Contrairement à l'analyse que tu en fais Mengo, je ne crois pas que le combat de Sanji contre Kalifa n'ait développé que le côté rigolo du personnage. Son don-juanisme a été tout à fait sérieux pendant une partie du combat. Le comique n'a été introduit que sous forme d'incidence, de manière à relacher la pression. Le personnage fonctionne selon une charte contraignante, ici ne pas frapper une femme séduisante, et c'est dans cette voie là que le personnage peut s'exprimer et évoluer (au sens de se mouvoir). De ce point de vue, je le répète, Sanji a gnagné son combat, sérieusement, avant même de nous faire rire. Après, l'on remarque que sa défaite effective (et non en "droit") se fait de deux manières, représentant chacune un versant du personnage: le mode sérieux avec le shigan, et le mode comique avec le fameux coup de pied dans l'entre-jambes, ainsi que la chute finale et son altération physique. Un combat est bien l'occasion pour un personnage d'être mis en scène, de creuser sa personnalité, son caractère, ou de l'altérer puisque tu es plus dans cette logique là. A mon sens le combat Sanji-Kalifa a eu lieu, et a été fructueux. Sanji ne s'était jamais battu contre une fille; il ne le souhaitait pas et son goût pour les femmes apparaissait comme une entrave: ce trait de caractère a été enfin mis en scène/en image.
Maintenant quelques autres points aussi en discussion:
Le Sérieux:
Je partage tout à fait l'analyse d'Ange Bleu. Les personnages ont tous deux versants dans leur personnalité. Les "progrès" se font sur le versant sérieux, aussi bien du côté des techniques et situations de combat, que du côté relations aux autres (je pense au statut de capitaine pour Luffy). Le versant comique est là pour alimenter des situations particulières, pour dynamiser autrement l'action. Ainsi, même si Pipo est devenu SogeKing et doit prouver d'une autre manière son courage, il n'en reste pas moins un couard et un menteur. Même si Chopper se voit confier de nouvelles responsabilités au sein de l'équipage il n'en reste pas moins naïf. Même si Luffy doit devenir capitaine, il n'en reste pas moins idiot et baffreur. De même il paraît difficile que Zoro abandonne la sieste, et que Nami se lance dans le caritatif (pour Robin, le versant comique est à creuser...). Sanji ne peut donc apparemment frapper une femme séduisante sans se trahir, ou du moins sans trahir son versant comique au profit du sérieux. Car il est vrai que dans son cas son trait de caractère se trouve dans cette situation en conflit avec le versant sérieux: comment progresser en situation de combat? Je pense que c'est ce que tu veut dire Mengo. Pour moi Oda a choisi de ne pas emprunter cette voie pour faire évoluer son personnage. Du moins pour l'heure. Car Il me semble qu'il fallait d'abord mettre Sanji en situation de respecter ses principes avant de le mettre en obligation de les enfreindre. Or ce n'avait pas encore été fait. Mais même ainsi, il faudrait qu'il soit directement placé dans une situation hautement dramatique pour s'autoriser cette transgression. Et je ne suis pas sûr que ce soit bien l'esprit de OnePiece (et il ne s'agit pas là de compétence ou de courage de la part de l'auteur, mais bien de cohérence dans l'objet construit). A la rigueur on peut toujours imaginer Nami ou Robin directement menacées par une femme ce qui contraindrait Sanji à frapper l'une pour sauver l'autre. Seul ce type de compensation me semble pouvoir justifier la transgression du personnage qui tirerait Sanji vers un caractère "démoniaque" à la Zoro. Ces deux personnages n'ont pas le même aspect sérieux à développer, et tes demandes me paraissent vouloir faire glisser Sanji du côté de Zoro. Peut-être Oda est-il d'ailleurs là en train de continuer à creuser le personnage de Sanji central dans les intrigues de l'ombre et invisible ou incapable dans les intrigues collectives...
