de la nuit d’humeur loquace et chaleureuse. Lonela et Silhad se rapprochèrent, partageant leur couche et des étreintes passionnées dans les nuits glaciales où ils trouvaient un lieu pour camper. Ils partagèrent rêves et espoirs. Peurs et colères. Ainsi, le jeune homme apprit que ses compagnes étaient à la recherche d’un ancien sanctuaire que leurs ancêtres avaient laissé au milieu du désert lorsqu’ils avaient entamé leur migration vers le sud. Ce pèlerinage que la mère avait entamé il y a bien longtemps pour le salut de son âme, la fille l’accomplissait par piété familiale. Et au cœur de la nuit, elle se confiait quant à sa réticence pour le mener à bien. Oana enseignait pendant les longues marches à Silhad les arts du chant. Le soir venu, elle lui apprenait à jouer de différents instruments. Si il s’avéra être un piètre chanteur incapable de moduler correctement sa voix, et un musicien honorable mais sans imagination qui se spécialisa dans la manipulation de la flute, occupant ainsi sa bouche à autre chose que d’égrainer de fausses notes ; il acquit cependant un don pour la conception des instruments.
Il est vrai que depuis tout petit il avait acquis auprès de ses parents les connaissances pour fabriquer des objets en bois et en cordes. Mais aussi bien le choix des matériaux que leur agencement et leur taille dans la création de luths, de lyres ou même d’instruments à percutions n’avaient rien à voir avec tout ce qu’il avait pu faire dans son enfance. De merveilleux sons s’échappaient de toutes ses créations, et même un débutant était capable de tirer de ses instruments de sublimes mélodies. La vieille Oana qui l’avait initié à cet art en était elle-même impressionnée. Cette vieille femme qui avait tant parcouru le monde, vu plus de merveilles de ses yeux qu’il n’y a de trésors dans le palais des plus grands rois, restait de longues minutes à contempler chaque nouvel instrument qui prenait naissance entre les doigts de Silhad. Au cours des veillées le soir, il inscrivait dans le bois des motifs délicats. Des oiseaux, des fleurs, de petits animaux… Et quand un joueur faisait chanter l’instrument, les gravures semblaient prendre vie. Lorsqu’un village les hébergeait, il offrait des syrinx de sa conception en guise de remerciement. Et longtemps après que le trio fusse partie, les habitants s’essayaient de longues heures durant à dompter les notes sauvages. Chapitre XI Silhad – 17 ans Ils avaient marché près d’une semaine sans une halte. Ne s’arrêtant qu’aux heures les plus chaudes, à l’ombre d’un des rares dattiers que les trop peu nombreuses oasis pouvaient offrir. Le reste du temps ils longeaient Pontos sinuant, court d’eau inlassable, au milieu des dunes de sable. Si en suivant le fleuve, personne ne pouvait mourir de soif, il était impossible de trouver de quoi se nourrir sur la portion qu’ils traversaient. Les poissons eux même semblaient fuir ce territoire, et au fond de l’eau, dans le lit même de Pontos, il n’y avait que de la pierre nue. Les palmiers ne portaient pas de dattes, les rares voyageurs, affamés, s’en étaient probablement déjà repus. Ils n’avaient croisé qu’un seul et unique groupe lors de cette semaine. Des saltimbanques qui après une demi-décennie passée à Riakel avaient décidé de revenir dans leur ville d’origine, grandis de nouveaux tours.
Quand enfin ils atteignirent un village au bout de sept jours de marche, Oana, Lonela et Silhad étaient épuisés, et désiraient par-dessus tout, trouver quelque chose à manger. Mais ils furent surpris car devant eux, un étrange paysage s’étendait. Le sable autour du fleuve avait laissé place à de la roche rouge parsemée de rochers de la même teinte. Au centre du fleuve un îlot ayant les mêmes caractéristiques que le reste de l’endroit émergeait des flots. Du point le plus élevés, de larges colonnes albâtres et crénelées s’élevaient vers le ciel. Elles avaient autrefois soutenu un toit, mais au fil des années celui-ci s’était affaibli avant de s’effondrer. Des seize colonnes originales, treize étaient encore debout. Les trois autres s’étaient brisées lors de la chute du toit. A présent, les pilonnes restant soutenait la voute étoilée la nuit et l’azur en journée. Un peu plus loin, de petites maisons s’étendaient sur le reste de l’île. Leurs murs étaient roses tandis que les arrêtes de ces bâtisses étaient blanches. Au centre des habitations, une tour blanche s’élevait. Des ponts partant des deux berges reliaient l’île. Sur chacune d’elle, un avant poste dans le même style que les habitations était gardé par un homme armé d’une lance de bois. C’est l’un d’entre eux qui accueilli le petit groupe de voyageurs.
