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 Sujet du message: Stanley Kubrick [10th Anniversary]
MessagePosté: Sam 7 Mar 2009 01:24 
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A Leto II [1]



Préambule
Avant d’ouvrir mon dossier consacré à celui qui est sans aucun doute possible mon réalisateur préféré – Stanley Kubrick –, je voudrais revenir rapidement sur les motivations qui m’ont poussées à me pencher sur un tel travail. Tout d’abord, il faut savoir que ça faisait depuis un sacré bon moment déjà que cette idée trottait dans un coin de ma tête. A mon sens, par rapport aux moyens que j’avais, l’écriture de ce dossier était le meilleur des hommages que je pouvais rendre à cet homme qui aura, à sa manière, bouleversé le monde du cinéma. S’il n’a concrètement rien inventé (ou presque), pour sûr qu’il a marqué son art d’une empreinte indélébile. J’ai, par la suite, laissé de côté mon projet, préoccupé par des choses sûrement plus importantes, jusqu’à il y a peu. En fait, je me suis rendu compte que le 7 mars 2009 marquait l’anniversaire des dix ans de la mort de Kubrick. Or, je ne voulais manquer cette date pour rien au monde. Du coup, je me suis activité pour reprendre ma tâche, et beaucoup plus consciencieusement cette fois-ci. Ce qui va suivre est une présentation générale de l’œuvre de Stanley Kubrick, ponctuée de remarques et d’analyses en tout genre. J’espère donc que tout ceci saura catalyser votre curiosité à propos de ce réalisateur de génie !

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Introduction
► De la vie de Stanley Kubrick
Né le 26 juillet 1928 dans le Bronx (New York), Stanley Kubrick est issu d’une famille plutôt aisée. Mort le 7 mars 1999, à l’âge de 70 ans, à son domicile d’Hertfordshire (dans la banlieue de Londres), il aura attristé le monde du cinéma tout entier, laissant derrière lui une immense œuvre, à la fois variée, intense et sincère.

Jacques, son père, un docteur d’origine judéo-polonaise, aura, avec sa femme Gertrude, un second enfant, Barbara, née en 1934. Stanley est scolarisé dans le quartier de sa naissance, le Bronx ; et s’il n’obtient guère de bonnes notes, on le sent intelligent malgré tout. Il préfère en effet copier sur ses camarades, prétextant que l’école ne l’intéresse pas. A l’âge de 12 ans, son père lui apprend à jouer aux échecs. Dès lors, pour le néo-réalisateur, c’est la révélation : il va développer une grande passion pour ce jeu de stratégie, passion qui le suivra jusqu’à la fin de sa vie (les échecs se retrouveront souvent au centre de ses films, d’une manière ou d’une autre). Si sa mère lui donne très tôt le goût des livres en particulier et de la lecture en général, c’est son père qui va déclencher une autre passion qui sommeillait en lui : la photographie. A 13 ans, Stanley développe très rapidement de grandes aptitudes après avoir reçu un appareil photo en cadeau. A cette époque-là, il écoutait beaucoup de jazz et voulait devenir batteur. Fort de sa nouvelle passion, il devient photographe pour le journal de son lycée pendant un an, et fait de Weegee (Arthur Fellig [2]) son idole.

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► De l’éveil au cinéma
La mort de Roosevelt, le 12 avril 1945, touche le pays dans son entier. Stanley Kubrick, 16 ans, alors sur le chemin de son école, décide de s’arrêter en cours de route pour prendre un buraliste, accablé par les gros titres, en photo. Il renonce à suivre les cours de la journée, et rentre chez lui afin de développer son travail dans la chambre noire familiale. Peu après, il parvient à vendre son cliché à un célèbre magazine illustrée, Look, publication pour laquelle il travaillera quatre ou cinq ans durant. De 1946 à 1951, il y apprend les ficelles du métier et acquiert, de plus, une expérience et un talent sans équivoque. En 1948, âgé de 20 ans, il épouse son amour du lycée, Toba Metz et part s’installer avec sa compagne à Greenwich Village. C’est à ce moment-là qu’il commence à fréquenter assidûment différentes salles de cinéma ainsi que les projections du Musée d’Art Moderne. Autodidacte, il s’inflige des séances cinématographiques longues durées, des plus grands chefs-d’œuvre aux navets les plus retentissants. C’est, à n’en pas douter, la raison pour laquelle ses goûts sont très éclectiques, avec une préférence toutefois pour le cinéma d’auteur (Bergman, Antonioni et Fellini en tête).

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Photo du buraliste ayant permis à Kubrick d’entrer à Look

► Des courts-métrages d’une future légende
Les débuts de la carrière cinématographique de Kubrick s’inscrivent au cours de l’année 1951. Stanley réalise une série de courts-métrages documentaires sur des sujets changeant du tout au tout. En reprenant l’idée de son photos-récit portant sur Walter Cartier, Prizefighter, il décide, avec l’aide d’Alexander Singer (réalisateur de séries TV) de tourner le court-métrage Day of the fight, film documentaire racontant une journée de la vie du boxeur sus-cité, et ce, jusqu’à la fin de son combat. Dès cette première réalisation (de 16 minutes et en noir et blanc), on peut sentir en Kubrick un grand sens de l’esthétisme et du cadre, utilisant par exemple, lors des scènes d’action, une technique inventée par Hitchcock lui-même (cf. Vertigo – Sueurs Froides) : le travelling composé [3]. A cette occasion, il prend le parti d’utiliser la voix-off, lui permettant ainsi de livrer une réflexion sur l’attrait de la violence entre autres, voix-off, d’ailleurs, qui va le suivre dans bon nombre de ses œuvres futures. Ayant coûté pas moins de 3900$ à Kubrick, celui-ci parvient à vendre Day of the fight à la RKO Pictures pour la modique somme de 4000$, autant dire un moindre mal. Mais malgré ce gain un tantinet dérisoire, la décision de Kubrick est entérinée : il quitte Look pour se consacrer pleinement au cinéma.

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Day of the fight

Dans le courant de cette même année 1951, Stanley enchaine avec un second documentaire : Flying Padre. L’idée principale ressemble énormément à son précédent travail puisqu’il s’agit, une fois encore, de suivre la vie d’une personnalité. Durant deux jours, Kubrick s’évertue donc à filmer le révérend Fred Stadtmueller, un missionnaire catholique qui a besoin d’un avion pour rendre visite à ses fidèles au Nouveau Mexique. Il parvient à en tirer 9 minutes de film, toujours en noir et blanc, 9 minutes qui relatent, une fois n’est pas coutume, des grandes capacités de Kubrick à donner un corps fictionnel à ses documentaires, essentiellement grâce son montage [4] et à ses choix d’angle de prise de vue.

----------« Même si mes deux premiers films étaient mauvais, ils étaient bien photographiés. » - Stanley Kubrick [5]

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Bien que ses deux documentaires récoltent d’un succès mineur, Kubrick se fait tout de même remarquer par le brillant de sa photographie [6]. Il semble que ce soit cette qualité qui lui ait donné l’occasion de gagner sa vie en faisant divers documentaires de commande. Malheureusement, peu d’entre eux ont résisté aux ravages du temps qui passe ; aujourd’hui, il est en effet quasi impossible de mettre la main sur les premiers coups d’essai du maître. Ayant divorcé avec Toba Metz en 1951 (année décidément fort riche en événements), le réalisateur ne souhaitait pas faire The Seafarers (1953), mais la raison financière l’incite à accepter la requête de l’Union des Marins (Seafarers International Union). Il aboutit alors sur un film de 30 minutes, connu pour avoir mystérieusement disparu pendant longtemps avant de réapparaitre et de se poser en tant que premier film de Kubrick en couleurs (et le seul jusqu’à Spartacus, réalisé, soit dit en passant, dans des conditions assez particulières). The seafarers est un supplice, un pur produit de propagande où la voix-off ne peut s’empêcher de constamment caresser son sujet dans le sens du poil. Entre 1952 et 1953, Kubrick collabore sur Omnibus, un programme TV culte aux Etats-Unis, en tant qu’assistant réalisateur. Financé par Television-Radio Workshop of the Ford Foundation, Omnibus est un précurseur de la télévision éducative. Il durera 9 ans, reposant sur des formats d’épisodes de 90 minutes. Stanley est accrédité pour réaliser notamment les cinq épisodes consacrés à Abraham Lincoln, reconnus comme la première mini-série.

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Un des nombreux clichés pris par Kubrick lorsqu’il était photographe


Propos sur la filmographie de Kubrick
Fear and Desire (1953)
Malheureusement, Kubrick ne possède pas suffisamment d’argent pour financer son premier long métrage malgré ses gains pour des documentaires ou ses quelques victoires dans des tournois d’échecs. Il décide alors de se tourner vers sa famille, et plus spécifiquement vers son père, pour nourrir son projet [7]. C’est de cette manière que Fear and Desire, introuvable de notre temps, voit le jour en 1953. Issu de l’imagination d’un ami poète de Stanley, ce film raconte l’histoire originale d’un groupe de soldats chargé d’éliminer une troupe ennemie lors d’une guerre fictive. Tourné en noir et blanc et d’une durée de 1h08, Kubrick garde cette fameuse voix-off, chère à ses documentaires passés. N’ayant que très peu de moyens, il est contraint de s’occuper de presque tout sur le plateau : à la fois réalisateur, producteur, monteur et directeur de la photographie, il participe également à l’écriture du scénario. A nouveau, cette œuvre n’est pas sans défaut, à commencer par la voix-off qui insiste lourdement sur l’universalité de cette guerre inventée de toutes pièces. Mais l’on peut, cependant, déjà y voir les prémices de la suite de sa carrière cinématographique : on n’est pas très loin du viol du début d’Orange Mécanique lorsque les soldats découvrent une belle jeune femme en pleine jungle, qu’ils captureront et brutaliseront. De même, il dénonce déjà l’absurdité non de la guerre mais de sa démarche [8]. Enfin, on peut aussi observer le découpage en deux parties du film, découpage qui va se répercuter sur plusieurs de ses futurs films noirs.

Mais les défauts se remarquent davantage que les quelques plans qui témoignent de la grande maitrise de Kubrick pour la photo. Son enthousiasme ne lui empêche pas de commettre des erreurs qui vont lui coûter cher. N’ayant aucune expérience dans la direction des acteurs et de l’équipe technique, il oublie fortuitement l’utilisation des micros dans son travail. Pointé du doigt par son ingénieur du son, il s’empresse de le virer pour prendre sa place. Il est alors obligé de faire appel à la post-synchronisation pour réparer sa faute, faisant gonfler le budget de Fear and Desire de façon astronomique. Même si Kubrick est fier d’avoir pu terminer son film, celui-ci se révèle vite être un échec total, commercialement parlant. Pourtant, la critique restera honorable à son égard, le confortant dans sa décision de devenir cinéaste. C’est aussi sur le tournage de Fear and Desire qu’il rencontre sa future femme, Ruth Sobotka. Plus tard, il qualifiera son film de « tentative inepte et prétentieuse » tout en interdisant sa projection, allant jusqu’à brûler toutes les copies qui lui sont passées sous la main afin de le retirer définitivement du circuit. Malgré tout, quelques années plus tard, le film réapparaitra officieusement grâce à des copies qui étaient restées intactes [9].

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Fear and Desire

Le baiser du tueur (1955)
En 1955 sort Le baiser du tueur, second film de Kubrick, rendu possible par le maigre succès critique de Fear and Desire. Malgré une durée toujours très courte (1h04), le niveau est largement meilleur que sa précédente réalisation. Le film, écrit en collaboration avec Howard Sackler [10] raconte l’histoire d’un boxeur sur le déclin qui tombe sous le charme d’une de ses voisines d’appartement. Le boxeur va devoir aider cette dernière à échapper à la menace qui la couve, prise dans l’étau d’une intrigue criminelle dans laquelle elle s’est plongée. Encore ici, Kubrick fait tout, et en particulier, il se charge à nouveau de la photo de son métrage qui se révèle une fois de plus de grande qualité. Néanmoins, les conditions de tournage frisent l’amateurisme du fait par exemple que ce soit des proches et des amis de la famille de Kubrick qui financent le projet. De côté-là, on reste donc totalement dans le sillage de Fear and Desire, d’autant plus qu’une scène semble se répéter une nouvelle fois : Kubrick congédie là encore son ingénieur du son – car le matériel de celui-ci gênait à sa photo. Conséquence immédiate, la post-synchronisation est à nouveau nécessaire, faisant monter le budget du film comme ce fut déjà le cas avec sa première tentative. La majeure partie du temps, Stanley et son équipe sont sans autorisation de tournage, ce qui les contraint à se cacher pour pouvoir travailler tranquillement. A noter que chaque vendredi après-midi, Kubrick a fait observer une pause de 2h, temps qu’il lui fallait pour aller toucher les 30$ hebdomadaires dus à son statut de chômeur.

Le polar qu’est Le baiser du tueur obtient un succès critique et commercial limité, sans compter que le scénario en soi n’est pas très original, mais la maitrise formelle de l’ensemble occulte quelque peu les imperfections et les défauts de ce qui n’est encore qu’un coup d’essai. La structure adopte l’utilisation du flashback [11], rehaussant les qualités esthétiques de l’œuvre. Ruth Sobotka, la seconde femme de Kubrick (de 1954 à 1957) crée et interprète une chorégraphie de danse, sans véritable liant toutefois dans le film. Mais il reste que cette scène accompagnant le récit de l’héroïne, même sans justification apparente, est applaudie pour sa beauté intrinsèque. Les compositions et éclairages tendent à nouveau à faire parler de Kubrick : sa photographie est décidément très réussie et appréciée. Mais cette fois-ci, il ouvre un peu plus la porte de la reconnaissance puisqu’il prouve qu’il peut mettre efficacement en scène des combats de boxe, dont l’affrontement final dans une fabrique de mannequins. Pour ce faire, il prend la décision d’employer la technique de la caméra à l’épaule, héritée de la méthode documentaire et qu’on retrouvera un peu plus tard, disséminée dans la suite de sa filmographie (on pense par exemple à la scène de boxe de Barry Lyndon). Il faut remarquer un fait rare dans la carrière du cinéaste avec la fin optimiste entrevue dans Le baiser du tueur. Par l’intermédiaire d’Alex Singer, Stanley Kubrick rencontre James B. Harris [12] et se lie d’amitié avec lui. Ils fondent la Harris-Kubrick Productions, société qui financera les films de Kubrick jusqu’en 1962 avec Lolita. A partir de là, le futur grand réalisateur, troublé par ses deux premières œuvres qu’il juge assez maladroites, ne tournera plus que des adaptations de romans ou de nouvelles.

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Le baiser du tueur

L’ultime razzia (1956)
Avec L’ultime razzia, Kubrick s’impose enfin comme un cinéaste prometteur en plus de se faire réellement connaitre. Ce polar est resté une référence du genre [13]. Il faut admettre que tourner pour la première fois dans des conditions professionnelles a dû jouer pour beaucoup. En effet, adapté d’un roman de Lionel White, En mangeant de l’herbe, trouvé par Harris, ce film est assurément un succès. Financé par James B. Harris lui-même et les United Artists, Kubrick co-écrit le scénario avec Jim Thomson, un écrivain blacklisté pendant le Maccarthysme, venu travailler en France et pour qui c’était le premier contrat dans le domaine du cinéma. Le film nous fait assister à l’élaboration d’un plan puis à la mise en marche de celui-ci dans le projet final de braquer une banque. Un condamné tout juste sorti de prison forme un gang, dont le but est de rester incognito tout en ne blessant personne, pour mener à bien son dessein. Mais les choses se compliquent quand une femme et son amant essaient de jouer un vilain tour aux membres du gang.

----------« L'ultime razzia de Kubrick n'est pas trop mal. » - Orson Welles

Affublé de moyens professionnels, Kubrick, à la fois réalisateur et scénariste tout de même, doit apprendre à déléguer ; lui qui n’y avait jamais été habitué vit ce changement assez difficilement, et ce n’est pas sans mal que le travail se fera. Lucien Ballard, le directeur de la photographie, pour qui L’ultime razzia est le 70e film acceptera assez mal de recevoir des ordres d’un jeune réalisateur de 28 ans qui n’a encore rien prouvé [14]. Cependant, Kubrick est loin d’être le premier venu et impose rapidement son autorité, autorité que ne contestera pas Ballard, lui évitant ainsi une éviction programmée. Le tournage du film durera 24 jours. Apprécié par Kirk Douglas ou Marlon Brando, apprécié modérément par Jean-Luc Godard [15], pas du tout apprécié par Pauline Kael [16], L’ultime razzia est cependant généralement acclamé par la critique même si les chiffres au box-office ne suivent pas. Enormément influencé par le cinéma de Welles, et plus particulièrement par son Citizen Kane, Kubrick va triturer le concept du flashback jusqu’à plus soif, déployant beaucoup d’ingéniosités dans son emploi. Le récit entier repose sur la scène du braquage, vue et contée sous différents angles, complétant et densifiant à chaque fois le propos. Grâce à ce chef-d’œuvre de film noir (certes encore très classique dans son scénario), la Harris-Kubrick Productions prend un nouvel essor : sa réputation n’est plus à faire.

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L’ultime razzia

Les sentiers de la Gloire (1957)
En 1957, grâce à United Artists, fort du succès de L’ultime razzia, Kubrick enchaine avec Les sentiers de la Gloire, financé à hauteur d’un million de dollars. Tiré du roman éponyme d’Humphrey Cobb, le film, écrit avec l’aide de Calder Willingham et Jim Thomson, nous projette au cœur de la guerre et de ses contradictions, inspiré par ailleurs de faits réels survenus en 1917 où des soldats ont été fusillés pour l’exemple [17]. Harris n’ayant qu’un budget personnel très modeste, le projet ne suscite pas un grand intérêt auprès des majors hollywoodiens. Mais tout change lorsque le producteur envoie une copie du scénario à Kirk Douglas, qui est tout de suite emballé à l’idée de tourner avec le réalisateur de L’ultime razzia. Kubrick quitte ainsi le polar pour renouer avec un genre qu’il avait déjà essayé avec Fear and Desire. Le colonel Dax tente de sauver de l’exécution trois soldats accusés de mutinerie lors de la guerre 14/18. Poursuivant les tendances entrevues à ses débuts, Kubrick annonce le traitement qu’il appliquera à tous ses films de guerre : l’ennemi n’est jamais montré, seul un unique camp est filmé (cf. Docteur Folamour ou Full Metal Jacket, avec une petite exception pour ce dernier). Son objectif est tout à la fois simple et complexe, en prenant le risque de ne pas confronter ses personnages avec leurs adversaires (ou du moins, pas à l’écran), Stanley veut décrire les aberrations internes aux armées et non les aberrations de la guerre elle-même. Il effectue également un travail sur la relation entre le sexe et la guerre : les femmes ne sont que rarement présentes, laissant les soldats à leur excitation.

