Après trois années d'attente, le sixième opus de la saga
Resident Evil est de sortie en cette fin d'année 2012 afin d'inviter les joueurs à se replonger dans les méandres du bioterrorisme mondial et son lot de « zombies ». La tâche annoncée pour cet opus était très relevée : remobiliser l'ensemble de la FanBase après un cinquième opus qui n'avait pas fait l'unanimité, voire synthétiser les attentes des uns qui veulent retrouver un
Survival Horror digne des premières heures et des autres qui veulent une aventure pleine d'action digne de
Resident Evil 4. Autant annoncer la couleur tout de suite si vous ne l'aviez pas déjà entendu ou lu : aucune des deux dernières aspirations n'est réellement satisfaite par ce sixième opus. Toutefois, est-ce que
Resident Evil 6 est la déception monumentale annoncée un peu partout et donc, un jeu à éviter ?
Sommaire
► Une rencontre des plus ambiguës : la découverte du jeu aux côtés de Helena Harper et Léon S. Kennedy
► Resident Evil 6, un Third Person Shooter comme un autre ? Un approfondissement de la question autour de l'aventure de Chris Redfield et Piers Nivans
► À l'ouest, du nouveau ! Un espoir qui porte les noms de Sherry Birkin et Jake Muller.
► L'espionne qui aimait le gamer : vous êtes sûrs, « tout est à jeter » ?
► Conclusion : une mutation permanenteResident Evil 6 est un jeu d'action à la troisième personne qui est fondé principalement sur un principe de binôme : tout le temps ou presque, vous ne serez pas seuls pour affronter les hordes d'armes biologiques qui veulent votre peau. Par commodité, je vais aborder les différents aspects du jeu à travers les différents binômes qui sont proposés au joueur.
Le premier duo proposé est celui de Helena Harper et Léon S. Kennedy, deux agents secrets du gouvernement américain qui auront la lourde tâche de faire du
damage control pour leur employeur. Personnellement, si j'attendais beaucoup
Resident Evil 6, c'était pour pouvoir remettre la main sur Léon, de nombreuses années après son voyage magique en Espagne narré dans
Resident Evil 4. Ce retour de l'enfant prodigue s'est vite transformé en douche froide : Léon a perdu au fil des ans son peps, sa répartie et sa classe. L'âge fait peut-être des ravages, mais quand même... Le début de la campagne de Léon se révèle être une déception, tant sur le plan graphique (c'est très – trop – sombre et ça semble moins beau que
Resident Evil 5, un comble) que sur celui du scénario (on comprend vraiment pas grand chose, on ne nous aide pas trop pour comprendre ce qui peut se tramer et on a l'impression de se retrouver devant une copie-carbone pas bonne de
Resident Evil 2). De plus, même si quelques ajustements ont été faits ça et là au niveau du gameplay, la déception est aussi de mise car la maniabilité semble assez rigide. De même, le nouveau système d'amélioration des armes et de l'équipement est terriblement long à la détente et peu gratifiant : certaines armes semblent manquer de patate et on enchaine les game-over car notre santé se résume à une peau de chagrin face aux assauts ennemis. Enfin, cerise sur le gâteau, les séquences de QTE sont parfois incompréhensibles (l'escalade, je te retiens...) : les conditions sont réunies pour douter du soft et c'est ce qui s'est passé avec moi. De ces premières heures éreintantes, je retiens quand même au crédit du titre le système de coopération totale et une IA assez bonne pour nous seconder et ne pas perdre trop de temps.
C'est alors qu'un retournement de situation se produisit : l'arrivée des J'avo évolués et du miracle chinois. Pour résumer, ces J'avo sont les infectés du nouveau virus de cet opus, le Virus-C, et vos adversaires les plus coriaces : évolutifs au possible, ils mutent dès que vous leur infliger des dommages et peuvent pour les plus coriaces d'entre eux devenir des boss ou des sous-boss. Le concept est sympa et trouve une excellente expression dans le design des boss. Le « miracle chinois » est quant à lui le gros de l'aventure qui se déroule dans une métropole chinoise en proie au Virus-C : tout à coup, le jeu gagne en originalité et en beauté graphique, quitte à rejoindre les canons actuels ! Grâce à l'intrigue en Chine, l'aventure de Léon gagne en intensité et en séquences réellement marquantes (cf. l'avion de ligne et le Central Business District infecté), quitte à enfin devenir agréable à suivre. Mais bon, il aurait été appréciable d'avoir une ambiance d'un tel acabit dès le départ...
