Mais quel film ! Je sais que je suis aisément influencé par l'impression d'ensemble qui peut se dégager du spectacle présent à l'écran, mais là,
Black Sawn m'a tout simplement collé des frissons tels que j'en avais pas ressenti au cinéma ces dernières semaines ! Tout y était : du thriller dramatique « en veux tu - en voilà », de la schizophrénie qui déboussole dans la lignée spirituelle d'un
Fight Club, un spectacle maîtrisé à l'écran qui vire à l'enchantement dès que les premières notes de Tchaïkovski sont jouées, un casting très bon porté par l'excellence sans bornes du premier rôle... Cette critique va tourner, si ce n'est déjà fait depuis longtemps, au prosélytisme pur et dur pour
Black Sawn, mais qu'importe ! C'est un film tellement simple à adorer que je vais m'y complaire sans trop de retenue.
Allez, rendons d'abord justice à celle qui a le poids du film sur ses épaules... [Souvenirs, Souvenirs]
Deu$ a écrit:
La fin d'un Mythe.
La vidéo du « délit »RIP Natalie Portman, you were such
a badass bitch.
Ce n'est pas aujourd'hui que l'on va apprendre que Nathalie Portman est une grande actrice, néanmoins, je ne peux que faire la carpette devant l'excellence de la qualité de son jeu afin de le saluer. Cette mise en abimes qu'offre tout au long du film l'actrice est juste sciant, on se prend au jeu quitte à foncer encore plus tête baissée dans le panneau de la dramaturgie mise en place alors que l'on est conscient grâce au contrat passé par le film que la fin de cette histoire ne peut qu'être tragique. Tour à tour fragile, ingénue et psychopathe si on aime prendre des raccourcis, on en prend plein les yeux sur 1:45 et on comprend la moisson programmée ou effectuée de prix que Nathalie Portman a pu faire ces dernières semaines. Elle donne corps de façon admirable à un personnage et à une histoire écrits avec une justesse élevée ; et éclipse de cette façon tout le casting qui l'entoure alors que celui-ci se révèle pourtant très bon (Vincent Cassel et Mila Kunis en tête). Une rencontre heureuse entre une actrice et un rôle pour servir un dessein aux ambitions bien mesurées.
En effet, il en fallait du talent de part et d'autre pour insuffler une vie à cette histoire de schizophrénie de plus en plus prononcée jusqu'à la chute. Ici, Darren Aronofsky déballe une science bien maîtrisée du cinéma pour capter l'attention du spectateur et ne pas cesser de le surprendre, même si je le rappelle encore une fois on se doute bien de l'issue de l'histoire vu sa tonalité résolument dramatique. Les éléments visuels qui sèment progressivement le doute dans l'esprit de Nina, alors à la recherche de son alter égo de cygne noir, m'ont paru très bien trouvés : en soi même, ces éléments ne sont pas violents ou spectaculaires, mais j'ai trouvé qu'ils étaient amenés de tels manière que le spectateur est obligé de se sentir mal à l'aise et verse à fond dans l'empathie avec le personnage principal (le thème des doigts, ça m'a particulièrement pour le coup à certains moments). Cette science du contre-pied permanent trouve un apogée sublime dans le final du film où l'on se perd avec Nina dans l'électricité du ballet et l'envol ensanglanté du cygne noir. Très impressionnant de bout en bout à ce niveau.
Ce que j'ai aussi trouvé remarquable dans ce film, ce sont ses scènes théâtrales magnifiques : c'est très bien réalisé et on est surtout pris au jeu de s'intéresser à la représentation qui est au final bien captivante. Écho, puis finalement scène de l'éclosion de Nina, on se prend une nouvelle fois au jeu proposé par le film ; même si personnellement ce style de représentation artistique n'est pas ce qui m'attire fondamentalement. Quoi qu'il arrive, on en ressort quand même bouche bée notamment quand le cygne noir fait face au public au grand jour.
Un nouveau point relevé un peu partout et sur lequel je ne vais pas faire l'économie : la souffrance physique dans les films de Darren Aronofsky. Avec
The Wrestler, on avait réellement mal pour, et avec, Randy « The Ram » Robinson (comme lors du combat sanglant à la CZW) mais là, on atteint un nouveau degré je crois dans cette réaction avec
Black Sawn. Si le début du film se réserve pour une présentation de la douleur classique pour les ballerines (le gros orteil au départ... Ouch), la suite va plutôt loin dans cette thématique de la douleur corporelle chez l'artiste. Encore une fois, le réalisateur parvient très bien à retransmettre ce sentiment de douleur et de peine sans aller, à mon sens, dans un excès simplement tape-à-l'œil ; ce qui assoie d'une autre manière la portée de son film.
Je vais m'arrêter d'ailleurs avec cette dernière :
Black Sawn se révèle au final un film très pratique pour le spectateur car il peut lui coller tout et n'importe quoi en terme d'interprétations. Par exemple, en regardant le film, j'ai eu l'impression qu'il y avait une volonté derrière d'élaborer une sorte de conte contemporain ou bien d'extrapoler certaines thématiques des contes classiques à un cadre contemporain. Au fur et à mesure, l'enchainement « Jeune fille ingénue → découverte de la sexualité → sang → mort (?) » qui ne dit peut-être pas son nom m'a fait penser à cela. Mais comme évoqué au début, rien n'est moins, on peut aisément arriver à avoir la lecture que l'on souhaite du film. Et ça, c'est un nouveau bon point pour le film pour ma part, ça souligne que l'on peut toujours proposer un mythe à décrypter quel que soit sa forme au spectateur pour qu'il s'y retrouve selon son envie.
Pour conclure, je ne peux que me répéter par rapport au départ :
Black Sawn envoie pour ma part du bois comme ce n'est pas permis et se pose comme un incontournable. On en ressort émerveillé et lavé de cette découverte, on loue la performance de Nathalie Portman et on se convainc une nouvelle fois que Darren Aronofsky a encore une belle étoile au dessus de lui. Du grand spectacle à tous les étages.