l'aspect déceptif
Une des grandes qualités de Oda me semble être son côté déroutant et son originalité. Celle-ci est néanmoins conditionnée par le genre dans lequel il s'exprime qui fonctionne selon des règles assez précises. On l'a vu, la présentation des combats a à première vue déçu ceux qui tablaient sur des oppositions de niveaux entre Mugiwara et CP9. Et voilà que Oda déçoit maintenant ceux qui rêvaient déjà sur les combats qu'il venait d'esquisser. La déception est un sentiment naturel, mais elle n'indique en rien que l'auteur a fauté. Bien au contraire dans le cas d'Oda. Il me semble qu'il maîtrise et orchestre au contraire parfaitement cela, et que c'est cela qui fait la force de son manga, de sa narration. Il y a nettement un caractère déceptif dans le récit des aventures des pirates dans la mesure où Oda s'échine à systématiquement détromper nos attentes. C'est presque une sorte d'acharnement à déplaire pour mieux surprendre et plaire par la suite. C'est un luxe que se permet Oda, et qui repose sur son inventivité et sa créativité. Car derrière chaque déception qu'il engendre il va immédiatement chercher l'adhésion de son lecteur sur un nouveau point. Je trouve cela pour ma part franchement admirable. Sur cette façon de faire, outre le cas Sanji (personnage qui à mon avis condense ce caractère de OnePiece dans la mesure où il apparaît contre son gré comme une "doublure" de Zoro), on peut penser à l'intrigue charpentier, à la présentation de la Galley-la doublée de l'introduction de Franky.
Les clichés
Sur les clichés des combats féminins, c'est vrai qu'on est en droit de se poser des questions. Les adversaires filles sont soit belles et dans ce cas non combattues par des hommes, soit laides et dans ce cas frappées. Pour les premières il y a différents cas de figures: Vivi et Robin changent de camp, Miss Doublefinger (et Kalifa?) combattue(s) par Nami, Alvida belle fuie. Pour les secondes pas de souci: Alvida monstrueuse, Miss Monday très virile, Miss Merry Christmas vieille et taupe. Deux cas particulier toutefois: Miss Valentine, mais son duo prévalait peut-être sur sa féminité, et Hina combattue par Mr. 2, sexuellement ambigu. Cela laisse-t-il penser que les prochaines femmes adversaires seront pour Nami ou Robin (plutôt la première d'ailleurs car elle paraît plus marquée par une identité féminine revendiquée comme telle)? Je ne pense pas, ou du moins pas si simplement. Il s'agit bien d'un cliché que tu as effectivement identifié comme tel Mengo. Mais pour moi ce cliché n'est pas subi par Oda, mais se trouve retravaillé. Je suis pour ma part beaucoup plus intéressé par les auteurs (manga ou autres) qui travaillent à partir des clichés, qui s'en font une contrainte productive, plutôt que par ceux qui les dénoncent. Le but est le même: les casser. Mais les premiers les cassent de l'intérieur quand les seconds le font de l'extérieur. Ici le cliché est subverti par ce que j'ai dit dans mon premier message dans ce sujet: le renversement des rôles dans le schéma princesse éplorée/chevalier servant. C'est Sanji qui se retrouve en position d'être secouru, et Nami qui est "virilisée" par la fonction de chevalier. Du coup l'on perçoit bien que ce combat fille/fille n'est pas neutre. Il est coloré autrement, prend une nouvelle dimension. Dans un cadre peut-être rigide du shonen Oda prend des libertés. Je pense qu'il en prendra danvantage par la suite, indépendamment du message dont parle Mat D Sonic qui est un argument valable. Mais Miss Valentine, Hina, ou même le seul combat de Robin me font penser qu'on aura pas toujours affaire à ce schéma. Les combats file/fille ne me paraissent pas être un impératif, mais un cliché, ou une constante des shonens que Oda s'amuse à revisiter.
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