« Halte, qui vient en Seneta ? - Je suis Oana du long voyage, et je suis accompagnée de mes enfants Lonela et Silhad. Déclara la plus âgée des arrivants. - Et que cherchez-vous en Seneta ? - Refuge mon ami. De quoi manger surtout et puis dormir sous un toit pour la nuit. Je n’arrive pas à me souvenir à quand remonte mon dernier séjour sous un toit. Répondit Silhad. - Nous sommes des musiciens mon tout petit garde ; Et nous paierons gîtes et couverts en musique, chantonna Lonela. » « Il vous faut accueillir, je crois ces trois bardes ; Je vous assure leurs talents sont uniques ! Continua-t-elle.»
La sentinelle marqua un temps d’hésitation, désarçonnée par les réponses de ses interlocuteurs, et surtout par la voix mélodieuse de Lonela. Mais il se reprit rapidement.
« Voyageurs, voyez, et le garde se retourna désignant sa belle citée embrasée par le soleil couchant, je garde l’accès de ce trésor. Nos greniers sont emplis de grains venus des champs fertiles en aval. Nous fournissons la grande ville de Riakel en céréale. Je m’assure donc que personne de mal intentionné ne pénètre en ville. » Le garde marqua une pause pour reprendre sa respiration. « Mais vous semblez honnêtes. Entrez donc en ville, et dirigez vous vers la Tour Blanche. Les voyageurs y sont accueillis. » Le garde s’écarta alors pour laisser entrer ses interlocuteurs. Ils le remercièrent de toutes ces informations, avant de franchir le pont qui les menait en Seneta.
Chapitre XII Silhad - 17 ansSeneta était le plus grand village qu’avait pu voir Silhad de toute sa vie. Cette île fluviale de plus de deux hectares où vivaient quelques centaines d’habitants se divisaient en quatres zones distincts. Tout au sud, sur le monticule s’élevaient les colonnes d’un temple ancien. Ou bien était-ce la demeure de quelque seigneur orgueilleux. Quoi qu’il en soit, les Senetes s’y rendaient pour se recueillir. C’est au centre de ce monument qu’avaient lieu les rites funéraires. Tout autour, des ibiscus fleurissaient. Chacun d’entre eux disait-on, représentait le cœur rouge et palpitant de vie des défunts. Venait ensuite de petites venelles et impasses conduisant aux habitations. Vu de plus près, ils semblaient que toutes ces demeures venaient d’un seul et unique bloc de pierre rose qui aurait été taillé et creusé pour y loger les familles. Le pont qu’empruntait le groupe de Silhad menait à cette partie de la cité. Après avoir serpenté entre les maisons, on débouchait sur une petite place carrée. D’étroites boutiques s’y tenaient. Un menuisier, un boulanger, un poissonnier, un veneur, un barbier… Au milieu de la place, une estrade. Le bourgmestre y faisait ses allocutions quand la situation l’exigeait. Mais le plus souvent, elle était réquisitionnée par les spectacles ambulants. Au coin nord-est, la tour blanche s’élevait, haute et fier dans le ciel. Cette tour servait d’auberge. Quand on y pénétrait par le rez-de-chaussée, on y trouvait une salle toute en coins et en recoins. Des tables cachées par des poutres verticales en bois soutenant l’édifice. Au comptoir, un petit homme à la longue moustache servait sa clientèle de boissons plus ou moins fermentées. Derrière lui, une porte menait à la cuisine d’où s’échappait des fumets à faire saliver n’importe quel voyageur affamé. La dernière partie de l’île était constituée par de nombreux silos garnis de graines, et d’un port emplie de larges embarcations. Ainsi, Seneta faisait office de grenier à Riakel, et approvisionnait par voie fluviale la puissante ville de centaines de tonnes de grains chaque mois.