En ce qui concerne les personnages, Léon ne se résume pas qu'à la déception évoquée plus tôt : dès qu'un personnage à trois lettres apparaît dans ses pattes, il gagne un intérêt fou. Quant à Helena, nouveau personnage, elle m'est apparue assez générique comme coéquipière mais elle n'atteint pas le manque flagrant d'intérêt que pouvait procurer Sheva Alomar dans le précédent opus.
Le deuxième duo proposé est celui de Chris Redfield et Piers Nivans, deux membres d'élite du BSAA qui sont là pour faire le ménage dès que des armes biologiques se baladent dans les rues de nos villes de par le monde. Résolument tournée vers l'action, leur aventure est celle qui s'éloigne le plus de ce l'on pourrait attendre d'un
Resident Evil : épaulés la moitié du temps par des bataillons entiers de soldats, Chris et Piers nous plongent davantage dans un univers digne de
Gears of War (un bon système de couverture en moins, celui du titre étant ici désastreux) ou de
Call of Duty. Même si la campagne de Chris profite à fond du « miracle chinois » (clairement, la vitrine technologique du titre), j'ai regretté le manque de finesse de l'ensemble. Même si je me suis amusé à aligner du « zombie » ou du J'avo grâce aux deux compères, je suis ravi tout de même que tout le titre ne soit pas tourné vers l'action comme cela. D'autant plus que l'univers et l'ambiance militaire mis en avant sont niais au possible, vivement que Capcom change son fusil d'épaule quand il s'agit d'utiliser sa récente création qu'est le BSAA... À noter aussi pour cette aventure des séquences motorisées des plus mauvaises, on a peine à croire que ça peut encore se faire de cette manière pour un blockbuster vidéoludique de notre époque.

Dans cet océan de virilité dérangeante se trouve des contre-pieds scénaristiques intéressants, comme le contre-emploi d'une espionne internationalement reconnue dans cette aventure et un dénouement inattendu. Contre toute attente aussi, le fait que le sidekick vole la vedette à la star : le petit nouveau Piers, grâce à son côté générique assumé mais sympathique, parvient à s'imposer au fil de cette histoire grâce à son dynamisme. Au contraire, Chris reste le Chris que l'on connait ces dernières années : j'ai toujours du mal à apprécier Chris au delà de son côté mythique et de mes souvenirs de
Resident Evil premier du nom, ça suffit la seule montagne de muscles pour principal argument de vente...
Le troisième et dernier duo proposé est celui de Sherry Birkin et Jake Muller, fille et fils de qui viennent donner un élan très appréciable à l'ensemble du titre, voire donnent des raisons d'espérer pour la saga pour les prochains temps. Sherry, qui a bien grandi à l'ombre de la détention et des expériences du gouvernement américain depuis
Resident Evil 2, forme avec Jake, petit nouveau, le meilleur duo du jeu pour moi. Remake de
Resident Evil 3 à travers le monde en grossissant le trait, Sherry et Jake doivent échapper à un énorme J'avo supposé immortel et surpuissant pour que le gouvernement américain puisse étudier les anti-corps du sang de Jake, capables de détenir la clé du vaccin au Virus-C. Chassés de tous les côtés par des armes biologiques et des organisations qui veulent leur peau pour étudier leur corps (pour rappel, Sherry possède le Virus-G à cause de ses chercheurs de parents, ce qui lui permet d'avoir des capacités d'auto-régénération avancées), ils doivent jouer des mains et des coudes pour s'en sortir. L'équilibre entre action et « exploration » est bien senti dans leur aventure, même si du chemin est encore à parcourir pour parvenir à l'équilibre, parfait dans mon souvenir, connu dans
Resident Evil 4.

Ce qui permet au duo de très bien fonctionner, c'est que les deux personnages sont complémentaires dans le gameplay, et c'est je l'espère la voie que suivront les concepteurs si ils souhaitent continuer pour la saga la thématique de la coopération. Si Sherry a un gameplay classique, Jake est doué d'une habileté impressionnante et d'une capacité à se mouvoir rapidement dans les environnements. Repensé dans le gameplay et voyant son efficacité être augmentée, le corps-à-corps est mortel dans
Resident Evil 6, surtout quand les munitions se font rares, et Jake excelle dans le domaine. C'est bien simple, mis-à-part les boss, on peut jouer que des poings avec Jake pour se frayer un chemin dans le jeu, ce qui est relativement fun et amusant (les QTE en série ne sont pas rares pour bien achever rapidement un adversaire). En proposant deux gameplay qui se révèlent vite bien différenciés, cette aventure gagne en efficacité sur les autres à ce niveau (même si, là encore, les séquences motorisées sont à mourir d'effroi si on veut taper du highscore et éviter les morts inutiles).