----------« Stanley, je crois que ce film ne fera pas un rond, mais il faut absolument le tourner. » - Kirk Douglas

Entièrement tourné en Allemagne avec 800 policiers allemands pour jouer les soldats français, c’est avec ce film que Kubrick se démarque définitivement des autres réalisateurs puisqu’il est maintenant reconnu en tant qu’auteur subversif. S’il veut toucher toutes les armées avec un discours universel, la France se sent particulièrement visée par le propos du film et en interdit donc la projection jusqu’en 1975. Soucieuse de ne pas aller à l’encontre de l’humeur française, l’Allemagne s’empresse elle aussi d’interdire Les sentiers de la Gloire pour quelques années. Suivra également l’Espagne, via Franco, où le film ne sortira qu’en 1986, 11 ans après la mort du dictateur. Mais qu’importe, car pour la première fois, Kubrick reçoit un succès autant commercial que critique aux Etats-Unis. De façon plus ciblée, ce sont les longs travellings composés dans les tranchées, l’utilisation magistrale de la musique (la Marseillaise n’en est qu’un exemple) ou les mouvements sans heurt de la caméra qui feront la postérité du film, rappelant a posteriori la scène du labyrinthe de Shining, filmée en steadicam [18]. Succès aussi pour Kubrick sur le plan personnel. En effet, c’est sur le tournage des Sentiers de la Gloire qu’il rencontre sa troisième femme, Christiane Harlan, pour qui il écrit un rôle à la fin du long métrage. Ils se marieront moins d’un an plus tard, Harlan devenant Kubrick. Pour le réalisateur, ce troisième mariage sera le bon ; le couple restera uni jusqu’à la mort de Stanley, et aura deux filles, Anya, née en 1958, et Vivian, née en 1960. Kubrick fera de nouveau appel à sa femme pour quelques peintures originales, dont celles d’Orange Mécanique ou Eyes Wide Shut.

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Les sentiers de la Gloire

Spartacus (1960)
Si le succès des Sentiers de la Gloire a attiré l’œil d’Hollywood sur Kubrick, celui-ci émet des réserves quant à ce genre de production qu’il considère trop cynique, préférant la télévision qu’il juge plus sincère. Paradoxalement, c’est à la suite des Sentiers de la Gloire que Kubrick est ralenti dans son œuvre, éprouvant des difficultés à trouver des financements suffisants. Parce que le duo Harris/Kubrick aspire à une certaine indépendance et une liberté de création, les négociations sont acharnées et délicates avec les studios. Et pourtant, ce ne sont pas les projets qui manquent [19]. Pour preuve, bientôt un tournage se profile pour le réalisateur : La vengeance aux deux visages, avec Marlon Brando dans le rôle principal. Cependant, leur collaboration est de courte durée car les deux fortes personnalités se brouillent. Dès lors, la séparation est inévitable, et Kubrick se retrouve sans travail, écarté purement du projet. Dans le même temps, tandis que James B. Harris s’intéresse à Lolita, le roman de Nabokov, et essaie d’en obtenir les droits, une aventure similaire survient sur le plateau d’une autre production : Spartacus, film issu de la blessure qu’a éprouvé Kirk Douglas dans son amour propre lorsqu’il s’est vu préféré Charlon Heston pour Ben-Hur. Acteur et producteur, c’est pour assouvir son égo que Douglas s’est lancé dans ce péplum, adaptation du livre d’Howard Fast. Très apprécié dans les milieux communistes, l’histoire raconte la révolte des esclaves par un gladiateur, Spartacus, face à Rome. Le scénario est confié à Dalton Trumbo, auteur reconnu bien que blacklisté. Anthony Mann, le premier réalisateur de Spartacus est rapidement écarté, quelques jours seulement après sa prise de fonction, par son acteur et producteur pour divergence d’opinions. Satisfait de sa collaboration avec Kubrick sur Les sentiers de la Gloire, Kirk appelle dès le vendredi soir Stanley pour lui proposer de reprendre le travail où l’avait laissé Mann. Le week-end même, après une concertation avec son ami Harris, Kubrick rencontre les responsables du projet. Et malgré les réticences de ceux-ci à voir un réalisateur d’à peine 30 ans diriger une si grosse production, Kubrick est accrédité sur le plateau dès le lundi suivant. Kirk Douglas, content de voir arriver le réalisateur qu’il souhaitait, se voit tuer dans ses espérances d’entente : Kubrick ne se laisse pas influencer.

Le réalisateur exècre le scénario qu’il trouve moralisateur à souhait, en plus d’être dénué d’intérêt. Calder Willingham, avec qui Kubrick avait déjà travaillé sur Les sentiers de la Gloire, est appelé à la rescousse pour ajouter des scènes de bataille dont le scénario était jusque-là totalement dépourvu. Russel Metty, le directeur de la photographie est prié de se taire et de laisser le maître faire sa besogne. A partir de là, les relations sur le tournage deviennent chaotiques. S’il est mécontent, Metty restera quand même dans l’équipe et gagnera d’ailleurs un Oscar pour « son » boulot. Kubrick, en bon stratège, plie mais ne rompt pas, et bien qu’il dirige des acteurs confirmés comme Charles Laughton ou Laurence Olivier, il ne se démonte pas, et finit par imposer ses instructions avec calme et sang froid, ce qui est évidemment très loin de plaire à Douglas. Stanley, exprimant sa folie des grandeurs, parle d’une version de six heures pour Spartacus mais cette fois-ci, c’est Kirk Douglas qui ne se laisse pas faire et a le dernier mot. En fin de compte, c’est une version d’un peu plus de trois heures qui sortira en salles, amassant un succès aussi bien critique que commercial, couronnée de surcroit par quatre Oscars. On dit aujourd’hui qu’il s’agit là de l’œuvre la plus impersonnelle de Kubrick, et c’est probablement vrai, mais il faut néanmoins noter qu’on retrouve tout de même la patte du prodige à certains moments du film, et principalement lors des scènes de combat. La structure en deux parties disparates avec un entracte musical sera reprise pour 2001 et Barry Lyndon. Seul film en couleurs jusqu’à son odyssée de l’espace, Kubrick montre par là son attachement au noir et blanc, qu’il trouve très pur. Spartacus s’érige en classique niveau péplum. Mais étant l’un des pires souvenirs de cinéma de Kubrick, celui-ci décide de ne plus tourner que des films dont il aura réellement envie et sur lesquels il pourra avoir une complète main mise.

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Spartacus

Lolita (1962)
En 1961, Kubrick quitte définitivement les Etats-Unis pour s’installer avec sa famille à Londres, et plus précisément dans le Hertfordshire, sa banlieue. L’une des raisons de son exil est qu’il préfère contourner les ligues puritaines américaines au lieu de les affronter pour son prochain film : Lolita, dont les droits ont finalement été obtenus par James B. Harris. Réputé inadaptable, le portage à l’écran du chef-d’œuvre littéraire est pourtant réalisé avec brio. Le film ne passe pas inaperçu, bien sûr, ne serait-ce que du fait de son sujet très scandaleux portant sur l’amour interdit entre un homme de quarante ans et une jeune fille mineure. Le scénario est confié à Vladimir Nabokov en personne, auteur du sulfureux livre dont la publication a été dans un premier temps effectuée dans la catégorie des écrits pornographiques aux Etats-Unis avant d’être réhabilitée par la presse. Afin d’éviter une interdiction, l’écrivain fait montre d’une ingéniosité remarquable, allant jusqu’à modifier son propre roman pour s’en écarter, usant d’une courageuse autocensure. Ainsi, Lolita passe de 12 à 14 ans, par exemple, pour prévenir d’éventuelles accusations de pédophilie (même si 14 ans, c’est déjà de la pédophilie en vérité, ndlr). Mais la trame reste identique à l’œuvre d’origine : on suit les pérégrinations du professeur Humbert dans sa parade amoureuse avec Lolita. Stanley n’utilisera au final qu’une petite parcelle du script de Nabokov, réécrivant le reste avec son ami producteur. Et si l’auteur aime le film qui est tiré de son roman, il regrettera d’avoir passé autant de temps sur un travail sous-utilisé. Lolita évitera à merveille une partie de la censure puisque Kubrick laissera faire l’imagination des spectateurs en ne montrant jamais Humbert et sa belle-fille au lit, mais malgré tout, un plan fera jaser tout le monde : celui où le professeur Humbert au lit avec sa femme regarde une photo de Lolita pour se stimuler. L’influente Eglise Catholique parvient à faire couper ce plan au montage et à retarder la sortie du métrage de six mois.

Mais la controverse aidant, Lolita attire étrangement les foules. Néanmoins, Kubrick dira qu’il n’aurait jamais fait ce projet s’il avait su à quel point ce serait dur. Au passage, c’est avec cette ultime production que se sépareront Harris et Kubrick dans leur partenariat (James devenant lui-même réalisateur). Ce film marque aussi la première collaboration entre Peter Sellers, acteur de comédie surdoué, et Kubrick. Chacune de ses apparitions est prétexte à un jeu inouï dans la recherche tant des dialogues que du déguisement. Egalement, la méthode Kubrick se dessine avec Lolita : il choisit un roman digne d’intérêt, sous-traite son scénario, puis travaille sur son adaptation. C’est ici que prend véritablement forme la carrière personnelle de Stanley Kubrick. Bien que ce soit là peut-être le film du réalisateur ayant le plus mal vieilli d’un point de vue artistique, la conception du choquant ayant fortement évolué de nos jours, les parties de comédie distillées dans l’œuvre ne manquent pas de mordant et ont su garder leur efficacité au fil des ans. Présenté à la Mostra de Venise en 1962, une partie des critiques démonte son travail (dont la virulente Pauline Kael) alors qu’une autre partie l’admire immodérément.

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Lolita

Docteur Folamour (1964)
Un film tous les deux ans, c’est le rythme observé par Kubrick. Et avec Docteur Folamour, il ne fait pas faux bond à la cadence qu’il s’est naturellement infligée. Doublé de l’hilarant sous-titre : « ou comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe », ce film est originaire de l’envie de Kubrick de traiter d’une menace de guerre nucléaire. Pour mener à bien son objectif, il achète les droits de Red Alert, un roman de Peter George, en 1962. Pour l’heure toujours associé à James B. Harris, ils se mettent tous deux à écrire le scénario de ce qui sera la dernière réalisation de Stanley en noir et blanc. Les deux amis sentent les heures de travail s’accumuler, et se rendant compte de l’absurdité de la situation internationale [20], finissent leurs séances par des séries de blagues. Mais peu de temps après, Harris avoue à son partenaire son rêve de devenir réalisateur à son tour. Et s’ils resteront amis, ils décident de se séparer, suivant chacun leur voie. A partir de là, Kubrick se persuade de l’impossibilité de parler d’un tel sujet avec sérieux. Il fait alors volte-face et commence à reprendre le projet en solitaire pour en faire une satire féroce sur la guerre froide.

Kubrick écrit un premier jet, intitulé The delicate balance of terror, mettant en scène des extra-terrestres regardant la Terre après un holocauste nucléaire. Mais il n’en est pas satisfait pour autant, et décide de réorienter son histoire vers quelque chose de plus rationnelle. Il fait alors appel à Terry Southem, écrivain qui travaillait pour la première fois sur un scénario de film [21]. Candy, le roman satirique de Southem, s’articulant autour de la sexualité moderne, a tapé dans l’œil du réalisateur, et c’est donc son auteur qui va insuffler la touche satirique qu’il attendait pour son film. Ainsi révisé, le contenu du long métrage ne pouvait qu’être plus dévastateur encore : un général américain, paranoïaque et à moitié fou, est convaincu que l’URSS est en train de mener un complot à grande échelle contre les Etats-Unis, et décide de lancer la contre-attaque par le biais d’une attaque aérienne. Peu à peu, l’œuvre sombre dans la folie pure. A noter que presque de manière concomitante va sortir Point limite, un thriller de Sydney Lumet, dont le scénario ressemble curieusement à celui du Docteur Folamour. Kubrick attaque ce concurrent direct pour plagiat afin d’essayer d’annuler ou de retarder sa mise à disposition sur le marché.

----------« Mein Fuhrer, I can walk! » - Docteur Folamour

L’un des plus conséquents mérites de ce chef-d’œuvre d’humour noir réside dans ses décors majestueux. Peter Murton, le directeur artistique, et son équipe ont réussi l’exploit de recréer entièrement l’intérieur d’un bombardier B-52 et ce, sans l’aide de l’Air Force, plutôt hostile à l’idée d’un film pareil. Kubrick demandera même à Murton s’il n’a rien à se reprocher sur les sources qui lui ont permis une telle reconstitution car une enquête du FBI pourrait leur coûter cher. Autre décor devenu mythique du Docteur Folamour : la War Room, imitée de nombreuses fois mais jamais égalée. La table centrale de cette salle a été peinte en vert, selon la volonté de Kubrick, pour donner l’impression que l’Etat Major joue au poker. Fait amusant : après son élection à la présidence des Etats-Unis en 1981, Reagan a demandé à visiter la War Room du film de Kubrick. Il a été déçu d’apprendre qu’elle n’existait pas et qu’elle n’était qu’une pure invention du réalisateur et son équipe.

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La War Room

Prévu pour jouer quatre rôles, Peter Sellers, acteur ayant marqué Kubrick pour sa performance dans Lolita, ne pourra finalement en tenir que trois, en raison d’une chute malencontreuse à partir du décor du cockpit qui lui vaudra une fracture à la jambe. Slim Pickens est appelé à remplacer Sellers dans le rôle du texan. Le tournage se passe magnifiquement bien et est serti d’éclats de rires, mise à part peut-être une minime rivalité entre l’acteur George C. Scott et Kubrick, qui se soldera par une superbe victoire de ce dernier aux échecs. Stanley accorde à Sellers une grande amplitude dans ses improvisations, lesquelles amusent tout le monde y compris le réalisateur lui-même que l’on dit pourtant si austère, tandis que le reste de l’équipe est soumis à sa légendaire fermeté. Peter Sellers vole, par exemple, le gant que mettait Kubrick pour manipuler les lumières et le détourne pour en faire la main incontrôlable connue de tous du Docteur Folamour. L’immense potentiel humoristique du film est parfois même trop énorme pour ne pas le desservir. On retiendra que le film devait se terminer par une bataille de tartes à la crème, obsession liminaire de Kubrick et Harris à l’aune du projet, mais que la scène n’a pas pu être utilisée dans le montage final parce que les acteurs ont été pris d’un fou rire lors de la prise. Or, la logistique mise en place ne pouvait tolérer d’erreur.

L’avant-première prévue le 22 novembre 1963 pour la presse a dû être annulée du fait des événements tragiques survenus peu avant (l’assassinat de JFK). Mais de nouveau, le succés critique et commercial s’invite à la fête, même si certains sont répugnés du traitement que subit l’armée. Grâce à une campagne publicitaire garnie d’originalité (avec la distribution d’appareils pour mesurer la durée de radioactivité), le film touche particulièrement le jeune public, très sensible au ton irrévérencieux de l’œuvre. L’American Film Institute nommera quelques années plus tard Docteur Folamour comme le 26e film le plus important de l’histoire. Le triomphe emmagasiné par Kubrick le pose en tant qu’auteur des plus créatifs et des plus talentueux. Capable de tout, ce long métrage lui permettra d’avoir carte blanche par la suite.

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Docteur Folamour

2001 : L’odyssée de l’espace (1968)
Après Docteur Folamour, Kubrick va marquer une pause, un véritable silence radio de cinq ans. En revanche, s’il se fait remarquer pour son inactivité, le titre de son prochain film est d’ores et déjà connu : 2001. Et à force d’attendre, les gens ont cru que 2001 serait en fait l’année de sortie de l’odyssée de l’espace ! L’anecdote est restée célèbre. C’est que, pour la première fois depuis ses débuts, Stanley a jeté son dévolu sur une œuvre d’une ambition insoupçonnée. Surtout pour son époque. De plus, il va commencer à pousser de plus en plus loin son perfectionnisme et sa volonté d’expérimenter toute forme de techniques. On le sait à présent, ce projet allait être un tournant dans la carrière de Kubrick, voire dans l’histoire même du cinéma. La conquête de l’espace fait jaser à tous les coins de rues, et soucieux d’apporter une œuvre majeure, Kubrick va s’associer à Arthur C. Clarke en lui proposant un projet commun, consistant en la réalisation simultanée d’un livre et d’un film. Du constat de l’impossibilité à prévoir le futur émerge un concept nouveau : créer une expérience visuelle laissant le spectateur face à sa propre compréhension et interprétation. Le script aboutit sur une traversée du temps, jouxtée par la présence d’un mystérieux monolithe noir.

----------« HAL, I won't argue with you anymore! Open the doors! » - Dave Bowman

Sur la forme, il s’agit du film le plus radical de Kubrick, versant clairement vers l’expérimental. Le résultat, une fresque tour à tour terrestre, lunaire et spatiale, est d’une splendeur à nulle autre pareille, défiant toute analyse ou approche, où le scénario se marie à merveille avec la musique classique (du Beau Danube Bleu à Ainsi Parlait Zarathoustra). Il faut dire que pour ce projet fou, Kubrick laisse carte blanche à tous ses collaborateurs dans la mesure où ils lorgnent vers l’essai, l’inédit et l’originalité. Lui-même se souscrit à ce régime, inventant des mouvements de caméra proprement impressionnants, s’interdisant d’insérer le moindre dialogue avant la première demi-heure. Le cercle, symbole de l’univers, est la condition sine qua non à la réalisation de ce projet d’une portée incommensurable, et en ce sens, les décors de l’intérieur des vaisseaux ont-ils été faits pour pouvoir tourner sur eux-mêmes (idée également utilisée par David Cronenberg pour La Mouche par exemple). Le soin apporté aux effets spéciaux relève du domaine du surhumain puisque même aujourd’hui, ils n’ont pas vieilli. D’ailleurs, à titre personnel, Kubrick glanera ici le seul Oscar de toute sa vie. De même, rien n’est laissé au hasard et le souci du détail est poussé jusque dans ses moindres retranchements : ainsi, lorsque les vaisseaux sont filmés dans l’espace, il n’en sort aucun son, faisant écho à la non propagation des ondes dans le vide.

----------« Dave, this conversation can serve no purpose anymore. Goodbye. » - HAL 9000 [22]

A sa sortie, le succès ne fut toutefois pas au rendez-vous, et l’accueil plutôt mitigé. Lors de l’avant-première, 241 personnes quittent la salle avant la fin de la projection, alors que certains producteurs âgés sont effrayés par tant d’avant-gardisme. Si les critiques, comme toujours avec Kubrick, sont divisés dans leurs avis, le jeune public, une nouvelle fois, suit, et commercialement, le film remplit sa tâche. Le réalisateur se voit, et c’est une surprise, remettre un prix de l’Académie Nationale Catholique (celle-là même qui avait agi contre Lolita). 2001 devient rapidement une source d’inspiration absolument phénoménale, référence de nombre d’œuvres incalculable, de Star Wars à Alien pour ne citer qu’eux. De nos jours, 2001 est souvent considéré comme le meilleur film de l’histoire du septième art aux côtés de Citizen Kane ou Aurore (Murnau). Pour la première fois, Kubrick utilise la couleur de lui-même, abandonnant définitivement le noir et blanc. Mais plus important encore, la Warner Bros décide de désormais donner un entier crédit à Kubrick, cédant à presque tous ses caprices. C’est un tournant pour le jeune réalisateur car à partir de ce point, il va faire une césure dans sa filmographie, se ménageant des films plus longs, plus complexes, dont les délais de tournage vont exploser, augmentant aussi peu à peu la durée d’attente entre deux films. Ce sont les œuvres issues de cette partie de sa carrière qui sont les plus connues.