Après avoir erré quelques temps dans les ruelles de roche rosée, d’un pas lent et régulier, toujours accompagné du son marquant son allure, Oana déboucha la première sur la place carrée. Dans l’ambiance nocturne, la petite troupe s’avança vers l’Auberge de la Tour Blanche. Des clameurs s’en échappaient. Les ouvriers agricoles et les transporteurs de grains s’amusaient et s’enivraient pour oublier le dur labeur de la journée passée, et de celui qui serait à venir le lendemain. Des plaisanteries graveleuses, des chants d’ivrognes, des danses titubantes… Quand la vielle femme accompagnée de ses deux jeunes compagnons entrèrent dans l’établissement, tous cessèrent alors leurs élans de vigueur. Le lent rythme du tambourin sonnant à chacun de ses pas était accompagné par le doux fredonnement de la jeune fille. Chacun dans l’auberge plongea dans une douce mélancolie venue du fin fond de leur enfance. Ils semblaient revoir le sourire de leur mère les attendant devant la maison après une journée de jeux avec leurs camarades, les rires de leur père lorsqu’il faisait une bonne plaisanterie. Oana arrivée devant le comptoir se retourna et saisit son tambourin à la main. Silhad attrapa sa flute, et se mit à égrener une mélodie que la vieille femme lui avait enseignée. Lonela cessa de fredonner pour chanter.
« Loin là haut dans le ciel, le nuage s’enfuit. Il s’en va loin du voyageur qui le suit. Assoiffé, affamé, effondré, effrayé, Il marche depuis si longtemps à la recherche d’un puit Desséché par le Soleil qui le cuit. Affolé, effrité, étouffé, effaré, Il désire un peu d’ombre et de pluie Avant que glaciale ne tombe la nuit.
Où vas-tu petit voyageur ? Il ne faut pas avoir peur L’eau n’est que vapeur Et tu n’es pas bon nageur.
Loin à l’Ouest il a sombré Avec ses rayons acérés Emoussé, asséché, lessivé, désossé, Il t’a laissé là, le corps zébré Par les brulures de ses traits Caressé, possédé, ramassé, fracassé, Continue, ne sois pas écœuré De la fin du chemin tu en es si près.
Où vas-tu petit voyageur ? Il ne faut pas avoir peur L’eau n’est que vapeur Et tu n’es pas bon nageur.
Accueilli au village par une lanterne Tu franchiras la poterne Appelé, appâté, échappé, apprêté, Souris, ne sois plus si terne Cesse tes balivernes Réchappé, env’loppé, agrippé, approché Bientôt tu boiras une citerne Dans cette jolie taverne.
Où vas-tu petit voyageur ? Il ne faut pas avoir peur L’eau n’est que vapeur Et tu n’es pas bon nageur. »
Quand les dernières notes se turent, les « viva » plurent. Applaudissement, les mains frappant les tables et les pieds le sol. On entendit des :
« Elle m’a bien donné soif cette chanson ! Tavernier, un godet ! » « Allez Amos, avec cette chanson, tu peux pas laisser ces voyageurs dehors » « Ils doivent être affamés ces troubadours, qu’on leur apporte de quoi manger ! » « Et de quoi lamper aussi !»
Le petit homme à la longue moustache derrière le comptoir se pencha vers les musiciens. « Voilà qui est bien fait ! Ils vont consommer. Et je ne peux qu’offrir à mes bienfaiteurs un rafraichissement. » Déclara le tavernier. « Bien le merci, répondit Lonela, me réhydraté la gorge fera le plus grand bien à ma voix - Et combien faudrait-il de chansons pour avoir à souper et une chambre ? s’empressa de demander Silhad. - Et bien, mon jeune ami impatient, continuez donc vos ritournelles jusqu’à ce que les derniers clients soient partis, et je vous offrirais la lune ! - Voilà un paiement qui ne manque pas d’intérêt, Oana sourit avant d’ajouter, deux chambres et un repas chaud nous suffiront au-delà de nos espérances. Et dormir une nuit dans une auberge tenue par un homme si prodigue vaudra toutes les lunes du monde. » L’homme éclata de rire. « Appelez-moi Amos ma chère amie, dit-il en faisant la révérence. Il ne sera pas dit que le tavernier de la Tour Blanche ne tient pas parole. Je vais vous faire préparer deux chambres tout en haut. Vous verrez, la vue est imprenable sur la lune. »
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Nous sommes de l'étoffe dont sont tissés les vents - Alain Damasio
Dernière édition par Celeglin le Dim 10 Fév 2013 05:48, édité 1 fois.
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