Je m'y suis mis
après avoir lu le post enthousiaste de cielo. Et pour le moment je suis très partagé, très mitigé. Seulement les 2 premiers épisodes de vus, mais il y autant de trucs qui me séduisent que d'autre qui m'agacent et me déçoivent même. Et surtout, j'ai la terrible impression de retrouver un Heroes/Lost arty, à la sauce Cloud Atlas donc, mais au final peu efficace. Petit listing en vrac pour mesurer plus tard de quel côté la balance aura penché pour moi.
Du côté de ce qui me plait:- le montage d'abord, que je trouve vraiment bon, notamment par son utilisation du son. Les passages d'un lieu à l'autre sont très fluides, et même motivés, et c'était ça le truc difficile - et qui fait sens - du projet. Ça fonctionne bien pour le moment et la comparaison avec une autre série chorale et jouant des distances géographiques comme Game of Thrones est intéressante je trouve (cette dernière se montrant en comparaison assez paresseuse, même si pas indigne, à ce niveau). Bref une belle narration.
- le propos d'ensemble, sur les connexions sensorielles et donc intimes entre les hommes. C'est chouette et c'est un usage de la SF que je trouve intéressant. D'autant que ça permet plein de trouvailles et de jeux dans la mise en scène. On retrouve une mystique ou un discours, sur l'humanité, classique des Wachowskis, on est bien dans une oeuvre et ça se sent. C'est joli, souvent poétique, et ça fait rêver. Bien.
- Conséquence de cela: la recherche qui est faite, au-delà de ce qui relève de l'esthétique, de quelque chose de l'ordre de l'esthésie.
- Le côté clairement militant dans le choix des personnages et de certaines situations.
- Le fait que les personnages soit rapidement attachants et leurs situations assez touchantes.
- Le jeu avec les codes de genre de films et séries télés. On est dans du méta constamment, chaque personnage est ultra typé pour jouer de codes dont il doit être l'expression (non seulement en termes de genres, mais aussi en termes de culture audiovisuelle: le côté soap/telenovella de Lito est jusque-là assez savoureux même si on ne sait jamais bien si on est dans le cliché ou la parodie... en tout cas on sent quelque chose de l'ordre de l'hommage à diverses traditions, références, genres, etc.)
- la référence à Twin Peaks dans le générique
Ce qui ne m'a pas plu- D'abord le côté too much qui gâche la plupart des bénéfices des développements proposés. La scène bollywood dans l'épisode 2 est exemplaire de cela pour moi: excellent tant que c'est le soupirant qui danse, un peu ridicule quand on découvre que les filles peuvent enchainer sur la chorégraphie. On perd toute vraisemblance, au profit d'un pur moment de magie, je veux bien, mais du coup on (le spectateur) sort de la situation parce qu'on a du mal à y croire. Peut-être que ça dit métaphoriquement le moment d'osmose, de partage, des personnages, mais de l'autre côté de l'écran, je trouve qu'on est mis à distance.
- De même, le discours militant porté par Nomi apparaît au départ bien amené et sympa, malgré les clichés qu'il déploie (San Franciso, Gay Pride, etc.), mais qui se justifient. Mais il devient trop rapidement explicite et lourd lorsqu'on a le passage du blog: ce n'était pas la peine et ça me semble loin de ce que faisait les Wachowski avant, et de ce que se propose de faire Sense8: faire ressentir plutôt que dire et asséner. Ça me semble un contresens complet du projet.
- Le fait que tout le monde parle anglais. C'est bête, ça aura peut-être une signification plus tard, mais pour le moment je trouve que c'est un choix qui se défend peu et même maladroit. Heroes et Lost n'avait pas fait l'impasse là-dessus, au contraire: comment se fait-il que Sense8 le fasse? Ça m'a gêné.
- Le côté hyper homogène, lisse, du casting. Pour être un sensate, il faut donc être un canon, sinon, c'est foutu. Et pour en approcher un, interagir avec lui, pareil. C'est difficile je trouve pour une série qui veut témoigner de la diversité de l'humanité. Là encore, la comparaison avec Heroes et Lost, qui étaient beaucoup moins ambitieuses et intellos, ne va pas pour moi à l'avantage de Sense8. Et d'ailleurs ce choix par critères esthétiques n'est pas légitimé par la qualité des comédiens, assez fades jusque-là je trouve.
- Dans le prolongement, le jeu autour des clichés est parfois limite, comme je le disais plus haut. Par moment je n'arrive pas à savoir si on est dans la douce parodie intelligente et réfléchie ou au contraire dans le premier degré à fond dans les stéréotypes. Ca vaut un peu pour toutes les intrigues: Riley et la drogue, Kala et Bollywood, Lito et la question du sexe, Nomi et la communauté LGBT, Capheus et JCVD...
- Les scènes de sexe. Je me doute que cela aura un sens plus tard. On est dans une histoire sur les sens justement, les sensations, et la jouissance physique en fait partie. Je m'attends même à une scène orgiaque à laquelle divers sensates participeront directement ou indirectement. Mais bon, pour le moment, c'est super lourd et pas très utile/pertinent. Après, comme tous les comédiens sont superbes, why not, mais il me semble qu'on est loin de la subtilités des Wachos et plus dans le côté racoleur qui a si bien réussi à GoT. Ça fait bizarre.
- Enfin le rythme, quand même très très lent. C'est douloureux, malgré les dimensions visuelle et sonore de qualité et malgré un montage qui fonctionne. Le contemplatif, c'est bien, mais sur 12 heures, ça risque de faire long.
J'avais pensé à d'autres choses encore, mais j'ai oublié en cours de route. Je reste plutôt optimiste, car il y a pas mal de choses que me plaisent dans Sense8. Mais pour le moment je trouve ça quand même un peu bancal et décevant. J'espère être emporté par la suite!