Tout commence par un plan apaisant, une musique classique, une voiture à l'intérieur de laquelle une famille se distrait en attendant d'arriver dans la maison de campagne, où une semaine de détente les attend. Serait-ce Bellini ? Monzini ? Haendel ? Falla ? Mascagni ? que nous entendons dans la radio ?
Non, c'est lorsque le spectateur se prend lui aussi au jeu, que l'image stoppe et nous offre du John Zorn, subitement, à en donner la nausée. Ca choque, on est saisi, mais ce n'est que le début. Il aurait presque mieux fallu que ça s'arrête là.
Mais Paul va être en sorte que non. L'enfer ne fait que commencer, et on ne va pas en revenir.
Come on Georgie Boy
Remake du film éponyme sorti en 1997,
Funny Games US est une sorte de célébration pour les dix ans du film, par le même réalisateur (!), recréant une seconde fois l'ambiance dérangeante et dérangée d'une journée apparement banale, qui va tourner au cauchemare pour un couple et son enfant. Et le fait (étant donné que je ne peux pas le comparer à son prédecesseur) est qu'il est diablement réussi.
D'un point de vue technique, les plans sont dans l'ensemble exceptionnelement bien choisis. Oubliant la tendance qui veut qu'un plan change toutes les cinq secondes minimum pour ne pas endormir le spectateur, on en revient aux vieilles traditions où un plan fixe peut rester jusqu'à cinq minutes. Et c'est que ça marche. Pour peu qu'on y ait déjà goûté par le passé, on sera ravi (enfin, dans la limite du possible) de se trouver avec du old-school qui nous foutrait la larme à l'oeil -de nostalgie, mais aussi pour la famille prise dans un étau indesserrable. Et si c'est la première fois que vous testez cela, tant mieux, vous serez choqués et c'est ce que tend à faire le film pendant une heure cinquante.
Magnifiques couleurs, dans l'ensemble blanches, dans une optique -sans doute- de symboliser une pureté qui n'existera au final pas. Assez pâles, tout au contraire d'agressives même -non, ça viendra d'ailleurs, ne vous inquiètez pas (si tant est que vous vous inquiètez de cela).
La bande-son n'existe pas, ou parce que les différents personnages en ont voulu autrement et nous font écouter ce qu'ils veulent, et renforce le réalisme du cadre, de l'histoire, de l'ambiance. Le choix de la musique du générique est, quant à elle, franchement discutable, tranchant radicalement avec le reste, beaucoup plus primitive et choquante, mais (même si je ne l'ai pas aimé) elle colle parfaitement à ce que nous allons, ce que nous sommes, et ce que nous avons vu (respectivement utilisée au tout début, au milieu et à la fin).
Concernant le jeu des acteurs, c'est l'un des rares films où toute le casting me laisse béat. Une fois n'est pas coutume, c'est le réalisme qui est de mise, et que dire si ce n'est que Naomi Watts est bouleversante, Tim Roth émouvant et Michael Pitt fascinant (nous prenant à un moment à part, regardant le spectateur comme un complice en lui glissant une réplique, froide comme les autres) ? Ceci résume bien ce que le film fait ressentir, tant le travail est admirable, sensibilisant, parfait en somme.
Une telle prouesse, une telle perfection, un tel paroxysme du réalisme ont été faite que c'est un véritable bijou cinématographique, qui me permet de qualifier ce film de véritable merde.
As mad as a clockwork orange ?
Oui, vous avez bien lu. Non, je n'ai pas pété une duritte. Oui, je pense ce que je dis. Non, je ne me contredis pas. Oui, c'est une merde.
Attention, j'ai employé le terme
merde, pas navet. La différenciation est importante à faire, puisque
Funny Games possèdent de réels et solides atouts cinématographiques.
Là où le fossé est creusé est, pour ma part, le fait que le film montre une violence gratuite, crue et effarante, mais ne semble pas avoir de fond. Après tout, il n'y a aucun caractère moralisateur, il n'y a pas de concessions, tout est montré/suggéré (et c'est pire que certains films où les entrailles et la cervelle dégoulinerait puisque le tout est extrèmement crédible), mais aucune question n'est soulevée. C'est un lac asséché que nous avons là et qui donne envie de vomir.
Car même, Haneke efface à un moment précis le réalisme du film, certainement pour nous montrer qu'il n'y a aucun échappatoire dans cette sanglante affaire et que l'inéluctable ne peut être évité, en faisant une sorte de retour-rapide sur l'action qui vient de se produire, hautement jouissive mais improbable. Par là, il casse la crédibilité du film, nous montre que ce n'est pas par là qu'il faut chercher cet abus de violence (et même, cette justification eût été vaseuse).
Aussi, la jouissance devant ce film est un sentiment qui n'est pas utilisé pour titiller le spectateur (bien que des gens dans la salle s'amusaient par ce qu'ils voyaient à l'écran -blaireaux, j'ai envie de dire), puisque tout y est suffisament malsain pour ne pas qu'on puisse s'en extasier, pour qu'il soit impossible de s'en délecter. C'est horrible, on détourne les yeux de l'écran, soit. Mais toujours est il qu'il n'y a pas de fond.
Rien. Nada. Si vous en voulez, allez voir ailleurs. Et si j'avais des suspicions quant à voir ce film, c'est parce que je craignais qu'il n'y en ait pas. Malheureusement, je n'ai pas été désillusionné, on nous offre là presque deux heures où l'on est balloté entre le malsain, le malaise, sans toutefois pencher pour l'un ou l'autre, à la limite des deux mais toujours indécis, et où il n'y a finalement pas de morale, pas de fond, pas de questionnement, que de la violence gratuite. Seule le dialogue entre les deux compères sociopathes sur le bateau offre une ébauche de réflexion, mais cela s'arrête malheureusement là.
Haneke tente de dénoncer la violence, la met en image pour cela, mais s'embourbe lamentablement et fait exactement le contraire
(*résiste à la tentation de faire un parallèle avec Gantz*) de ce qu'il voulait : Paul et Peter s'en sortant admirablement bien et continuant leurs forfaits, y a-t-il une quelconque critique ? Hormis avoir créé un malaise chez le spectateur, n'y a-t-il rien d'autre à en tirer ?
J'estime avoir perdu mon temps, malgré les atouts cinématographiques indéniables, puisque
Funny Games sonne atrocement creux, fait l'apologie de la violence et rien d'autre.
(J'ajouterai que la comparaison entre Orange Mécanique et
ceci n'a pas lieu d'être, tant les films sont à des années lumières l'un de l'autre : l'un étant un chef-d'oeuvre, l'autre -bis repetitae ad vitam eternam- une merde).
PS : Come on EnOd !