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2001 : L’odyssée de l’espace

Orange Mécanique (1971)
Dorénavant, le maître sait qu’il peut s’attaquer à n’importe quel sujet ambitieux. C’est de cette manière qu’il commence à s’intéresser à un personnage historique qui l’a toujours fasciné, lançant du même coup son légendaire projet Napoléon. Kubrick accumule, d’année en année, une masse hallucinante de documents sur l’Empereur et débute même l’écriture d’un long scénario. C’est-à-dire qu’il a lu pas moins de 500 livres concernant ce personnage haut en couleurs. Il est extrêmement intrigué par les nombreuses erreurs commises par Napoléon malgré le fait qu’il possédait une grande intelligence. S’il en trouve la réponse dans un trop plein d’envie, il a peur de reproduire la même faute que l’Empereur pour ses films. La préparation du film avance bon train : des photos de potentiels décors sont rassemblées, les négociations avec les producteurs lancées. Tandis que le réalisateur est sur le point de partir en Roumanie, censée être le lieu du tournage, sort Waterloo de Serguei Bondartchouck qui, s’il est de qualité, se révèle être un échec commercial retentissant. De ce fait, la MCM ne veut plus soutenir le film et finit par tout simplement l’annuler. Déçu, Kubrick ne l’abandonnera jamais totalement, songeant à de nombreuses reprises à le ressortir de ses tiroirs.

En 1971, le réalisateur revient en force avec une adaptation d’un roman d’Anthony Burgess, Orange Mécanique, connu pour être l’un des films les plus puissants de sa filmographie tant d’un point de vue narratif que technique, sans compter que le propos est d’un radicalisme rare. Le thème du double, cher à Kubrick, est une nouvelle fois développé, avec un personnage principal, Alex, qui lutte entre le bien et le mal, lâché dans un monde en décomposition. Représentation de l’inconscient de l’homme, le rôle de Malcolm McDowell exerce avec un sadisme appuyé son règne sur ses droogies, bande de voyous du crime. Trahi par les siens, Alex est arrêté ; et bientôt, il prend conscience que le moyen le plus rapide pour sortir de prison est encore de se porter volontaire pour tester un nouveau traitement anti-violence. S’ensuit des séances de tortures pour l’ex-criminel sur fond de Neuvième Symphonie de Beethoven, confirmant que le cinéaste est de plus en plus persistant dans son utilisation de la musique classique. Privé de la liberté de choisir, Alex n’est plus un homme mais un robot, perdu dans un monde gangrené par la violence. C’est de là que la satire déployée par Kubrick est violente.

Malcolm McDowell, qui prête sa voix à la narration, enregistre son travail en deux semaines, enfermé dans un studio avec son dirigeant. Durant cette période d’enregistrement, McDowell et Kubrick font de nombreuses parties de ping-pong, mais à chaque fois, ce dernier se fait dominer. Plus tard, l’acteur demandera au réalisateur pourquoi il n’a été payé que pour une semaine de salaire ; ce à quoi Kubrick lui répondra que l’autre semaine avait été consacrée au ping-pong. Après 2001, les moyens mis en place pour Orange Mécanique sont beaucoup plus sobres et modestes. Stanley prend en charge le projet seul : il écrit le scénario, produit et tourne le film. Wendy Carlos, pionnière de la musique électronique, est engagée par Kubrick pour donner un certain cachet à l’ambiance sonore du long métrage. Le résultat, basé sur l’utilisation d’un vocodeur (une première dans l’histoire), sera exceptionnel. Et la bande originale restera dans la mémoire collective.

La Warner Bros, qui laisse pourtant toute latitude à son réalisateur, prévoit un échec commercial, persuadé que personne ne sera intéressé par une si sombre histoire, décrivant une humanité si cruelle. C’est pourquoi, Kubrick décide de prendre en main personnellement l’aspect promotionnel du film, et grâce, notamment à une magnifique bande-annonce, Orange Mécanique devient le deuxième succès du studio, juste derrière My Fair Lady (George Cukor). Le film connait même un succès presque trop énorme puisqu’il est vite accusé d’inspirer au meurtre (certains criminels se sont habillés comme Alex et ses droogies pour mener leurs méfaits). Dans la foulée, parce qu’il a reçu des menaces de mort et que ses filles ne peuvent plus se rendre à l’école – sa maison est assiégée –, Kubrick prend la décision, unique dans l’histoire du cinéma, de retirer de son propre chef Orange Mécanique de l’affiche en Angleterre, où cette autocensure fera effet jusqu’en 2000. Quoiqu’il en soit, avec ce film, Kubrick confirme une fois pour toutes sa place parmi les plus grands. D’ailleurs, la Warner Bros acceptera de perdre de l’argent en acceptant de retirer le film des salles plutôt que de perdre Kubrick, alors sous contrat pour ses prochaines réalisations.

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Orange Mécanique

Barry Lyndon (1975)
Stanley Kubrick pense encore à son projet Napoléon, tant et si bien qu’il contactera même Jack Nicholson pour lui proposer le rôle de l’Empereur. Puis, après avoir songé à faire un film érotique, il se décide finalement à porter à l’écran un vieux classique de la littérature britannique, Barry Lyndon de William Makepeace Thackeray. Le fait qu’il ait choisi un tel sujet n’est pas innocent : frustré par l’échec de Napoléon, le réalisateur a sans doute éprouvé le besoin de tenter un film de costumes. Fresque historique se déroulant au XVIIIe siècle, Ryan O’Neal et Marisa Berenson en seront les acteurs principaux. On nous invite à suivre les aventures de Barry Lyndon, jeune irlandais plongé au cœur des guerres napoléoniennes, qui voyage à travers l’Europe, victime de son propre tempérament. Chaque plan de Barry Lyndon est une véritable splendeur. Minutieusement élaborés, ils ne sont pas sans rappeler les tableaux des plus grands maîtres. Kubrick exigera nécessairement une attention toute particulière pour les costumes, poussant ainsi son équipe à utiliser des costumes originaux.

Le tournage sera à la fois long et épuisant : il durera pas moins de 300 jours de labeur. La principale raison de ces difficultés réside dans un travail époustouflant sur l’éclairage. Si déjà les scènes extérieures utilisaient assez peu d’éclairage artificiel, la folie de Kubrick prend sa pleine mesure pour les scènes intérieures : voulant du réalisme pur et dur, il impose un éclairage, sans lumière artificielle, à la bougie ! Impensable avec les moyens techniques propres aux tournages. Kubrick, ne se laissant pas faire, achète alors des caméras très coûteuses, dont un objectif spécial mis au point par la NASA, et les donne à un technicien. Le travail est extrêmement laborieux et contraignant, non seulement du fait de la sensibilité de la technique mise en œuvre mais aussi du fait des milliers de bougies qui parsèment les lieux et décors du film. Cependant, le résultat donne des scènes à la beauté mirifique, contemplative, quasi proche de la perfection. Au point, soit dit en passant, qu’on lui reprochera trop de froideur au détriment de la chaleur des personnages. A cela s’ajoute la patte personnelle de Kubrick, comme par exemple pour ce combat de boxe, tourné caméra à l’épaule, cette réflexion sur la guerre ou encore cette séparation du métrage en deux parties avec entracte.

Barry Lyndon, non content d’être l’un des plus beaux films de Kubrick, est également l’un des plus beaux de toute l’histoire du cinéma. A sa sortie, jumelant avec la mode des blockbusters, le film est détruit par la critique, qui le juge trop long, trop lent, trop élitiste et trop ennuyeux. On le décrit comme un film sans vie et au rythme insupportable. En Europe, néanmoins, Barry Lyndon est applaudi pour sa beauté et restera comme l’œuvre de Kubrick la plus récompensée avec à son actif quatre Oscars. Le public ne suit pas, décourageant Kubrick qui regrette que celui-ci n’ait pas tenu compte des conditions très hostiles et du dur travail qu’a nécessité son film. Aujourd’hui, Barry Lyndon est source d’inspiration. Par exemple, la musique et le ton général, avec la voix-off, a été repris par Lars von Trier dans une de ses trilogies.

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Barry Lyndon

Shining (1980)
Fin des années 70, début des années 80, les films d’horreur sont en plein boum. Le temps passe et le projet Napoléon devient une Arlésienne dans le monde du cinéma. Fidèle à son principe de ne pas faire deux films qui se ressemblent, Kubrick va mettre cinq ans à accoucher d’une nouvelle copie : Shining, adapté d’un roman de Stephen King. Comme la conséquence d’une prémonition, le cinéaste s’immisce dans le film d’horreur après avoir été pressenti pour travailler sur L’Exorciste, finalement porté à l’écran par William Friedkin. En reprenant l’histoire d’une famille devant garder un hôtel isolé en montagne pendant l’hiver, Kubrick, épaulé par Diane Johnson, s’amuse à adapter de façon très libre le livre de Stephen King, ce qui ne plaira franchement pas à l’écrivain. Les co-scénaristes en tirent un script complexe, véritable jeu de miroirs et de fausses pistes (cf. le labyrinthe). Wendy Carlos participe à nouveau à l’élaboration de la musique même si en fin de compte, son travail ne sera que peu usité.

----------« Esthétiquement, le film est aux produits courants du genre ce qu’une Rolls Royce est à une 2CV. » - Tavernier et Coursodon

Jack Nicholson, qui devait à la base hériter du rôle de Napoléon, accepte d’être l’acteur principal de Shining, et va livrer une composition captivante, qui, à elle seule, apporte une bonne part de l’impact terrifiant du film. Comme d’habitude avec Kubrick, le tournage s’éternise (il durera plus d’un an) et l’invention technique est une nouvelle fois au rendez-vous. Il faut croire que le travelling était peut-être la figure de style préférée du réalisateur, car c’est grâce à cette technique (parmi d’autres bien entendu) qu’il va créer une mise en scène qui va tout écraser sur son passage. On dira même que le cinéaste a été plus que jamais un « mégalomane perfectionniste » suite à Shining. Si Stanley est très gentil avec Danny Loyd, dont l’interprétation est tout à fait remarquable, le faisant tourner de manière tellement ludique que le jeune garçon ne se rendra compte que quelques années après qu’il s’agissait d’un film d’horreur ; il sera par contre absolument sans pitié avec Shelley Duvall, qui avait pour elle un personnage dont la fonction principale était de crier et d’haleter, la faisant répéter jusqu’à 40 à 50 fois sa partition. Sadisme ou suggestion pour la plonger un peu plus dans son rôle, toujours est-il que pour cette image marquante, les avis mitigés sur l’homme Kubrick se renforcent.

----------« Ce fut une expérience formidable, mais si cela était à refaire, je n'accepterais pas le rôle... » - Shelley Duvall

En 1980 sort Shining. Le film remporte un grand succès. Kubrick en propose deux versions, celle américaine étant plus longue avec l’ajout de quelques scènes de fantômes. Après des débuts en demi-teinte, l’œuvre étant jugée trop éloignée de sa source originelle, les scores s’envolent par la suite au box-office, rassurant la Warner Bros sur la capacité de son réalisateur à rassembler les foules. L’opinion sur Shining évoluera au cours des années ; et à présent, le film est considéré par certains comme l’un des meilleurs films d’horreur de tous les temps. Décidément, Kubrick n’est pas le premier venu. On pourrait expliquer la raison de cette considération unanime par le fait que le réalisateur a basé la transmission de la peur sur l’imagerie, la mise en scène et le jeu d’acteur, et non sur de vulgaires effets spéciaux qui se démodent aussi vite qu’ils viennent au monde.

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Shining

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Dernière édition par EnOd le Sam 19 Sep 2009 12:58, édité 2 fois.

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MessagePosté: Sam 7 Mar 2009 01:25 
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Full Metal Jacket (1987)
En adaptant Le Merdier, roman sur le Vietnam de Gustav Hasford, Kubrick va livrer son douzième opus : Full Metal Jacket. Le maître s’entoure, pour écrire le scenario, de l’auteur du livre en plus d’un de ses amis reporter de guerre, Michael Herr, déjà présent sur le tournage d’Apocalyspe Now de Coppola. L’histoire, brisée en deux parties, raconte, dans un premier temps, la formation et l’entrainement d’un groupe de jeunes recrues par un sergent des plus sévères qui va les mener à la folie, puis dans un second temps, les balades meurtrières de ces mêmes soldats, envoyés en pleine guerre du Vietnam. Kubrick est obsédé par le fait de produire un film résolument objectif et réaliste. A cet effet, il fait reconstituer le Vietnam ravagé dans l’est de Londres, parties destinées à la destruction. C’est aussi à cause de son obsession que le cinéaste va quelque peu s’embrouiller avec Gustav Hasford, souhaitant imposer sa propre vision de la guerre.

Kubrick ne tarde pas à demander l’aide de R. Lee Ermey, vétéran du Vietnam, lui aussi déjà collaborateur sur Apocalyspe Now. La tâche d’Ermey est simple : trouver l’acteur capable de jouer l’instructeur Hartman et conseiller de façon plus générale Kubrick. Mais parce que les candidats entrevus ne le satisfont pas, Ermey finit par avoir le rôle du sergent. Improvisant la plupart de ses répliques, sa performance restera dans les annales. Sa confrontation avec l’engagé « Baleine », magnifiquement interprété par Vincent D’Onofrio, sera gravé dans les mémoires en tant que scène culte. Si l’espérance de départ était d’être neutre, force est de constater que Full Metal Jacket porte tout de même à réfléchir sur l’armée. Encore une fois, la névrose sexuelle se convie au long métrage et effleure le conditionnement avec connivence. La seule ennemie que l’on pourra voir à l’écran sera une sniper capable de décimer à elle seule toute une troupe de soldats, évoquant par là même l’inefficacité de l’institution. La satire couplée à l’esthétisme de l’ensemble permettent à Full Metal Jacket de figurer parmi les références sur le Vietnam aux côtés d’Apocalyspe Now et Platoon. Si le film sera quand même un succès commercial, son auteur, sur la fin de sa vie, regrettera d’avoir mis tant de temps à mener ses projets à bien, d’autant que cette fois-ci, Kubrick le visionnaire arrive en dernier. L’impact de son œuvre est donc logiquement atténué par ses prédécesseurs, Coppola et Stone pour ne pas les citer.

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Full Metal Jacket

Eyes Wide Shut (1999)
Full Metal Jacket passé, Kubrick va entrer dans une phase de dix ans de silence médiatique. Par la suite, on découvrira que ces années perdues ont été bien remplies, notamment ponctuées par deux idées malheureusement avortées. Il tente tout d’abord de porter à l’écran Une éducation polonaise, projet sur l’holocauste basé sur le roman de Louis Begley. Il écrit le scénario, Aryan Papers, et est prêt à lancer la production. Mais la sortie imminente de La liste de Schindler de son ami Spielberg le décourage à aller jusqu’au bout de son envie. De plus, il n’a pas forcément l’intention de réitérer l’erreur commise avec Full Metal Jacket. Sa femme Christiane s’avouera rassurée de la décision de son mari, parce que celui-ci était rongé par la difficulté de recréer l’horreur des camps.

Ayant lu Intelligence Artificielle, Kubrick se tourne vers la nouvelle de Brian W. Aldiss (publiée dans Supertoys). L’histoire nous transporte à l’orée d’une famille dont l’enfant ne parvient pas à trouver l’affection de sa mère, s’agissant d’un robot, ersatz du premier né. Kubrick écrit à nouveau un long scénario en adaptant le travail d’Aldiss. Toutefois, en dépit de beaux dessins préparatoires, le réalisateur pense attendre que l’évolution technologique soit au niveau requis avant de débuter le tournage. Seulement, entre temps, il propose la réalisation du film à Spielberg, pensant le sujet plus proche de celui-ci que de son propre domaine. Au final, A. I. aboutira en 2001, tout un symbole ; mais le scénario étant mis au crédit de Steven Spielberg et Ian Watson, on ne saura jamais quelle a été la part du travail de Kubrick à avoir été conservée.

Finalement, c’est Eyes Wide Shut qui va jouer le rôle de film testament du maître. Reposant sur La nouvelle rêvée, livre d’Arthur Schnitzler, le film est adapté par Frederic Raphael et Kubrick lui-même. On y suit l’odyssée sexuelle d’un homme en proie au doute, suite à la découverte de l’infidélité fantasmée de sa femme. Comme pour se prouver quelque chose, il décide de la tromper, mais constate, impuissant, que le sexe gangrène tout le milieu qui est le sien. Pour les deux principales compositions du long métrage, le réalisateur fait appel à un vrai couple dans la vie : Tom Cruise et Nicole Kidman, qui signent un contrat les liant à Eyes Wide Shut quelle que soit la durée du tournage. Dès lors, Kubrick en profite pour expérimenter ad libitum et ce, à chaque prise, étirant ainsi le tournage sur plus de quatorze mois. L’œuvre fournie est d’un esthétisme époustouflant, où la lumière de Noël, utilisée en abondance, permet une image unique, jouant sur le contraste né de la confrontation entre la chaleur du orange artificiel et la froideur du bleu naturel. Une des particularités du film, de longs plans séquences, et la musique, toujours judicieusement utilisée, donnent un renversant cachet onirique à Eyes Wide Shut. Kubrick s’amuse à y insérer diverses références à toute sa carrière cinématographique, si bien que ses proches affirmeront que cette dernière copie est le film préféré du réalisateur de sa filmographie entière.

----------« Je veux entendre la réaction des gens. » - Stanley Kubrick

L’avant-première organisée le 1er mars 1999 est très aimée de ses proches et de ses invités, ce qui soulage le cinéaste, stressé par le prix et la durée faramineuse du tournage. Kubrick n’attend pas 2001, et le 7 mars 1999, meurt de cause naturelle pendant son sommeil, dans sa résidence en Angleterre. Il laisse derrière lui une œuvre conséquente, bien que réduite en nombre, et à la portée infinie. Son triste décès ne fait qu’ajouter à l’attente phénoménale suscitée par Eyes Wide Shut. Les rumeurs enflent, et on parle sans arrêt de la part sexuelle du film, ce qui n’est pas sans le desservir, puisqu’il verse dans un tout autre courant. De facto, les gens sont pour le moins déçus par l’œuvre posthume du géant du cinéma. Et si la première semaine est très bonne, Eyes Wide Shut se issant même à la première place du box-office (ce qui n’était jamais arrivé), rapidement, les scores s’écroulent. La réussite critique n’est pas présente, elle est, au contraire, plutôt mitigée. Aujourd’hui, après de longues années, le film a été réhabilité : beaucoup le considèrent comme un nouveau chef-d’œuvre. Le dernier.