Et puis, je dois bien l'avouer, si j'ai été convaincu par ce duo, c'est parce qu'il propose des « nouvelles » têtes bien plus creusées que les autres. Si Sherry n'est pas nouvelle, son caractère avenant et candide marche bien dans cet univers et augure de bonnes passes d'armes dans le futur avec des têtes brûlées. Quant à Jake, il est clairement le nouveau personnage que j'ai apprécié de cet opus et il me tarde de le revoir dans un prochain. Gentille crapule tête brûlée justement, Jake est l'archétype du cynique détaché de tout, si ce n'est de l'argent, dont la carapace se fêle quand il s'agit de sauver ceux qui trouvent grâce à ses yeux. Personnage classique mais éminemment sympathique pour moi, il s'inscrit très bien dans la filiation qui lui a été donné (il est le fils de #spoiler
Albert Wesker).
La quatrième et dernière facette du jeu sera abordée sous le sceau du secret : la meilleure partie du jeu ne saurait souffrir une révélation prématurée (surtout que j'ai essayé le plus possible dans cette critique de ne pas trop éventer le sel du scénario de cet opus !).
Ada, éternelle Ada qui vient sauver ce jeu sans retenue et pour le plus grand plaisir du joueur. Si la campagne de Léon a finalement trouvé un peu de grâce, c'est grâce à son apparition. Si je voulais terminer le jeu coûte que coûte lorsque je jouais à la campagne de Chris, c'était pour comprendre le délire (pas trop compliqué à percevoir) autour de la « méchante » Ada. Si il y a bien un personnage qui n'a pas perdu de sa superbe, c'est bien elle ; le même esprit sinueux est toujours à l'œuvre pour laisser un sentiment mitigé au joueur (amie ou ennemie ?).

Ada bénéficie de la meilleure campagne pour ma part, là où l'équilibre est vraiment trouvé entre l'action et l'exploration solitaire (même si les séquences en hélicoptère viennent gâcher un peu le tableau tant elles sont longues). Dotée d'un challenge relevé et d'un stress de la solitude comme on a pu le connaître auparavant, l'aventure de l'espionne se savoure sans retenue ; comme si elle était la preuve que l'esprit de la série n'était pas perdue dans les délires militaires vu chez Chris mais que les développeurs voulaient disposer d'une gamme éclectique de situations pour plaire à tout le monde (quitte à faire, autant qu'il reprenne uniquement la formule de
Resident Evil 4 en solitaire pour la majeure partie des histoires). Cette campagne est surtout marquée pour ma part par la séquence la plus forte du jeu, celle qui se rapproche le plus de la promesse d'un cauchemar ambulant que pourrait faire naitre un
Resident Evil : la séquence du porte-avions phagocyté par Carla où Ada doit s'échapper des entrailles du monstre.
Si vous voulez jouer à
Resident Evil 6 pour retrouver quelque peu des sentiments d'antan, c'est clairement Ada qui peut vous contenter à ce niveau là.
En conclusion, à défaut d'être un grand jeu (trop de lacunes ça et là pour se faire), je suis convaincu que Resident Evil 6 est d'un niveau acceptable et qu'il procure son lot de séquences marquantes pour n'importe quel fan de la saga afin de tenir ces prochaines années en attendant le prochain épisode. Même si la série ne se remet pas trop du départ de Shinji Mikami - son créateur - depuis le quatrième épisode (le cinquième épisode le laissait croire, le sixième le confirme), je trouve qu'il y a encore des idées pour passer du bon temps en compagnie de cette galerie de personnages. La mutation de la saga suit toujours son cours pour retrouver une forme d'excellence qu'a connu à un moment donné la série. À noter que le jeu vous demandera 20-30 heures pour terminer uniquement son aventure solo, ce qui est très appréciable (même si certains trouveront peut-être les situations répétitives d'une campagne à une autre).