Comment ? Déjà le topic sur le dernier Tim Burton, un film pour lequel le très sérieux Studio CinéLive a dit, je cite, que c'était sa dernière merveille ? Les séances en avant-première existent, voyons ! En 3D et en VOST s'il vous plait !
Ce qui m'impressionne, c'est de voir que les seuls films que j'ai vu en avant-première sont des films que je n'avais pas une envie folle de voir. Ces films, ce sont CINÉMAN et ALICE IN WONDERLAND (on va l'appeler AIW pour pas s'emmerder). Il faut simplement savoir que j'accepte les avant-premières parce que soit elles m'ont été proposées avec des avances sexuelles, soit par un ordre familial (la famille, c'est sacré comme disait Vito), ce qui correspond respectivement aux deux excuses que je peux fournir pour les deux films. Mais bref, je suis sûr que ça ne vous intéresse pas (oh non, les anecdotes croustillantes ne sont pas sur ce topic, ce serait dériver du blabla sur AIW), donc passons tout de suite au vif du sujet.
[Il y a aussi Rebuild of EVA 1.0 que j'ai vu en avant-première, mais comme je l'ai bien aimé et qu'on m'y a trainé sans avances sexuelles ou chantage familial, je le mets volontairement de côté]
Synopsis - je suis en avance, en avance, j'suis toujours en avanceAlice a 20 piges. Son papa adoré est mort, sa mère est inutile, son courtisan a des problèmes gastriques et la mère de ce dernier tue les lapins blancs. Alors lorsque le laideron roux de soupirant la propose en mariage devant une centaine de nobles bedonnant(e)s, la belle et charmante Alice balbutie. Elle préfère invoquer la réflexion sur la question pour s'éclipser auprès d'un arbre qui a un terrier de lapin qui aurait donné une crise cardiaque à Wallace et Gromit. Manque de bol, les trous, c'est fait pour tomber dedans, et Alice, pas fute-fute pour le coup, c'est ce qu'elle fait. Arrivée à Wonderland (apparemment renommé Underland par la prod parce que je ne sais pas), elle va découvrire pleins de personnages inutiles qui lui disent que c'est Alice (merci, elle connait son nom) et qu'elle va les sauver. Parce qu'Alice, c'est Néo. Néo, c'est Alice.
Avis - The Troll, The Bad & The Ugly(iest)Bon bon bon bon. Les résumés crevés, ça va bien cinq minutes, tout le monde s'en masturbe (mais j'ai eu plaisir à l'écrire, je ne sais pas pourquoi), ce qui intéresse les gens, c'est l'avis. En allant voir le film, j'avais dans la tête une musique patriotique genre larmoyante tout plein, des images émouvantes et un gros slogan : Dernière chance pour Tim Burton.
Parce que depuis quelques temps, ben c'est plus trop ça pour le bonhomme. Entre CHARLIE qui est pulvérisé quand Papa Lee et Enfant Depp s'embrassent (lol wut ?), BIG FISH parce que c'est mielleux (surtout que j'aime troller sans raison dessus) et SWEENEY TODD qui est le concept de la comédie musicale sans musique et sans rythme (trop conceptuel pour moi, Burton doit être un visionnaire), vous comprenez pourquoi j'ai un tel slogan en tête. Avec AIW, univers burtonien avant Burton, c'est l'occasion de remettre les pendules à l'heure, donc de faire son come-back tant attendu (ou son coming-out, je ne sais pas comment vous dites). OK, les premières images de Depp et Carter étaient suprêmement laides, mais pourquoi pas ? Après une annonce du film en 3D (AVATAR, tu as ouvert un boulevard), un casting qui sent le renfermé, des photos du tournages hideuses et un synopsis à se pisser dessus, enfin la sortie tant
attendue. Verdict ? On laisse ça pour la fin, place à l'argumentaire.
Passons d'abord sur l'utilisation de la 3D. En entrant dans la salle, j'ai eu franchement peur (la mascotte qui explique comment utiliser les lunettes, vous comprenez). Finalement, j'en ressors avec une impression assez positive. Certes, son emploi n'est pas constant, mais AIW a le mérite de proposer parfois certains plans qui utilisent assez bien la profondeur de champ, ce qui est franchement joli. Même, le moment où pendant une fraction de seconde, on voit les personnages à travers une goutte d'eau, c'était chouette sans ironie. Il y a pas mal de moment où ça parait très superficiel, mais il y a de l'idée là-dessous, un je-ne-sais-quoi qui ne me permet pas d'en dire du mal.
Ensuite, vient la réalisation. Et là, Burton, il surprend carrément : c'est LAID. Effroyablement. Peinturluré de partout, parfois pale, mais sans vraiment de choix artistique autre que de mettre des arbres tordus, des fleurs qui parlent, des gamins ronds, un Cheschire en image de synthèse (comme 80 % des personnages du film) baclée ect. Même les animaux qui sont standards sont mal faits (enfin, ce sont sans doute les plus difficiles à faire étant donné qu'on a une vision réaliste d'eux). Suffit de voir un de ses films des années 90 pour voir plus beau, sans déconner. Et le pire, là-dedans, c'est que les décors, costumes (la scène finale est assez gagesque : un échiquier, trois arbres autour et des ruines bien visibles dont le caractère utilitaire n'est même pas camouflé. Ca m'a rappelé les portes et les fenêtres des décors vides de Bleach) et personnages pulvérisent totalement l'essence burtonienne et carollienne du film [J'y reviendrai].