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Eyes Wide Shut


L’énigmatique (Rubik’s) Kubrick
► De l’homme… Stanley Kubrick
Beaucoup méconnaissaient Kubrick. D’aucuns ne disaient qu’il était un homme comme les autres. Tout le monde le prenait pour un génie à moitié fou et misogyne, si ce n’est misanthrope. On lui donnait une réputation de dingue, prêt à tirer sur qui s’approchait trop près de sa résidence. On ignorait jusqu’à son physique. En atteste cette imposture d’Alan Conway. Au départ, le réalisateur laisse courir les rumeurs, il se désintéresse de ce que les gens peuvent penser de lui, les abandonnant à leur imagination voire divagations. Mais peu à peu, il devient gêné de ne pas maîtriser sa propre image. C’est pourquoi, il prend la décision de redonner des interviews. Volonté poursuivie par sa femme avec Stanley Kubrick : A life in pictures, livre dans lequel on découvre un homme timide, rasant les murs dès qu’il croisait quelqu’un dans les couloirs. Stanley avait un haut sens de la famille : son troisième mariage durera plus de quarante ans, et l’homme est aimé de ses deux filles malgré un caractère lunatique. Pour lui, sa propriété et ses tournages près de Londres sont un moyen de rester le plus longtemps possible avec ses proches. S’il regrette de ne plus vivre dans son New York natal, il est tout de même très heureux de la vie qu’il mène. Il est également chaleureux avec les animaux, possédant de nombreux chats.

----------« Pour ceux d'entre nous qui l'ont connu, c'était un ours en peluche, gentil et passionné. » - Steven Spielberg

Kubrick est dévoué à ses films, capable de travailler dessus 24h/24 et 7j/7. Il essaye de garder le même sens de la famille dans son métier. De cette manière, il est dur avec ceux qui ne s’impliquent pas autant que lui, mais si l’on fait partie de son cercle, il devient un vrai protecteur, un père. Il travaille individuellement avec les acteurs, prêt à leur accorder la liberté d’expression dont ils ont besoin pour s’épanouir. D’ailleurs, il vit d’intenses relations durant les tournages, mais ne semble cependant pas donner suite aux amitiés ainsi créées après. Le perfectionnisme est un trait de caractère à part entière chez Kubrick : il cadre ses films selon les deux formats employés (TV et cinéma) afin d’être sûr d’avoir le meilleur rendu possible quel que soit le support sur lequel l’œuvre sera projetée. Lorsqu’il n’applique pas cette méthode, comme pour 2001, il fait tout pour interdire la projection du film dans un autre format que celui utilisé lors des prises. Une autre spécificité de son perfectionnisme : Kubrick s’évertue toujours à rendre ses films disponibles dans la plupart des langues majeures. C’est-à-dire que pour des métrages tels que Shining ou Eyes Wide Shut, quand l’élément central d’une scène est une inscription, il fait tourner celle-ci plusieurs fois pour à chaque fois, introduire une des langues souhaitées. Kubrick savait où il allait, ce qu’il voulait. Pour autant, il n’était pas borné et écoutait avec intérêt les remarques et avis qu’on pouvait lui adresser. Dans tous les cas, une chose est sûre : qu’on l’apprécie ou non, les films du maître font incontestablement partie de ceux qui marquent à vie.

Matthew Modine (Acteur dans Full Metal Jacket) : Je lui ai demandé pourquoi il faisait autant de prises. Il m'a répondu que c'était parce que les acteurs ne savaient pas leurs répliques. Et il m'a parlé de Jack Nicholson : « Jack apprend son texte pendant la mise en place des techniciens. C'est pourquoi il faut attendre la prise trois ou quatre pour avoir le Nicholson que tout le monde connaît et qui rend heureux les metteurs en scène. Il faut la prise dix ou quinze pour qu'il commence à comprendre ce que signifie ses répliques. A la prise trente ou quarante, le texte devient quelque chose d'autre. » Et il ajouta : « Je ne sais pas comment faire. Les acteurs ne font pas leurs devoirs. Tout ce que je peux faire, c'est multiplier les prises pour qu'ils apprennent ce que leur conscience professionnelle ne leur a pas commandé de faire plus tôt. »

► Des récompenses de Kubrick
1955
- Prix du meilleur réalisateur au festival international du cinéma de Locarno, Suisse
[Le baiser du tueur]

1958
- Ruban d’Argent du meilleur réalisateur d’un film étranger par le syndicat national italien des journalistes de cinéma, Italie
[Les sentiers de la Gloire]

1964
- Bodil du meilleur film européen, Danemark
- Prix NYFCC du meilleur réalisateur par le cercle des critiques de cinéma de New York, USA
- Prix WGA Screen du meilleur scénario de comédie par la Guilde des scénaristes américains, USA
- Ruban d’Argent du meilleur réalisateur d’un film étranger par le syndicat national italien des journalistes de cinéma, Italie
[Docteur Folamour]

1967
- Oscar des meilleurs effets spéciaux, USA
- David de la meilleure production étrangère, Italie
[2001 : L’odyssée de l’espace]

1971
- Ruban d’Argent du meilleur réalisateur d’un film étranger par le syndicat national italien des journalistes de cinéma, Italie
- Prix NYFCC du meilleur réalisateur par le cercle des critiques de cinéma de New York, USA
[Orange Mécanique]

1975
- BAFTA du meilleur réalisateur aux British Academy Awards, Grande-Bretagne
- Prix NBR du meilleur réalisateur par la National Board of Review, USA
[Barry Lyndon]

1986
- Prix BSFC du meilleur réalisateur par la société des critiques de cinéma de Boston, USA
- Prix ALFS du réalisateur de l’année par le cercle des critiques de cinéma de Londres, Grande-Bretagne
- David du meilleur producteur étranger, Italie
[Full Metal Jacket]

1998
- Bodil du meilleur film américain, Danemark
- Prix de la critique du meilleur film étranger par le syndicat français de la critique du cinéma, France
- Prix « Bastone Bianco » Filmcritica au festival du cinéma de Venise, Italie
[Eyes Wide Shut]

► De ses autres prix
- David Européen aux prix David di Donatello, Italie (1977)
- Nocciola d’Or au festival du cinéma de Giffoni, Italie (1985)
- Prix Luchino Visconti aux Prix David di Donatello, Italie (1988)
- Prix pour l’ensemble de sa carrière par la guilde des réalisateurs américains, USA (1997)
- Lion d’Or pour sa carrière au festival du cinéma de Venise, Italie (1997)
- Prix pour l’ensemble de sa carrière par la guilde des réalisateurs de Grande-Bretagne, Grande-Bretagne (1999)
- BAFTA de l’Academy Fellowship aux British Academy Awards, Grande-Bretagne (2000)


Stanley Kubrick et le cubisme : tentative d’approche
► D’un petit interlude
Kubrick est un réalisateur tellement complet et passionnant que tous les écrits du monde ne sauraient le décrire parfaitement. Néanmoins, avec tout ce qui vient d’être dit à son sujet, il parait opportun de s’intéresser à présent plus en détails sur le sens général qui peut se dégager de sa filmographie. L’étude qui va suivre ne se formalisera pas sur ses films au cas par cas mais sur l’aspect macroscopique de son œuvre. A commencer par sa relation au cubisme…

----------« Regarder un film de Kubrick, c'est comme regarder le sommet d'une montagne depuis la vallée. » - Martin Scorsese [23]

► De la géométrie chez Kubrick
Si le cubisme est plus communément appliqué dans les domaines de la peinture ou de la sculpture, on peut néanmoins voir en Kubrick, à l’image de David Lynch, un sens certain pour ce mouvement artistique qui prend ses marques dans le XXe siècle. « Dans les œuvres d’art cubistes, les objets sont fragmentés, analysés et rassemblés dans une forme abstraite au lieu d’un objet représenté d’un seul point de vue. » Ceci permet donc de représenter le sujet dans un contexte plus large. Bien souvent, les lignes et les surfaces se subliment entre eux, pour se croiser au hasard, conférant à l’ensemble une absence de cohérence dans son sens de la profondeur. En pénétrant l’un dans l’autre, le contexte et l’objet s’efface pour créer un espace ambigu, une caractéristique propre au cubisme.

Il est de notoriété publique que pour Stanley Kubrick, les décors de ses films sont tout aussi importants sinon plus que les acteurs ou le scénario. Par exemple, le souci du détail développé dans Barry Lyndon donne un aperçu de la méticuleuse attention que le réalisateur accordait aux décors et à la retranscription de ceux-ci à l’écran. De la même manière, les plans de Kubrick portent toujours en eux cette recherche de la profondeur, du sens, confrontant sans cesse le personnage filmé à son environnement, pour davantage le contextualiser, lui donner un essor supérieur, mais aussi pour, paradoxalement, brouiller les pistes. La plupart du temps, un simple plan kubrickien suffit à expliciter nombre de sujets et de thèmes sous-jacents. Pour illustrer cette dernière assertion, intéressons-nous à ce plan en particulier :

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Composé par une géométrie (voire une symétrie) et des couleurs saisissantes, ce plan, d’un érotisme marquant en plus d’être d’une grande beauté en soi, qui ouvre Eyes Wide Shut témoigne idéalement de la névrose de Kubrick à associer indéfiniment le personnage à son cadre, à façonner tout ceci pour reproduire l’exacte émotion qu’il souhaite faire passer. La perspective, renforcée par les colonnes, soutenues par le contraste née du mur jaune, des rideaux rouges et de la robe noire d’Alice (Nicole Kidman), plonge le spectateur au cœur d’une fascination sans limite, brisée cependant par la courte durée du plan. Coupant le spectateur dans l’excitation et la curiosité suscitées précédemment, Kubrick oppose la découverte et l’éclat à l’habitude et à la routine, en nous envoyant paître du côté de Bill (Tom Cruise). La signification de ce procédé est plutôt simple au fond. La consommation du sexe à l’écran est devenue trop commun, et à force d’en subir les pulsions, on finit par être dominé par elles. Dans une absolue extrapolation, on pourrait même dire que le spectateur devient peu à peu une machine, dont le moteur serait l’orgasme magnifié et implicite. Kubrick nous rappelle à l’ordre sans concession.

----------« On se demande comment quelqu'un a pu monter si haut. » - Martin Scorsese [24]

► Du cubisme, et par-delà le cubisme
La capacité de renouvellement de l’œuvre kubrickienne force définitivement le respect. Et si de son vivant, les controverses pleuvaient sur lui, rares sont ceux à ne pas reconnaitre en ce cinéaste l’importance qui est la sienne depuis sa mort. A chacun de ses films, Kubrick a trouvé le moyen de puiser des concepts nouveaux et innovants, afin, entre autres, d’embellir d’autant plus son impact esthétique où la peur et l’angoisse se muent en une forme transversale de beauté. Certes, le réalisateur n’a pas proposé que des films lynchiens, qui ne se livrent pas d’eux-mêmes. Mais certaines de ses œuvres, comme 2001 surtout ou encore Eyes Wide Shut, possèdent cet attrait envoyant aux possibilités d’interprétations nombreuses. S’ensuit une œuvre à deux visages, l’un à effet immanent, l’autre plus caché, sujette à analyse. Le premier est destiné à provoquer une réaction immédiate chez le spectateur, sorte d’expérience visuelle (2001 encore), offrant par ce biais le second : les possibilités de réflexions prolongées à partir du premier.

« Nous ne nous intéressons aux œuvres d'art que dans la mesure où elles portent en elles les moyens de modifier le réel, la structure de l'homme et les visions du monde, en somme dans la mesure où se pose la question principale de savoir comment les œuvres d'art peuvent être intégrées dans une vision du monde ou comment elles la détruisent ou la dépassent. Cela inverse alors la position de l'historien de l'art. Désormais, il s'agit de déceler dans l'art son sens biologique, il ne suffit donc pas d'en proposer une histoire descriptive ou de l'évaluer selon une esthétique scolaire et de distribuer des notes ; il faut tenter une sociologie ou une ethnologie de l'art en évaluant l'art, non plus comme une fin en soi, mais comme un moyen vivant et magique. » [25]

Cubisme parce que Kubrick semble restituer à travers son œuvre une solitude et une angoisse inhérentes à la création du nouveau contre toutes les normes en vigueur. Par suite, les trouvailles formelles des cubistes ne sont donc plus de simples effets de style : elles deviennent l’expression presque animiste du monde, d’un mythe, perdu par le rationalisme et le pragmatisme ; encore que cette expression demeure résolument moderne car conforme aux dernières avancées de la science (cf. 2001 une fois de plus). Enfin, une importance cruciale est aussi accordée à la réception que peut en faire le spectateur, dans le changement qui s’opère en lui à la suite d’une vision d’un tableau cubiste (Orange Mécanique). Ces trois points peuvent converger à merveille vers le cinéma de Stanley Kubrick, et notamment vers son conceptuel 2001.

----------« J'aime un départ en lenteur, ce départ qui pénètre le spectateur dans sa chair. » - Stanley Kubrick

En poussant la réflexion, il vient que Kubrick, non content d’imprimer une consistance et une structure exemplaires à ses plans, jumelle de surcroit son œuvre au monde plus général de la peinture. En outre, la peinture et le cinéma ont fait l’objet d’innombrables études, portant pour la plupart sur le fonctionnement des références quant à la structure d’un film, ou sur les aspects philosophiques de la figure en tant que représentation. Chez Kubrick, le montage est une question de rythme, faisant admirablement écho au jugement que l’idéal de tout tableau est la division de la profondeur en une infinité de plans infiniment petits. « La première chose que je dessine, quel que soit le cadrage, c'est la première chose qu'on regarde, ce sont les visages. » Alfred Hitchcock nous montre par cette phrase l’importance de la position du visage dans le cadre. En cela, il est vrai que les gros plans sur les visages livrent une puissance émotionnelle rare dans le cinéma. Dès lors, le rapprochement avec Kubrick est immédiat : Barry Lyndon a repoussé les frontières de la peinture au cinéma, à tel point que quasi chaque plan du film, à un instant donné, se fige pour en exposer un portrait, un tableau, censé reproduire ceux de l’époque.

Il découle par conséquent que le cinéma de Kubrick est un cinéma d’art, d’œuvre d’art, dont la substantifique moelle est extirpée en deux temps : visuel puis analytique. C’est précisément la raison pour laquelle parler d’interprétation et de réflexion quand on parle des films de Kubrick est approprié, même tout à fait légitime.

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Un plan caractéristique de Barry Lyndon


La place du sexe (et de la femme) dans le cinéma de Kubrick
► De la névrose (sexuelle)
L’œuvre de Stanley Kubrick se conclut par le mystérieux et non moins provocateur « fuck » qu’Alice prononce dans Eyes Wide Shut. Mais contrairement à ce que l’on pourrait, de prime abord, se dire au vu de cette remarque, les scènes de sexe en elles-mêmes sont rares dans la filmographie de Kubrick. Et pourtant, de manière tout aussi paradoxale, il est évident que celui-ci innerve son cinéma. Ce n’est sûrement pas un hasard si le réalisateur a choisi de parachever cinquante ans de carrière par un mot aussi évocateur que ce « fuck » en question. A partir de là, c’est donc que d’une certaine façon, le sexe a toujours été présent dans ses films, plus ou moins enterré dans sa démarche, plus ou moins suggéré, exerçant sa formidable puissance sur tous ces personnages. Se questionner sur la place du sexe et ce en quoi il peut influencer le cinéma de Kubrick devient, en conséquence, pleinement justifié.

Comme quiconque connait un tant soit peu Kubrick le sait, la place de la femme dans son œuvre est ambiguë : très souvent, leurs apparitions sont rares, et lorsqu’elles sont bien là, leurs rôles sont formatés. Dans 2001, la femme n’a pas son mot à dire. Dans Orange Mécanique, elle n’est prétexte qu’au viol et à la pulsion sexuelle exacerbée. Dans Les sentiers de la Gloire, la danseuse de fin ne représente que le fantasme inassouvi des soldats, qui trouveront chez elle le réconfort machiste qu’ils cherchaient tant. Dans Full Metal Jacket, la sniper peut s’apparenter à une forme diffuse de masculinisation par son meurtre. Dans Eyes Wide Shut, Alice parle d’elle-même, au sens propre comme au figuré. Et l’on pourrait continuer comme cela sans jamais s’arrêter, sinon jusqu’à traverser tous les films du réalisateur. De ce constat, il semble que l’on peut extirper une définition du sexe selon Kubrick : il n’est que névrose et pessimisme. Le malaise s’installe là où précisément commence le renoncement pulsionnel obligatoire à toute vie sociale saine.

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Alice et son mari – Eyes Wide Shut

Cette névrose mise en lumière, confirmée par les nombreux personnages névrosés chez Kubrick, fait irrémédiablement référence au lien étroit qu’il peut y avoir entre le sexe et la mort. En ce sens, il ne parait pas maladroit d’affirmer que Kubrick s’ancre dans la pensée freudienne du sexe, dans la mesure où celui-ci s’exprime par une problématique constante de la névrose, enchâssée dans ce penchant unanimement pessimiste. Mais sans passer par quatre chemins, Kubrick nous prévient, dans son traitement, que s’il s’intéresse au sexe, l’amour par contre ne l’intéresse pas. Bien entendu, il ne faut pas mélanger ici le tempérament de l’homme et le thème cher au cinéaste, car ces deux points sont radicalement différents. Kubrick ne filme jamais d’étreinte, qu’elle soit passionnelle ou de coutume, pas plus qu’il ne recourt au lyrisme pour agrémenter ces scènes, ayant plus d’attaches avec l’ironie ou l’inquiétude. En fin de compte, c’est peut-être sa façon de raconter ces choses qui lui ont valu en partie les critiques acerbes et virulentes de Pauline Kael ou Jean-Luc Godard entre autres : « Un souci méticuleux du réel, une passion de l’exactitude, la froideur de ses images ».

Le sexe est inquiétant, dangereux, lourd de répercussions. La plupart du temps, lorsqu’un contact charnel est suggéré ou montré, le ton monte en même temps que les images : quand Lolita et le professeur Humbert se touchent pour la première fois de la main, c’est lors d’une vision d’horreur ; quand Alice raconte son fantasme à Bill, une sinistre musique s’élève pour hanter l’air de sa ténébreuse mélodie. De même, la recherche sexuelle de Bill rime avec une plongée angoissante dans un New York effrayant où « un grand danger » attend le héros d’Eyes Wide Shut. Plus exactement, le sexe trône toujours aux côtés de la mort. Dans Orange Mécanique, les chroniques sur l’ultra-violence débutent par un viol sauvage, et se poursuit par le meurtre de sang froid de la femme aux chats commis avec une sculpture d’un phallus. Evident sous-entendu. Dans le film testament du maître, quand Ziegler appelle Bill à la rescousse, apeuré par l’état de santé de la jeune fille avec qui il vient de passer un moment chaud, celle-ci est complètement dénudée, affalée dans un fauteuil, morne, pour ne pas dire sans vie. Morte. Symboliquement ou pas. Sur le sexe, pas de différence, nous murmure Kubrick : quel que soit le milieu social, même combat, même dégât.

