
L’histoire commence il y a trois décennies de cela, lorsqu’un certain Steven Spielberg réalise un film au titre de
Indiana Jones: Raiders of the Lost Ark. A la suite de sa sortie internationale et de son triomphe, le réalisateur aurait appris l’existence d’une bande-dessinée franco-belge par des critiques européens qui auraient fait des rapprochements dans la composition, la narration et le rythme. Une variante à cette histoire est que ce serait Kathleen Kennedy qui lui en aurait touché quelques mots. Toujours est-il que Steven Spielberg se retrouve rapidement avec un tome des
Aventures de Tintin par Georges Remi. Le présent tome est en français, mais le découpage est tel que Spielberg comprend immédiatement les tenants et aboutissants de l’intrigue : il tombe amoureux de ces Aventures et décide donc de les porter sur grand écran.
Il contacte Hergé qui est rapidement enthousiaste à l’idée de voir un si grand nom du Cinéma prêt à réaliser un film sur son Univers. Les deux hommes doivent se rencontrer. Malheureusement, la mort frappe Hergé à quelques jours de l’entretien. Spielberg et les ayants droits d’Hergé font coûte que coûte une rencontre où l’intérêt de chacun des parties s’attelle à faire fonctionner le projet : les droits d’adaptation vont être plus ou moins négociés pendant deux décennies sans franchement aboutir.
Il faut attendre le milieu des années 2000 pour que Peter Jackson, réalisateur ultra-connu pour sa trilogie d’héroïc-fantaisie, se lie d’amitié et par profession avec Steven Spielberg. Chance, il est fan de
Tintin depuis sa tendre jeunesse, et aidera son partenaire dans son adaptation. Les deux larrons préfèrent néanmoins attendre quelques années pour voir l’avènement d’une technologie qui permettra de faire prendre sens à leur projet : la
performance capture (« perf-cap ») qui a franchi l’
uncanny valley grâce aux prouesses de James Cameron.
The Adventures of Tintin: Secret of the Unicorn peut enfin être mis en chantier.
Tintin, le célèbre reporter belge, trouve dans une brocante une magnifique maquette d’un bateau : la Licorne. Alors qu’il ne pensait acquérir qu’un objet de collection, le voilà rapidement embarqué dans une aventure au-delà de l’imagination…On ne va pas s'en cacher : aller voir le film, même pour la première fois, a été comme de prêcher un converti. Je savais que j'allais adorer cette première expérience de Spielberg s'initiant à la perf-cap. Que je n'ai pas été déçu, cela va de soi.
Tintin était annoncé comme un divertissement pur et dur, garanti sans propos philosophique à la mord-moi-le-nœud et donc sans complexe : c'est le produit final et on ne peut que s'en réjouir.
Le cocktail
Tintin est simple mais généreusement gourmand : une heure cinquante qui défile avec un rythme réglé comme du papier à musique, une réalisation libérée pour Spielby et aérienne pour le spectateur (un plan séquence mémorable dans une ville du Maroc où mouvements de caméra limpides, cadrage à profondeur de champ énorme, jeux sur l'espace étourdissants se conjuguent harmonieusement), une patte artistique qui ne fera certainement pas l'unanimité mais qui respecte Hergé tout en lui donnant une âme (bémol à mon sens pour le visage de la Castafiore par contre), une captation des mouvements des acteurs (corporels, faciaux, et ces yeux !) saisissante, une BO subtile et enjouée de John Williams qui parvient même à faire oublier
le thème du dessin-animé, une 3D pas vilaine pour un sou et qui s'intègre joliment dans la mise en scène, quelques séquences ébouriffantes qui donnent un sens total au mot « spectacle », un combat à l'épée final titanesque, de l'humour, de l'action, des cabots, paf !
On ne s'ennuie pas une seule seconde, on n'a pas l'impression d'être pris pour un benêt (tout en étant très clair, le script ne se fout pas de notre gueule en pointant cent mille ans les points importants de l'intrigue et il y a quelques points d'humour vraiment fins), on voit des idées de Cinéma que peu de réalisateurs oseraient faire, bref, c'est génial et même plus.
J'en ressors conquis, sûr d'avoir vu ce qui deviendra un classique du film d'aventure familiale, de toute beauté (le travail sur la matière est sublime, le visage de Tintin confine au parfait dans ses expressions).
Bref, mon film de l'année, sans hésiter.
Vivement les suites !!