Même, en comparaison avec SPEED RACER, sans doute le meilleur film des Wachowski (si si, cinématographiquement en tout cas, c'est une énorme claque), qui avait un mauvais goût visuel très prononcé (pas du niveau de 300 parce qu'il faut arrêter le délire), AIW ne fait pas le poids. La raison ? SPEED RACER assumait parfaitement son mauvais goût, était jusqu'au-boutiste, partait dans un délire sur 2H00, ce qui se révélait magnifique, outre le dégueuli visuel qu'on se tapait (mais il ne donnait pas mal à la tête, donc on lui pardonne). Au contraire, AIW semble rester très conventionnel, essaye de ne pas se mettre à dos les gens, fait dans le consensus total, ce qui empêche une seule seconde de croire que Burton assume son mauvais goût. Et ça, c'est impardonnable.
Puis il y a les acteurs. Mia Wasikowska s'en tire vraiment bien, pas la plus expressive, mais son jeu un peu en retenu, sans trop en faire, tout dans le dosage, il vaut bien pour le coup le titre de meilleure actrice du film [en plus elle change de tenu assez fréquemment, ce qui est, j'ai trouvé, l'une des meilleures idées du film]. Le reste des personnages, c'est du gros cabotinage. Quoique, Johnny Depp s'en sort pas trop mal, moins casse-pied que son maquillage l'aurait laisser penser, parfois assez fin, donc pas trop de problème avec lui. Je pensais grincer des dents en le voyant, mais en fait pas du tout. Par contre, pour ce qui est d'Helena Bonham Carter (pourtant excellente dans SWEENEY TODD !) et d'Anne Hathaway, j'ai ressenti par moment un grand malaise pour les deux actrices qui donnaient l'impression de faire un appel au secours, parce que la caricature dont elles font l'objet est grotesque. Et le fait que la Reine de Coeur dans Alice au Pays des Merveilles était expressive n'est pas une excuse ; elle joue mal. Je passe sur les personnages en image de synthèse, tant ils sont laids, clichéiques et vides de tout intérêt (quoique la Chenille, dont Alan Rickman fait la voix de manière fort convaincante, n'est pas dégueu). Soit dit en passant, le Jabberwock est la preuve ultime de l'inoriginalité des characters designers. Putain, un dragon noir pour ennemi final, sérieux. Je veux bien qu'il y ait des concordances avec les contes dans la structure du film et les personnages, mais il y a des limites.
La BO, j'ai failli l'oublier, mais il y a une raison : pas trop naze pour ne pas faire saigner les oreilles, pas marquante pour autant (sauf peut-être de voir que le générique final est chanté par Avril Lavigne. Suicide mental). Danny Elfman endort tes sens, ce qui n'est pas un mal, sachant que ce doit être la seule personne de la
Burton Team que j'aime savoir impliqué dans les films du réalisateur.
Enfin, il y a l'histoire. Mon synopsis n'est pas tellement une caricature, dans la mesure où Alice est l'Élue qui doit aider la gentille Reine Blanche à bouter la Reine de Coeur pour sauver la veuve et l'orphelin. Manichéen, sans nuance (!!), prévisible à MORT (si quelqu'un me dit que rien n'était téléphoné, je m'incline devant)... En trois mots : on s'emmerde. Mais c'est pas comme si je ne le redoutais pas avant. Je ne vois pas ce qui doit faire penser à Alice In Wonderland de Caroll, parce qu'hormis les personnages et parfois un visuel un peu décalée, il n'y a rien. RIEN. Si Burton pensait que AIW, c'était des décors moches, il s'est foutu les deux doigts dans l'oeil. En principe, l'histoire est décalée elle aussi. Mais chut, ce doit être un secret qu'il ne faut pas révéler au monde entier, vu qu'il a l'air de ne pas le savoir.
Qui a dit mauvais goût ? Parce que je suis presque sûr d'avoir entendu mauvais goût.Cela forme la critique que je peux faire à AIW et qui fait que je trouve le film pitoyable : là où l'on aurait attendu Tim Burton dans un retour aux sources (dans cette adaptation, il y avait une certaine évidence due aux univers proches de Burton et Caroll), dans la description d'un monde (physique/psychique, lieux/personnages) beau mais malsain, rugueux, nivelé. Burton annonce ici un virage assez grandiose [toute surprise n'est pas bonne à prendre, comme le démontre le film], puisqu'il se permet de retirer tout côté dérangeant à son film en le surchargeant d'effets spéciaux même pas beaux, de passages neuneu pour les enfants et de gags-batterie laissant pantoi. La version de Disney, un peu soft (sauf, sans doute, dans son seul écart à Caroll avec l'histoire des huitres), est beaucoup plus glauque que la version ici descendue. C'est dire le niveau (mais j'aime beaucoup le film de Disney, l'un des meilleurs des studios). Burton n'essaye même pas de faire quelque chose d'intéressant, il s'amuse avec de la synthèse en parfumant de 3D et il donne l'impression d'en avoir rien à carrer de son film (d'un point de vue des acteurs, en roue libre, du scénario, inconsistant).
Et là, l'émotion jaillit : peut-être que AIW, c'est l'aveu du réalisateur qu'il ne pourra plus jamais faire les chefs-d'oeuvre de ses débuts. Qu'il est temps de faire marcher la machine financière. Et de toute façon, depuis qu'il a appris en plein tournage du film qu'il présiderait le Festival de Cannes, il est le Big Boss et tout ce qu'il fera, la presse
spécialisée l'encensera, parce que merde, Burton c'est un visionnaire visuel. En tout cas, rien que pour cela, à la fin du film, j'ai versé une larme.
C'était effectivement sa dernière chance. Raté-ée.