----------« Dans un film, on ne filme pas la réalité [mais] des images qui reflètent une réalité. » - Stanley Kubrick

► De la Guerre et de la Paix
Le sexe appelle aussi à la maladie et tous ses dérivés. Le sida fait son entrée dans l’œuvre de Kubrick sur le tard, mais il est suffisamment pertinent dans son emploi pour le souligner. Faut-il rappeler que la prostituée d’Eyes Wide Shut en souffre ? Maladie peut être synonyme de folie. Les cas ne sont pas isolés que ce soit dans Lolita ou Shining. D’ailleurs, dans ce dernier film d’horreur, Kubrick effectue une entremise entre la maladie comme folie et l’élan morbide du sexe comme mort : au moment où Torrance, dans un excès d’instabilité, se met à embrasser une ravissante jeune fille, celle-ci se transforme aussitôt en cadavre desséché. Comme le réalisateur le fera dans Eyes Wide Shut, où la mort du patient de Bill précède justement le récit d’Alice sur son fantasme rêvé. Dans Lolita encore, la mère de la fillette tente de séduire Humbert en évoquant la nostalgie de la mort de son défunt mari, qui les observe de son vase contenant ses cendres. Autre chose : Kubrick fait également un parallèle des plus intéressants entre le sexe et la guerre. Rigidité des armées contre port des uniformes, organisation autoritaire des armées contre organisation mécanique du collectif (Eyes Wide Shut). Allégorie des fluides corporels (Docteur Folamour) ou encore le fusil en tant que copine (Full Metal Jacket). Par définition, les militaires sont des névrosés.

Ainsi que le montre le traitement anti-violence, basé sur la Neuvième Symphonie de Beethoven, dans Orange Mécanique, tout danger part de la névrose, engendrée par la pulsion sexuelle. Au fond, le régime qui est soumis à Alex possède un objectif patent : réprimer voire supprimer cette pulsion afin que son absence remette le criminel dans le droit chemin. Or, l’échec cuisant de ce système foncier peut se résumer du fait que le renoncement pulsionnel suscite sans défaut cette même névrose, toujours aussi dangereuse. Par conséquent, l’énergie sexuelle ne disparait pas, au contraire, elle est déplacée, retenue, retardée, et finalement, plus importante encore. C’est ce que nous raconte Orange Mécanique, à la fois métaphoriquement et impérativement dans cet adage qui veut que la violence appelle à la violence. De la même façon, dans Eyes Wide Shut, lorsque le séducteur d’âge mûr hongrois tente sa chance avec Alice, celle-ci lui donne pour toute réponse qu’elle est mariée. C’est-à-dire qu’elle ne lui témoigne pas de son manque d’intérêt mais de son obligation familiale voire morale. Pourtant la scène nous suggère sans équivoque que la femme de Bill étouffe sans doute en elle cette envie manifeste de tromper. Renoncement pulsionnel. Et comme une ironie, c’est de ce point précis que se déclenche la crise du couple qui va amener à la justification même du film.

Pourtant, si le sexe est névrose, il est tout autant solution, comme le certifie sans détour le « fuck » terminal d’Alice. Assaini de tout sentiment, le sexe est source de désordre. Mais Kubrick, paradoxalement, nous invite à y chercher un moyen, peut-être le seul, pour rétablir l’ordre perdu. Renvoyant à toute sa filmographie, Eyes Wide Shut nous propose une vision continue du sexe selon le cinéaste : il faut satisfaire ses envies, relâcher ses pulsions, enfin, laisser libre cours à ses fluides corporels. Cependant, « fuck » possède une connotation bestiale et machinale, dénué de tout romantisme. C’est-à-dire qu’il nous rappelle précisément toute l’œuvre kubrickienne et ses ambigüités. Toujours ce thème impérissable du double. Thème qui aura suivi Kubrick durant toute sa carrière.


D’une certaine idée de la musique
► D’une œuvre musicale
Stanley Kubrick : « Il est certain que les scènes les plus fortes, celles dont vous vous souvenez, ne sont jamais des scènes ou les gens se parlent, ce sont presque toujours des scènes de musique et d'images. Ce serait intéressant de voir un film entièrement réalisé ainsi... »

Le cinéma de Kubrick, on l’a vu, relève d’une recherche artistique minutieuse. De ce fait, le réalisateur nous informe qu’il est possible d’apprécier son œuvre de deux manières, à la fois distinctes et liées : elle est tout autant contemplative et sensorielle qu’analytique et interprétative. De là, il n’était donc pas extrapoler que de s’intéresser aux tenants et aboutissants de son schéma narratif. Or, si le thème du double est très souvent développé par le maitre, il est loin d’être le seul. Parmi eux, on pourrait citer, entre autres, sa relation avec la guerre ou sa vision pessimiste de l’humanité. Pour autant, l’objectif ici ne sera pas de se focaliser sur la signification de ces thèmes dans l’œuvre kubrickienne, mais de savoir comment celle-ci est conditionnée par un élément essentiel à tout bon film : la musique. Il est certain, en effet, que la musique prend une place centrale chez Kubrick, elle n’est pas utilisée comme adjuvante des images ; bien au contraire, c’est elle qui leur donne le rythme et qui leur dicte la marche à suivre. En gros, elle devient primordiale parce qu’elle ne sert plus à raconter mieux : ni plus ni moins, elle raconte. De position secondaire, elle passe à position primaire. Le film, c’est la musique qui le contrôle.

----------« Le choix de la musique va de pair avec la stylisation que nous recherchons. » - Stanley Kubrick

Kubrick joue sur une illustration musicale systématiquement déployé dans ses films. Son leitmotiv a toujours été d’associer un thème musical avec ce qui fait l’essence d’un personnage, d’un lieu commun ou d’une situation. Ainsi, pour le spectateur, le déclenchement de ce thème le renseigne immédiatement sur la nature même des faits relatés à l’écran. Dès ses débuts, Kubrick s’est plu à distiller ce jeu musical dans ses longs métrages. Pour soutenir cet état de fait, remarquons que dans L’ultime razzia, lorsque la femme fatale nous fournit un discours garni de mensonges, des sons de jazz lui sont attachés, nous informant du caractère hypocrite de ses paroles. Dans Barry Lyndon, Le Trio de Schubert est évidemment associé aux confidences en aparté de Lady Lyndon, spécialement lorsque celle-ci nous ouvre son âme. Et même si cette figure commence à devenir connue, on ne peut bien sûr pas oublier la quintessence d’une musique devenue torture que représente la pourtant très belle Symphonie N°9 de Beethoven.

Et puisqu’il est question d’Orange Mécanique, il est tout de même surprenant de constater que Kubrick ne fait pas que s’approprier la musique : à des fins personnelles, il lui arrive également de la détourner, et ce, dans le but d’appuyer une thématique, toujours dans ce souci d’illustrer et d’accompagner son propos. C’est pourquoi, le détournement précédemment cité du Quatrième Mouvement de la Neuvième Symphonie de Beethoven est particulièrement intéressant. En utilisant les chefs-d’œuvre musicaux du passé à contresens, le cinéaste leur redonne un nouveau sens, celui qu’il a décidé. Par une certaine discordance opérée sur le lien entre le signifiant et le signifié, le réalisateur parvient à créer un malaise palpable, accentué par la synchronisation entre les images et le rythme musical (le viol d’Orange Mécanique). C’est de là, de cette transgression dans la signification même de Beethoven, que Kubrick arrive à rendre Alex allergique à la musique (en général) suite au traitement Ludovico. Le réalisateur dira : « Mais si l'on veut utiliser de la musique symphonique, pourquoi la demander à un compositeur qui de toute évidence ne peut pas rivaliser avec les grands musiciens du passé ? Et c'est un tel pari que de commander une partition originale. Elle est toujours faite au dernier moment, et si elle ne vous convient pas, vous n'avez jamais le temps de changer. Mais quand la musique convient à un film, elle lui ajoute une dimension que rien d'autre ne pourrait lui donner. Elle est de toute première importance. »

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Alex, lors d’une séance du traitement anti-violence – Orange Mécanique

► De la puissance du classique
2001 marque sans aucun doute le tournant dans la carrière de Kubrick dans son rapport à la musique, notamment classique. « À moins que vous ne vouliez de la musique pop, il est vain d'employer quelqu'un qui n'est pas l'égal d'un Mozart, d'un Beethoven ou d'un Strauss pour écrire une musique orchestrale. Pour cela, on a un vaste choix dans la musique du passé. Parfois, il y a de la musique moderne intéressante mais si vous voulez une musique d'orchestre, je ne sais pas qui va vous l'écrire », commentera le maître dans une interview accordée à Michel Ciment, en 1972. La musique prend d’autant plus d’importance dans le cinéma de Kubrick que, par occasions, c’est elle, et seulement elle, qui nous donne les clefs de compréhension nécessaires pour déchiffrer certains films, comme 2001 : L’odyssée de l’espace. En effet, bien que 2001 soit avant tout une expérience visuelle, il reste aussi l’une des plus retentissantes expériences musicales de la filmographie de Stanley Kubrick.

Après la découverte du premier monolithe noir, témoignant de la première évolution de l’humanité, le cinéaste confronte l’os envoyé dans le ciel par le singe avec l’image d’un vaisseau spatial, nous projetant des milliers d’années dans le futur. En une seule transition [26], Kubrick réduit au silence toutes ces années d’évolution, comme si, au fond, celles-ci n’avaient servi à rien d’autre qu’à faire du sur-place. L’aventure spatiale s’ouvre alors avec la valse du Beau Danube Bleu qui « est construit thématiquement sur un arpège d’accord parfait majeur ascendant, rappelant le motif de Zarathoustra dont il est la contraction dans l’espace d’une quinte » [27]. Ce détail, cette contradiction avec le motif de Zarathoustra est d’une importance cruciale, car c’est elle qui va expliciter tout 2001 en mettant en relief et en s’opposant à la musique de Strauss. Le film se conclut sur un long plan séquence avec l’apparition du fœtus astral, sur fond d’Ainsi Parlait Zarathoustra. Or, rappelons que cette composition marque l’avènement du surhomme, décrit par Nietzsche dans son œuvre éponyme. Fait troublant : le surhomme matérialisé par la transformation de Bowman en fœtus est le fruit de la découverte du troisième et dernier monolithe noir.

En y réfléchissant, par rapport aux éléments mis à notre disposition, il peut venir une déduction non sans intérêt : en réalité, l’odyssée de l’espace est un hommage vibrant à la philosophie de Nietzsche. Certes, la frontière est mince entre l’utilisation de Zarathoustra et transposer 2001 tout entier au philosophe allemand. Pourtant, on va le voir, ce n’est pas si bête. Il faut effectivement savoir que si l’on part de ce principe, le film, jugé inanalysable, prend toute son ampleur ainsi qu’un sens enfin clair. Rembobinons la bande et reprenons du début. Le film commence véritablement après la découverte du premier monolithe noir, synonyme de l’émergence de l’intelligence chez le singe, exacerbant ainsi sa volonté de puissance (l’os sert d’arme pour un meurtre). Il s’agit donc là d’une première évolution de l’humanité, c’est-à-dire, chez Nietzsche, de la première des trois métamorphoses de l’esprit (l’esprit devient chameau). S’ensuit une transition sans cérémonie, nous transportant dans un futur lointain sur le thème maintenant connu du Beau Danube Bleu qui est, précisément, la contradiction du surhomme : c’est le concept de l’éternel retour nietzschéen.

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L’arpège de trois notes – Ainsi Parlait Zarathoustra

La découverte du deuxième monolithe noir sur la lune marque un nouveau tournant structurel dans 2001 : les hommes prennent conscience de ce que l’espace recèle de secrets inatteignables. Mais en tant qu’être curieux, l’homme prend conscience de sa petitesse devant l’immensité de l’univers : on aboutit à une deuxième évolution de l’humanité. Autrement dit, le deuxième monolithe noir fait écho, une fois de plus, à une des trois métamorphoses de l’esprit (le chameau devient lion). Déboussolé mais plus fort que jamais, l’homme décide d’entreprendre un dernier voyage à travers l’espace pour mettre à nue toutes les subtilités de ce qu’il ignore : c’est le début de la mission Jupiter. Dans la trame, on suit l’exact cheminement du surhomme nietzschéen. En effet, au cours de cette mission, Bowman va devoir se mesurer à la trahison d’HAL 9000, cette intelligence artificielle censée être sans faille aucune, capable de tout prédire et décider. En quelque sorte, l’erreur d’HAL relevée par Bowman va conduire celui-ci à se questionner sur la vraie valeur de cette machine, représentant jusque-là la figure du parfait. Finalement, l’astronaute va prendre la terrible décision de tuer HAL, détruisant du même coup, symboliquement, les anciennes tables dont parlait Nietzsche dans son Zarathoustra. A partir de là, le film amorce sa chute terminale : Bowman découvre le troisième monolithe noir près de Jupiter et, dans un dernier plan séquence de toute beauté, se change en fœtus astral, forme ultime de l’homme car ultimement infini. Il devient le surhomme, celui qui transcende la compréhension humaine. Il s’agit de la dernière métamorphose de Nietzche : le lion devient enfant. Et comme un symbole, la mélodie d’Ainsi Parlait Zarathoustra s’élève, envoyant ses ondes partout dans l’univers, confirmant définitivement l’avènement du surhomme. L’hypothèse est corroborée, le film peut se clore.

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Le fœtus astral – 2001 : L’odyssée de l’espace

► De l’au-delà de la musique
Si Stanley Kubrick possède cette faculté folle d’insuffler à ses films une signification se répercutant directement par la musique employée, il semble être allé même plus loin encore en réalisant le sublime Barry Lyndon. Dans ce long métrage de 1975, le cinéaste ne se contente plus de donner un corps à ses images par la musique, il va jusqu’à structurer son film grâce à la musique, ce qui, bien entendu, représente une étape décisive dans son cinéma. Le film raconte l’ascension puis la chute de Redmond Barry qui, à l’instar d’Alex d’Orange Mécanique, va vivre une vie tragique. Vie tragique accentuée dès le commencement par La Sarabande en D mineur d’Haendel, par ailleurs thème principal de l’œuvre. Cette pièce illustre tous les duels dans lesquels le protagoniste va prendre part : elle est donc associée, sans faux-semblant, à la mort. Le fait qu’elle soit présente dès le générique nous renseigne par conséquent, à l’avance, du drame qui va entourer chaque instant de l’existence de Redmond, renforçant ainsi d’autant plus l’aspect tragique du propos. On nous annonce que la vie de Barry ne sera qu’une succession de combats, de cruelles batailles, dont l’enjeu n’est rien de moins que sa propre survie.

Intervenant lorsque Barry parvient à l’apogée de sa vie, autrement dit lorsqu’il séduit avec succès Lady Lyndon, Le Trio de Schubert, l’autre signature du film, est sertie d’une immense ironie, renvoyant à la fois à l’amour de Lady Lyndon mais aussi à la tromperie de Redmond, puisque, les plans et la mise en scène le suggèrent, il n’éprouve rien de véritable pour la demoiselle. Sa manœuvre n’est régie que par un opportunisme sauvage, se rattachant à son intense envie d’entrer dans la haute société. C’est à ce moment-là que son existence bascule : si sa nouvelle noblesse est décrite par des musiques plus raffinées, elles sont également voire surtout plus tragiques. Par exemple, le Concerto pour violoncelles de Vivaldi intronise le tournant dramatique du film : Lady Lyndon n’est plus qu’une décoration pour Barry, lequel se fait mépriser par Lord Bullingdon qui commence à éprouver une haine farouche pour son père adoptif, voyant en lui un vulgaire profiteur de bas étage. Tournant dramatique parce que c’est ce Concerto qui va accompagner la descente aux enfers de Redmond, intervenant encore juste après la bagarre entre Barry et son beau-fils, bagarre qui conditionne définitivement la rancœur du second pour le premier. De cette manière, la vie de Redmond se retrouve scellée : il est désormais voué à une triste fin. Mais l’ironie revient là où on ne l’attend pas : alors que Lady Lyndon signe la rente annuelle, proposée par Lord Bullingdon, pour Barry, Le Trio de Schubert se propage à nouveau, dans une dernière variante, en majeur cette fois-ci. L’ambiguïté s’installe : l’aime-t-elle encore ? En tout cas, la boucle est bouclée.

Barry Lyndon pousse l’utilisation de la musique à un niveau insoupçonné de complexité, à tel point que par la variation d’un même thème (Haendel et Schubert), Kubrick parvient à restituer l’émotion d’un opéra, griffant son film d’un merveilleux lyrisme, et marquant la progression de l’action par une évidente solennité. Elizabeth Giulani relèvera que Barry Lyndon est construit selon le principe de l’opéra seria, devenu majeur au XVIIe siècle : « on y trouve une opposition entre récitatif et aria, transcrite dans l’alternance des plans séquences montés serrés qui signent les moments où l’action avance (la prise de vue est latérale et le tempo rapide) et, quand l’action s’arrête, l’ouverture de l’espace par travelling avant ou arrière et arrêt de la caméra sur le personnage. De même, l’action est ponctuée de scènes de duel que souligne la variation d’un même motif musical jouant lui-même de la répétition et de la variation (une passacaille). Le parallélisme pourrait se poursuivre : le décor de ces duels s’intériorise de plus en plus, les plans sont de plus en plus rapprochés et, crescendo, l’intensité de la musique s’accuse par un renforcement du niveau sonore. » Tout est dit.

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Mécanisme de l’opéra seria – Barry Lyndon


Conclusion
De la musique, on pourrait établir un pont et dire que « tout finit par des chansons ». Sauf qu’avec Stanley Kubrick, rien n’est jamais vraiment fini. C’est impossible. Comme il est impossible de cerner avec une entière précision le réalisateur et son œuvre. Elle est bien trop riche pour se livrer si facilement, ses trésors sont bien trop nombreux pour les récolter tout à la fois. En réalité, même dix ans après sa disparition, Kubrick est plus que jamais vivant, respirant à chaque instant au travers des nombreux chefs-d’œuvre qui jonchent sa magnifique filmographie. On ne peut pas se lasser de revoir les grands classiques qu’ils sont devenus : de 2001 à Eyes Wide Shut, sans oublier Orange Mécanique ou Les sentiers de la Gloire. Tous ont une spécificité, tous ont une histoire qui leur est propre. Tous ont nourris des rêves, ces moments de fascination que nul n’échangerait pour rien au monde. Son empreinte sur l’histoire du cinéma est irréversible. Pour beaucoup, il est une source d’inspiration intarissable.

Kubrick est entré dans la légende de son vivant, et est devenu un mythe depuis sa mort. Qu’il nous berce pour dix ans encore !

