Quelques réflexions sur le chapitre, maintenant un peu digéré.
D’abord, je partage, relativement, le sentiment de dysphorie signalé par SSof D Belge. Mais c’est je trouve assez normal : Lucci s’écroule enfin, et cela faisait je ne sais combien de semaines, mois, années qu’on attendait la fin du CP9. Là ça semble acquis, comment à la fois ne pas en jouir et ne pas le regretter ? Un arc est en train de s’achever, pour ma part c’est le premier depuis que je suis la publication du jump, et ça fait « drôle ». Après, sur les détails, la manière, fallait bien que Luffy l’emporte, et Lucci ayant paru tellement monstrueux physiquement, on ne pouvait qu’être surpris que cela arrive peut-être… (d’ailleurs on pourrait voir dans les hypothèses de la semaine dernière concernant une capture du héros une forme de refus de cet inéluctable, un manière de vouloir garder à tout prix Lucci comme monstre invincible). La question que je me pose néanmoins concerne précisément le devenir du Lucci. Les autres boss d’arc, cela s’est présenté assez clairement : Prison pour Croco, Lune pour Ener. Là, Lucci a peu de chances d’être emprisonné : il est de la maison, et ne l’a jamais trahi finalement. Je ne pense pas qu’il passe comme ça, bettement à la trappe. Donc ko oui, c’est la logique de l’action, mais il lui faut un épilogue, quelque chose qui fasse qu’il n’aie plus à revenir.
Du coup, maintenant, la préoccupation, c’est le départ, c’est le buster call à dépasser. Je ne vais pas rappeler toutes les hypothèses, mais il y a pour moi deux éléments principaux en suspens : la disparition de Sanji, et le kabuto de Pipo. Le premier élément entre dans le schéma de fuite aisément : la solution de dernière minute est une des attributions du cuistot. Pour le second élément, c’est plutôt que l’on a pas vu vraiment Pipo physiquement en action. Il ne s’est illustré que sur le plan symbolique, plusieurs fois certes (Puffing Tom, drapeau, Pont et final de Luffy), mais pas vraiment dans sur un plan guerrier. Ce n’est pas làde ma part un desideratum, mais plutôt un constat. Peut-être le rôle de Pipo est-il simplement là en train de se définir sur ce registre symbolique. Mais tout de même, on semble tous attendre quelque chose d’un peu grandiose de sa part, un truc qui en mette plein la vue, surtout de la part de l’expert pyrotechnique de l’équipage, de la part de celui qui invente récits magnifiés et objets déjantés.
Toujours dans cette idée de départ, et si le buster call fait vraiment son boulot (et après tout, maintenant que Lucci est chaos, pas de raison qu’il n’y aille pas franco ; Robin doit être ramenée, mais elle est aussi une menace, surtout entre de « mauvaises mains pirates », et les ViceAmiraux pourraient décider de tout raser), l’équipage devra bien se soucier de ceux rester en rade : Galley, Franky Family et CP9 (eux aussi après tout). Pour tout ce monde il faut bien que l’action s’achève. Un happy end pas trop crédible pourrait amener les mugiwara sauver les CP9, ceux-ci renonçant alors à les poursuivre. Mais cette hypothèse n’est dictée que par mon acharnement à chercher ce qui peut mettre Lucci hors course pour le futur. Les destinations pour l’équipage sont minces : soit de l’autre côté de la porte, et on se dirigerait vers le gouvernement et Impel Down, dans un schéma de descente aux enfers ; soit le gouffre et ses mystères, sorte de skypeia inversé ; soit autre chose ( ???).
Retour à Pipo à présent, et je prend en route le débat sur la maturité. Pour ma part, j’ai l’impression que le cas du merry est quand même d’abord une épreuve pour Pipo, pas une démonstration de son manque de maturité par rapport au reste de l’équipage (même si au passage, dans cette épreuve, il doit en passez par ce manque de maturité, pour donner une dimension dramatique à l’ensemble). On peut le voir comme un passage initiatique pour ce personnage qui n’en aura finalement pas vraiment eu, un peu comme l’épisode d’Arlong pour Nami. Mais pour moi ni Zoro ni Sanji ne sont à l’abri d’un tel dérapage. Oda pourrait vouloir mettre en scène une forme de déchirement chez l’un de ces personnages (et après tout, Sanji affrontant une femme ramène à quelque chose de similaire, même si les conséquences sont moins problèmatiques). Mais là où SSof D Belge relève effectivement quelque chose d’important est que ce thème de la maturité se trouve exploité à travers le personnage de Pipo (et dans une moindre mesure celui de Robin, paradoxe pour la doyenne de l’équipage, mais dans une variante, celle de la confiance). Donc, comme je donne l’impression de ménager la chèvre et le choux, à partir du constat d’éléments similaires, je les interprèterais plus simplement comme une façon de recentrer une partie de l’intrigue sur Pipo, par le biais d’épreuves à lui faire surmonter. Mais je ne le mettrais pas pour cela en rapport avec d’autres personnages. C’est son identité propre qui me paraît primer, et pas tant celle relative au reste de l’équipage (même si au final c’est bien sa place au sein de celui-ci qui se trouve interrogée).
