Alors je vais faire un peu le rabat-joie, et presque de mauvaise grâce... Mais avant d'expliquer ce qui m'a déçu dans Scoop, je contextualise un peu. J'aime bien (beaucoup) Woody Allen, je vais voir ses films à peu près chaque année. Ce que je vais dire s'inscrit donc dans une optique d'adhésion à ce réalisateur qui sait être à la fois extrêmement inventif et paresseux patenté. Et pour en rajouter une couche dans la critique qui se retient, je précie d'emblée que non seulement la présentation de Namienator est très juste et correspond à mon sentiment global, mais qu'en plus sa qualité de rédaction me culpabilise de passer derrière pour faire la fine bouche. Donc si vous n'êtes pas familier de Woody Allen, allez-y malgré ce que je vais dire et initiez-vous: le cru 2006 est très sympathique et à tout pour plaire. Cf Ange Bleu dans le rôle du cobaye.
Alors maintenant, les propos désobligeants.
Premièrement, grosse déception par rapport à Match Point. D'accord Woody Allen n'était pas obligé de faire la même chose, mais la veine ouvert par ce film après le catastrophique Melinda laissait entendre un renouvellement. Avec Scoop on retrouve le Woody Allen classique, celui des films dns lesquels il joue un juif américain mal dans sa peau et mal dans la société. Toujours très sympa et marrant, mais facile aussi. Tous les thèmes habituels y sont, hormis la psychanalyse remplacée par les apparitions d'outre-tombe et l’histoire du faux père, la trouvaille géniale du film qui réussit à le hisser un peu au-dessus de la mêlée, mais sur laquelle Woody Allen fait reposer entièrement tout son film. Donc du Allen habituel, avec une jolie idée décalée qui renouvelle un peu son imaginaire.
Deuxièmement, ça lambine. Ok Woody Allen c'est pas une grosse action, des retournements de situation toutes les deux scènes. Mais là, avec toutes les bonnes idées présentes au début du film (outre-tombe, illusionniste, Scarlett en midinette idiote, le tueur en série, le gentleman parfait, le faux père, etc.), comment cela peut-il être aussi plat et lent? N'auraient été les dialogues délirants qui font que j'ai l'impression de ne pas perdre mon temps même devant un mauvais Woody Allen (ce qui n'est pas le cas de celui-ci, attention), je crois que je me serais ennuyé. Ce qui m'a en fait énervé c'est de voir combien les éléments étaient alléchants, et combien le résultat final ne tient pas les promesses de ses prémisses. On n'a pas à fantasmer sur ce que le film n'est pas, mais je suis sorti de la salle avec la nette impression que Woody Allen ne s'était pas foulé sur ce coup là, qu'il devait lui rester de la pellicule après Match Point, que Scarlett et lui avaient leur billet de retour pour les Etats-Unis pour plus tard et qu'ils avaient donc du temps à tuer à Londres: tiens si on se faisait un film en attendant, bonne idée qu'est-ce qu'on raconte, je sais pas on a qu'à refaire Match Point en plus soft et on change la fin, je mets en plus un fantôme et un magicien pour orner le tout et densifier l'histoire, faut bien que ça dure une heure trente quand même, et je reprends un ton très décalé, très recul par rapport à ce qu'on fait comme ça ça va passer pour de l'humour, c'est un truc que m'a filé un cousin qui fait les pubs neufbox en Frane en ce moment, ça marche toujours. J'exagère bien entendu, mais ça traduit mon sentiment de frustration. A titre d'exemple, Splendini, illusionniste de pacotille je veux bien, est montré je ne sais combien de fois en train de faire ses tours de cartes. Une fois d'accord, mais 4 ou 5 ça fait beaucoup, même si on revendique un comique de répétition... Donc pour moi un Woody Allen toujours aussi imaginatif, mais un Woody grosse feignasse qui ne prend pas la peine de creuser ses idées.
Troisièmement, l'intrigue m'a semblé complètement incohérente par endroits. Là encore, d'accord, Woody Allen c'est toujours louffoque, proche du merveilleux, peu attentif aux petits détails. Et c'est pas ça le plus important. Mais là j'ai carrément l'impression qu'il a changé d'idée en cours de route, et qu'il n'a pas corrigé certains détails qui parasitent complètement l'intrigue. Après on peut arguer que c'est une parodie de film policier, mais quand même certains détails me semblent plus relever de l'oubli que de la subversion d'un modèle. Exemple spoilesque:
L'intrigue part sur la question des boutons de manchettes, chers et rarissimes, dont l'un est retrouvé sur un cadavre, quand la paire de Peter se trouve brisée. Plus tard dans le film, on a droit au double retournement: Peter n'est pas le tueur, mais il a tué quand même, profitant du contexte pour agir et règler une affaire de chantage, maquillant le crime pour le faire entrer dans le schéma du tueur. Mais ce crime intervient après l'affaire des boutons. Je ne comprends donc pas pourquoi la secrétaire a morflé ni pourquoi les boutons se sont retrouvés sur un cadavre auparavant. J'ai dû loupé un truc. Mais soit Peter a été responsable de crimes avant le dernier pour des raisons pas élucidées par le film, soit le crime de la prostituée maitresse chanteuse intervient avant le crime auquel le spectateur assiste, et celui-ci ne port pas sur Betty G... enfin bref je suis bien embrouillé par un détail certes insignifiant mais qui rentre pour moi dans ce côté fait à l'arrache. Là encore je me répète, je sais bien que ce n'est pas cela l'essentiel du film, mais quand même, il y a là quelque chose qui m'a agacé. Du style « de toute façon je maîtrise, je n’ai pas besoin de me soucier de ces petits détails qui ne concernent pas mon art », un peu foutage de gueule...
Mais pour quand même ne pas dresser un portrait tout en noir, et enterrer un film qui ne demande qu'à se relever et à parler d'outre-tombe, je renvoie aux eux messages plus haut: je suis pas ailleurs totalement en accord avec eux (comment c'est possible? juste un don pour le grand écart). Et en particulier l'utilisation de la figure scarlett Johansson vraiment intéressante, à rebrousse poil de qu'on a vu d'elle le plus souvent, de ce que l'on retrouve magnifié par exemple dans le Dahlia Noir actuellement, mais que la parodie ici relève très habilement. On revient à un humour plus lumineux, c'est agréable, et Woody Allen est toujours moteur d'une puissance comique ahurissante. A aller voir donc pour se détendre et sourire, découvrir Woody Allen si on ne le connaît pas, et le redécouvrir si on le connaît déjà (mais y aura pas de grosse surprises).
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Dernière édition par seleniel le Mar 14 Nov 2006 22:48, édité 1 fois.
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