----------« Fuck. » - Alice Harford


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Notes
[1] Je fais dans l’originalité, et vais jusqu’à dédier un topic. Serais-je à ce point narcissique ? Je ne crois pas. C’est simplement pour remercier Leto II de son support ; c’est en partie grâce à lui que j’aie pu avoir la motivation, nécessaire à un tel travail.
[2] Arthur Fellig est un photographe américain, reconnu pour ses clichés nocturnes, notamment de New York, sa ville chérie.
[3] Le travelling composé est un procédé cinématographique consistant à associer un travelling arrière à un zoom avant, ou vice-versa. Appelé aussi « effet Vertigo », en référence au film d’Hitchcock, il permet par exemple d’éloigner un plan sans toutefois rétrécir les décors ou les personnages.
[4] Le montage est une étape primordiale dans le monde du cinéma. C’est en effet lui qui permet de donner un sens aux plans que l’on filme pour, au final, construire des séquences. Si un mauvais montage peut tuer un bon sujet, le contraire est également vrai. Beaucoup d’effets du cinéma ont été créés grâce à un montage inédit.
[5] Extrait d’une interview accordée au magazine Eye, datant d’août 1968.
[6] La photographie, dans le jargon cinématographique, désigne le rendu des images sur l’écran. A ce titre, la qualité de la photographie d’un film est donc essentielle à la qualité même du film.
[7] Son père a, en effet, débloqué et touché son assurance vie, s’élevant à 9000$, pour venir en aide à Stanley.
[8] Kubrick possède cette manie de ne jamais montré qu’un seul et unique camp dans ses films de guerre. Et Fear and Desire n’échappe pas à la règle puisqu’à la fin du métrage, le groupe de soldats tombent nez à nez avec… leurs propres visages !
[9] Deux copies de Fear and Desire semblent être détenues par la George Eastman House à Rochester (Etat de New York).
[10] Howard Sackler est un scénariste et écrivain américain, ayant notamment travaillé avec Steven Spielberg sur le diptyque originel des Dents de la Mer.
[11] Technique de récit cinématographique standardisé en premier lieu par Orson Welles lui-même dans son légendaire Citizen Kane.
[12] Ami de Kubrick toute la vie durant, James B. Harris est un jeune producteur indépendant ayant de bons contacts avec les majors d’Hollywood. Lorsqu’ils fondent la Harris-Kubrick Productions, Harris et Kubrick n’ont tous deux que 26 ans.
[13] L’ultime razzia est en effet une source d’inspiration, encore de nos jours. Par exemple, le Reservoir Dogs de Tarantino est un clin d’œil à peine caché au film de Kubrick. On remarquera en particulier l’identique découpage de la narration de l’histoire, séparée en plusieurs parties, jonglant entre temps réel et flashback.
[14] Pendant le tournage, Lucien Ballard va changer l’objectif et l’emplacement de la caméra censée filmer une scène de travelling, en expliquant à Kubrick que cela n’aura aucune incidence sur les changements de perspective. En vain.
[15] Pauline Kael considère que Le baiser du tueur avait lancé la carrière de Kubrick. Cependant, elle ne sera jamais une grande amatrice du réalisateur, jugeant que ses films ont « une froide et distante atmosphère, [et qu’ils] n'ont pas d'âme. »
[16] Jean-Luc Godard a déclaré, au sujet de L’ultime razzia : « C'est le film d'un bon élève sans plus. Ce qui correspond chez Ophüls à une certaine vision du monde n'est chez Kubrick qu'esbroufe gratuite. Mais il faut louer l'ingéniosité de l'adaptation qui, adoptant systématiquement la déchronologie des actions, sait nous intéresser à une intrigue qui ne sort pas des sentiers battus. »
[17] François Marie Laurent de Mellionnec est souvent cité comme ayant été exécuté « parce que ce Breton ne savait pas le français ». Soupçonné de mutilation volontaire, une contre-expertise de 1933 va le réhabiliter en 1934.
[18] Le steadicam est un système stabilisateur de prise de vues. Il permet entre autres de réaliser des travellings à la volée, par exemple en courant, caméra à la main. C’est une technique très efficace pour donner une sensation d’instabilité tout en ayant une image très stable.
[19] Kubrick co-écrit le scénario de The German Lieutenant, resté sans suite, et se passionne pour Brûlant secret (d’après Stefan Zweig).
[20] Docteur Folamour est, à la base, dérangeant ; mais il l’est d’autant plus que l’année précédant sa production, le climat fut tendu à cause de la crise des missiles de Cuba. De plus, il faut ajouter que c’est le 22 novembre 1963 que le président Kennedy a été assassiné à Dallas.
[21] Terry Southem signera plus tard le scénario d’Easy Rider.
[22] En avançant les lettres d’une position, HAL devient étrangement IBM. Clin d’œil ? En tout cas, Arthur C. Clarke et Stanley Kubrick s’en défendront, vendant la thèse de la coïncidence.
[23] Martin Scorsese dans la préface du livre-somme de Michel Ciment : Stanley Kubrick.
[24] Suite de la précédente citation.
[25] Carl Einstein, Georges Braque, La Part de l'œil, 2003.
[26] Et non pas de fondu-enchainé comme on le dit (trop) souvent à tort.
[27] Citation de Michel Chion.


Dernière édition par EnOd le Lun 22 Mar 2010 13:32, édité 2 fois.

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MessagePosté: Sam 7 Mar 2009 02:27 
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Par où commencer, ou plutôt continuer, si ce n’est en félicitant tout d’abord EnOd pour sa ponctualité mesurée et sans doute psychotique, pour faire un excellent début d’hommage à ce qu’on peut aisément considérer comme l’un des plus grands réalisateurs de tous les temps. Mon préféré, en tout cas.

Car Kubrick, sans vouloir m’avancer trop loin et couper l’herbe sous les pieds du créateur du topic, est un génie cinématographique qui en avait compris l’essence, ou au moins une manière d’extirper de cet art le chef-d’œuvre.
L’image, la photographie, est quelque chose d’essentiel dans ces films. S’ils gagnent en complexité avec la couleur (dont notamment les plans déjà évoqués de Barry Lyndon, rappelant étonnement les tableaux du XVIIIème siècle, symboles du perfectionnisme du Maître), le noir et blanc n’en reste pas moins complexe et savamment utilisé, jouant sans cesse avec la lumière crue ou tamisée des environnements.
De même, le cadrage est toujours parfaitement employé, tantôt très stable et carré, tantôt à la main lorsqu’un élément perturbateur intervient dans l’histoire (l’un de ses grands thèmes d’ailleurs : le désordre succédant à l’ordre). Il utilise aussi une manière de filmer qui, de nos jours, aurait tendance à décontenancer le non-initié, à savoir que certains scènes peuvent être en un seul et unique plan, par moment en long travelling arrière (ce qui doit consister à sa marque de fabrique dans la plupart de ses films). A ce propos, Kubrick se justifiait en disant que tant que le jeu des acteurs suivait, il n’avait aucune raison de couper un plan, le jeu du corps ayant autant son importance que les expressions. Cela donne lieux à des scènes où l’on voit aussi la valeur ajoutée des acteurs choisis et dirigés (le plus éloquent reste pour moi le moment où Jack et Wendy sont en face à face dans Shining, la scène est tellement longue et tendue que c’est remarquable ; sans compter l’instructeur Hartman dans la première scène de Full Metal Jacket).
Et si Kubrick n’aimait pas trop être sous la contrainte d’un film avec des acteurs, tout simplement parce que ce sont des éléments incontrôlables sur son échiquier ; force est de constater qu’il a donné parmi les rôles les plus cultes du cinéma (le Docteur Folamour, Alex Burgess, Jack Torrance, le sergent Hartman voire HAL, un fantastique psychopathe bionique). L’exigence du réalisateur et son besoin de pousser à bout les acteurs dans leur retranchement pour atteindre ce qu’il veut, sans jamais le leur dire clairement, a une fois de plus était payante.
Difficile de pouvoir reprocher cet aspect de ses œuvres (tout comme le reste, mais bon), tant on ressent que c’est là le point d’ancrage de sa reconversion dans le cinéma, et la sublimation de cet art (oui, je ne mâcherai jamais mes mots le concernant).

Il est impressionnant de voir que, pour le reste des qualités qui font que ses films sont majeurs, Stanley Kubrick les a appris en autodidacte, à sa manière, à l’inverse de réalisateurs majeurs comme Orson ou Scorcese (il est d’ailleurs amusant de voir que pour le premier, sa carrière est en totale opposition avec celle de Kubrick dans la propulsion vers la gloire) sortis des écoles de cinéma. On peut dès lors dire qu’il cultive sa différence, prend des chemins peu conventionnels et n’hésitent pas à se renouveler.


Mais bref, j’ai l’impression de moi-même m’égarer en prolongeant peut-être trop la critique d’EnOd, sans pour autant paraître donner mon avis personnel.
Si Kubrick est un réalisateur si fantastique à mon sens, c’est qu’il a toujours su capter l’essence même du cinéma : la reproduction du réel pour transposer des idées aux travers des images. L’un des moments de cinéma les plus impressionnants reste sans aucun doute la première demi-heure de 2001, qui n’emploie aucun dialogue et qui parvient à concrétiser une partie du fantasme de Kubrick : faire un film muet où l’image est reine, où l’émotion né du plan et non plus du parler.
Toutes les productions de Kubrick, si elles s’inscrivent dans la réalité et non pas un univers parallèle (encore une fois, la crédibilité de 2001 n’a pas pris un ride, tellement elle est maximale et quasi-unique dans l’univers cinématographique), mais elles réussissent à apparaître comme irréel par leur atmosphère, leur ambiance particulière (Eyes Wide Shut, évidement). A ce propos, ce qui m’impressionne toujours dans les productions de Kubrick, c’est sa capacité à réutiliser ce qui existe déjà, que ce soit en matière de décor (même le Vietnam urbain de Full Metal Jacket ou les appartements psychédéliques de A Clockwork Orange) ou de musique (très peu de composition exprès pour le film), un recyclage qui s’explique par le fait qu’il pensait qu’on n’avait pas besoin de créer quelque chose si elle existait déjà. Une belle preuve de la perfection du maître.
Mais ce que j’aime surtout chez lui, c’est sa capacité à se renouveler, à ne pas faire deux fois un même film (même lorsqu’il parle de guerre, dans Paths of Glory et Full Metal Jacket), à explorer de nouveaux horizons et à marquer son époque, avec des films pas forcément novateurs, mais toujours décisifs. Il n’y a pas plus éloigner que Shining ou Barry Lyndon, et pourtant cinq ans séparent les deux œuvres.
Et aussi, ce qui me fait aimer encore plus ce fantastique réalisateur, c’est qu’il est avant toute chose un adaptateur de talent, quelqu’un qui a fait très peu de films au scénario original (même si je trouve Killer’s Kiss excellent, soit-dit en passant) sait capter l’essence de l’œuvre qu’il adapte, tout en y instillant sa vision de la chose et la dimension cinématographique qui va avec. Pour avoir lu A Clockwork Orange d’Anthony Burgess, Shining de Stephen King et 2001 : L’Odyssée de l’espace d’Arthur C. Clark (le cas est unique pour lui, puisque les deux oeuvres ont été faites en parallèle), je peux dire que les deux formats ont par moment de grandes divergences, mais qu’aucun choix de Kubrick ne semble meilleur ou pire que l’original, juste égal et parfaitement adapté.

Enfin bon, je pourrais m’étaler pendant des heures, redire ce qui a déjà été dit par le créateur du topic, m’enflammer sans concession, et cela ne me gênerait pas, car Stanley Kubrick est vraiment l’un des titans du septième art, que ce soit dans ses histoires, dans ses thèmes, dans ses cadrages et lumières, dans ses approches controversées et dans ses œuvres.



EnOd a écrit:
Prévu pour jouer quatre rôles, Peter Sellers, acteur ayant marqué Kubrick pour sa performance dans Lolita, ne pourra finalement en tenir que trois, en raison d’une chute malencontreuse à partir du décor du cockpit qui lui vaudra une fracture à la jambe.

C’est d’ailleurs la seule chose que je trouve dommageable dans ce formidable film, le dernier rôle et le plus important n’est pas lui aussi tenu par Peter Sellers, imprévu total et qui nuit un peu à la qualité de Docteur Folamour.

EnOd a écrit:
► Des récompenses de Kubrick

On notera la trop faible présence des Oscars, preuve que ces récompenses ne sont qu’une farce annuelle et imméritée. Et les suisses ont été les premiers à y déceler le génie et les anglais lui ont apporté un grand hommage en récompensant toute son œuvre.

EnOd a écrit:
----------« Regarder un film de Kubrick, c'est comme regarder le sommet d'une montagne depuis la vallée. » - Martin Scorsese

J’aurais fait plus pompeux, j’aurais plutôt mis « Regarde l’abime et l’abime te regardera » - Friedrich Nietzsche
:luffy langue:

EnOd a écrit:
Qu’il nous berce pour dix ans encore !

Si ce n’est cent ans ! (je ne mâche pas mes mots).



Merci à Kubrick. Et à EnOd aussi.


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MessagePosté: Sam 7 Mar 2009 15:14 
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Leto II a écrit:
Il utilise aussi une manière de filmer qui, de nos jours, aurait tendance à décontenancer le non-initié, à savoir que certains scènes peuvent être en un seul et unique plan, par moment en long travelling arrière (ce qui doit consister à sa marque de fabrique dans la plupart de ses films).

Ce que tu décris s’appelle, dans le jargon, le plan-séquence, Leto. Je pense aussi que les travellings de Kubrick (hérités d’Ophüls dit-on, un cinéaste français du XXe, d’origine allemande) étaient sa signature. On les retrouve dans bon nombre de ses films, dont les exemples les plus caractéristiques doivent être Barry Lyndon et Shining (rien que pour la scène mythique du labyrinthe).

Cependant, je ne crois pas que les plans-séquence soient aujourd’hui devenus plus privés qu’à l’époque de Kubrick. A ce titre, on peut noter quelques réalisateurs contemporains de talent qui en sont friands : Quentin Tarantino, Brian de Palma, Gus Van Sant, Martin Scorsese, voire Paul Thomas Anderson, pour du plus récent encore (cf. There Will Be Blood).

Leto II a écrit:
Cela donne lieux à des scènes où l’on voit aussi la valeur ajoutée des acteurs choisis et dirigés (le plus éloquent reste pour moi le moment où Jack et Wendy sont en face à face dans Shining, la scène est tellement longue et tendue que c’est remarquable ; sans compter l’instructeur Hartman dans la première scène de Full Metal Jacket).

A ce propos, il faut dire que souvent, même si les acteurs sont à l’origine bons, c’est la manière de diriger de Kubrick qui fait la différence. Shelley Duvall ou Tom Cruise en savent quelque chose (j’en parle dans mon dossier pour la première, et le second, acteur limité tout de même, a dû notamment ouvrir une porte plus d’une centaine de fois avant que le plan ne soit accepté par le réalisateur). D’ailleurs, pour Cruise, son rôle d’Eyes Wide Shut est, pour moi, sa meilleure prestation avec celle qu’il a effectuée dans La Guerre des Mondes de Spielberg.

Si ma mémoire est bonne, tous les acteurs ayant travaillé avec Kubrick lui ont adressé diverses formes de respect, mis à part… Malcolm McDowell qui dira que le cinéaste ne savait pas diriger ses acteurs ! Mais en même temps, vu le traitement qu’avait subi McDowell sur le tournage d’Orange Mécanique, ce n’est pas tellement surprenant. ^^

Leto II a écrit:
L’un des moments de cinéma les plus impressionnants reste sans aucun doute la première demi-heure de 2001, qui n’emploie aucun dialogue et qui parvient à concrétiser une partie du fantasme de Kubrick : faire un film muet où l’image est reine, où l’émotion né du plan et non plus du parler.

Tout à fait d’accord ! Et c’est d’autant plus génial que cette démarche du muet n’est pas innocent.

Leto II a écrit:
C’est d’ailleurs la seule chose que je trouve dommageable dans ce formidable film, le dernier rôle et le plus important n’est pas lui aussi tenu par Peter Sellers, imprévu total et qui nuit un peu à la qualité de Docteur Folamour.

C’est clair que Sellers est un sacré génie d’acteur ! J’aurais bien aimé voir le Docteur Folamour tel qu’il était prévu moi aussi, même s’il est déjà un film énorme.

Leto II a écrit:
On notera la trop faible présence des Oscars, preuve que ces récompenses ne sont qu’une farce annuelle et imméritée.

C’est simple, un seul Oscar, pour 2001. Le truc, c’est qu’il était un auteur subversif ultra contesté en son temps. Ses films ont été, (trop) souvent, incompris. Faut quand même se dire que même après 50 ans de carrière, nombreux sont ceux à avoir dénigré Eyes Wide Shut à sa sortie, qualifiant ce long métrage de lent, ennuyeux, et peu efficace, allant jusqu’à dire – et c’est un comble – que la BO est de qualité moyenne voire mauvaise…

Leto II a écrit:
Si ce n’est cent ans ! (je ne mâche pas mes mots).

Si ce n’est mille ans ! (Qui dit mieux ? ^^)

Tiens, tant que j’y suis, j’en profite pour mettre mes cinq Kubrick préférés (bien que je les aime tous) :
5/ Docteur Folamour
4/ Les sentiers de la Gloire et Orange Mécanique
3/ Barry Lyndon
2/ Eyes Wide Shut
1/ 2001 : L’odyssée de l’espace (qui se trouve être aussi mon film préféré tout court)

Eh oui, y’en a bien six… ^^


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MessagePosté: Sam 7 Mar 2009 16:23 
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EnOd a écrit:
Ce que tu décris s’appelle, dans le jargon, le plan-séquence, Leto. Je pense aussi que les travellings de Kubrick (hérités d’Ophüls dit-on, un cinéaste français du XXe, d’origine allemande) étaient sa signature. On les retrouve dans bon nombre de ses films, dont les exemples les plus caractéristiques doivent être Barry Lyndon et Shining (rien que pour la scène mythique du labyrinthe).

Quoique friand de cinéma, le jargon s'y rapportant n'est pas souvent mon fort ; ce sont même généralement des termes techniques tellement pointus qu'en les ayant lu, je les oublie totalement. Mais je tâcherai de m'en rappeler de celui là !

EnOd a écrit:
Cependant, je ne crois pas que les plans-séquence soient aujourd’hui devenus plus privés qu’à l’époque de Kubrick. A ce titre, on peut noter quelques réalisateurs contemporains de talent qui en sont friands : Quentin Tarantino, Brian de Palma, Gus Van Sant, Martin Scorsese, voire Paul Thomas Anderson, pour du plus récent encore (cf. There Will Be Blood).