De plus, pour justifier le caractère exceptionnel de l’épisode Merry pour Pipo, je rappellerai que Pipo est un personnage qui ne s’est pas encore véritablement trouvé de rêve. De tous ceux recruté, il est le seul pour qui cette question ne soit pas une évidence. Il n’y a pas d’objet précis pour lui au bout de l’aventure. Son rêve, il est peut-être le seul à l’avoir déjà accompli, et ceux dès le début de OnePiece, dès que le Merry a été mis à l’eau et qu’il est monté dessus. Le rêve de Pipo était de prendre la mer d’abord. Contrairement à ce que ses fanfaronnade laissent entendre, Pipo est un personnage modeste, humble presque. La perte du Merry le renvoie bien à cela : son rêve il le vit continuellement, il s’y éprouve à chaque pas de la progression des héros. Contrairement aux autres Pipo n’est pas accroché à un avenir posé au loin et qu’il faut atteindre. Il est le seul dont le rêve est ancré dans son présent. Comment parler alors pour lui de maturité à gagner ? Pour les autres, l’autorité de Luffy est la condition de réussite pour atteindre leur rêve, mais est-ce le cas pour Pipo ? Les autres cherchent quelque chose, et/ou veulent accomplir quelque chose. Pipo lui ne fait que se chercher lui, ne fait que tenter de s’accomplir lui-même. Ce personnage est extrêmement complexe, et représente certainement le plus le lecteur dans le manga. Donc voilà, c’était long et confus, mais parce que c’est vrai que je ne trouve pas simple du tout cette question soulevée à juste titre par SSof D Belge…
Et pour finir, ou relancer, sur le vice-capitanat (parce que j’ai le souvenir d’un début de discussion du même type il y a longtemps). Là encore, pour moi, la question est fausse, ou du moins est une sorte de jeu pervers de la part d’Oda. Si on définit le vice-capitaine comme une fonction, alors celle-ci n’existe pas dans l’équipage. Celui est une somme d’individus, ayant une cause commune, et maintenant aussi une histoire commune, mais le système hiérarchique y est extrêmement sommaire, contrairement à nombre d’équipages rencontrés (type Barbe Blanche, ou Shanks avec la foule des anomymes), ce qui en fait sa spécificité. Chaque membre vaut d’abord par sa fonction, par ce qu’il apporte en propre à l’ensemble de la collectivité (ses compétences). Maintenant on l’a depuis longtemps constaté, le caractère de chacun rajoute des fonctions annexes aux compétences professionnelles. Le plus évident est Sanji : cuistot, combattant (mais ça, en gros, tous l’ont plus ou moins, à différents niveaux), et « homme de l’ombre ». La question du vice-capitaine ne se pose vraiment que pour Zoro donc. Quand on la pose, en fait on interroge le statut de Zoro, le plus pauvre finalement puisque lui est dès le départ un combattant (les autres le sont en plus, et Luffy, l’autre combattant, est le capitaine). Si je dis que c’est une fausse question, c’est aussi parce que, en plus de la structure profonde de l’équipage mis en place par Oda, de sa conception de ce groupe, Oda lui-même s’en moque gentiment. Je ne crois que cela lui importe vraiment, mais comme ça doit souvent lui revenir, il neutralise l’enjeu de manière comique avec Pipo (et oui, encore lui), à travers ses prétentions incessantes aux plus hautes responsabilités. En face, Zoro entretient lui son image de marginal, « d’adulte » sur le bateau. Ses sommes seraient alors une expression de ce retrait, une façon de ne pas vouloir assumer la charge. Mais de fait, historiquement, chronologiquement, Zoro est bien le Second. C’est avec lui que commence l’équipage. Il n’a pu être autre chose qu’un vice-capitaine dès le départ, ce qui, dans cet équipage, ne signifie rien ! En revanche, par son caractère, par sa force, et parce qu’il était là avant les autres (grosse différence avec Sanji, là où leur opposition est peut-être structurellement la plus forte), Zoro est bien le pôle remplaçant Luffy en son absence. Plus qu’un vice-capitaine, il est un remplaçant ! Néanmoins, son statut de fait singulier s’est bien vu je trouve à Enies Lobby, non pas dans la manière dont il s’est comporter vis-à-vis des autres, mais bien dans la place qu’il a occupé dans le déploiement des affrontements. Zoro est le seul de l’équipage à avoir échappé à la chaîne des changements d’adversaires en conservant Kaku face à lui. Cette chaîne part de Pipo pour arriver à Chopper : Pipo laisse Jabura à Sanji qui laisse Kalifa à Nami qui laisse Kumadori à chopper (Luffy avait choisi le boss, Robin était hors circuit, et Franky n’est (n’était ?) pas (encore ?) dans l’équipage). C’est peut-être à travers cela que l’on peut accorder une sorte de statut intuitif, dans le récit, de vice-capitaine à Zoro. Cela davantage que ses phrases ou postures qui relèvent plus pour moi, je l’ai dit, du jeu avec ce motif qui titille tant le lecteur.
_________________

Dernière édition par seleniel le Ven 15 Sep 2006 19:10, édité 1 fois.
|