Ce doit être sans doute parce que je ne vais pas forcément voir les films d'auteurs contemporains (je n'apprécie pas tellement les films de Tarantino ; Scorcese a la facheux tendance de me faire roupiller...) et que le regard que j'ai sur les films des décenies passées sont souvent de ce genre là. Je dois faire l'amalgame entre époque et façon de filmer, c'est possible ; mais je n'ai pas souvent retrouver des plans aussi longs (et surtout ne se concentrant pas exclusivement sur le visage) que ceux de Kubrick.

EnOd a écrit:
D’ailleurs, pour Cruise, son rôle d’Eyes Wide Shut est, pour moi, sa meilleure prestation avec celle qu’il a effectuée dans La Guerre des Mondes de Spielberg.

Je considérais Tom Cruise comme un acteur assez moyen (principalement parce que ses rôles se suivent et se ressembler TRES souvent - sauver le monde avec le brushing impeccable) avant de voir Eyes Wide Shut. Depuis, je ne le considère tout de même pas comme un excellent acteur, mais il est bien remonté dans mon estime ^^.

EnOd a écrit:
Malcolm McDowell qui dira que le cinéaste ne savait pas diriger ses acteurs ! Mais en même temps, vu le traitement qu’avait subi McDowell sur le tournage d’Orange Mécanique, ce n’est pas tellement surprenant. ^^

Malcom McDowell est un peu à part dans les acteurs que Kubrick a dirigé, surtout sur les propos qu'il a tenu après la sortie d’Orange Mécanique. Il faut savoir que c'était l'une des premières (et seules) grandes expériences cinématographiques de l'acteur, et qu'il a pendant tout le tournage cru qu'il y avait entre lui et Stanley une réelle amitié, alors que le réalisateur ne considérait cela que comme des relations professionnelles. Lorsque la production s'est terminée et que Kubrick est passé à son projet Napoléon, il a radicalement coupé les ponts avec McDowell, qui l'a très mal pris et qui pendant des années l'a critiqué violemment dans l'espoir de le faire réagir, ce qui n'est jamais arrivé.
Il y a peu de temps d'ailleurs que Malcom McDowell a admit avoir été un peu fort dans ses propos, notamment sur sa façon de diriger ^^.

Mais le cas de Shelley Duvall est bien là pour nous rappeler que Kubrick était tout sauf tendre avec ses acteurs (même Nicholson avec qui il s'entendait très bien).

Leto II a écrit:
C’est simple, un seul Oscar, pour 2001. Le truc, c’est qu’il était un auteur subversif ultra contesté en son temps. Ses films ont été, (trop) souvent, incompris. Faut quand même se dire que même après 50 ans de carrière, nombreux sont ceux à avoir dénigré Eyes Wide Shut à sa sortie, qualifiant ce long métrage de lent, ennuyeux, et peu efficace, allant jusqu’à dire – et c’est un comble – que la BO est de qualité moyenne voire mauvaise…

Les grands passionnés du réalisateur comme nous pourraient dire que les gens avaient du mal à se remettre rapidement de ses films et qu'ils étaient jaloux de ce mythe ; un peu pompeux pour ma part (même si dans le fond...), mais les critiques n'ont jamais été très tendres avec lui, souvent à tord. Je ne savais pas pour la BO de Eyes Wide Shut et j'ai du mal à comprendre, puisque c'est elle qui donne une intensité particulière à certains instants, par l'utilisation d'une seule note à intervalle régulié, de plus en plus fort, de plus en plus transperçante, totalement dramatique et pourtant si simple.

Leto II a écrit:
Si ce n’est mille ans ! (Qui dit mieux ? ^^)

Si on commence à jouer à ce petit jeu, on n'a pas fini ! :P


Et tant que j'y suis, je vais moi aussi faire mon petit top 5 de mes films préférés de ce réalisateur (très dur à faire, il y a beaucoup d'oeuvre qui pourraient se bousculer dedans) :

5/ Eyes Wide Shut (à quasi-égalité avec Barry Lyndon, mais ne faisons pas de ce top 5 un top 6 !)
4/ Shining
3/ Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb
2/ 2001 : A Space Odyssey
1/ A Clockwork Orange


(Vous noterez qu'écrire les titres en anglais fait encore plus pompeux et élitiste, héhé)


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MessagePosté: Sam 7 Mar 2009 17:26 
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Ca y est, j'ai enfin pu tout lire!!! C'était long (surtout que vous en avez rajouté en discutant ^^) mais c'était tellement bien foutu que c'était bien agréable à lire et puis quel travail, moi je dis bravo!!

Concernant Kubrick, je ne le connaissais pas beaucoup, du coup toute cette lecture m'a bien été utile et c'est donc avec plaisir que j'en ai appris plus sur lui, perso j'avais surtout entendu parlé de ses films et moi-même j'en ai vu que quatre pour l'instant. Cependant ces quatre films, dont 3 que j'ai adoré pour tous ce qui a déja été dit, qui sont Shining, Full Metal Jacket, 2001: L'odissée de l'espace et Eyes Wide Shut, ont suffit pour faire de lui un réalisateur que j'apprécie pas mal.
Tout ce qui a été dit sur ses films justement, m'ont même donnée envie d'en voir certains qui ne m'interessaient pas des masses comme Lolita ou Barry Lyndon, encore plus envie de voir ceux qui m'interessaient, de revoir ceux que j'ai déja vu et que j'ai aimé et de revoir l'un de ses films que je n'avais pas aimé mais cela été déja prévu, d'ailleurs j'ai de la chance il va passé à la télé dans peu de temps. Ce dernier est Eyes Wide Shut, je m'étais ennuyé et je n'avais pas bien capté le film mais je l'ai vu il y a longtemps, j'étais assez jeune et ce genre de film a l'époque ne m'interessé pas tellement, maintenant cela a changé et c'est pourquoi je dois le revoir pour m'en faire une autre idée. Enfin bref ses films sont a voir.
Voila pas grand chose a dire de plus, juste bravo encore une fois.

Ah si!! Mon petit top a moi qui changera surement quand j'aurais plus de films mais bon pour l'instant sur quatre cela donne:

4- Eyes Wide Shut
3- Full Metal Jacket
2- 2001: L'odissée de l'espace
1- Shining

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MessagePosté: Dim 8 Mar 2009 03:07 
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Leto II a écrit:
Quoique friand de cinéma, le jargon s'y rapportant n'est pas souvent mon fort ; ce sont même généralement des termes techniques tellement pointus qu'en les ayant lu, je les oublie totalement. Mais je tâcherai de m'en rappeler de celui là !

Bah, le mieux est encore de ne pas essayer de les retenir. Pendant très longtemps, j’ignorais plein de termes techniques, et je devais sans cesse demander l’éclairage de mes amis ou d’internet pour savoir à quoi m’en tenir. C’est rentré petit à petit dans ma tête, si bien qu’aujourd’hui, je me surprends à apprécier les petits détails des films davantage encore. ^^

Leto II a écrit:
Ce doit être sans doute parce que je ne vais pas forcément voir les films d'auteurs contemporains (je n'apprécie pas tellement les films de Tarantino ; Scorcese a la facheux tendance de me faire roupiller...) et que le regard que j'ai sur les films des décenies passées sont souvent de ce genre là. Je dois faire l'amalgame entre époque et façon de filmer, c'est possible ; mais je n'ai pas souvent retrouver des plans aussi longs (et surtout ne se concentrant pas exclusivement sur le visage) que ceux de Kubrick.

Après, tout dépend de ce que tu appelles « films d’auteurs », parce que Scorsese, c’est quand même pas du private. ^^ D’ailleurs, en parlant de lui, sa carrière contemporaine me laisse perplexe (Aviator, Les infiltrés…) ; en revanche, tu peux sans mal te jeter sur ses films passés, et notamment Taxi Driver qui est pour moi son meilleur. D’une manière générale, les Scorsese/De Niro sont de qualité.

Leto II a écrit:
Je considérais Tom Cruise comme un acteur assez moyen (principalement parce que ses rôles se suivent et se ressembler TRES souvent - sauver le monde avec le brushing impeccable) avant de voir Eyes Wide Shut. Depuis, je ne le considère tout de même pas comme un excellent acteur, mais il est bien remonté dans mon estime ^^.

Je persiste ! La Guerre des Mondes est également un de ses meilleurs films ! (Et c’est un spectateur mitigé de Spielberg qui le dit. Ou plutôt, parce que c’est un spectateur mitigé de Spielberg qui le dit. ^^)

Leto II a écrit:
Malcom McDowell est un peu à part dans les acteurs que Kubrick a dirigé, surtout sur les propos qu'il a tenu après la sortie d’Orange Mécanique. Il faut savoir que c'était l'une des premières (et seules) grandes expériences cinématographiques de l'acteur, et qu'il a pendant tout le tournage cru qu'il y avait entre lui et Stanley une réelle amitié, alors que le réalisateur ne considérait cela que comme des relations professionnelles. Lorsque la production s'est terminée et que Kubrick est passé à son projet Napoléon, il a radicalement coupé les ponts avec McDowell, qui l'a très mal pris et qui pendant des années l'a critiqué violemment dans l'espoir de le faire réagir, ce qui n'est jamais arrivé.
Il y a peu de temps d'ailleurs que Malcom McDowell a admit avoir été un peu fort dans ses propos, notamment sur sa façon de diriger ^^.

En même temps, McDowell s’est figuré des choses qu’il était censé savoir : Kubrick a toujours été comme un père ou comme un frère sur le tournage avant de couper les ponts, et ce, pratiquement à chaque fois.

Tiens, en parlant d’Orange Mécanique, y’a une anecdote qui m’a toujours fait beaucoup rire : McDowell venait de tourner une scène de torture anti-violence ; du coup, comme il avait super mal à un œil (tu m’étonnes), il se décide à quitter le studio. Mais croisant Kubrick devant l’ascenseur, il lui explique qu’il doit y aller à cause de l’état de son œil. Le réalisateur lui réplique qu’il aurait pu continuer le travail vu qu’il lui en restait un autre… ^^

Leto II a écrit:
Mais le cas de Shelley Duvall est bien là pour nous rappeler que Kubrick était tout sauf tendre avec ses acteurs (même Nicholson avec qui il s'entendait très bien).

Ben, selon Kubrick, Nicholson n’apprenait pas ses textes donc voilà quoi. ^^

Leto II a écrit:
Les grands passionnés du réalisateur comme nous pourraient dire que les gens avaient du mal à se remettre rapidement de ses films et qu'ils étaient jaloux de ce mythe ; un peu pompeux pour ma part (même si dans le fond...), mais les critiques n'ont jamais été très tendres avec lui, souvent à tord. Je ne savais pas pour la BO de Eyes Wide Shut et j'ai du mal à comprendre, puisque c'est elle qui donne une intensité particulière à certains instants, par l'utilisation d'une seule note à intervalle régulié, de plus en plus fort, de plus en plus transperçante, totalement dramatique et pourtant si simple.

J’ai l’impression que les critiques sont souvent divisés quand même dès qu’il s’agit de cinéma expérimental, de cinéma innovant ou de cinéma sortant des sentiers battus. Pour preuve, Lars von Trier, réalisateur de notre époque, a toujours été très chahuté. En particulier, son Dogville, film conceptuel par excellence a été autant aimé que décrié.

Leto II a écrit:
Vous noterez qu'écrire les titres en anglais fait encore plus pompeux et élitiste, héhé

J’avoue… :p

Saito a écrit:
Ca y est, j'ai enfin pu tout lire!!! C'était long (surtout que vous en avez rajouté en discutant ^^) mais c'était tellement bien foutu que c'était bien agréable à lire et puis quel travail, moi je dis bravo!!

Merci beaucoup, Saito ! De m’avoir lu déjà, et d’avoir répondu ensuite. A vrai dire, c’était ma grande crainte que de ne pas trouver de personnes avec qui discuter de Kubrick, justement à cause d’un topic par trop dense. Me voilà rassuré ! ^^

Saito a écrit:
Concernant Kubrick, je ne le connaissais pas beaucoup, du coup toute cette lecture m'a bien été utile et c'est donc avec plaisir que j'en ai appris plus sur lui, perso j'avais surtout entendu parlé de ses films et moi-même j'en ai vu que quatre pour l'instant. Cependant ces quatre films, dont 3 que j'ai adoré pour tous ce qui a déja été dit, qui sont Shining, Full Metal Jacket, 2001: L'odissée de l'espace et Eyes Wide Shut, ont suffit pour faire de lui un réalisateur que j'apprécie pas mal.

C’est un bon début. J’espère que tu en sauras bientôt plus encore sur ses films. Surtout qu’il te reste quelques chefs-d’œuvre à voir. ^^

Saito a écrit:
Tout ce qui a été dit sur ses films justement, m'ont même donnée envie d'en voir certains qui ne m'interessaient pas des masses comme Lolita ou Barry Lyndon, encore plus envie de voir ceux qui m'interessaient, de revoir ceux que j'ai déja vu et que j'ai aimé et de revoir l'un de ses films que je n'avais pas aimé mais cela été déja prévu, d'ailleurs j'ai de la chance il va passé à la télé dans peu de temps. Ce dernier est Eyes Wide Shut, je m'étais ennuyé et je n'avais pas bien capté le film mais je l'ai vu il y a longtemps, j'étais assez jeune et ce genre de film a l'époque ne m'interessé pas tellement, maintenant cela a changé et c'est pourquoi je dois le revoir pour m'en faire une autre idée. Enfin bref ses films sont a voir.

Au fait, tant que j’y suis, et tu fais bien de le rappeler, Saito, j’ai oublié de dire que pour l’hommage des dix ans de Kubrick depuis sa disparition, de nombreuses chaines, que ce soit nationales, TNT ou satellites, ont programmé des soirées spécialement dédiées au réalisateur, avec, de ce que j’ai appris, la diffusion entre autres de 2001 ou Eyes Wide Shut.

Sinon, très content que ta lecture t’ait incité à te pencher un peu plus sur Kubrick, Saito. C’était en grande partie mon objectif primaire, et je suis ravi d’avoir rempli mon contrat, ne fut-ce que pour une seule personne. ^^

Saito a écrit:
Voila pas grand chose a dire de plus, juste bravo encore une fois.

Et encore une fois, un grand merci !


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MessagePosté: Dim 8 Mar 2009 12:14 
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Bon voila... Moi aussi je l'ai lu... J'aime pas les pavés... Je préfère largement un truc relativement court, puisant sa force dans un esprit de concision et d'appel a la découverte. Les pavés c'est long et ça fait peur... Pourtant maintenant que je me suis mis à "Dune", je n'ai plus peur et il n'est pas question que EnOd se soit cassé la tète à écrire cet article, pour qu'il ne soit pas lu...

Kubrick n'est pas mon cinéaste préféré, ça c'est clair. J'ai vu de lui "L'utlime Razzia", "Dr. Folamour". "Lolita", "Orange Mécanique", "FMJ" et "Eyes Wide Shut". Aucun ne fait partie de mon classement perso des meilleurs films, Dr Folamour a toutefois ma sympathie, surtout grâce à Sellers. Faut-il dire maintenant que je n'apprécie pas le gars en question, faut pas déconner non plus... Tous sont de bons films, de très bons même, je pense que je n'accroche juste pas et j'ai probablement du mal a rentré dans l'univers, qui peine a me parler.

Je ne vais pas débattre pendant trois plombes sur Kubrick, je n'ai ni la force, ni la connaissance pour le faire (par contre sur la sorcellerie au XVIIe siècle...). Je ne veux pas faire d'hommage a Kubrick, je ne suis pas celui qu'il faut et cela a déjà été fait mieux que moi, ça vous le savez. Je vais juste faire un petit hommage à EnOd. C'est limite sans faille comme boulot, on sent toute la passion dans le verbe, les analyses sont très bien menées, c'est d'une longue haleine, même pour ici et en plus tu te permets de poster ça a la date qu'il faut, Que demande le peuple ?!?! Tu peux maintenant dire que tu as probablement battu l'Ange à son propre jeu du "article le plus complet", pas évident.

un grand Bravo !!! Que dis-je un très grand Bravo !!! devant cet article juste titanesque (pour un forum s'entend). Tu t'élèves pour moi encore plus comme un des meilleurs ici bas, ça mérite d'être dit.

PS pour les deux Colverts qui trainent ici : Faudrait voir à pas enlever à Tom Cruise "Magnolia" hein !? Il est bon, faut juste lui donner de quoi faire au bougre... et dans le même esprit, "Born a 4th of July" est loin d'être à jeter...

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MessagePosté: Dim 8 Mar 2009 18:10 
Ô-Totoro
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Saito> Hormis A Clockwork Orange, tu as pu voir tous les films les plus accessibles de Kubrick (Shining et Full Metal Jacket), le reste de ses longs-métrages, tout aussi excellents soient-ils, sont beaucoup moins faciles à appréhender (quoique Dr Stangelove est très drôle). Mais quoiqu'il en soit, étant donné que tu as vu ses deux films les plus abscons (2001 et Eyes Wide Shut), tu as déjà pu voir un peu de quoi il en retournait du réalisateur.
Surtout que ses premiers films sont très différents, de par leur longueur (Spartacus mis à part, ils sont généralement courts) ou leur approche moins philosophique, étant donné qu'à l'époque il n'était pas encore libre de faire ce qu'il entendait.

EnOd a écrit:
J’ai l’impression que les critiques sont souvent divisés quand même dès qu’il s’agit de cinéma expérimental, de cinéma innovant ou de cinéma sortant des sentiers battus. Pour preuve, Lars von Trier, réalisateur de notre époque, a toujours été très chahuté. En particulier, son Dogville, film conceptuel par excellence a été autant aimé que décrié.

Même s'il est vrai que leur travail est d'apprécier une oeuvre pour ses qualités artistiques, ce pour quoi elle a été faite, dans quelle optique et le contenu qu'elle peut avoir, il est difficile pour un critique de pouvoir juger d'un film novateur, pas forcément dans les courants de l'époque et totalement à l'opposée des attentes qu'on peut en avoir (Barry Lyndon et 2001 peuvent être considérés comme chiants, mais leur lenteur est délibérée et calculée par Kubrick, ce qui n'est pas évident à discerner lorsqu'on peut voir des films qui sont involontairement mous et endormant).
Bon, je me fais l'avocat d'un Diable que je ne comprends moi même pas, étant fan du réalisateur, de même que ce n'est en rien une excuse pour eux de ne pas savoir forcément extraire les qualités d'une oeuvre. Qu'à cela ne tienne, le temps fera d'eux des légendes ou pas, c'est l'important !

SneV a écrit:
Faudrait voir à pas enlever à Tom Cruise "Magnolia" hein !? Il est bon, faut juste lui donner de quoi faire au bougre... et dans le même esprit, "Born a 4th of July" est loin d'être à jeter...

Si on commence à faire la liste de toutes les exceptions qui confirment la régle, on n'a pas fini ! =D Coupons la poire en deux, Cruise n'est pas un si mauvais acteur que cela !


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MessagePosté: Lun 9 Mar 2009 00:06 
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Leto II a écrit:
Hormis A Clockwork Orange, tu as pu voir tous les films les plus accessibles de Kubrick (Shining et Full Metal Jacket), le reste de ses longs-métrages, tout aussi excellents soient-ils, sont beaucoup moins faciles à appréhender (quoique Dr Stangelove est très drôle). Mais quoiqu'il en soit, étant donné que tu as vu ses deux films les plus abscons (2001 et Eyes Wide Shut), tu as déjà pu voir un peu de quoi il en retournait du réalisateur.
Surtout que ses premiers films sont très différents, de par leur longueur (Spartacus mis à part, ils sont généralement courts) ou leur approche moins philosophique, étant donné qu'à l'époque il n'était pas encore libre de faire ce qu'il entendait.


Que les autres films soit moins faciles à appréhender ne me dérange pas trop a partir du moment ou ils m'interessent, comme ce fut le cas de 2001. Aprés concernant ceux qui de prime abord ne m'interessent pas des masses comme Barry Lyndon par exemple, je me dit que c'est des films que je dois au moins voir une fois vu le bien que certaines personnes que je connais ou d'autres personnes comme toi et EnOd ont dit sur eux, et aprés je verrai si finalement ils me plaisent ou non et puis cela peut être une experience sympathqiue. En tout cas ces derniers ont de la chance car ils ne sont pas trés nombreux les films qui ne sont pas facile à appréhender et qui ne m'interessent pas vraiment, que j'ai envie de voir.

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MessagePosté: Lun 9 Mar 2009 01:34 
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SneV a écrit:
Bon voila... Moi aussi je l'ai lu... J'aime pas les pavés... Je préfère largement un truc relativement court, puisant sa force dans un esprit de concision et d'appel a la découverte. Les pavés c'est long et ça fait peur... Pourtant maintenant que je me suis mis à "Dune", je n'ai plus peur et il n'est pas question que EnOd se soit cassé la tète à écrire cet article, pour qu'il ne soit pas lu...

Merci, SneV. Comme je l’ai dit, je m’attendais à ne pas être lu, du moins en intégralité (et c’aurait été presque logique à vrai dire). Je suis donc agréablement surpris que certains aient fait l’effort de tout lire. C’est clair que ça me fait super plaisir ! ^^

SneV a écrit:
Kubrick n'est pas mon cinéaste préféré, ça c'est clair. J'ai vu de lui "L'utlime Razzia", "Dr. Folamour". "Lolita", "Orange Mécanique", "FMJ" et "Eyes Wide Shut". Aucun ne fait partie de mon classement perso des meilleurs films, Dr Folamour a toutefois ma sympathie, surtout grâce à Sellers. Faut-il dire maintenant que je n'apprécie pas le gars en question, faut pas déconner non plus... Tous sont de bons films, de très bons même, je pense que je n'accroche juste pas et j'ai probablement du mal a rentré dans l'univers, qui peine a me parler.

Je vais peut-être dire une bêtise, mais il est possible que tu n’accroches pas au cinéma de Kubrick car celui-ci se veut trop distant, froid, trop éloigné de l’humain. Tu confirmeras ou infirmeras cette hypothèse, bien entendu, mais toujours est-il que pour Jean-Luc Godard par exemple, c’est pour ces points là qu’il n’appréciait pas trop le réalisateur. D’ailleurs, à l’époque, ça m’avait surpris qu’il dise ne pas beaucoup aimer Stanley Kubrick, dans la mesure où Godard n’est quand même pas connu pour faire des films incisifs et allant à cent à l’heure. Justement, lui aussi verse plutôt dans les métrages lents et froids. Même si c’est vrai qu’au contraire de Kubrick, Godard reste tout de même plus proche de l’humain. Le truc, c’est que la déshumanisation dans l’œuvre de Kubrick passe par une volonté de dépeindre une humanité résolument sombre ; du coup, cette froideur était presque nécessaire et s’imposait au cinéaste comme une évidence. Bon, bref. ^^

SneV a écrit:
Je ne vais pas débattre pendant trois plombes sur Kubrick, je n'ai ni la force, ni la connaissance pour le faire (par contre sur la sorcellerie au XVIIe siècle...). Je ne veux pas faire d'hommage a Kubrick, je ne suis pas celui qu'il faut et cela a déjà été fait mieux que moi, ça vous le savez. Je vais juste faire un petit hommage à EnOd. C'est limite sans faille comme boulot, on sent toute la passion dans le verbe, les analyses sont très bien menées, c'est d'une longue haleine, même pour ici et en plus tu te permets de poster ça a la date qu'il faut, Que demande le peuple ?!?! Tu peux maintenant dire que tu as probablement battu l'Ange à son propre jeu du "article le plus complet", pas évident.

Mais si, mais si, rends hommage à Kubrick, nom de dieu ! :p
Non, plus sérieusement, encore merci à toi !
En parlant de longueur, je précise pour qui ne savait pas encore que si j’ai posté mon article en deux fois, c’est tout simplement parce que le forum possède une limite de quota de caractères par message… ^^

SneV a écrit:
PS pour les deux Colverts qui trainent ici : Faudrait voir à pas enlever à Tom Cruise "Magnolia" hein !? Il est bon, faut juste lui donner de quoi faire au bougre... et dans le même esprit, "Born a 4th of July" est loin d'être à jeter...

De toute façon, comme on dit, un acteur n’est jamais ni tout bon ni tout mauvais. Sa composition dépendra toujours en partie de la manière de le diriger du réalisateur. A ce titre, on peut quand même remarquer que les acteurs ou actrices, considérés comme limités, livrent souvent de bonnes prestations lorsqu’ils sont entre de bonnes mains. ^^

Leto II a écrit:
Même s'il est vrai que leur travail est d'apprécier une oeuvre pour ses qualités artistiques, ce pour quoi elle a été faite, dans quelle optique et le contenu qu'elle peut avoir, il est difficile pour un critique de pouvoir juger d'un film novateur, pas forcément dans les courants de l'époque et totalement à l'opposée des attentes qu'on peut en avoir (Barry Lyndon et 2001 peuvent être considérés comme chiants, mais leur lenteur est délibérée et calculée par Kubrick, ce qui n'est pas évident à discerner lorsqu'on peut voir des films qui sont involontairement mous et endormant).
Bon, je me fais l'avocat d'un Diable que je ne comprends moi même pas, étant fan du réalisateur, de même que ce n'est en rien une excuse pour eux de ne pas savoir forcément extraire les qualités d'une oeuvre. Qu'à cela ne tienne, le temps fera d'eux des légendes ou pas, c'est l'important !

C’est peut-être difficile pour un critique de juger pleinement de la qualité d’un film, mais comme tu le dis, ça ne les excuse en rien. Après tout, c’est tout de même leur métier, ils sont soit formés soit par exigence contraints d’analyser les œuvres du septième art pour en établir une critique rationnelle, même si évidemment gouvernée par leur ressenti personnel.

C’est pour ça que je me méfis toujours un peu – et c’est assez bête, je dois le dire – des films ayant dès leurs sorties une masse hallucinante d’avis professionnels positifs. L’histoire le montre : les films considérés comme vraiment majeurs n’ont souvent été reconnus comme tels qu’a posteriori. ^^

Leto II a écrit:
Si on commence à faire la liste de toutes les exceptions qui confirment la régle, on n'a pas fini ! =D Coupons la poire en deux, Cruise n'est pas un si mauvais acteur que cela !

T’es gentil toi. =D

Saito a écrit:
Que les autres films soit moins faciles à appréhender ne me dérange pas trop a partir du moment ou ils m'interessent, comme ce fut le cas de 2001. Aprés concernant ceux qui de prime abord ne m'interessent pas des masses comme Barry Lyndon par exemple, je me dit que c'est des films que je dois au moins voir une fois vu le bien que certaines personnes que je connais ou d'autres personnes comme toi et EnOd ont dit sur eux, et aprés je verrai si finalement ils me plaisent ou non et puis cela peut être une experience sympathqiue. En tout cas ces derniers ont de la chance car ils ne sont pas trés nombreux les films qui ne sont pas facile à appréhender et qui ne m'interessent pas vraiment, que j'ai envie de voir.

Je pense que des films comme Barry Lyndon, qui possède 70% de chances d’endormir purement et simplement le spectateur, méritent d’être vus au moins une fois, ne serait-ce que pour la culture générale et cinématographique. Par exemple, je ne suis pas un grand fan du Citizen Kane de Welles mais pourtant, il est indéniable qu’il était nécessaire de l’avoir vu. ^^

J’espère que tu viendras nous donner ton avis suite à tes visionnages programmés. ^^


Dernière édition par EnOd le Mar 4 Aoû 2009 14:15, édité 1 fois.

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MessagePosté: Lun 9 Mar 2009 20:48 
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Ça y est, j'ai lu ce post-fleuve à la limite du dossier (j'ai même eu le temps de me déconnecter automatiquement du forum dis-donc). Je m'en serais voulu si je ne l'avais pas fait, tant le travail d'EnOd sur le sujet est remarquable à tous points de vue.

Concernant mon expérience personnelle des films de Kubrick, je dois bien avouer qu'elle est assez limitée. Limitée à ses films les plus récents et encore, pas tous. En tout et pour tout, j'ai vu Shining, Full Metal Jacket et Orange Mécanique. Je les ait tous énormément appréciés et je leur accorde leur titre de films exceptionnels sans hésitation. Je tiens toutefois à faire remarquer qu'il vaut mieux soigneusement choisir avec qui et comment on regarde l'un de c(s)es films (ce qui est une remarque cinématographique d'ordre générale d'ailleurs) : j'étais essentiellement mort de rire tout le long de Shining (mais la morale est sauve puisque j'ai eu du mal à trouver le sommeil ce soir-là).

Il n'empêche que mon expérience du réalisateur m'avait déjà donné envie de découvrir le reste de son œuvre. Ceux dont je suis le plus impatient de découvrir sont à coup sûr 2001 : L'odyssée de l'espace et Docteur Folamour. Je me demande d'ailleurs pourquoi je n'ai toujours pas vu le premier, plus récent donc plus accessible dans tous les sens du terme...

Par contre, s'il y a bien une chose que je ne me risquerai jamais à faire avec Kubrick, c'est bien une analyse. D'une manière générale, toute analyse d'une œuvre , quel que soit son support, m'ennuie au plus haut point (ou alors il faut vraiment que je sois dans une bonne disposition mentale). Il faut croire que je fonctionne quasi-uniquement au ressenti. C'est pourquoi je suis admiratif devant ton analyse EnOd, à la fois détaillée et accessible. J'ai même réussi à la lire, c'est dire !
Toutefois comme vous avez pu le constater, cette non-volonté d'analyser ne m'empêche pas d'apprécier les films de Kubrick. Donc pas la peine de se sentir d'humeur à se triturer le cerveau pour vouloir en regarder un ! Ce qui est probablement dû à l'énorme travail artistique du réalisateur, travail beaucoup plus immédiat et néanmoins tout aussi frappant.

Encore bravo à EnOd, sois sûr que ton travail a été apprécié et sera récompensé par la découverte de ce réalisateur par certains.

EDIT : Je viens d'être pris d'une sorte de spasme de délire qui me pousse à recenser toutes les références /parodies de l'univers Kubrick que j'ai pu croiser. En vrac :
-Une scène de 2001 est reprise dans une des plus vieilles BD d'Enki Bilal.
-Le quatrième album des Fatals Picards, Pamplemousse Mécanique, dont le titre est une parodie évidente.
-Un monolithe noir flottant dans le vide spatial avec un panneau "Hors service" dans un épisode de Futurama (p'têtre même que dans un autre on y trouve un fœtus de l'espace, mais je ne me souviens plus).
-La scène du monolithe noir et des hommes préhistoriques où le monolithe devient une tablette de chocolat dans Charlie et la Chocolaterie de Burton.
-La scène du Docteur Folamour avec le cow-boy qui chevauche une bombe atomique (si elle est bien tirée de ce film) reprise dans Les Simpson (pareil que pour Futurama, je suis sûr qu'il y en d'autres).
-Orange Madelin, la parodie d'Orange Mécanique des Guignols de l'info (et voir Alain Madelin en droogy c'est presque plus flippant que l'original).
-Eyes Wide Potes, parodie méga-débile de Kad & Olivier.
Sûrement d'autres, mais ma mémoire flanche.

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Dernière édition par TheEdgeWalker le Mar 10 Mar 2009 19:43, édité 1 fois.

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MessagePosté: Mar 10 Mar 2009 11:10 
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EnOd a écrit:
J’espère que tu viendras nous donner ton avis suite à tes visionnages programmés.


T'inquiète, c'est ce que j'avais prévu justement et cela commence maintenant avec Eyes Wide Shut que j'ai pu voir, enfin plus exactement revoir, hier soir.

Alors si je n'avais pas aimé le film la première fois que je l'ai vu il y a longtemps et bien cette fois-ci j'ai beaucoup aimé. Voici donc ce que j'en pense (je vais peut-être répèter ce qui a déja été dit).
Suivre cet homme, plein de doute en ce qui concerne sa femme, qui voudra la tromper pour se venger ou pour se prouver quelque chose, suivre ce couple qui aprés une soirée se met a sombrer pour qu'au finale en ressort que plus grand, était trés plaisant. Surtout avec cette mise en scène formidable, c'est beau, lumineux car il y a toujours des lumières, jour comme de nuit, où s'opposent souvent les couleurs chaudes (surtout le rouge) au couleurs froides (le bleu surtout la aussi), tout cela est trés bien utilisé tout comme la nudité et le sexe qui pourrait choquer certain (sait on jamais), il y en a jamais trop, ni pas assez juste ce qu'il faut. Concernant les acteurs je les ai tous trouvés trés bon et puis Nicole Kidman est sublime dans ce film tout simplement.
Voila c'est un bon film qui va a son rythme, peut-être lent pour certaine personne, qui nous envoute, nous hypnotise et nous éblouie.

A suivre mon avis sur Barry Lyndon et puis aprés Lolita qui passent à la télé tout deux la semaine prochaine. ^^

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MessagePosté: Mer 11 Mar 2009 19:12 
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Je ne sais pas si, avant ce topic, j'avais déjà autant aimé me prendre un pavé dans la gueule. Néanmoins, autant que puisse sembler péjoratif le mot "pavé", ici, il le fallait pour un tel cinéaste. Et bizarrement, j'ai aimé cette lecture, somme toute, longue (c'est pour quoi je ne poste que maintenant). Sado-masochisme poussé ? A voir.

'Fin, je commencerai d'abord par un grand bravo à The Ultimate Soubrette (et hop, un surnom plein de poussière qui ressort de l'armoire alors qu'on l'avait oublié !) qui a su écrire un si bel et bon article, alternant habilement entre citations, textes analytiques, descriptions et anecdotes croustillantes (à quand une disserte sur la manière d'écrire d'EnOd ?). Un très bel hommage, qui transpire la passion d'EnOd. Encore un très bon topic, pour faire simple ^^.
Je t'avouerai néanmoins que je n'ai pas tout lu : je DETESTE autant que faire se peut l'art, et notamment la peinture et la sculpture, parce que je n'y comprends que dalle et que je ne ressens pas forcémment ce qu'il faudrait. Hermétisme total. Bref. Ton paragraphe sur le cubisme est donc intéressant, j'avoue, mais faute de connaissance, je le relirai une autre fois (jamais ?) quand je pourrai espérer y piger un moindre truc. De même pour les films que je n'ai pas encore vu, je me suis préservé de tout lire ^^.

Concernant Kubrick... Je n'ai vu que Dr. Strangelove (or how I learned to stop worrying and love the bomb), 2001 : A space Odyssey, A Clockwork Orange, Shining et Full Metal Jacket mais c'est déjà pas mal ^^. Autrement dit, les plus accessibles et parmi les plus récents de toute sa filmographie d'après mes prédécesseurs ici-même. Je peux aisément dire que j'ai adoré chacun d'entre eux.
Je ne saurais pas dire globalement ce que j'aime chez Kubrick, si ce n'est qu'il a la capacité de me fasciner par le biais des personnages et des scénarios sortant de l'ordinaire, et pouvant régulièrement être saisis à un sens second, mis à part peut-être Shining qui me semble plus intéressant cinématrographiquement qu'autre chose.

Petit point qui m'avait déçu quand j'avais cherché à en savoir plus sur Stanley Kubrick : la source des scénarios. Le fait est qu'une grande partie de ses films sont des adaptations de romans ou nouvelles. Cela m'avait paru être un point négatif, ne connaissant en la matière que les adaptations des séries pour jeunes en blockbusters depuis quelques années. C'est ainsi, que pour pouvoir me faire une idée, j'ai cherché ensuite à lire les oeuvres originales (influencé par Leto II, encore une fois).
J'ai donc eu entre les mains, et lu L'orange mécanique de Burgess. Là, je me suis rendu compte de tout le génie de Kubrick : l'oeuvre originale est certes différente, mais l'adaptation n'a rien perdue au change, se dote de scènes inédites tout aussi fortes que dans le livre. De telle façon que ce livre est devenu mon préféré à la première lecture. Et que le film est un de mes favoris. J'ai aussi eu l'occasion de me mettre à la nouvelle d'Arthur C. Clarke pendant les vacances, mais faute de courage, je me suis arrêté au deuxième chapitre.

Bon, je ne vais pas en dire plus, car tout l'a déjà été à plusieurs reprises. Il n'empêche que je m'intéresse beaucoup à Kubrick (intérêt que ne comprend pas un copain se disant "fan" de cinéma, et qui ne trouve intéressant que certaines répliques de Kubrick, qu'il trouve "délirantes". Sans commentaire), et que je me débrouillerai pour voir les autres films de ce monstre de la réalisation dès que je le pourrais.

PS : Saito, s'il-te-plaît, c'est quand et sur quelle chaîne que passent Barry Lyndon et Lolita la semaine prochaine ? Flemme, encore et toujours.

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MessagePosté: Dim 15 Mar 2009 20:47 
The old man
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Localisation: Joker
Dix ans déjà. J'avoue que ça m'étonne, parce que le souvenir de la sortie de Eyes Wide Shut reste quand même assez vivace dans mon esprit... Mais le compte est bon indiscutablement ^_^

Je ne peux pas dire que je sois un grand spécialiste de Kubrick dans le sens où je n'ai vu que 5 de ses films - Spartacus, Lolita, 2001 : l'odyssée de l'espace, Full Metal Jacket et Eyes Wide Shut - mais à chaque fois ce fut un régal. Spartacus est un péplum génial, Lolita une comédie noire délicieuse, 2001 : l'odyssée de l'espace l'un des plus grands films de SF de tous les temps, Full Metal Jacket une expérience (anti)guerrière fascinante et Eyes Wide Shut un plongeon vertigineux dans des abysses fantasmagoriques.

Dans tous les cas cent milles bravos pour ce dossier fascinant qui a réussi à me donner envie de voir Shining (pourtant ce n'était pas gagné) ainsi que Docteur Folamour et Barry Lyndon (ceux-là c'est davantage via l'excuse facile du "plus tard" que je n'ai jamais pris le temps de les regarder).

Bref un dossier que j'ai pris énormément de plaisir à lire.

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